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SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE DE NANTES
1881
BULLETIN
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SOCIETE ARCHEOLOGIQUE
DE NANTES
ET DU DÉPARTEMENT DE LA LOIRE-INFÉRIEURE. -
TOME VINGTIÈME.
Année 1881.
NANTES,
IMPRIMERIE DE VINCENT FOREST & EMILE GRIMAUD,
PLACE DU COMMERCE, L
1881
EXTRAITS
DES
PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES
SÉANCE DU MARDI 18 JANVIER 1881.
Présidence de MM. de Wismes et de la Laurencie.
Présents : MM. Seidler, Aug. Bacqua, de l'Estourbeillon, Maître,
Leroux, de Rochebrune, F. Bougouin, des Jamonières, des Dorides,
Mont fort, Soullard, Évelin, H. deCornulier, Le Romain, E. La Peyrade,
Malherbe, l'abbé Fernand de Wismes, Fabrô, Gouespel, comte de Bel-
lisle, Gôo-Remy, Flornoy, Christian de Wismes et beaucoup d'autres
assistants.
Après la lecture du procès-verbal, on procède aux élections de MM.
Bernard et Perron. Ces messieurs sont admis à faire partie de la So-
ciété, le premier comme membre résidant, le second à titre de mem-
bre correspondant.
Le tome dix-huitième des Mémoires de la Société de statistique,
sciences et lettres des Deux-Sèvres est déposé sur le bureau pour
la bibliothèque de la Société, ainsi que le Catalogue des livres, ma-
nuscrits et autographes composant la bibliothèque de feu M.
Adhémar Sazerac de Forges.
Les deux discours présidentiels qui ont occupé le commencement de
la séance, seront reproduits en tête de nos Bulletins ; nous n'avons
donc pas à les analyser ici. Constatons seulement l'accueil chaleureux
qui leur a été fait par toute l'assistance.
En applaudissant le portrait si fidèlement tracé de M. le baron de
Wismes, l'assemblée a témoigné à la fois sa haute sympathie pour
— VI —
notre président d'honneur et pour celui qui le remplace maintenant
à notre tête.
Ce portrait restera l'un des plus précieux feuillets de nos archives ;
comme dans ces merveilleuses enluminures de nos vieux manuscrits,
les couleurs y sont vives et délicates, chaque touche y est donnée de
main de maître, et dans cette œuvre, d'un fini irréprochable, nous re-
verrons toujours avec plaisir celui qui a su diriger et encourager, pen-
dant trois années, les travaux de notre Société.
A la suite de ces discours, M. le vicomte de la Laurencie passe
en revue les différents travaux dont notre Société va s'occuper. —
Voici le texte de son allocution :
« Messieurs,
« Je faillirais à mon devoir si, avant de passer aux communications
que vous promet l'ordre du jour, je ne vous indiquais sommairement
l'état de notre situation administrative et matérielle.
« Chez nous, vous le savez, un changement de ministère n'altère
point le programme, je veux dire, le pacte fondamental.
Eprouvé par le temps, votre sage règlement sera maintenu, au moins
selon son esprit.
« L'impression de notre Bulletin a subi un retard fâcheux ; elle est
encore entravée par de sérieuses difficultés de composition 5 mais le
travail en est poussé activement, et nous devons espérer que l'année
1880 suivra de près l'année 1879, appelée à paraître incessamment ;
je m'en suis assuré.
« M. votre bibliothécaire, par mesure d'ordre, aura à reconstituer nos
rayons. Je vous prie de vouloir bien lui faciliter sa tâche, en nous res-
tituant les volumes qui sont encore entre vos mains. — L'in-
ventaire terminé, tous seront à votre disposition comme par le passé.
« Nos finances économiquement gérées nous permettent de satisfaire
à des charges assez lourdes relativement.
« La bienveillante intervention du Conseil municipal nous vaut, à
dater de la présente année, une précieuse augmentation de 200 francs
sur le chiffre habituel de notre subvention.
» Cette mesure généreuse a trouvé d'éloquents promoteurs dans
MM. A. Van-Iseghem et Dugast-Matifeux, mes collègues à double titre,
et un gracieux accueilprès de l'honorable M. Lechat, Maire de Nantes.
» Seules, les bourses légères savent apprécier la valeur d'un secours
— VII —
opportun ; seules aussi, elles savent témoigner mieux qu'une platoni-
que reconnaissance.
« Vous ratifierez, Messieurs, cette affirmation expérimentale ; vous
m'aiderez à justifier l'attente d'une administration profondément sou-
cieuse de tout développement intellectuel dans notre belle cité. »
L'ordre du jour appelle ensuite la description du cabinet de Samuel
d'Avaugour, sire de Saffré en 1625. Au début de ce travail, M. de
l'Estourbeillon donne l'historique de la maison de Saffré ; puis il passe
à linventaire des différents objets ayant appartenu à Samuel d'Avau-
gour. Cette curieuse description, bien faite pour stimuler au plus
haut point la convoitise d'un antiquaire, nous permet de pénétrer
d'une façon presque intime dans la vie privée de ce seigneur du temps
de Louis XIII. Sans doute, les armes prennent une large place dans ce
cabinet de travail : armes de tir, armes blanches, tout un arsenal
défile devant nous ; mais dans cette collection, le côté intellectuel n'est
pas non plus négligé ; la bibliothèque, composée de 350 volumes d'his-
toire, de littérature et de religion, nous montre, dans ce châtelain, un
homme instruit, justement préoccupé des question politiques et reli-
gieuses de son temps. Toutes les pièces de ce cabinet sont décrites
avec soin, les armes surtout, et cette riche nomenclature de termes
spéciaux, consacrés à l'époque, a pour nous une saveur toute parti-
culière, et pourra fournir d'utiles renseignements à nos modernes col-
lectionneurs.
Après cette communication, M. Leroux nous donne lecture de ses
notes sur Balbek. Dans un récent voyage en Syrie, M. Leroux a visité
les temples du Soleil et de Jupiter, et les murailles cyclopéennes de
Balbek. Les notes qu'il nous communique sont encore parfumées de la
poésie de ces ruines grandioses, et des mystérieuses solitudes qui les
entourent. Ce n'est pas tout à fait une étude archéologique, notre col-
lègue en convient lui-même ; ses procédés diffèrent essentiellement
de notre méthode habituelle, et le mètre ne s'est pas déroulé souvent
entre ses mains. Tout à son admiration enthousiaste, il a vu et bien
vu, et ses attachantes descriptions nous retracent les vives images de
ces splendeurs à demi ensevelies dans la nuit de l'histoire.
Pour nous, qui nous étonnons parfois du silence que les voyageurs
et les historiens de l'antiquité ont gardé sur nos monuments celtiques,
l'oubli qui pèse sur ces gigantesques chefs-d'œuvre nous console un
p eu de ce dédain.
— VIII —
Parmi les énormes blocs destinés aux constructions de Balbek, une
pierre, désignée par les Arabes sous le nom de Pierre du Midi, est
fidèlement décrite par M. Leroux : elle est taillée sur cinq de ses fa-
ces ; sa longueur est de 20 m. 80 sur 1 m. 30 de haut, et 5 m. de large.
M. de Saulcy a calculé que pour ébranler cette masse formidable, il
faudrait les efforts réunis de plus de 40,000 hommes, Quoiqu'il en soit,
cette pierre est inférieure en longueur au menhir du Men-Er-Groegh ;
sa largeur est à peu prés la même, et son épaisseur seule présente
une notable différence ; mais le granit de la Bretagne est beaucoup
plu* lourd que les calcaires de Balbek dont M. Leroux nous a montré
les échantillons, et, de plus, notre mégalithe a été dressé debout, tan-
dis que la Pierre die Midi n'est pas encore séparée de la carrière.
Ces notes, écoutées avec le plus vif intérêt, ont fait passer comme
un souffle imprégné de fraîcheur et de poésie, au milieu des sujets plus
arides de nos études, et nous regrettons vivement que la publication
de ces souvenirs de voyage ne soit pas destinée à notre Bulletin-,
mais les notes de M. Leroux ne sont pas épuisées, et nous espérons
qu'il voudra bien nous donner quelques nouvelles pages, et, cette fois,
nous les J[ abandonner tout à fait.
L'exhibition des armes de pierre et de bronze trouvées aux environs
de Donges par MM. Georges et Pitre de Lisle, termine la séance : —
Des ôpôes, un poignard en bronze, une épingle à cheveux, longue de
31 cent. ; puis un objet mince et tranchant, de forme ovale, muni d'un
manche également en bronze, et désigné par M. Alexandre Bertrand
souslenom de rasoir ; enfin, des haches en plomb fondues sur le modèle
des haches de bronze.
Parmi les pierres polies, des hachettes minces en fibrolithe et une
toute petite hache, de 29 millimètres de long.
L'ordre du jour étant épuisé, la séance est levée à onze heures.
Le Secrétaire général,
Pitre de Lisle.
SÉANCE DU MARDI 8 FÉVRIER 1881.
Présidence de M. le vicomte de la Laurencie.
Présents : MM. de Wisme3, Van Iseghem père, Gustave de la Brosse,
Le Quen d'Entremeuse, des Jamoniôres, Léon Maître, R. de Roche-
— IX —
brune, Blanchard, comte de l'Estourbeillon, Bacqua père, comte de
Bremond d'Ars, L. Petit, Auguste Bacqua, abbé Gallard, Évelin, P. de
Lisle.
M. le Président dépose sur le bureau les ouvrages suivants, offerts à
notre Société :
lo Répertoire de la Société de statistique de Marseille.— Un seul
article de cette publication intéresse directement l'archéologie : c'est
la description d'une sépulture gréco-latine.
2o Bulletin de la Société internationale de Berghen.
3o Rapports sitr les mesures à prendre pour la conservation
des monuments mégalithiques.
Ces mesures sont de trois sortes :
Primo, les propriétaires recevraient une indemnité pour la conser-
vation des mégalithes qui se trouvent sur leurs terres.
Secundo, les communes se rendraient adjudicataires de ces monu-
ments.
La troisième mesure consisterait à exproprier, ni plus ni moins,
les possesseurs de mégalithes, ou d'objets d'art d'un intérêt excep-
tionnel.
4° Les Procès-verbaux de la Société des sciences, lettres et arts
de l'Aveyron, tome XII, contenant un très remarquable travail sur la
philologie et une étude sur une dent fossile, par Albespy.
5o Lettres de M. H. Martin à M. Alexandre Bertrand.
M. le Président demande que cette pièce, du plus haut intérêt, soit
insérée dans notre Bulletin.
On procède ensuite aux élections de M. Ch. Bastard, présenté par
MM. de Wismes et des Jamoniôres, et de M. Gh. Riardant, présenté
par MM. le baron de Wismes et G. Seidler.
Ces messieurs sont admis à l'unanimité à faire partie de notre So-
ciété.
L'ordre du jour appelle ensuite la communication de M. de Wismes
sur sa visite à la Salmonière. Après nous avoir dépeint les environs
de la Salmonière, laSôvre et ses capricieux détours entre des rives cou-
vertes de feuillage ou brusquement taillées dans des rochers à pic,
M. de Wismes nous fait remarquer le contraste que présente ce char-
mant coin de terre avec les plaines monotones du lac de Grandlieu,
ou les vastes horizons des bords de la Loire. Le pays de Vertou est
bien un pays, un pagus, d'un cachet tout particulier, et, parmi les can-
— X —
tons si variés d'aspect qui environnent notre Comté nantais, ce déli-
cieux pays se distingue entre tous par ses mille petits vallons, ses
ruisseaux ombragés sous les fourrés et les grandes buttes qui se
dressent çà et là et dominent toute la contrée.
Le caractère, à la fois gracieux et un peu mystérieux, de ces ravins
entourés de grands arbres, attira de bonne heure les religieux des
environs. Le plus célèbre de tous est saint Martin, et sa vie miracu-
leuse jette seule quelques clartés sur l'histoire primitive de Vertou.
M. de Wismes nous rappelle les traits les plus saillants de la vie de ce
saint fondateur. Martin était le fils du seigneur de Rezô. Après avoir
été ordonné prêtre par l'évêque Félix, il fut chargé d'évangéliser les
habitants d'Herbadilla, ville luxueuse et corrompue, qui s'était fondée
sur les bords de la Boulogne, après la destruction de Rezé par César.
L'apôtre fut très mal accueilli dans cette ville ; les habitants n'écou-
tèrent point ses pieuses remontrances, et il ne trouva l'hospitalité que
chez une bonne femme et son mari, qui furent seuls à se convertir.
Saint Martin quitta cette cité maudite, emmenant avec lui ses hôtes 5
et à peine était-il sorti de la ville, que la terre s'entr'ouvrit et Herba-
dilla disparut sous les eaux qui forment aujourd'hui le lac de Grand-
lieu. La femme qui l'avait accompagné, s'étant retournée, malgré les
injonctions du saint, pour jeter un regard sur cet effroyable désastre,
fut instantanément changée en pierre. On la voit encore, à peu de dis-
tance de Grandlieu, sur une prairie qui borde la rivière de l'Ognon.
Saint Martin entreprit ensuite différents voyages, pour étudier les
règles des monastères, et surtout les fondations de l'ordre de Saint-
Benoît. Partout il se rendit célèbre par la sainteté de sa vie, et par
les miracles que Dieu lui permit d'accomplir.
De retour en Bretagne, il se rendit à Vertou, où il fonda un mona-
stère en l'honneur de saint Jean-Baptiste. Cette abbaye devint bientôt
trop petite pour les nombreux religieux qui s'y rendaient, et saint
Martin établit une nouvelle communauté à Durinum, aujourd'hui Saint-
Georges-de-Montaigu. C'est en ce lieu qu'il mourut, le 24 octobre 589.
Les moines de Durinum ayant refusé aux moines de Vertou la per •
mission d'emmener le corps du saint, ceux-ci l'enlevèrent, une nuit
qu'ils étaient chargés de veiller et de prier auprès du mort. Mais, ar-
rivés près de la rivière de Sèvre, au lieu dit le Portillon, ils ne trou-
vèrent point de bateau pour passer sur l'autre rive. Comme ils po-
saient à terre le corps de leur saint patron, les eaux de la Sèvre se
— XI —
divisèrent de çà et de là, montrant la grève au fond sèche et guê-
able. Ce que voyant, les moines de Vertou passèrent et incontinent
les eaux se rejoignirent derrière eux, fermant le passage à ceux de
Durinum, qui les poursuivaient.
Ce miracle étant divulgué, grand nombre d'infirmes, de boiteux,
d'aveugles et de sourds se rendirent en pèlerinage au tombeau de
saint Martin, et s'en revinrent guéris.
Après avoir salué cette grande figure du vieux saint de Vertou, M.
de Wismes arrive à la Salmonière. Un manoir en partie restauré,
mais encore entouré de ses douves et flanqué de pavillons, reliés, en
guise de courtines, par des murs et des bâtiments, s'élève entre une
futaie de chênes et de vieilles charmilles. Au fond de la cour, près
d'une tourelle à fenêtre ogivale, s'ouvre la grande salle, avec ses pou-
tres enluminées, sa grande cheminée à baldaquin, décorée de pein-
tures de Gustave Marquerie, et ses vieux dressoirs en bois de chêne.
Tout auprès de la Salmonière, on aperçoit, au milieu d'un clos de
vigne, une grande pierre debout, reste d'un dolmen dont les débris
sont abattus çà et là. Ce monument n'est pas le seul que notre ex-
cellent collègue ait ainsi sous sa garde : une allée couverte, située à
quelque cents mètres de là, dans la pièce des Lèches, a été trouvée
par lui, il y a quelques années.
Puis la butte des Couteaux, qui se dresse à pic au dessus de la Se-
vré, a dû servir de point de défense, aux époques primitives. Des silex,
des pierres polies, des bronzes, ont été trouvés près de là par M.
Marionneau. C'est en cet endroit, sur le sommet même de la butte,
que notre collègue a le projet d'établir ses collections. En attendant,
un massif d'arbustes s'élève à l'abri des constructions qui se ratta-
chent au Moulin des Couteaux. Cette plantation n'est point une plan-
tation ordinaire; les jardiniers qui ont travaillé à ce massif ont été
choisis avec le plus grand soin. Baudry, Marquerie et d'autres illus-
tres, ont eu, avec notre cher président, l'honneur de planter ces ar-
bustes privilégiés.
L'inspection de la "galerie de M. Marionneau termine la visite à la
Salmonière. Presque tous les objets de cette collection ont été recueil-
lis dans le canton de Vertou, et nous en avons le catalogue détaillé au
tome XV de notre Bulletin (p. 317 à 363).
Mais, tout en réunissant ces précieuses trouvailles, M. Marionneau
n'a pas négligé notre musée ; les magnifiques objets donnés par lui à
— XII —
l'Oratoire, sont, nous l'espérons bien, des pierres d'attente qui rêver
ront, un jour, leurs compagnes de Vertou.
Cette odyssée de quelques heures, à deux lieues et demie de notre
ville, nous a fait revoir, avec un très vif plaisir, la sympathique fi-
gure de notre ancien président, encadrée dans ce pays qu'il a tant
contribué à nous faire connaître. Nous avons tous suivi M. de
Wismes dans ce pèlerinage scientifique et amical, et notre seul regret
est de ne pouvoir conserver ici toutes les charmantes saillies de sa
narration.
MM. Van Iseghem père, Le Quen d'Entremeuse et Léon Maître adres-
sent à M. de Wismes plusieurs questions sur Vertou. M. Maître nous
indique la situation précise du monastère fondé par saint Martin ; les
bâtiments abbatiaux occupaient les terrains où se trouve maintenant
la maison de campagne de M. de Boury.
L'ordre du jour appelle ensuite la notice de M. Ledoux sur l'abbaye
de Saint-Gildas. M. Léon Maître a bien voulu se charger d'en donner
lecture à la Société.
Ce travail est fait avec beaucoup de soin et d'érudition. Il contient
un grand nombre de documents intéressants pour notre histoire lo-
cale, et la description de la vieille église bénédictine, avec ses pein-
tures murales et ses portes en fer forgé, œuvre des frères Girouard
de Poitiers. Puis des détails biographiques sur les abbés de Saint-Gil-
das, et les différentes contestations élevées à propos de dîmes, entre
l'abbaye et le prieuré de Missillac. Nous n'avons point à analyser ici
cette étude, qui doit paraître dans nos Bulletins.
M. Villers n'ayant pas assisté à la séance, sa communication est
remise à notre prochaine réunion.
L'ônumôration des objets gallo-romains et mérovingiens offerts au
Musée de Nantes par Frédéric Moreau, termine la séance.
La Société se sépare à neuf heures et demie.
Le Secrétaire général,
Pitre de Lisle,
SÉANCE DU MARDI 8 MARS 1881.
Présidence de M. le vicomte de la Laurencie.
Présents: MM. de Bejarry, Seidler, Riardant, Bernard, Léon Maître,
— XIII —
Van Iseghem père, des Jamonières, Petit, Le Quen d'Entremeuse,
Lemeignen, de l'Estourbeillon, Hte Maugras, de Lisle.
M. le baron de Wismes, inscrit à l'ordre du jour, a annoncé par
lettre qu'il ne pourrait assister à notre réunion.
Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté.
M. le président donne lecture d'une lettre du Ministre de l'Instruc-
tion publique, annonçant la publication d'une nouvelle Revue histori-
que et archéologique ; tous les travaux des Sociétés savantes seront
étudiés et analysés dans ce recueil ; la rédaction de ces différents
comptes rendus sera confiée à des hommes spéciaux, et dans ce but
le Ministre nous demande l'envoi de 5 exemplaires de nos Bulletins.
Il est décidé que nous ferons droit à cette demande.
Une autre circulaire ministérielle invite notre Société à envoyer des
travaux et des délégués aux réunions qui se tiendront à la Sorbonne
du 20 au 23 avril 1881.
Sont déposés sur le bureau, pour la bibliothèque de la Société :
lo Le Bulletin de la conférence littéraire et scientifique de Pi-
cardie.
Cette revue ne contient que peu d'articles concernant l'archéologie.
2<> Prospectus d'un Bulletin épigraphiqîie de la Gaule.
Autre prospectus d'une Histoire de l'Art chrétien.
3o Bulletin archéologique du Vendômois, contenant un curieux
travail de M. Môricourt sur les légendes de ce pays ; — un cartulaire
inédit de la Trinité de Vendôme ; — et la description des fouilles
d'une sépulture gallo-romaine.
4» Sociétés des Antiquaires de l'Ouest. Une très curieuse décou-
verte est signalée dans ce recueil. On a trouvé dernièrement à Poitiers
une tombe, où la tête du mort était enfermée à part, dans une châsse
en briques, cimentées avec soin; le reste du corps gisait auprès,
sans qu'on eût pris les mêmes précautions pour le protéger.
5o Société d'émulation de la Vendée. Une nouvelle opinion re-
lative à la position de l'ancien Portus Secor, est consignée dans
une note de M. l'abbé Baudry, notre regretté collègue, et une étude
sur les légendes, croyances, superstitions et dictons populaires du
Bas-Poitou.
Enfin, 60, les tomes 66 et 68 de l'Annuaire numismatique-, deux
beaux volumes, dont l'intermédiaire, le tome de 1867, est encore à nous
parvenir. (Le volume de 1866 est ici en double.)
— XIY —
Après avoir passé en revue ces différentes publications en nous si-
gnalant, dans une analyse vive et piquante, les articles qui intéressent
directement l'archéologie, M. le président donne la parole à M. Raoul
de Rochebrune, pour la lecture de son travail sur les Troglodytes de
la Gartempe. Après nous avoir décrit la situation de la grotte des
Cottôs et les circonstances qui ont amené sa découverte, M. R. de
Rochebrune nous fait passer en revue les divisions publiées par M.
de Mortillet, pour les différentes industries de la pierre éclatée et de la
faune quaternaire.
Ces divisions ont l'extrême avantage de faciliter le classement des
objets primitifs, armes et outils de silex, etc. ; elles permettent, en
outre, de désigner par un seul nom tout un ensemble de formes assez
variées.
Elles ont le tort très grand de vouloir généraliser des observations
locales, et de les étendre, sous le nom d'âge et d'époque, à des régions
où l'industrie de la pierre a suivi une tout autre marche.
Quoi qu'il en soit, la première idée de ce classement est due à M.
Lartet. Le savant explorateur des cavernes du Midi avait remarqué
dans ses fouilles que la présence de certaines espèces de mammifères
coïncidait avec l'emploi de formes spéciales dans les outils de silex; il
établit, sur ce rapprochement, un système de classification très ingé-
nieux, mais qui ne peut s'appliquer régulièrement, en dehors de cer-
taines limites. Ainsi, en Bretagne, le seul gisement que nous possé-
dions, le Mont-Dol, devrait appartenir, d'après les innombrables osse-
ments de mammouths qu'on y a découverts, à l'époque la plus ancienne,
au type du Saint-Acheul. Il n'en est rien; tous les instruments en silex
recueillis dans ce gisement, sont de formes moustériennes, et quelque-
fois même d'un type plus récent. D'un autre côté, les trouvailles de
M. Dupont, en Belgique, sont venues bouleverser les divisions par trop
méthodiques de l'école nouvelle.
En somme, il y a aujourd'hui une tendance marquée à laisser de
côté les 4 époques du Saint-Acheul, du Moustier, de Solutré et de la
Madeleine, pour réduire ces catégories à deux grandes périodes. L'une,
caractérisée par la présence des animaux antédiluviens, par la strati-
fication des argiles dans nos vallées et par l'emploi exclusif des armes
de pierre. La deuxième période, contemporaine des animaux seule-
ment émigrés de nos climats, coïncide avec les dépôts du lœss et
l'usage des outils en os. C'est le classement aujourd'hui adopté à Saint-
— XV —
Germain par M. A. Bertrand, et suivi, nnpeu à regret, il est vrai, par
M. de Mortillet.
M. R. de Rochebrune nous décrit ensuite les différents mammifères
dont il a recueilli les ossements dans la grotte.
C'est toujours avec un certain étonnement que nous retrouvons,
dans nos campagnes, le lion, le rhinocéros, hôtes habituels des contrées
plus sauvages. Il n'est pas moins surprenant de retrouver, côte à côte,
les ossements des animaux des pays froids et de la zone équatoriale ;
et ce phénomène singulier n'a pas encore été expliqué d'une manière
plausible.
M. de Rochebrune insiste sur les caractères différentiels qui sépa-
rent les espèces quaternaires des actuelles. Ainsi, l'éléphant primige-
nius, le mammouth, plus rapproché de l'éléphant d'Asie que de la race
du continent africain, diffère encore beaucoup du premier par le dé-
veloppement extraordinaire de ses défenses. Comme le fait très ju-
dicieusement observer notre collègue, il est impossible que le porteur
de la gigantesque défense recueillie dans la grotte des Cottes ait pu
entrer vivant dans cette caverne.
Parmi les beaux objets de silex que M. de Rochebrune nous commu-
nique, nous remarquons des pièces lancéolées, taillées à grands éclats
et d'une forme très pure ; elles appartiennent à la première période.
D'autres, de l'époque du renne, sont éclatées avec un soin minutieux
et finement retouchées. Des pointes en os, d'un beau poli et bien effi-
lées vers le bout, et une gravure sur pierre représentant trois ani-
maux vus de profil, complètent cette exhibition.
La lecture de la seconde partie du travail de M. de Rochebrune
est remise à la prochaine séance.
M. Hippolyte Maugras offre à la Société un petit vase en terre ru-
gueuse, un peu rétréci au-dessous de l'orifice, et qui a été trouvé
dernièrement dans les terres du cimetière de Vieillevigne.
Au nom de l'assemblée, M. le président remercie notre collègue de
son aimable présent. L'ordre du jour appelle ensuite la lecture des
fouilles du tumulus de la Roche, en la commune de Donges, par
MM. G. et P. de Lisle.
La voie ferrée sépare actuellement deux mégalithes, situés à
une petite distance du bourg de Donges. L'une de ces pierres est un
menhir, connu sous le nom de la Galoche de Gargantua ; l'autre
est une table de dolmen. Au dire des gens du pays, la table que nous
— XVI —
voyons maintenant au bord de la voie, était posée jadis sur le menhir
et servait de pièce à cette gigantesque galoche. Mais il advint que
Gargantua, avisant de l'autre rive cette mirilique amusette, se mit à
lancer ses palets par-dessus la Loire, tant et si bien, qu'au dernier
coup, la pièce fut renversée et que le palet qui l'avait abattu, vint
tomber au milieu de la Gagnerie du Prieur, où on la voit encore ac-
tuellement. Ce palet, à demi enseveli sous les terres du tumulus de la
Roche, sert de table à une crypte dolménique, précédée d'une allée
couverte.
Les fouilles de cette tombelle ont mis à jour de nombreuses po-
teries, parmi lesquelles quatre vases en terre rouge et brune, ornés
de bandes de dessins, des couteaux en silex, des pierres polies ayant
servi de molettes ou de broyons, des ossements, du charbon et une très
jolie pendeloque en agathe transparente.
Le fait le plus curieux que nous ait révélé cette fouille, est la pré-
sence, dans la galerie couverte, de plusieurs foyers funéraires indi-
quant un certain nombre de sépultures. En effet, cette allée est si
étroite, qu'il est impossible qu'on y ait transporté les cadavres des
morts et les vases qui les accompagnaient. D'un autre côté, les sup-
ports sont extrêmement faibles, par rapport à la lourdeur des blocs
qui servent de couverture. En enlevant ces tables pour descendre les
morts dans la galerie, on eût infailliblement détruit l'équilibre du mo-
nument. Il a donc fallu que ces sépultures fussent faites en même
temps. Cette rencontre de plusieurs morts dans le même sépulcre fait
songer à ce passage où César décrit les coutumes sanglantes des ha-
bitants de la Gaule, égorgeant, aux funérailles d'un chef, les amis et
les plus proches parents du défunt.
M. R. de l'Estourbeillon remet ensuite à la Société un cachet de M.
de la Tullaye, archidiacre de la Môe, offert au Musée archéologique
par M. le comte Alfred de la Tullaye. La séance est terminée par la lec-
ture d'une jolie pièce de vers ayant pour titre : L'amour devenu
avocat. Cette poésie, d'un tour galant et badin, aurait été trouvée
dans la collection des archives du Port-d'Or, parmi les pièces manus-
crites des ducs de Lorge (?) Toutefois, et malgré les accointances de
ce morceau avec la poésie du XVIIIe siècle, nous laisserons jusqu'à
plus ample informé, un large point de doute sur son origine.
La séance est levée à neuf heures et demie.
Le Secrétaire général,
Pitre de Lisle.
— XVII —
SÉANCE DU MARDI 5 AVRIL 1881.
Présidence de M. le vicomte de la Laurencie.
Présents : MM. Ch. Riardant, Octave de Rochebrune, baron de
Wism'es, de Bejarry, Van Iseghem père, Léon Maître, Petit, Le Quen
d'Entremeuse, de la Brosse, J. Rousse, François Bougouin, Montfort,
comte de l'Estourbeillon, Anizon, H. Maugras, Raoul de Rochebrune,
P. de Lisle et plusieurs membres arrivés durant le cours de la séance.
Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté.
On procède à l'élection de MM. Stanislas Gahier et Fraboulet. Ces
messieurs sont admis, à l'unanimité des votants, à faire partie de notre
Société.
M. le président donne lecture du programme qui nous a été adressé
par la Société française d'archéologie, pour le congrès qui doit se réu-
nir à Vannes, le 28 juin prochain.
Les sujets qui seront traités dans cette session, présentent un très
vif intérêt, et il est à désirer que beaucoup de membres répon-
dent à l'appel qui leur est adressé.
Sont déposés sur le bureau, pour la bibliothèque de la Société :
lo Bulletin de la Société scientifique et historique de la Cor-
rèze, tome 111, Ire livraison ;
2» Bulletin de la Société des Antiquaires de Picardie, 1880.
No 1 ;
3° Revue historique et archéologique du Maine, 1880. Trois fasci-
cules ;
io Bulletin d'archéologie chrétienne de M. de Rossi, édition
française, 3e série, 5e année.
5» Rapport de la Commission impériale archéologique, pour
l'année 1877. Saint-Pétersbourg;
6>> Le chronomètre préhistorique du bassin de Penhouët, par
M. René Kerviler ;
7o Pierre Brissot, professeur de philosophie à la Sorbonne, par
M. G. Merland.
L'assemblée, par la voix de son président, remercie notre hono-
rable collègue de l'envoi de sa notice.
8« Un prospectus de l'intéressante étude de M. l'abbé Grégoire sur
le diocèse de Nantes. M. le vicomte de la Laurencie propose l'ac-
o
— XVIII —
quisition de cet ouvrage pour la bibliothèque de la Société. Cette pro-
position est acceptée.
L'ordre du jour appelle ensuite la seconde partie des notes de M. R.
de";Rochebrune sur les Troglodytes de la Gartempe. M. R. de l'Estour-
beillon donne lecture de ce travail.
Après avoir enlevé, dans la caverne des Gottés, les premières cou-
ches qui couvraient le sol, M. R. de Rochebrune découvrit un amas
de fougères et de mousses décomposées, étendues sur une grande par-
tie de la surface de la grotte, où elles formaient une sorte de litière.
Des outils de toutes sortes, des pointes, des lames, des tarauds, des
flèches, étaient épars çà et là sur cette couche.
Les innombrables éclats de silex mêlés à ces outils proviennent évi-
demment de la fabrication de ces pièces dans l'intérieur de la caverne.
La grotte des Gottés était donc tout à la fois un lieu de refuge et
un atelier.
Les objets recueillis à ce niveau sont tous du type des Eysies.
Au-dessous de ce gisement se trouvait une couche de sablon, que
les fouilles ont mise à découvert dans toutes les parties de la grotte.
Plus bas, les terres devenaient molles et moins compactes. Ce nou-
veau gisement ainsi nettement séparé de l'étage magdalénien, con-
tenait des pièces d'un type tout différent; de larges pointes, taillées
à grands éclats, des tètes de lances, plates d'un côté et finement re-
touchées sur les bords ; en somme, les spécimens du type moustié-
rien le plus pur.
Les sondages pratiqués au-dessous de ce niveau n'ont pas encore
rencontré le roc ; mais les nouvelles fouilles que M. de Rochebrune doit
entreprendre sur ce point, nous apprendront sans doute si l'industrie
humaine est également représentée à cette dernière limite.
Remarquons ici que le type de Solutré, intermédiaire, d'après les
théories actuelles, entre le magdalénien et le moustiérien n'a pas été
rencontré dans ces fouilles.
Après la lecture de ce travail, M. Léon Maître nous communique
une très curieuse étude sur les localités portant le nom de Paradis.
Ce nom, d'après une observation faite par M. l'abbé Cochet, servirait
à désigner les premières nécropoles chrétiennes dans nos contrées.
Le Paradis serait le champ du repos, le cimetière entourant les basi-
liques de l'époque mérovingienne et par conséquent, les pièces qui por-
tent ce nom renfermeraient de curieux vestiges de cette époque. M.
— XIX —
Maître demande que des fonds, prélevés sur notre budget, soient
destinés à des fouilles sur quelques-uns des points connus sous lu
nom de Paradis.
Un grand nombre de communes en Loire-Inférieure possèdent des
localités de ce nom, et, par une coïncidence assez frappante, autour
do ces points, on retrouve souvent de très anciennes fondations reli
gieuses, des chapelles, des maladreries.
La communication de M. Léon Maître est chaleureusement accueillie
et les fonds demandés pour les fouilles seront, sans aucun doute, ac-
cordés par le Comité.
L'ordre du jour appelle ensuite les notes de M. le baron de Wismes
sur les ouvrages adressés à la Société. Nous n'avons pas à analyser
ici cette piquante communication, écoutée avec un véritable plaisir
par toute l'assistance. Notre Bulletin publiera une bonne partie des
notes que M. de Wismes a si ingénieusement cueillies dans les annales
de nos sociétés correspondantes.
A la fin delà séance, M. de Bejarry nous transmet quelques ren-
seignements sur une coutume assez curieuse des paysans du Poitou.
Lorsque, dans une famille, la sœur cadette se marie avant l'aî-
née, celle-ci est obligée, le jour des noces, de recevoir une que-
nouille et un fuseau et de se mettre à filer. M. de Bejarry nous cite, en
terminant, quelques strophes d'une ancienne chanson [où il est fait
allusion à cet usage.
La séance est levée à neuf heures et demie.
Le Secrétaire général,
Pitre de Lisle.
SÉANCE DU MARDI 10 MAI 188L
Présidence de M. le vicomte de la Laurencie.
Présents: MM. Bacqua, Riardant, abbé Grégoire, Van Iseghem
père, baron de Wismes, Petit, abbé Gallard, Anthime Menard, Léon
Maître, Fraboulet, Evellin, H. Maugras, P. de Lisle.
Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté, après une
rectification demandée par M. le président, au sujet de l'allocation
destinée aux fouilles des cimetières mérovingiens portant le nom de
Paradis. Il est décidé, en effet, qu'une somme sera prélevée sur notre
— XX ~
budget pour les fouilles que la Société doit entreprendre, mais aucun
chiffre n'a été attribué jusqu'ici à un but spécial.
A ce propos, M. de Wismes fait part à la Société d'un projet qui
lui a été suggéré par notre collègue, M. Marionneau. Le cimetière mé-
rovingien de Vertou n'a pas été complètement exploré. M. Marion-
neau entreprendrait volontiers sur ce point de nouvelles recherches,
et le produit de ces fouilles serait offert par lui à notre musée. Cette
proposition est vivement accueillie par la Société.
M. le président dépose ensuite sur le bureau, pour la bibliothèque
de la Société, les ouvrages reçus dans le courant du mois. Ce sont .-
1° Bulletin de la Société des Antiquaires de Picardie, 1880, No 4;
2« Bulletin de la Société scientifique, historique et archéolo-
gique de la Corrèze. T. III, Ire livraison ;
3° Annales de la Société d'agriculture, sciences et arts du dé-
partement de la Loire, T. XIV, année 1880 ;
4<> Bulletin de la Commission des Antiquités ;
5° Mémoires de la Société des Antiquaires de France ; magni-
que volume, orné de planches ;
6<> Société archéologique de Bordeaux, T. VI, 2e, 3», et 4e de
1879;
7° Bulletin archéologique et historique de la Société archéo-
ogique de Tam-et-Garonne, 1er, 2e, 3e, et 4e trimestres 1880 ;
8o Enfin, une charmante brochure, intitulée : Saint-Nazaire et le
bassin de Penhouët, offerte à la Société par M. G. Bastard. Nous re-
viendrons sur ce travail, dans une prochaine séance ; en attendant, le
président remercie, au nom de la Société, M. G. Bastard de son ai-
mable envoi.
Une lettre du Ministre de l'Instruction publique accuse réception
des exemplaires de nos annales, envoyés pour la nouvelle Revue
scientifique des Sociétés savantes. Après cette énumôration, la So-
ciété apprend avec le plus vif plaisir la nomination de notre collègue,
M. Kerviler, comme ingénieur en chef des Ponts et Chaussées.
A l'ouverture de la séance, M. Bacqua père donne lecture d'une
très intéressante critique de l'ouvrage de M. Ternink: l'Artois sou-
terrain.
Des explorations, poursuivies avec un zèle infatigable, et cela de-
puis près d'un demi-siècle, ont fourni à l'auteur de ce travail d'in-
nombrables sujets d'étude. M. Ternink a divisé son œuvre en quatre
— XXI —
parties, correspondantes aux périodes préhistorique, gauloise, gallo-
romaine et mérovingienne. Il insiste sur le caractère incertain et mal
défini de la première période, désignée à tort sous le nom d'âge de la
pierre, l'usage des instruments de pierre après l'ère chrétienne étant
aujourd'hui parfaitement démontré.
Il établit ensuite, pour la deuxième période, des distinctions très
nettes entre les sépultures des races germaine et gauloise. Les Ger-
mains brûlaient leurs morts, les Gaulois les ensevelissaient. Dans la troi-
sième période, l'incinération devient, avec la conquête romaine, un
usage presque général ; elle disparaît avec l'établissement du christia-
nisme dans les Gaules. C'est à cette dernière période, contemporaine
de nos premiers rois, que se rattache, suivant M. Ternink, l'établisse-
ment des maladreries. Il divise cette phase archéologique en deux
parties, l'une caractérisée par le travail des bijoux, des émaux cloison-
nés, et l'absence de sarcophages monolithiques ; l'autre, beaucoup plus
riche au point de vue du travail d'orfèvrerie ; il cite les tombes de
Lens et d'Arras comme ayant fourni les plus beaux spécimens de
l'art que saint Eloi mit en honneur parmi ses contemporains.
Quelques critiques sont adressées en terminant sur l'entassement
un peu désordonné des matières passées en revue dans les 4 volumes
de Y Artois souterrain.
L'assemblée, par la voix de son président, remercie M. Bacqua de
sa communication.
M. Maître fait observer que, contrairement à l'opinion émise par M.
Ternink, les maladreries ont présenté, du moins dans notre Comté nan-
tais, des traces de l'industrie romaine.
La parole est ensuite donnée à M. l'abbé Grégoire, inscrit à l'ordre
du jour, pour son Monasticon nantais, statistique des communautés re-
ligieuses établies au diocèse de Nantes avant 1790.
Ce travail n'est que la seconde partie de l'ouvrage de M. Grégoire;
dans la première, l'auteur étudie spécialement les différentes pa-
roisses du diocèse.
M. l'abbé Grégoire insiste, en commençant, sur ce fait, qu'au sud de
la Bretagne, et particulièrement sur les rives de la Loire, les moines
n'ont point précédé les évoques; saint Friard, saint Hermeland, ont
reçu leurs missions des évoques Félix et Pasquier, et les ermitages
qu'ils ont fondés peuvent être considérés comme les premiers établis
sements monastiques dans le pagus Nannetensis. Contrairement à ce
— XXII —
qui s'est passé dans les autres parties de l'Armorique, ce ne sont pas
non plus les émigrés bretons, qui ont fait fleurir parmi nous la divine
semonco do la parole de Dieu, et notro sol peut revendiquer, à bon
droit, l'honneur d'avoir donné lui-même naissanco à ces maisons saintes,
refuges de la prière, de la charité et de la science.
Cette première éclosion des fondations religieuses avait à peine dé-
veloppé ses germes féconds que l'ouragan du Nord vint glacer et flé-
trir ces jeunes pousses. Mais, avec les XII" et XIIIc siècles, une nouvelle
sève monte et se développe; c'est le temps des saint Bernard, des saint
Dominique et des Robert d'Arbrissel, l'âge d'or de l'Eglise française.
Puis, ces institutions se propagent et se multiplient, suivant les besoins
de l'époque. Enfin, au dernier siècle, notro diocèse compte 58 commu-
nautés religieuses, dont 23 occupent notre ville de Nantes.
Après cet aperçu, M. l'abbé Grégoire, sur la demande de l'assistance,
donne lecture de deux de ses études particulières sur les établisse-
ments de notre diocèse.
L'importance de ce travail et la précision des faits consignés dans
ces notices, font émettre le vœu que le Monasticon de M. Grégoire
soit inséré dans les Bulletins de notre Société.
M. de Wismes, tout en appréciant hautement l'intérêt et la portée
de ce recueil, regrette qu'une notice succincte, donnant un abrégé de
l'historique de chaque communauté, ne soit pas placée en tête de ces
différents articles.
M. le président, d'accord en cela avec M. l'abbé Grégoire, objecte la
difficulté de cette adjonction; les articles comprenant les paroisses et
les communautés sont au nombre de plus de 300 ; ce serait imposer à
l'auteur une tâche extrêmement longue et difficile, et qui sortirait un
peu de son travail.
L'ordre du jour appelle ensuite l'exhibition d'une série d'eaux-fortes
représentant les antiquités de la ville de Rouen. M. Hippolyte Maugras
a bien voulu confier à notre Société une précieuse collection de gravu-
res extraites d'une publication intitulée.- Rouen illustré. Ces charmants
dessins, plein de finesse et de goût, font passer sous nos yeux les pa-
lais de la Renaissance, les églises du Moyen Age, et toutes les merveil-
leuses richesses de la vieille cité normande.
Après cette exhibition, M. le baron de Wismes communique a la
Société une sorte de médaillon en cuivre qui servait jadis à orner un
cierge pascal. Sur ce bouton On voit, gravé en relief, un ange empor-
— XXIII —
tant dans ses bras Yâme d'un défunt. Cet objet date, selon toute pro-
babilité, du XVIe siècle. M. le vicomte de la Laurencie cite un exemple
d'allégorie semblable figurée dans un bas-relief de l'église Saint-
Hilaire de Poitiers et appartenant au Xle siècle.
Après ces communications, la séance est levée à neuf heures et
quart.
Le Secrétaire général,
Pitre de Lisle.
SÉANCE DU MARDI 7 JUIN 1881.
Présidence de M. H. Lemeignen, vice-président.
Présents : MM. Petit, de l'Estourbeillon, Huette, Vân Iseghem père,
abbé Grégoire, Alcide Leroux, Perthuis, Merland père, Montfort, Fra-
boulet, Riardant, baron de Wismes, de Lisle.
Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté.
A l'ouverture de la séance, M. le président nous apprend la triste
nouvelle de la mort de notre êminent collègue M. B. Fillon.
M. le président rappelle ensuite la perte regrettable de l'excellent
maître de chapelle de l'église cathédrale de Nantes. M. Martineau
était un fervent admirateur de la belle et grande musique ; il faisait,
en quelque sorte, de l'archéologie musicale, et sa maîtrise laissera de
bons et heureux souvenirs dans notre ville.
M. le baron de Wismes ajoute que le beau cantique: Catholique et
Breton toujours, dont l'air est devenu si rapidement populaire
en France, avait été mis en musique par M. Martineau.
On procède ensuite à l'admission de deux nouveaux membres: M.
Môresse, en qualité de membre titulaire, et M. l'abbé Josnin, à titre
de membre correspondant. Ces messieurs sont admis, à l'unanimité, à
faire partie de la Société archéologique.
M. de l'Estourbeillon nous rend compte des fouilles qu'il vient de
faire, avec M. Léon Maître, aux lieux dits Le Paradis en Pont-Saint-
Martin, et dans la commune de Rezô. Sur le premier point, le résul-
tat a été négatif; mais, entre Rezô et les Sorinières, dans une loca-
lité qui porte le nom des Ruines, nos collègues ont fait ouvrir un
tranchée où de nombreux objets romains ont été mis à découvert :
lo Une monnaie romaine, présentant au droit le buste de Cris-
— XXIV —
pina Augusta ; au revers, une Pomone debout. Ce bronze est couvert
d'une très belle patine et sa conservation est parfaite.
2° Deux petits fragments d'objets en fer, dont l'un est effllé et ter-
miné par un bouton, comme l'extrémité d'un fleuret.
3o Une poterie percée de trous, ayant sans doute servi de tamis ou
de passoire.
M. de l'Estourbeillon nous fait ensuite une autre communication sur
les anciennes forges de la commune d'Avessac. Quatre établissements
de ce genre ont été étudiés jusqu'ici par notre collègue.
Le premier sur le tertre de la Bodiniôre, versant ouest ; nombreuses
scories, débris de^vieilles murailles.
Le deuxième au port de Renihel, à l'extrémité de l'ancien cbemin de
Saint-Clair à Beslô, à l'embouchure de l'Ihel, près de la pierre dite du
Grand-Guillaume.
Le troisième au clos des Melleresses, à l'extrémité de l'ancien che-
min du Pont-ês-Chevaliers, à Murain. Nombreuses scories et débris
de fer forgé ; emplacement visible de la forge. Parallélogramme de
10 à 15 m. de long, sur 6 à 8 de large.
Enfin le quatrième, au Port-Rolland, au bas du coteau, à l'embou-
chure du Don, près de l'ancien chemin d'Avessac à Massôrac.
M. le président communique à l'assemblée le prospectus d'une pu-
blication intitulée : Trésor archéologique de V Armorique occiden-
tale. Ce recueil contiendra de magnifiques planches cbromolithogra-
phiées, reproduisant les armes de pierre et de bronze et les bijoux en
or les plus curieux des collections bretonnes. M. le baron de Wismes
demande que la Société veuille bien souscrire à cette intéressante pu-
blication. Cette proposition est prise en considération et adressée au
Comité.
M. le président nous entretient ensuite d'une vente de magnifiques
tapisseries qui vient d'avoir lieu, ces temps derniers. La plupart de
ces tentures ont été malheureusement enlevées pour Paris ; toutefois
une superbe tapisserie de Beau vais, représentant une chasse sous
Louis XIV, a été achetée par un de nos concitoyens, M. Fernand
Crouan. Ces pièces provenaient d'un château des environs de Redon.
Après ces différentes communications archéologiques, l'ordre du
jour appelle la continuation de la lecture du Monasticon nantais par
M. l'abbé Grégoire.
Une faible partie de ce travail est soumise à notre examen ; l'auteur
— XXV —
a détaché de son vaste recueil ses études sur les communautés de Bu-
zay, des Dominicains de Nantes, des Carmélites et du Refuge. Les
renseignements très curieux qu'il nous communique sur ces différents
établissements sont écoutés avec un véritable intérêt.
La parole ensuite est donnée à M. le comte de l'Estourbeillon, pour la
lecture du voyage d'un seigneur breton en Italie, en 1678. Nous n'es-
saierons pas d'analyser ici l'odyssée piquante et tant soit peu burles-
que du baron de Levarez ; nous l'avons suivi du reste d'un peu loin
et seulement à l'aide du mémoire détaillé de ses dépenses dressé par
son intendant. Cette relation, très intime parfois, sans être aucune-
ment sentimentale, a gaiement terminé la soirée.
La séance a été levée à neuf heures et demie.
Le Secrétaire général,
Pitre db Lisle.
SÉANCE D'INSTALLATION DU NOUVEAU BUREAU
ALLOCUTION DE M. LE Bon DE WISMES
PRESIDENT SORTANT.
Sed fugit interea, (agit irreparabile tempus.
Le temps fuit, il fuit, l'irréparable qu'il est, disait, il y a bien des
siècles, ce poète aimable parmi les aimables, grand parmi les grands,
que l'on nomme Virgile, et combien d'autres ont répété après lui cette
mélancolique pensée!
Assurément, chers collègues, s'il est permis encore à notre époque
de faire une citation latine, c'est bien à un président d'arcbôologie.
— Mais pourquoi celle-ci plutôt qu'une autre, et ne semble-t-elle
pas venir comme au début de ce discours pour y porter une ombre ?
Ab ! c'est qu'au moment de quitter la présidence de votre Société, je
m'étonne, presque, de la rapidité avec laquelle en a passé pour moi le
triennat. — Je crois encore me voir, je l'avoue, au jour où vous m'en
accordâtes le grand et sérieux honneur. — Et toutefois, en réalité, en
y réfléchissant, pourquoi ce triennat m'aurait-il paru long ? Nulle
pierre ne s'est rencontrée sur mon chemin, nulles épines, nulles em-
bûches ne sont venues arrêter, retarder notre route, nos travaux ;
il semble qu'un vent favorable se soit levé dès l'origine pour me pous-
ser vers le but, et j'y suis arrivé presque sans m'en apercevoir, sou-
tenu par votre amitié, par votre bon vouloir, l'oreille enchantée par
vos excellents travaux, le cœur satisfait d'un si libéral concours, et
mon intelligence s'élevant de plus en plus, en vous écoutant, vers les
solides régions du vrai et du beau.
Mais tout a sa fin ici-bas, mon beau rêve est achevé, mon trône est
renversé, mon sceptre brisé ; le souvenir seul va m'en demeurer; et
— XXVIII —
j'aurais d'autant plus mauvaise grâce à m'en plaindre, que cette loi
du triennat par laquelle vous appeliez tous les trois ans de nouveaux
présidents a votre tête, c'est moi-même qui l'ai provoquée.
Il est, en effet, de l'intérêt de la Société d'appeler successivement à
cet honneur ceux qui, par leur bon vouloir, leur zèle, leur assiduité,
leurs connaissances ou d'autres mérites divers, lui en paraissent les'
plus dignes. C'est à cette loi qu'après l'habile architecte, M. Nau,
dont la direction plus longue fut antérieure à cette modification de
nos règlements, vous avez dû successivement des présidents tels
que M. le vicomte de Kersabiec, si doux, si bienveillant, à la
plume élégante, facile, à l'érudition variée ; — M. l'abbé Gahour, le si
bon, le si digne, et aussi le si savant en nos vieilles légendes de saints
locaux ; — M. Galles, l'intendant militaire, l'explorateur le plus cé-
lèbre des tumulus du Morbihan, et qui, comme président, a laissé des
souvenirs qui ne s'effaceront jamais ; — enfin, M. Charles Marion-
neau, à la fois artiste, littérateur, archéologue, et qui unissait, dans
une mesure si heureuse et si parfaite, la douceur et l'aménité de la
race ligôrine à l'aimable vivacité méridionale.
Vous me permettrez ici d'ajouter, mes chers collègues, et si je ne
le faisais pas, vous m'en prieriez, que s'il ne les fait point oublier, car
la bonté, la vertu, la science ne s'oublient pas, le président que vous
venez d'élire à ma place était bien digne, sous tous les rapports, de
venir augmenter le brillant catalogue présidentiel que je viens de
dresser. En nommant M. Jules de la Laurencie, la mémoire me revient
invinciblement de ce La Tour d'Auvergne qui, comme lui, officier et
dévoué par l'épée à la défense de la patrie, consacrait ses loisirs à
étudier notre vieille langue et nos vieux monuments. — C'est ainsi,
entre autres, vous ne l'avez pas certes oublié, mais je tiens à vous le
rappeler , que M. Jules de la Laurencie, à l'époque où les hasards de
la vie des camps l'avaient fixé pour quelque temps à Aiguës-Mortes,
frappé de l'aspect tout oriental de cette ville près de laquelle saint
Louis s'embarqua le 28 août 1248, pour Damiette, avec ses chevaliers
croisés, l'étudia avec le soin de l'archéologue et le coup d'œil du mi-
litaire, ce qui lui permit de nous faire, au sujet de cette vieille cité
féodale de la Camargue, un peu oubliée, une des meilleures confé-
rences que nous ayons entendues.
Ancien militaire, M. de la Laurencie a retenu de sa noble carrière
le don de la parole suffisamment autoritaire, si nécessaire pour diri-
— XXIX —
ger une Société, et il y joint ces qualités naturelles de courtoisie et
d'aménité qui, elles, peuvent se perfectionner par la pratique des hom-
mes mais ne s'acquièrent pas. — J'ajoute enfin, ayant la preuve ré-
cente à l'appui, que sa parole aussi a le don de la persuasion.
Croyez-vous, mes chers collègues, alors que tous les conseils mu-
nicipaux, en présence de toutes les demandes qui les assiègent, de-
viennent de plus en plus difficiles pour ouvrir les cordons de leurs
escarcelles ; croyez-vous qu'il fût aisé d'obtenir de notre Conseil mu-
nicipal de voir presque doublée l'allocation qu'il nous faisait depuis
quelques années ? C'est cependant ce qui vient d'avoir lieu, et c'est
surtout aux bons efforts de M. de la Laurencie, soutenu d'ailleurs par
plusieurs de nos collègues, c'est aux chaleureuses paroles qu'il a pro-
noncées en notre faveur an sein de notre Conseil, que nous devons
cette bonne fortune inespérée. Au nom de tous, j'en remercie celui
qui va si dignement me remplacer, et je pense accomplir un devoir
en en remerciant aussi le Conseil.
Le choix d'un vice-président dans une Société comme la nôtre,
où la présidence ne peut se perpétuer, n'est pas indifférent. 11 est rare
que le vice-président ne soit pas à son tour promu à la présidence ; —
or, je le crois fermement, la Société a fait un excellent choix en éle-
vant à cette dignité M. Henri Lemeignen, qui, depuis trois années,
remplissait avec un zèle si intelligent les fonctions de secrétaire de
nos séances.— Si M. Lemeignen ne nous a pas souvent donné de tra-
vaux personnels dans cette dernière période, c'est que ses doubles
fonctions d'avocat et de professeur de droit absorbent presque tous
ses instants, et il va de soi qu'avant de s'occuper d" archéologie,
science charmante, variée, et qui peut suffire à occuper les loisirs
de ceux qui en ont ; qu'avant, dis-je, doivent passer les devoirs plus
sérieux et plus impératifs de la carrière adoptée.
Notre nouveau secrétaire des séances, M. Pitre de Lisle du Dré-
neuf, a fait ses preuves comme secrétaire du Comité. Il était donc,
s'en étant montré plus que digne, naturellement désigné à devenir
secrétaire de nos séances ; c'est ce qui a eu lieu. J'aurai à reparler de
ce jeune savant en rappelant un peu plus loin les principaux travaux
des membres de la Société depuis trois ans.
Enfin, mes chers collègues, avec M. Régis de l'Estourbeillon, comme
secrétaire du Comité, Arthur des Jamonières, comme secrétaire-ad-
joint, René Blanchard, comme bibUothécaire-archiviste, Louis Petit,
— XXX —
commo trésorier, Van-Isoghem pôro, Charles Seidler, Anizon, Maître,
de la Nicolliôre et Henri de Cornulier, vous avez achevé de constituer,
on n'en saurait douter, un ensemble parfait pour diriger noblement et
prudemment les destinées de notre Société loin des ôcueils et dans
les conditions de succès les plus favorables.
Mais, pendant que je m'arrête, c'était plus qu'un droit, c'était un
devoir, à louer les vivants, devoir que je reprendrai tout à l'heure, je
crois entendre et j'entends en effet des voix qui, de l'autre côté de la
tombe, me font un touchant appel et me crient : Et nous, nous qui
comptions parmi vos membres, qui nous intéressions à vos travaux,
qui parfois y prenions part, qui aimions la Société comme une petite
patrie au milieu de la grande, nous auriez-vous déjà oubliés ? Quoi !
dans cette séance où, comme Antée touchant la terre, la Société
Archéologique semble reprendre un nouvel élan pour continuer de
prospères destinées, n' auriez-vous pas pour nous quelques bonnes
paroles ? — Ce sera, nous le sentons, comme un dernier adieu, mais
cet adieu de nos collègues, dont beaucoup furent nos amis, ne nous
le refusez pas.
Non, chers défunts, telle n'est pas mon intention ; il y a plus, si je
ne puis, naturellement, aborder cette partie de ma tâche sans une om-
bre de tristesse, il m'est doux, cependant, ce m'est une précieuse sa-
tisfaction de trouver cette occasion de m'entretenir encore de vous, et
de vous faire, pour quelques moments trop courts, comme revivre
par la pensée aux yeux et dans la mémoire de nos collègues.
Les décès, toutefois, j'ai hâte de le dire à la Société, n'ont pas été
très-nombreux pendant cette période triennale. Ce n'est pas un bre-
vet de longue vie de faire partie d'une Société archéologique — mal-
heureusement — car alors combien voudraient en être ! — mais ce
n'est pas non plus un arrêt de mort. — Nous avons perdu cinq de nos
confrères ; plusieurs périodes semblables avaient été un peu plus fu-
nestes. — Ces confrères sont M. l'abbé Dubois, M. l'abbé Berthault,
curé de Basse-Goulaine, M. le docteur Mahot, M. Blanchard-Mervau,
ancien avocat, et M. le docteur Foulon. Il n'est que juste de com-
mencer par accorder à celui-ci un pieux souvenir, car il est le
seul de ces défunts regrettés qui ait pu suivre habituellement nos
séances, et cela pendant un grand nombre d'années.
La perte de M. le docteur Foulon, mes chers collègues, sera encore
longtemps sentie parmi nous. — Sous beaucoup de rapports, et sur-
— XXXI —
tout sous celui de la vibration de la vie et de la pensée, il ne sera pas
remplacé. Quand les circonstances de ma vie, — permettez-moi ce
souvenir personnel — me Axèrent à Nantes, un peu après 1810, il y
avait un groupe d'artistes et de lettrés, quelques-un déjà dans la force
de l'âge, mais la plupart en pleine effloirescence de jeunesse, groupe
avec lequel mes propres goûts ne tardèrent pas à me lier ; — je pour-
rais vous y nommer, par un rapide souvenir, M. Evariste Colombel,
les deux Guéraud, M. Antbime Menard et M. Menard le sculpteur, M.
Suc, dont le ciseau a créé la statue célèbre de la petite mendiante,
honneur de la collection de notre collègue M. Bacqua, M. Eugène
Lambert, qui se délassait par de charmantes poésies des sévères
travaux de la magistrature, M. Benjamin Fillon, qui s'y joignit un
peu plus tard, ainsi que M. Parenteau, et, pour faire court, notre
regretté confrère, M. Foulon. — Vif, pétillant d'esprit, ouvert d'ima-
gination, parlant de tout, sachant de tout, ce jeune Breton breton-
nant — M. Foulon était du pays de Josselin — nous éblouissait véri-
tablement ; nous comptions beaucoup sur lui, et telle était la force
réelle de cet esprit, en quelque sorte de puissance magnétique,
que quand M. Foulon fut enlevé par la mort à l'âge de 70 ans,
nous y comptions encore. — Cette force même fut, peut-être, ce qui
l'empêcha de produire autant que nous l'avions espéré. Savant,
lettré, épris des arts, notre regretté confrère crut pouvoir tout con-
naître, et il se dispersa en étendue, dispersit. — 11 a, du reste, mar-
qué sa trace en plus d'une voie, — et, laissant même de côté ses tra-
vaux sur la politique, publiés en 1871, fruits d'une généreuse pensée
pour la rénovation de la France, nous vous rappellerons entre autres,
mes chers collègues, deux excellents mémoires archéologiques, l'un sur
les télégraphes chez les anciens, l'autre sur les meules préhisto-
riques ; — puis encore, et surtout, citons un charmant travail sur
Transon, le charcutier désormais de par lui quasi immortel.
Cet homme, supérieur par son instruction à la plupart des personnes
de sa condition, avait, un des premiers après la Révolution, recueilli
et sauvé de nombreuses épaves du grand naufrage où avaient sombré
tant d'objets d'art et de précieuses reliques en tous genres. — Notre
confrère avait connu, apprécié, fréquenté Transon, et il nous a redit
et peint avec une verve piquante, qui ne se dément pas d'un bout à
l'autre de son récit, l'homme, ses mots et ses collections. — Il y a peu
d'années, je vous aurais dit qu'il semblait, à lire ce récit, entendre une
— XXXII —
conversation de notre confrère comme sténographiée ; aujourd'hui,
nous avons une comparaison plus juste encore ; l'Américain Edison,
en inventant le téléphone, nous l'a fournie. — Oui, véritablement, cher
Foulon, à lire ces pages si spirituelles, si pleines d'originalité, de verve
et d'entrain, on croit encore vous entendre, et avec quel charme! —
car vous étiez un inimitable causeur. — Le saviez-vous suffisamment,
et si vous le saviez, pourquoi ne pas nous avoir donné plus souvent
de pareilles pages ?
Nous allons maintenant, mes chers collègues, vous entretenir un
moment de M. Siméon Berthault, curé de Basse-Goulaine, dont le nom
était revenu plus d'une fois au cours de nos séances, tant pour l'in-
térêt qu'il nous portait que pour les travaux éclairés qu'il faisait exé-
cuter dans sa paroisse, sous l'inspiration des progrès archéologiques
de notre époque. Né, croyons-nous, dans le pays de Bourgueil, en Tou-
raine, mais d'une famille d'origine nantaise, il était venu jeune dans
notre diocèse, et avait été élevé au sacerdoce en 1849. Il fut, peu
après, envoyé au poste assez difficile de vicaire au Croisic. La popu-
lation de nos petites villes de mer est fort mélangée, fort di-
verse : bourgeois, marins, paludiers, il faut plaire à tous, se faire à
tous. M. Berthault y réussit dans une rare mesure, si bien qu'on hé-
sita longtemps à le ravir à l'adoration de toute la population. — On
dut cependant lui confier un jour un poste plus élevé, et il fut nom-
mé, en 1866, curé de Basse-Goulaine. L'église de cette paroisse était
dans un état de délabrement plus complet encore que son voisin le
magnifique castel, auquel s'attache le souvenir d'une héroïne, Yolande,
et le nom d'une de nos premières familles. — M. Fabbê Berthault ré-
fléchit, consulta et jugea avec raison qu'il était d'une meilleure éco-
nomie de reconstruire une nouvelle église que de tenter une restau-
ration difficile et d'un résultat peu certain. — Gomment en trouva-
t-il les moyens ? Il y a là de ces secrets qu'ont déjà trouvés bien des
fois — c'est leur honneur — des prêtres zélés dans notre département.
Nous croyons savoir, toutefois, que l'influence et le crédit de M. Sta-
nislas de la Laurencie, maire alors de Basse-Goulaine, et frère de mon
honorable successeur, lui apportèrent une aide puissante. Cette église,
que nous ne connaissons point personnellement, est, nous a-t-on dit,
réussie. Rien d'étonnant, car M. l'abbé Berthault aimait les arts et se
connaissait dans tous, aussi bien en musique qu'en peinture, en sculp-
ture qu'en architecture.— On nous a cité comme un trait intéressant,
— XXXIII —
ingénieux 'et neuf, la pensée qu'il mit à exécution de faire repré-
senter dans les vitraux les stations du Chemin de la Croix.
Un des jours heureux de la vie de M. Berthault, un de ces jours qui
récompensent de bien des peines et des fatigues, fut celui où Mgr
Fournier, qui avait posé la première pierre de la nouvelle église, en
novembre 1873, vint la consacrer, le 2 mai 1877, peu de jours avant le
départ de ce prélat d'immortelle mémoire, pour ce voyage de Rome,
dont on ne devait nous rapporter que sa glorieuse dépouille.
Mais il était dans les décrets du Seigneur que M. l'abbé Berthault,
son oeuvre accomplie, n'en jouirait pas cependant pendant longtemps.
Atteint dès lors d'une maladie de cœur, il fut enlevé le 7 décembre
1878, mûr pour le ciel, mais jeune encore peur ce qu'un prêtre
de ce mérite aurait pu accomplir; —il avait à peine 56 ans. —
C'était, selon tous ceux qui l'ont connu, un homme plein d'intel-
ligence et d'esprit, bon affectueux et simple ; il aimait à se pro-
mener dans sa paroisse, causant jusqu'avec les plus humbles de ses
ouailles, entrant dans leurs chaumières, s'intéressant à leurs travaux,
à leurs besoins, bénissant leurs enfants, secourant les malheureux,
et se faisant aimer de tous; — bref, une nature à la fois riche et rare.
On l'a enterré dans l'église neuve qui est son œuvre, dans le chœur,
devant l'autel.
Nous devons à sa bienveillance et à l'entremise de son digne ami,
notre éminent collègue, M. l'abbé Cahour, le don pour notre Musée
d'une belle statue de sainte Anne, avec la Vierge et l'Enfant Jésus,
statue qui était dans le jardin de la cure.
M'est-il permis d'ajouter que c'est un de nos plus zélés collègues,
M. l'abbé Meynier, vicaire à Chantenay, qui a remplacé M. l'abbé
Berthault comme curé de Basse-Goulaine. — Il eût été difficile de
mieux choisir.
De M. l'abbé Siméon Berthault à M. l'abbé Adolphe Dubois, qui le
suivit bien peu de mois après dans la tombe, le transition est toute
naturelle : — tous deux ont combattu le bon combat.
Ceux de nos collègues que pare encore cette fleur charmante qu'on
nomme la jeunesse, n'ont point dû connaître M. l'abbé Dubois ; sa
santé l'avait fait depuis longtemps se retirer dans sa famille, à Pont-
château. Mais ceux qui, comme moi, s'honorent d'avoir été les fonda-
teurs de cette Société, en 1845, et ceux qui nous y ont suivis de près,
ne sauraient avoir oublié ce prêtre si digne, d'aspect si distingué, de
c
— XXXIV —
rapports à la fois si réservés et si courtois. Ces qualités qui s'accor-
daient chez lui avec de grandes vertus ecclésiastiques, qui), avait
montrées d" abord comme membre de la Société de Saint-Sulpice, puis
comme vicaire de Saint-Clément, le firent, dès l'âge de 32 ans, en
1837, choisir par Mgr de Guérines comme secrétaire-général de notre
Evêchô.
Mgr de Hercé n'apprécia pas moins que Mgr de Guérines M. l'abbé
Dubois, et lui conserva les mêmes fonctions. Peu après la mort de ce
digne évoque, en 1849, M. l'abbé Dubois jugea à propos de se retirer
d'un poste honorable et élevé, il est vrai, mais auquel ses forces ne
suflisaient plus. Il ht encore apprécier pendant quelques années son
caractère et ses talents, notamment comme membre de l'Administra-
tion des hospices et de la Commission des prisons, jusqu'au moment
où, sentant de jour en jour ses forces décliner et les inhrmitôs reve-
nir et s'accroître, il se retira de notre ville, où on ne l'apercevait
plus qu'à de rares intervalles.
Né à la Patelière, commune de Paulx, dans le canton de Machecoul,
le 7 octobre 1805, d'un père qui avait combattu avec honneur dans les
armées vendéennes, M. l'abbé Dubois, décédé en avril 1879, à Pont-
château, était dans sa Tie année. Il avait reçu la prêtrise en 1830, des
mains de l'illustre prélat de Paris, Mgr de Quélen. — Il s'en est donc
fallu de bien peu qu'il pût célébrer ses noces d'or, cet honneur et ce
bonheur souverains à la fois de la vie d'un prêtre.
M. l'abbé Dubois avait toujours eu un goût très vif pour l'archéo-
logie, comme pour tout ce qui touchait aux choses de l'esprit et de
l'intelligence ; les arts surtout étaient sa passion ; il n'était pas de
vente de livres, gravures, objets d'art, dans notre ville, où on ne le vit,
— je parle bien entendu d'un temps déjà éloigné, — où on no le vît, dis-
je, aux premiers rangs, choisissant avec discernement et achetant
avec intelligence ; les gravures surtout étaient pour lui l'objet d'une
véritable passion. — Que sont devenues ses collections ? — Habeni
sua fat a. . . a dit le poète.
Quelques mots seulement sur nos collègues, MM. Blanchard-Mervau
et le docteur Mahot, car je ne veux point, chers collègues, abuser de
votre patience à m' entendre ni de vos moments. -- Esprit sage, orné,
judicieux, M. Blanchard-Mervau était un de ces hommes marqués d'un
cachet original très personnel qu'on n'oublie pas. Reçu avocat en
1841, inscrit au barreau en ISii, il n'honorait pas moins sa profession
— XXXV —
d'avocat que M. le docteur Maliot la sienne. — M. Mahot était un des
plus brillants élèves de l'illustre docteur Fouré, sorte d'Hippocrate
dont l'histoire de la médecine à Nantes aura le droit de se montrer
justement flore. M. Mahot avait recueilli de son maître une méthode
régulière, sage et savante dans la pratique, et le don d'inspirer à ses
malades une confiance absolue. — 11 joignait à ces mérites les qualités
d'un homme aimable et bon, digne de toute espèce d'estime et de con-
sidération.
Je croyais avoir achevé cette funèbre liste de nos pertes, quand
une nouvelle m'est donnée, chers collègues, qui me surprend et m'at-
terre comme un coup de foudre : notre excellent confrère, M. Amédée
Mercier, un de ces hommes dont on devient comme un vieil ami sitôt
qu'on les connaît, M. Amédée Mercier est mort à Poitiers le 6 de ce
mois, à peine âgé de 52 ans. — C'était un vrai savant, et avec cela
quelle simplicité ! quelle modestie ! — Né au Bourg-Dun, dans la
Seine-Inférieure, il avait fait ses études au collège du chef-lieu de
l'arrondissement, Yvetot. Il devint, fort jeune encore, professeur à
I
Pontivy, où il resta longtemps et se maria. Puis, en 1873, il fut
nommé professeur de quatrième, à Nantes, au Lycée, après avoir
passé ses agrégations de grammaire et d'histoire à Paris. — En 1878,
il fut chargé de la classe de troisième, et enfin, en mai 1880, fut élevé
à celle de rhétorique. Quelque important que soit ce poste, dans la
hiérarchie universitaire, M. Mercier, comme si déjà, sentant les
atteintes de la maladie qui devait peu après l'emporter, il eut voulu
prouver qu'd était capable d'atteindre un jour les positions les plus
hautes de sa noble profession, M. Mercier voulut passer l'examen du
doctorat ès-lettres, et son examen fut pour lui un vrai triomphe.
Aussi lui offrit-on presque immédiatement une chaire de Faculté.
Toulouse désirait vivement l'avoir, et M. Félix Robiou, le savant pro-
fesseur de la Faculté de Rennes et son ancien confrère, lit tout au
monde aussi pour l'attirer. Mais notre collègue préféra Poitiers, où on
lui confia le cours de littérature ancienne, tout à fait dans ses goûts,
et par son passé de professeur et par une direction naturelle de son
esprit vers l'étude des langues. — Vous vous souvenez, mes chers
collègues, des belles études que M. Mercier, associant parfois à ses
recherches son jeune et érudit élève M. Régis de l'Estourbeillon, nous
communiqua sur les origines diverses des populations de nos contrées,
sur leurs mélanges, leurs alliances, les influences diverses qui ont agi
— XXXVI —
sur elles, et cela, surtout, d'après les noms de lieux et une étude
approfondie des divers idiomes celte, latin, roman et d'autres peut-
ôtre encore. — Ces travaux, aussi savants qu'ingénieux, qui portaient
avec eux leur démonstration, nous les écoutions et les admirions, les
considérant comme une vraie bonne fortune et dignes des académies
de premier ordre. — Hélas ! nous devions être presque seuls à jouir
des travaux de M. Mercier. — Je me trompe, il restera de lui comme
son testament ses deux belles thèses de doctorat.
Vous ne m'en voudrez pas, mes bons collègues, si je crois encore
devoir ajouter un nom à ceux de ces chers défunts, mais il me pren-
drait comme un remords de ne pas adresser au moins un court et
funèbre adieu à un honorable antiquaire, qui, sans faire précisément
partie de notre Société, était lié avec la plupart de ses membres, les
aidait de ses conseils éclairés, et a plus d'une fois contribué à l'enri-
chissement de nos collections, je veux parler de M. Hubin delà Rairie.
Habile dessinateur, ayant beaucoup voyagé, beaucoup vu, beaucoup
acquis, c'était, selon tous les hommes impartiaux, le plus fin connais-
seur en antiquités de notre ville. — Il appréciait peu le moderne,
le moyen âge lui-même n'était pas son étude ni son objet de prédi-
lection ; il daignait accueillir la Renaissance avec quelque indulgence ;
mais quand il tenait en main quelque fragment de belle antiquité grec-
que et vous en exaltait les mérites souverains, les yeux s'ouvraient,
pour ainsi dire, l'âme s'exaltait avec la sienne, et, pour un moment, on
eût voulu revivre dans la ville de la grande Minerve Athéné, au temps
des Phidias et des Praxitèle. La mémoire de cet homme aimable et
distingué demeurera ineffaçable dans mon cœur, vous me pardonnerez,
mes chers collègues, de vous en avoir entretenus un moment. — L'é-
loge est chose si douce à faire ! — Aussi me sera-t-il encore permis,
je l'espère, avant de clore ce discours et de descendre du fauteuil
présidentiel, de rappeler à grands traits quels furent les travaux
principaux qui ont honoré cette période de vos annales.
M. l'abbé Cahour, ce nom vient bien naturellement le premier sous
ma plume, a continué le cours de ses belles études hagiographiques
sur les saints de notre diocèse, semblable en cela à un antiquaire qui,
par ses soins habiles et savants, rendrait tout leur lustre à de vieilles
médailles. On sent que chez notre collègue le cœur et la foi condui-
sent la plume et encouragent des recherches souvent longues et dif-
ficiles. C'est ainsi que dans la séance du 2 juillet 1878, il nous a lu une
— XXXVII —
notice pleine d'intérêt sur le prieuré de Saint-Lupien, près Rezô. —
Ce saint, tout local, et qui nous appartient bien, nous l'ignorions, la
plupart d'entre nous, absolument, déguisé qu'il était depuis longtemps
sous le nom de saint Lucien. Désormais, c'est, sans conteste, saint
Lupien de Rezé qu'il faudra dire. — L'bistoire de sa vie n'est pas
considérable, mais elle est, du moins, authentique. Grégoire de Tours
nous apprend, en effet, qu'il vivait au IVe siècle, fut baptisé par
saint Hilaire de Poitiers, mourut encore revêtu des habits blancs de
son baptême, qu'alors on portait pendant huit jours, et fut enterré à
Rezô. Ce fut bien probablement dans la chapelle à laquelle M. l'abbé
Gahour vient de restituer son nom exact. Des miracles, apprenons-
nous encore de saint Grégoire de Tours, ne tardèrent pas à se mani-
fester à son tombeau, et la ferveur des peuples continua pendant
longtemps à y conduire des pèlerins. — D'intéressants dessins de nos
confrères MM. Van-Iseghem père et Louis Petit accompagnèrent cette
belle étude, que M. l'abbé Gahour termina par le vœu que la chapelle
de saint Lupien soit bientôt achevée de réparer et rendue au culte,
vœu que nous partageons tous naturellement.
Avec M. de Lisle du Dréneuf nous poursuivons de bien neuves et
curieuses investigations dans le domaine du préhistorique. Non seule-
ment il fouille des dolmens vierges et jusqu'à lui presque inconnus,
mais il semble que notre collègue ait comme un don de double vue
pour retrouver dans nos contrées les traces des populations qui ont
précédé celles des dolmens et ne se servaient encore que de la pierre
non polie. Nous suivons ses travaux et ses heureuses découvertes
avec le plus constant intérêt.
M. Pocard-Kerviler, l'émment ingénieur de Saint-Nazaire, nous a
moins donné que dans la période précédente, — on ne rencontre pas
toujours des ports préhistoriques, — mais il fait partie de notre
Société, il en est une des gloires, et nous avons bien le droit de le félici-
ter de son infatigable production dans le quadruple domaine des scien-
ces, des arts, des lettres et de l'archéologie. Ses biographies, entre au-
tres, des Bretons, membres de l'Académie française, sont des œuvres du
plus vif intérêt et de la plus haute valeur. — Nous tenons aussi à si-
gnaler ici un excellent travail sur les chaires religieuses extérieures
de nos contrées, publié dans la belle Revue illustrée de la Bretagne,
fondée par M. Monnier. — Une place à quelqu'une des grandes Acadé-
mies de Paris réclamera un jour M, Pocard-Kerviler. — En attendant,
il a été décoré en 1878.
— XXXVIII —
M. Gustave Blanchard, d'Herbignac, noua a donné deux travaux,
fruits de longues recherches et d'observations incessantes et patiem-
ment recueillies. La lecture de ces travaux est de celles qui ont été en-
tondues avec le plus d'attention et d'intérêt. L'un de ces travaux est
intitulé: Le Dialecte breton de Vannes au pays de Guérande \ le
second: De quelques usages anciens conservés au pays g ntérandais .
Si le premier est plus savant peut-être, l'autre est pour nous d'un prix
«ncore plus estimable. Oh! qu'il est temps, en effet, de recueillir tous
ces usages si curieux, si pittoresques, si philosophiques souvent d'in-
tention pour qui sait les comprendre, qui différenciaient autrefois les
races les unes d'avec les autres.
— Quelques années encore, et ceux de ces usages qui ont pu demeu-
rer, auront aussi disparu pour faire place à la plus déplorable unifor-
mité. — Déjà M. Blanchard en a vu disparaître beaucoup du pays qu'il
nous raconte, mais il y connaît encore les cris épouvantables, les lamen-
tations, les gémissements, les larmes sur les tombes à la façon des
barbares ou des Celtes, nos ancêtres, cris qui s'éteignent, larmes qui
se sèchent, comme par enchantement, aussitôt qu'on a repassé le seuil
du cimetière; — il y entend encore, par contre, des cris de joie dans
les festins et dans les danses, cris qui jetteraient plutôt, par leur vio-
lence, la terreur dans le cœur de ceux qui en ignoreraient la signification.
— C'est encore le Celte que M. Blanchard retrouve dans les luttes, les
danses, les chants. Vous avez entendu cette lecture, mes chers collè-
gues, au moins la plupart d'entre vous ; je m'estimerais heureux si ce
que je vous en ai rappelé vous engageait, comme moi, à la relire.
M. Léon Maître nous a, entre autres communications, montré les hos-
pices, les léproseries du moyen âge nous guidant pour retrouver les
voies romaines, et celles-ci à leur tour nous aidant à retrouver les
asiles hospitaliers de nos pères. C'est un travail neuf, d'une haute éru-
dition et d'une grande portée, digne en un mot du savant archiviste de
notre département, que a Société académique vient de mettre à sa tête.
M. Amédée de Bejarry nous a plusieurs fois conduits dans le fond
des bocages vendéens et nous y a montré des monuments bien curieux
et jusqu'à lui non décrits ou décrits incomplètement, les uns de l'âge
de la pierre, les autres des premiers siècles chrétiens. — M. Amédée de
Bejarry est un de nos plus anciens fidèles et l'on formerait presque un
volume des excellents travaux que ce modeste, attentif et savant ex-
plorateur du Bas-Poitou nous a donnés.
— XXXIX —
Avec M. l'abbé Dominique, nous nous sommes transportés beaucoup
plus loin, en Ecosse, en Irlande, en Danemark et même encore plus
loin, presque au bout de notre monde, jusqu'aux îles Fidgi. — Savant
dans la langue anglaise, fils d'un pore très érudit, riche lui-même
d'aptitudes et de connaissances très variées, notre bon confrère aime
à nous initier aux mythes, aux légendes, aux croyances des divers peu-
ples. — Sous ce rapport, son travail sur Odin, ce personnage à la fois
historique et mythologique des religions et des cosmogonies du Nord,
est surtout remarquable.
Fort réclamé — il a le droit de s'en glorifier— par toutes les Sociétés
et publications savantes de notre ville, M. de la Nicollière-Teijeiro no
nous oublie pas, cependant, et tout en donnant de temps à autre quel-
ques bons documents sur la ville, dont il est, on le sait, l'éminent ar-
chiviste, c'est surtout sur les vastes mers océaniques qu'il aime à nous
faire suivre nos braves marins bretons, et à nous raconter leurs ex-
ploits.
Un de nos plus jeunes membres, mais marqué au front de l'étoile des
heureux, M. Raoul de Rochobrune, fils de notre plus célèbre graveur
d'architecture contemporain —est-il besoin, mes chers collègues, de
vous le désigner par son prénom d'Octave? — M. Raoul de Rochebrune
nous a fait part de deux magnifiques découvertes ; découvertes, je puis
le dire, de grand et premier ordre. Dans son jardin même, en
Vendée, des travaux de culture ayant fait sortir de terre quelques dé-
bris antiques, M. de Rochebrune fît exécuter une fouille qui amena au
jour la sépulture entière d'un légionnaire romain, enterré avec toute
son armure; ce fut probablement un des derniers soldats qui défendi-
rent au loin l'indépendance de la mère patrie. Assurément, nous Gau-
lois, Armoricains ou Celtes, nous avons bien le droit de ne voir dans
ces milices romaines que des envahisseurs de notre pays, mais on ne
peut cependant s'empêcher d'admirer la fidélité de ces hommes qui,
même au loin, semblaient deviner le moindre geste de leur César et lui
porter obéissance, et d'estimer à la plus haute valeur la sévère disci-
pline qui les avait formés et leur avait fait conquérir l'univers. — En
tout cas, archéologiquement parlant, l'ensemble de cette rare panoplie
est d'un extrême intérêt ; le casque, surtout, d'une extraordinaire con-
servation, est une pièce à peu près unique.
Il semble que la chance aurait dû en rester là, au moins pendant un
certain délai, pour notre jeune confrère, mais non, à peine avait-il
— XL — |
fini de publier sa découverte, qu'il rencontrait, non plus tout à fait
chez lui, mais chez un parent, dans la Vienne, une caverne préhisto-
rique des plus importantes ; je vous l'ai dit, M. de Rochebrune est
marqué de l'étoile. — Presque toutes les époques des temps primitifs
sont représentées dans cette caverne en nombreux et magnifiques
échantillons.— Il s'y trouve jusqu'à une défense de mammouth, et,
objet plus rare encore peut-être, de ces ossements de rennes où l'art de
nos vieux ancêtres s'est essayé à nous retracer les images des êtres de
la création avec lesquels ils vivaient. — M. de Rochebrune a bien
voulu nous donner les prémices de sa découverte qui nous vaudra de
lui, plus tard, un important travail dont nous le remercions à l'avance.
Dans notre dernière séance, et comme le bouquet de cette période
pendant laquelle j'ai eu, mes chers collègues, l'honneur de vous prési-
der, nous avons entendu, avec un intérêt pour ainsi dire concentré,
une étude de notre ôminent agent-voyer en chef du département, M.
Eugène Orieux, sur la campagne de César chez les Vônôtes. Pendant
de longs siècles, on avait toujours cru que cette campagne avait eu
lieu dans le Vannetais actuel, sur la rive droite de la Vilaine, et que
la célèbre bataille sur la côte armoricaine, que César nous a décrite
avec tant de soin et un si légitime orgueil, s'était livrée dans la mer
du Morbihan, quand une nouvelle théorie a tenté, il y a quelques an-
nées, de déplacer toute cette campagne et de la rapprocher de l'embou-
chure de la Loire, sur la rive droite de ce fleuve. — Surpris de cet
étrange système, paradoxal au plus haut chef, selon lui, et comme
effrayé des progrès qu'il faisait rapidement parmi les savants, historiens
ou géographes, M. Orieux a jugé qu'il était temps de lui couper court, et
dans un langage très sobre et très ferme, le texte de César soigneuse-
ment serré dans son argumentation, préparé d'ailleurs, comme un pe-
tit nombre peuvent l'être, par ses aptitudes d'esprit personnelles et
par sa carrière, aux études topographiques, il me paraît y avoir réussi.
La liberté de la réponse est d'ailleurs toujours sauve.
Que vous dirai-je encore, mes chers collègues ? que vous rappelle-
rai-je? Vous le voyez, la matière est riche. L'oserai-je dire, mais vous
doutiez- vous vous-mêmes de la masse du travail que, semblables à l'a-
beille qui produit peu à peu son miel annuel, vous aviez accumulée
dans notre ruche archéologique ? — Je voudrais m'arrêter pour ne pas
trop prolonger ce discours d'adieu, et cependant ne serait-il pas juste
de vous remémorer au moins par leurs noms MM. Evellin, Merland,
— XLI —
de la Borderie, Petit, Maugras, MM. les abbés Grégoire et Gallard, M.
le comte de Breraond d'Ars, M. F. Ledoux, M. le docteur Anizon, et
j'en devrais peut-être ajouter d'autres qui nous ont fait d'intéres-
santes communications.
Je dois aussi, je crois, quoi qu'il m'en coûte, car le moi est, dit-on,
haïssable, me présenter un moment devant vous, non plus comme pré-
sident, mais comme travailleur, ne fût-ce que de profil. Je le dois, car
c'est mon meilleur moyen de vous parler de mon excellent ami, M.
Charles Seidler, et de notre si digne et si savant conservateur du
Musée, M. Fortuné Parenteau, qui ne m'est pas moins cher. — Je
laisse de côté, en ce qui me concerne, quelques causeries que l'intérêt
du sujet a bien voulu vous faire accueillir avec bienveillance, l'une
notamment sur un curieux coffret de cuir gravé, au mythe de la li-
corne, si en faveur chez nos pères, — et une autre sur de précieux
bas-reliefs manichéens en ivoire, découverts près de la Cathédrale, et
j'aborde, sans plus tarder, la communication qui va m' amener à M.
Seidler. — Dans un travail que je publiai, il y a quelques années,
dans vos annales, intitulé : Le Tumulus des trois Squelettes, près
Pomic, je donnai le dessin d'une rare inscription découverte dans
un des caveaux de ce tumulus, et soutins, contrairement à l'opinion de
plusieurs antiquaires de Morbihan, contrée où existent un certain
nombre d'inscriptions analogues, que le moment arriverait où on par-
viendrait à les déchiffrer. — Or, voilà qu'un jour, la vue des inscrip-
tions de la Lybie, vaste contrée entre Constantine et l'Egypte, vint
me donner raison. Nos inscriptions étaient presque analogues, il
fallait voir dans la plupart de leurs signes des lettres et non des fi-
gures, et l'on était d'accord sur la dénomination de presque toutes
ces lettres. Comme celles de la Lybie, les inscriptions de nos dolmens
étaient du phénicien un peu déformé, du phénicien, c'est-à-dire la
plus ancienne des langues écrites, peut-être, si l'égyptien ne lui avait
donné naissance, comme l'a démontré mon cousin et ami, le vicomte
Emmanuel de Rougé, dans un splendide mémoire publié seulement
depuis sa mort et dont l'autorité n'est contestée par personne. — Or,
mes chers collègues, il eût fallu voir avec quelle ardeur M. Seidler,
saisissant cette idée de la langue de nos inscriptions, idée approuvée
aussi par M. Parenteau, la développa, l'illustra, pour ainsi dire, par
des tableaux comparatifs, faisant même venir à grands frais des ou-
vrages de prix de divers pays pour mieux l'étudier et lui donner la
— XLII —
valeur d'une démonstration sans réplique ! — Vous le voyez' mes
chers collègues, vous ne m'en voudrez pas, j'étais bien obligé de
vous rappeler ma découverte.
Je dois encore vous rappeler ici que, grâce à vos généreuses libéra-
lités, de nouvelles fouilles entreprises par moi dans le pays de Pornic,
cette fois du côté de la Bernerie, furent couronnées d'un assez grand
succès de découvertes ; je ne m'en vante nullement, c'est là affairo
de chance. Mais votre musée s'est enrichi des heureuses trouvailles
résultats de ces fouilles, et elles ont acquis comme un lustre double
placées dans les belles vitrines que l'invincible persévérance de notre
conservateur a enfin obtenues du Conseil général, et que notre êmi-
nent collègue, M. Bourgerel, a dessinées et su faire exécuter avec tant
de goût.
Assurément notre musée manque peut-être encore un peu d'aspect
comme élégance, comme miroitage à la vue, mais quelle différence
toutefois avec ce qu'il était encore il y a peu d'années ! Tel qu'il est,
et il n'a pas dit son dernier mot, la cité a le droit de s'en enorgueillir ;
s'il n'est pas tout à fait le premier, il est du moins un des premiers
de France, surtout par la variété de ses richesses ei l'intérêt incom-
parable de plusieurs. — La Société y a certes contribué, et grande-
ment ? toutefois, sachons être justes, notre bon collègue, M. Paren-
teau, en peut être considéré comme presque le créateur. — Ne le
quittons pas ce collègue si éminent, si dévoué, un des premiers numis-
mates de notre pays, sans rappeler que, comme membre de la So-
ciété, il nous a fait plus d'une fois de bien intéressantes communi-
cations, dont une, entre autres, remplie d'heureux aperçus sur le culte
du veau d'or chez tous les peuples.
Nous avons donc parcouru cette période de la vie de notre Société,
je ne dirai pas sans gloire, le mot serait excessif, mais, du moins,
nous ne l'avons pas parcourue sans honneur. — Continuons, mes chers
collègues, élevons nos âmes, sursum corda, élevons-les par le travail
vers l'amour de l'humanité. Quand elle est belle dans le passé, le passé
qui est surtout notre domaine, on l'admire ; — quand elle est mau-
vaise, quand le laid y fait tache, on la plaint mais on l'aime toujours,
et tirons de ces défaillances momentanées des leçons et des conseils
pour l'en garer dans l'avenir. Jeunes gens surtout qui m'écoutez,
jeunes adeptes, vous la force future de notre œuvre, que ce soit là
votre plus cher but ; les études de votre esprit se trouveront ainsi
— XLIII —
d'accord avec les aspirations de votre cœur ; et vous qui avez fondé
avec moi cette Société, il y a un tiers de siècle, et qui voyez s'éloi-
gner dans l'horizon du passé et de l'arrière du navire les jours de
votre jeunesse, et même ceux de votre virilité, recueillez en votre
esprit cette belle pensée d'un écrivain moderne : « La science est une
chose jeune, elle suppose la fraîcheur de l'âme, et quand elle remplit
la vie, elle empêche de vieillir. »
LE Bon DE WlSMES.
ALLOCUTION
PRONONCEE
A LA SÉANCE D'INSTALLATION
DU NOUVEAU BUREAU
18 JANVIER 1881
» ... Je me comparerais à ce Tioyen
» qui mérita la protection d'une Déesse,
» seulement parce qu'il la trouva belle. »
Montesquieu.
Messieurs et chers Collègues,
Je suis bien mal préparé à l'honneur de diriger votre savante com-
pagnie.
D'impérieuses circonstances en dédoublant ma vie, pour ainsi dire,
m'ont tenu depuis deux ans trop à l'écart de vos intéressantes réu-
nions ; devenu ainsi, et par force majeure, l'un des moins assidus
peut-être de vos collaborateurs, je me croyais des droits indiscutables
et nouveaux à en demeurer le plus indigne de toute distinction.
Tel n'a pas été votre sentiment; et vos libres suffrages se sont
groupés sur mon nom, quoique j'eusse pris la précaution de les dé-
cliner.
Fallait-il, après coup, persévérer dans cette voie ?. . . Etais-je rece-
vable à élever le conflit dans notre pacifique milieu ?. . . Ne devais-je
pas, plutôt, selon le conseil des amis que j'ose compter parmi vous,
oublier ma personne, écarter des scrupules malheureusement motivés,
et, secondant vos desseins, m'incliner devant votre verdict?
Je me suis arrêté à ce dernier parti.
Vous avez jugé que je pouvais être de quelque utilité dans ces fonc-
tions délicates où, depuis trente-cinq années, mes vaillants prédéces-
seurs, rivalisant d'urbanité, de tact, de zèle, de notoriété et de savoir,
— XLVI —
ont emporté dans leur retraite une part égale de notre vive gratitude;
si aventurée, je le crois, que soit votre confiance ; si lourd que me
paraisse l'héritage, je ne mesurerai pas la peine quand vous marquez
ma place aux avant-postes, et j'accepte le difficile mandat dont vous
avez daigné m'investir.
J'accepte surtout le témoignage de vos sympathies, Messieurs et
chers Collègues ; vous m'offrez là un joyau d'un grand prix: je vous en
suis profondément reconnaissant.
Maintenant, et à l'heure où nous allons signer comme un contrat de
fidélité pour une période de trois ans, une Olympiade à peu de chose
près, souffrez que je précise nettement le caractère de nos situations
respectives :
La fortune scientifique est de votre côté ; du mien, un dévouement
absolu à la cause et à l'indépendance de notre Association; mais, à
cela se borne mon apport ; car, à rencontre de l'insinuation louangeuse
de M. le baron de Wismes, le temps m'a manqué jusqu'ici pour me
constituer une dot archéologique convenable : c'est là le point noir de
notre commun horizon.
Puisse la franchise de cet aveu m' attirer ce soir votre bienveillante
attention, et, dans l'avenir, votre concours le plus indulgent I
Me serait-il permis d'en découvrir les gracieuses prémices dans le
soin que vous avez mis à choisir les correctifs indispensables de mon
insuffisance : comment désigner autrement les éminents collègues
dont je me vois entouré ?
Que de garanties d'éclectisme, quelle source d'impulsions vives et
réfléchies à la fois ne trouvé-je point dans la composition du Comité
central, notre Sénat à nous, n'est-il pas vrai ? et où l'expérience,
l'esthétique, unies à un esprit toujours jeune, me montrent, dans M.
Henri de Gornulier, le successeur judicieusement acclamé du docte et
bon abbé Gahour ?
Ici, parmi mes assesseurs ordinaires, quel bonheur pour moi de
rencontrer d'abord : notre vénérable Trésorier, M. Petit , la clef de
voûte d'un système financier fort modeste, mais que son habile et cor-
recte gestion a préservé et préservera longtemps, je l'espère, de ces
crises néfastes au milieu desquelles, (il y a là sans doute une exagéra-
tion historique), on a vu crouler autrefois le crédit de républiques et
d'empires puissamment établis.
Ensuite, votre aimable Vice-Président, M. Lemeignen, votre Biblio-
— XL VII —
tliécaire, vos Secrétaires », tous si bien placés dans l'estime de notre
ville, si assurés de celle du monde savant où de précoces et remarqua-
bles publications leur ont acquis un rang enviable, et nous fournis-
sent de justes éléments de fierté locale.
Là, nous dépassant par la sûreté et la variété de ses connaissances,
hésiterais-je à saluer mon excellent compatriote de Vendée, le conser-
vateur, l'âme, devrais-je dire, de notre splendide musée de l'Ora-
toire, l'arbitre de toute contestation archéologique, le numismate
obligeant autant que distingué ? J'ai nommé M. F. Parenteau.
En vérité, Messieurs et chers Collègues, pouvais-je mieux inaugu-
rer l'exercice de mon autorité triennale qu'en me faisant l'écho
de vos désirs unanimes, et en souhaitant de tout cœur, à cette
pléiade d'élite, une sincère et chaleureuse bienvenue ?
A côté de ce devoir, l'un des plus agréables de ma charge, se pré-
sente une obligation flatteuse, mais inéluctable et assurément au-
dessus de mes forces ; j'essaierai néanmoins de m'en acquitter.
J'aurais presque voulu en reculer encore F accomplissement, jaloux
de prolonger par cet artifice la Présidence magistrale de M. le baron
de Wismes.
Oui, cher et honorable maître, il s'agit de vous donner acte de votre
discours d'adieu, ou plutôt, de l'admirable travail que vous venez de
nous lire ; il s'agit de noter le point précis où je puis bien occuper
ce siège respectable, mais non vous y remplacer ; de fixer cet instant
fugitif oU le Passé, illustré par vos réels succès, et l'Avenir incertain
qui m'incombe, tous deux, ce soir, rattachés au Présent, vont échan-
ger une dernière et affectueuse étreinte.
Interprète de notre Société, j'ai à traduire les hommages et regrets
dont chacun de nous vous prie d'accepter l'expression.
Vous ne nous avez ménagé ni votre temps, ni vos fatigues ; chef
obéi de notre petite phalange nantaise, vous en êtes toujours resté
le premier soldat ; jamais nul ne vous vit déserter la mêlée ; nos vic-
toires furent votre œuvre légitime, au moins dans une notable pro-
portion, et par vous, enfin, resplendit d'un nouvel éclat cette auréole
au centre de laquelle je vois briller, avec le vôtre, les noms de vos
nobles devanciers.
(*) Bibliothécaire : M. Blanchard.
Secrétaire général : M. de Lisle du Dréncuf. — Secrétaire du Comité : M.leC" de
l'Eslourbeillon. — Secrétaire-adjoint: M. A. des Jamonicrcs.
— XLVIII —
Plus favorisé que votre humble serviteur, vous avez apporté au
fauteuil présidentiel des titres dont rémunération seule transportera
de joie votre biographe futur.
Ils forment cette partie de vous-même qu'il vous faut aujourd'hui
abandonner à mon entière disposition ; je les rappellerai brièvement
du reste, mais, ce sera mon tribut personnel de respectueuse con-
sidération offert .- — A l'historien consciencieux du Maine, de l'Anjou
et de la Vendée ; — au philosophe indulgent ; — à l'homme libéral,
bien qu'un excès de générosité native l'expose à méconnaître quel-
ques-unes de nos imperfections contemporaines, je ne voudrais pas
dire sociales ; — au conteur humoristique, intarissable autant que
spirituel ; — à l'archéologue heureux, le mot est de vous, il me sem-
ble ; bref, à l'appréciateur émérite de toutes les productions de l'es-
prit.
Dénoncerai-je en vous, par surcroît, le collectionneur, le chercheur
passionné, l'annotateur infatigable ?
Qui vous disputerait, cher maître, la possession intime des hommes
et des choses de notre province ; qui, mieux que vous ne le faites, en
saisit ou résume le côté saillant, et prépare ainsi le canevas d'une
vaste et curieuse encyclopédie bretonne ?
Vous montrerai-je trouvant dans votre labeur incessant cet aiguil-
lon irrésistible : l'attrait, que décuple votre prodigieuse mémoire ?
Serait-ce par hasard à cette faculté si développée, qu'en véritable
Protée littéraire, vous emprunteriez ces genres divers où vous excel-
lez : classique ou académique le matin, romantique à une autre heure,
et réaliste. . . par occasion ?
N'est-ce point là simplement l'indice de votre exubérance artisti-
que ; car, par-dessus tout, vous êtes artiste ; artiste dans la plus large,
dans la meilleure acception du terme.
Où prenez-vous, en effet, le temps d'entretenir votre délicieux
crayon, origine et cause de votre critique incontestée dans ce vivi-
fiant domaine de la peinture et de la sculpture ?
Enfin, j'ai failli l'oublier, à quel moment, de grâce, pouvez-vous ba-
diner avec la plus rieuse des muses, puisque (l'indiscrétion me
coûte) la poésie légère vous retient encore à ses genoux ?
J'avais raison, vous le voyez, de prétendre naguère que vous aviez
résolu le problème étrange d'associer une rare universalité à tout un
monde de spécialités.
— XL1X —
Je vous écoutais â l'instant dans le compte rendu si complet des
fertiles années de votre présidence, et mon esprit, je l'avoue, flottait
entre l'attention due à vos paroles et la crainte de vous voir épuiser
le sujet : je comptais sans votre modestie.
Elie vous a fait laisser dans une ombre regrettable quelques points
de détail; je vous remercie de me fournir de la sorte la possibilité de
glaner sur votre propre terrain ; il y va, à mon sens, de l'intérêt gé-
néral de notre attentif auditoire.
Vous souvient-il, cher maître, je n'oserais l'affirmer, du magnifi-
que et trop rapide coup d'oeil jeté par vous sur l'ensemble des "tra-
vaux archéologiques accomplis, ou à la veille de se produire, au
moment où vous receviez ici le gouvernail de notre chère Société ?
Vous souvient-il de la bonhomie avec laquelle, aplanissant les obs-
tacles, combattant les préjugés, semant même de fleurs les routes de
l'Oratoire, vous invitiez à grossir nos rangs tous les hommes de
bonne volonté, jeunes ou l'ayant été, oisifs ou non, savants ou désireux
d'apprendre ?
Quel joli tableau vous avez exposé ce jour-là?... Que d'érudition
vraie, que de trésors de lecture, de réflexion et d' à-propos amoncelés
dans ces pages synoptiques ! que de savoir-faire, entre nous, dans
cette leçon substantielle et concise !
Je l'ai souvent relue ; je la relis toujours avec plaisir, et toujours il
me paraît également présomptueux de prétendre à mieux dire, ou
aussi bien que vous.
Ce morceau de genre est une petite perle ; en la retirant de son
écrin pour la réunir à sa sœur cadette, votre revue bénédictine de
tout à l'heure, je dois avoir cédé à une heureuse inspiration; toutes
deux sont inséparables, en effet, et leur place est indiquée d'avance en
tête de votre premier volume de mélanges où les abritera cet exergue
créé pour elles : « Multa paucis. »
Parlez-vous comme vous écrivez ?. . . J'inclinerais â le croire ; car>
si votre plume enfante des modèles, vous possédez le secret de ces
conférences originales et nourries dont, sans contredit, vous êtes,
parmi nous, le principal dispensateur.
Pour avoir revêtu fréquemment cette forme familière, votre
coopération aux travaux de notre Compagnie n'en a été que plus ac-
tive.
Vous avez, je le répète, le don de la causerie, de celle de bon aloi,
d
— L —
«le la causerie profitable : si ce mot a vieilli, il rend ma pensée, et
j'appliquerais volontiers à vos dissertations habituelles sur l'archéolo-
gie ce vers connu de Boileau :
« C'est avoir profité que de savoir s'y plaire (*). »
D'ailleurs, Messieurs et chers Collègues, n'est pas causeur qui veut,
hélas ! Ce charmant talent n'est plus guère de notre temps, et bien
qu'il réclame un régime d'exception, il n'en faut pas moins remonter
à cent ans et au delà en arrière, pour le retrouver dans son plein épa-
nouissement.
Alors, savoir causer n'était pas le contingent accidentel d'une bonne
éducation française, c'en était surtout le signe, le complément obli-
gatoire, selon l'expression à la mode aujourd'hui ; aussi, quand un
étranger, après avoir séjourné dans notre beau pays, se prenait à
citer un homme à la fois poli et agréable causeur, a écrit quelque
part Sainte-Beuve, tenez pour certain qu'il s'agissait d'un Français ;
d'une de ces « merveilles de la création » , se fût lyriquement ex-
clamé lord Stanhope, devant qui tous nos bons aïeux eussent trouvé
grâce s'il eussent possédé :
» ... Un grain du sens pratique dévolu aux races du Nord .'... »
Le mot, vous le sentez, trahit son origine ; il n'est pas sans malice,
mais nous aurions tort, peut-être, de déclarer qu'il porte complète-
ment à faux.
Eh bien! ce petit « grain pratique », c'est encore votre lot, cher
baron de Wismes !
Il a franchi avec vous les sévères portiques de notre grave Sor-
bonne? et si vous y avez lu et causé « merveilleusement », vous avez
largement contribué, ainsi que MM. René Kerviler, Gahour et Marion-
neau, à nous rapporter de précieux titres de noblesse : la médaille ôt
le grand prix de mille francs ! . . .
Évoquer ce souvenir, et maîtriser la tentation de résumer ces in-
comparables découvertes, effectuées sous le patronage de notre So-
ciété, pendant les années 1875 et 1876 ; garder le silence sur ces noms
hautement réputés aujourd'hui, et demain célèbres, à coup sûr,
Messieurs et chers Collègues, c'est pour moi, je ne le cache pas, faire
OSat. litt.
— LI —
de nécessité vertu, mais ce soin particulier appartenait en propre à M
le baron de Wismes.
Car, de ce concours de 1877, de ces luttes courtoises auxquelles du
moins je puis ici me permettre une allusion, notre savant Président
est revenu chargé de dépouilles opimes arrachées par lui au tumulus
"des trois Squelettes».
Il a bien voulu nous le rappeler, il n'y a qu'un moment, pour satis-
faire à d'impartiales exigences de situation.
Il était donc strictement juste que sa voix si compétente vînt sup-
pléer la mienne, et répondre à vos désirs en retraçant cette phase bril-
lante de nos annales.
L'historique de ces mémorables fouilles de Pornic vous est sans doute
connu.
Il est inséré in extenso dans le tome XVe de notre Bulletin, et parti-
cipe à la valeur réellement exceptionnelle de ce magnifique volume (*).
Je n'analyserai pas ce document, dont l'éminent M. Ghabouillet a
tenu à constater l'importance en termes décisifs et élogieux (**). Je
dirai simplement qu'à la clarté du style, à l'attachement, à l'émotion
qu'inspire son récit, M. le baron de Wismes a su joindre cette modéra-
tion conjecturale à peu près inconnue aux premiers adeptes du pré-
historique. Et en cela, l'auteur n'est pas seulement resté fidèle aux
lois de notre époque, qui, on le sait, excluent impitoyablement les
théories préconçues ou spéculatives; il s'est aussi arrêté, bien involon-
tairement, j'imagine, devant les obstacles quasi infranchissables que
rencontrent les explorateurs de nos mégalithes.
L'objet de leurs investigations minutieuses ne saurait effectivement
se limiter à la description de la construction proprement dite, et du
mobilier funéraire qu'elle renferme : il est facile d'obtenir ce premier
résultat ; mais il est autrement ardu de statuer sur l'origine, sur l'âge
des dolmens, sur leur dispersion singulière en des régions si éloignées
les unes des autres, si dénuées à l'époque de moyens de communica-
tions ; et, chose plus étonnante, sur les ressemblances indiscutables of-
fertes par ces mystérieux édifices.
(*) Lire notamment les mémoires de premier ordre de MM. l'abbé Cabour: Baptistère
primitif delà cathédrale de Nantes; René P.-Kerviler: le Port de S'-Nazaire ; Cb. Marion-
neau : Collection archéologique de Vertou, etc., etc.
(**) Bulletin, tome J7; 1" et 2< sem. 1878.
— lu —
A ces questions pendantes, et j'en passe avec intention, que d'hypo-
thèses opposées !
Pour quelques-uns le hasard a tout fait; —le jugement ici est un
pou sommaire ; — pour d'autres, il y a dans ce phénomène architectu-
ral la manifestation d'une même conception issue des analogies de
l'intelligence humaine, et apparaissant en temps voulu, malgré la dif-
férence des milieux, la variété des circonstances; — ceux-ci attrihuent
la distribution incohérente des mégalithes tantôt aux migrations, tan-
tôt au refoulement d'un peuple unique, la souche Noômique, peut-être;
ceux-là, et M. de Mortillet à leur tête, je crois, protestent avec force
raisons contre la valeur ethnologique de ces monuments, et y trouvent
non l'œuvre d'une nation voyageant à travers les agglomérations pri-
mitives sans rien perdre de ses mœurs et de ses habitudes propres,
mais la résultante du développement progressif d'une civilisation com-
municative.
En définitive et jusqu'à ce jour, soit que notre imagination se com-
plaise â entasser les siècles sur ces pierres témoins de la période
néolithique; soit que nous nous perdions à la recherche de la race qui
a pu jeter un pareil défi à sa postérité ; soit qu'avec M. Fergusson nous
adoptions l'opinion que les mégalithes sont de date relativement
récente ; plus nous cherchons la certitude, plus l'obscurité redou-
ble.— Quel que soit le talent des adversaires dans ce nébuleux débat,
la contradiction y règne en souveraine maîtresse et rend impossible
toute généralisation synthétique.,
Les signes lapidaires nous dévoileront-ils le premier ou le dernier
mot de l'énigme?
Aurons-nous cette heureuse fortune d'avoir découvert un guide se-
courable dans ce nouveau fil d'Ariane tissé de vieux Phénicien, dont
M. le baron de Wismes caressait amoureusement tout à l'heure la
trame, hélas! si fragile?... ou devrons-nous, à bout d'efforts, ins-
crire au fronton de nos dolmens le sinistre avertissement que le chan-
tre immortel de la Divine Comédie plaçait aux portes de l'Enfer ?. . .
C'est là, Messieurs, un des secrets de l'avenir ; mais, écartons ce
soir les présages lugubres ; comme l'Enfer, d'ailleurs, les pierres des
vieux âges sont probablement remplies d'excellentes intentions... es-
pérons-le ; l'espérance est douce à l'archéologue, le doute pénible et
votre Président n'a qualité ici que pour encourager.
Mettez-vous donc à l'œuvre, Messieurs et chers Collègues, ou plutôt,
— LUI —
assurés de nombreux lendemains (ce souhait m'est bien permis) , con-
tinuez à nous apporter ces matériaux divers que votre prévoyance
éclairée sauve de l'oubli ou préserve des injures du temps. — Ne vous
contentez pas d'assister à nos séances, veuillez aussi faire une bonne
propagande en faveur de cette maison hospitalière.
« Les sages de l'antiquité, rapporte Montesquieu, recevaient
« leurs disciples sans examen et sans choix ; ils croyaient que
« pour être philosophe, c'était assez d'avoir du goût pour la
« philosophie. »
Eh bien ! Messieurs, imitez les sages de l'antiquité ; vous pourriez
rencontrer de moins bons modèles.
Essayez pour l'archéologie ce qui a donné de si bons résultats pour
la philosophie ; puis, car il faut tout prévoir, passez au besoin con-
damnation sur le goût .- cette faculté est perfectible et se modifie avec
le temps et l'exemple.
Invitez donc, sans y regarder de trop près, invitefc vos amis à venir
parmi nous.
Ils y trouveront un délassement salutaire, après les fatigues et les
mécomptes de la lutte quotidienne pour la vie ; en maniant avec nous
cette poussière, ces vestiges des générations d'autrefois, ils y gagne-
ront peut-être de voir d'un peu plus haut les misères et la fragilité de
l'humaine espèce, et, à ce petit sentiment d'aigreur né du froissement
de bien des intérêts, succédera dans leur cœur cette propension à
l'indulgence, aux concessions, sans laquelle l'homme s'isole, puis dé-
choit, et, selon la mélancolique pensée de Pascal, « reste égaré dans
ce canton détourné de la nature. »
Vte J. DE LA LAURENCIE.
LE CABINET DE TRAVAIL
D'UN SEIGNEUR BRETON, EN 1625
(SAMUEL D'AVAUGOUR, SEIGNEUR DE SAFFRÉ)
armi les nombreux historiens qui étudient et
s'efforcent de mettre en lumière tous les souvenirs
et les nombreux vestiges du passé, la plupart s'at-
tachent à reproduire les grandes lignes, les faits
principaux de notre histoire nationale et s'occupent
souvent fort peu du côté intime de la vie de nos ancêtres.
Or, s'il ne peut rentrer dans le cadre d'un grand
historien de rechercher tous les détails de notre histoire
locale, ou la vie domestique de nos aïeux ; ce doit être en
revanche, il me semble, un devoir pour nous autres archéo-
logues de ne rien négliger pour faire connaître tant de faits
nouveaux et intéressants qui appartiennent aussi bien à l'ar-
chéologie qu'à l'histoire, et en sont toujours le complément
aussi indispensable que naturel.
Que de notions curieuses ne pouvons-nous pas, en effet,
trouver dans la description d'un château du Moyen-Age ou des
objets qui servaient journellement à nos pères? Il y a là toute
une série de découvertes et d'études à faire, et c'est à ce point
de vue que je présenterai aujourd'hui ce petit travail, qui
pourra donner une idée du genre de vie et des occupations
1881 i
quotidiennes d'un grand seigneur au commencement du
XVII' siècle.
En compulsant, il y a quelque temps, les magnifiques
archives de la Châtellenie de Saffré, que son aimable proprié-
taire, M. Bretaud-Billou, avait eu l'obligeance de mettre à
ma disposition, je découvris dans les intéressants Dials de la
Châtellenie un grand nombre de notes curieuses sur ses
anciens seigneurs, et en particulier sur l'importante famille
d'Avaugour.
L'une d'entre elles fera le sujet de cette courte notice.
La seigneurie de Saffré, ancienne bannière du comté nan-
tais, appartint à l'origine à des seigneurs qui en portaient le
nom. Messire Alain de Saffré la possédait en 1220, et en 1360
nous la voyons entre les mains de Foulques de Saffré, marié
à Philippote de Laval, dont le fils, Alain III de Saffré, épousa
l'héritière de Sion. — Les sires de Saffré portaient pour
armes : d'azur à trois croizettes fleurdelysées d'or au chef de
même, d'après un sceau de 1395 (1). — Elle passa ensuite
successivement dans l'importante maison <le Tournemine
(armes : Ecartelé d'or et d'azur. Devise : Aultre n'auray) (2)
par le mariage de Jeanne de Saffré avec Jean II de Tourne-
mine vers 1406 ; dans celle d'Annebaud (armes : de gueules
à la croix de vair) (3) par le mariage de Claude d'Annebaud,
amiral de France, ami et confident du roi François Ier, avec
Françoise de Tournemine, dame de la Hunaudaye, en 1527;
— puis dans celle de -Laval, par suite de l'échange que Jean
de Laval, frère aîné de Pierre de Laval, seigneur de Monta-
filaut, premier mari de Françoise de Tournemine, dame de la
Hunaudaye, fit, le 11 avril 1542, de la terre des Huguetières
au duché de Retz, avec celle de Saffré, dont il avait déjà
l'usufruit depuis la mort de son frère (4). Mais cette dernière
maison ne la garda pas longtemps, car Jean de Laval, devenu
(1) Potier de Courcy, Armoriai de Bretagne, t. II.
(2) Idem.
(3) P. Anselme. Dictionnaire de la Noblesse.
(4) Titres de Saffré.
— 3 —
propriétaire de Saffré au commencement de 1542, céda cette
terre par contrat du 5 juin de la même année « à Hault et
Puissant Seigneur, Messire Loys d'Avaugour, seigneur de
Kergroays, Vay, le Bois-Rouaud, etc. »
A cette époque, les guerres de religion menaçaient de
plonger la France dans une complète anarchie, et ce ne fut
pas sans vicissitudes que les sires d'Avaugour, alors protes-
tants fanatiques, parvinrent à sauvegarder leur importante
châtellenie. — A la fin de mars 1590, le prince de Dombes qui
venait de prendre Châteaubriant, assiégea et prit en quelques
jours le château de Saffré. Trois ans plus tard, en 1593, il dut
subir encore une garnison, composée de quinze hommes
d'armes que le duc de Mercceur avait envoyés pour l'occuper
et qui y vécurent pendant plusieurs mois au dépens des reve-
nus et des produits des terres (1). — Néanmoins, en 1599,
après l'abjuration d'Henri IV et son passage à Nantes, Messire
Charles d'Avaugour, fils de René d'Avaugour et de Renée de
Plouër et petit-fils de Louis d'Avaugour, acquéreur de Saffré,
quitta le château de Beauvoir en Bas Poitou, dont il avait
été nommé gouverneur après la prise de cette place par le roi
de Navarre en 1588 et vint fixer sa principale résidence au
château de Saffré (2). — Il put alors lui donner tous ses
soins et laisser plus tard à sa mort, au mois d'août 1613,
cette belle terre en assez bon état , comme nous l'indiquent
les nombreux baux et marchés transcrits au Dial de cette
époque.
Il eut pour héritier son fils aîné, haut et puissant seigneur,
messire Samuel d'Avaugour, alors sous la tutelle de sa mère
dame Renée de la Chapelle. — Nous savons, par le témoignage
de ses contemporains, qu'à peine âgé de vingt-deux ans,
celui-ci était déjà un vaillant guerrier et un habile straté-
giste. Louis XIII lui ayant confié, le 10 avril 1622, la mission
(1) Bibliothèque de Nantes. — Notes sur l'arrondissement de Châteaubriant,
recueillies par MM. Verger et Chevas en 1846.
(2) Annuaire de la Société d'Emulation de la Vendée, année 1860. — L'Ile de
Riez, par M. Mourain fie Sourdeval.
de diriger les travaux d'occupation et de défense de l'ile de
Riez en Poitou, dans son expédition contre le prince Benja-
min de Rohan-Soubise, il s'en acquitta si bien, que ce fut
en grande partie grâce à ses conseils et à son habileté que le
roi réussit dans son attaque (1).
Or c'est la description du cabinet de travail de ce dernier-
seigneur que nous donne noble homme Pierre Hamon, notaire
de la juridiction de Satfré, et c'est de lui que nous nous occu-
perons spécialement aujourd'hui.
Issu d'une des plus puissantes familles de Bretagne, messire
Samuel d'Avaugour, seigneur de Saffré, Vay, Kergroays, le
Bois-Rouaud, etc. , appartenait à la branche des seigneurs de
Courtalain, du nom d'Avaugour, puisnés de la branche du
Parc, qui tirait son origine de Guillaume d'Avaugour, sei-
gneur du Parc, frère de Henri, quatrième du nom, baron
d'Avaugour, comte de Penthièvre, et troisième fils de Henri,
troisième baron d'Avaugour, et de Marie de Brienne, dame
de Beaumont (2).
Bien que le rôle de réformation de la Noblesse de 1668, au
rapport de M. de la Bourdonnays, le fasse mourir jeune, il
put cependant jouir plusieurs années de la seigneurie de
Saffré, et s'y faire hautement estimer de ses voisins et de ses
vassaux. Nous voyons en effet figurer son nom en tête des
actes inscrits au Dial depuis le 14 juin 1620, jusqu'au
16 mars 1633, c'est-à-dire pendant une période de treize ans.
Il vécut donc au moins jusqu'à l'âge de trente-deux; car
nous savons qu'il resta sous la tutelle de sa mère Renée
de la Chapelle, depuis la mort de son père en 1613 jusqu'à sa
majorité en 1620, époque à laquelle nous trouvons pour la
dernière fois dans le Dial, des aveux rendus à la dame
de la Roche-Giffart. Ce ne fut qu'alors qu'il put entrer en
possession de ses domaines. Quoi qu'il en soit , au mois
(1) Dictionnaire de la Société d'Emulation de la Vendée, A. 1860. — L'Ile ds
Riez, par M. Mourain de Sourdeval. —
(2) Réformation de 1" Noblesse de Bretagne. Tome I.
d'avril 1625, Samuel d'Avaugour résidait à son château de
Saffré, et voici la curieuse description de son cabinet de tra-
vail que nous donne le Dial de cette année.
Mémoire et description de ce qui se trouve dans le cabinet
hault et puissant seigneur monsieur Samuel d'Avaugour,
chevalier, seigneur de Kergroays, Vay, Saffré, etc. Le 26me
d'avril 1625 :
En premier :
Une grande arquebuse de quatre à cinq pieds.
Une aultre de trois pieds.
Une petite escopette et ung pistolet.
Une petite carabine.
Une grande arquebuse de huict pieds de long à pans.
Ung pistolet fort petit, façon de Vitré.
Une autre grande arquebuse de six pieds.
Une arquebuse de cinq pieds à pans.
Une aultre ayant le canon tout à brins de jour et à la façon
des fabricants de Châteaubriant.
Plus deux canons, l'un rond avec un fil de long, l'aultre à
pans.
Neufs vieilles arquebuses de quatre à cinq pieds, dont le
page en a une, le cavalier une aultre.
Six carabines neufves, à la façon des fabriques de Châ-
teaubriant.
Une grosse carabine à pans.
Trois vieilles carabines dont Beaulieu (l'un des notaires de
la juridiction de Saffré) en a une.
Trois petites escopettes dont il y a deux vieilles et une
neufve, façon de Sedan.
Quatre paires de pistolets, savoir : Une paire de Vitré, à
demy pan et demy rond, aveg deux fourneaux de cuivre, sans
escarcelles. — Deux paires , façon de Sedan, l'une estant plus
petite que l'autre, à fourneau et canon noir; l'autre paire
estant plus grande, sans coullant, à canon rond avecq le four-
neau de cuivre et des escarcelles. — Une autre paire à canon
rond avecq les fourneaux et escarcelles.
— 6 —
11 y a en oultre lesdites quatre paires : Une aultre pistolet
de chasse, façon des Essards, avec son fourneau de cuivre, et
ung petit pistolet de poche.
Neufs mails de cinq luires, plus ung mail.
Trois grands gresliers et celui de Monseigneur.
Ung autre petit greslier.
Le bâton de chasse de Monseigneur.
Quatre lances; l'une dorée à fleurs; l'autre verte avec des
lou (sic); l'aultre verte à fleurs; l'aultre de bois simple-
ment.
Trois bastons pour tenir la bague.
Un grand coutelas d'assier de Damas, avecq des gardons
argentés, ciselés, façon de Potin (1).
Une espée de chasse, la garde de bronze et d'argent doré,
façon de Durtal.
Une espée de deuil, dont monseigneur de Chavagnes (2) a
donné la lance qui a esté montée à garde de deuil, façon à la
Bouteville.
Une grande espée de duel à coquille noire.
Une espée à garde de Milan, montée par Potin, à Paris. —
Une espée à paroids dorés de Hollande.
Une petite espée de Hollande, argentée vive, donnée par
Monseigneur de Mauves (3).
Une espée noire.
Une espée dorée toute vive, donnée par Monseigneur de
Lesparre (4).
(1) Célèbre armurier de l'époque.
(2) Joachim Descartes, conseiller au parlement, seigneur de Chavagnes, en Sucé.
Armes : d'argent au sautoir de sable accompagné de 4 palmes de sinople. —
(3) Pierre de Catinat, conseiller au parlement de Paris, seigneur de Mauves, au
diocèse de Séez, ancienne Seigneurie des comtes de Mortagne. Armes : d'argent à In
croix de gueules, chargée de 9 coquilles d'or. — (P. Anselme, dict. de la Noblesse,
tome IX, p. 652). —
(4) Antoine II de Grammont, fils de Philibert de Grammont et de Diane d'An-
douins, dite la belle Corisande, baron de Lesparre, chevalier des ordres du Roi, vice-
roi de Navarre, gouverneur et maire perpétuel de Bayonne, créé duc et pair le 13
décembre 1643, mort en août 1644. — (P. Anselme, Dict. de la Noblesse, tome VII
p. 390). —
_ 7 —
Une espée ordinaire à coquille noire.
Une aultre espée argentée à munie de lion.
Une espée damasquinée, avecq argent en rapport, donnée
par monseigneur de Crapado, seigneur de l'Echasse (5).
En deuxième :
Un luth, avecq son étui fermant à clef.
Deux globes et une sphère.
Un pupitre fermant à clef.
Un damier avecq les dames.
Ung grand cabinet vert où il y a de très grandes armoires
à trois étages.
Ung cabinet de sapin à deux grandes fenestres.
Ung petit cabinet d'Allemagne.
Quatorze boulles de monseigneur.
Ung jeu de quilles avecq ses boulles.
Un coffre bahut.
Quatre escabeaux brisés, couverts de cariges blancs, avecq
de grands luisants rouges et bleus.
Deux chaises brisées, couvertes de mesme étoffe que lesdits
escabeaux.
Ung escran.
Une grande escritoire dorée, avecq sa couverture de crin
rouge, doublée de serge.
Une boiste de sapin à mettre les triés.
Une table avecq ung tapis et ung aultre tapis de cuir par
dessus.
Ung lict en serge bleue avecq ung grand luisant rouge et
bleu ; une couverte bordant.
Une aultre couverte catalane blanche avecq un lict dessous,
garni d'une couverte blanche.
Ung matelas et une paillasse.
(5) François Angier, baron de Crapado et de Lohéac, seigneur de l'Echasse et de
la Chauvelière, marié à D. Renée de la Corbinaye. Armes : écartelé au premier et
dernier quartier d'argent vairé d'azur, qui est Angier ; aux 2 et 3 de gueules à la
i:roix d'argent, qui est Corbinaye. — (Vitraux de l'église He Joué en i 76 i , par M. l'abbe
Ouillotin rie Corson.) —
_ 8 —
Lue petite table sur laquelle on met les manteaux avecq
ung tapis vert, jaune et rouge. »
Tel était l'ameublement du cabinet du sire de Saffré en
1625. — A première vue, bien des gens pourraient peut-être
demeurer fort surpris à la lecture d'un semblable inventaire.
Peut-être même seraient-ils tentés d'y voir la description d'un
petit arsenal, plutôt que celle d'un cabinet de travail ; cepen-
dant il n'y a point lieu de s'en étonner si l'on se rappelle qu'à
cette époque, tout seigneur faisait pour ainsi dire sa vie du
métier des armes, et que les guerres religieuses de la fin du
XVIe et du commencement du XVIIe siècle vinrent apporter
un regain d'humeur guerrière à tous ceux que leur rang
élevé mettait dans la nécessité de prendre fait et cause pour
un parti.
Pour nous, cette description devient une source de rensei-
gnements qui ne sont pas sans valeur. — Si les armes de ce
temps n'avaient pas la perfection de celles de nos jours, du
moins elles ne le leur cédaient en rien pour le fini du travail
et la trempe du métal. Les lames de Milan et de Tolède étaient
renommées dans toute l'Europe, et la nomenclature du Dial de
Saffré nous montre que Samuel d'Avaugour possédait dans
sa panoplie les meilleures armes de son temps.
Les arquebuses qui y figurent au nombre de dix-sept, et les
escopettes au nombre de quatre, étaient les armes les plus
usitées sous les règnes d'Henri IV et de Louis XIII. L'arque-
buse se faisait partir avec une mèche ou un rouet se bandant
avec une clef, et pouvait lancer 1 once 7/8 de plomb, avec
autant de poudre. — L'escopette qui portait généralement
à cinq cents pas, n'était qu'un genre d'arquebuse perfectionné;
elle se mettait, le plus souvent, en bandoulière, et servit beau-
coup sous Henri IV à l'armement de la cavalerie française.
Mais les carabines surtout, qui n'y sont point oubliées, étaient
encore presque une nouveauté. Elles inauguraient alors les
svstèmes de fusils à canon rave, et leur nom lui-même, tiré
du radical arabe « Karab, l'arme par excellence, » indique
assez quel prix on y attachait. — Bien que messire Samuel
— 9 —
d'Avaugour en possédât onze, il est probable qu'elles de-
vaient être encore assez rares chez les châtelains de cette
époque. — Quant aux quatre grêliers indiqués, c'étaient d'an-
ciennes pièces d'artillerie qu'on chargeait de balles et de
ferrailles. Il est vraisemblable qu'elles étaient destinées à la
défense du château, et servirent à cet usage lorsqu'il fut
assiégé en 1590.
Enfin, il n'est peut-être pas sans intérêt de savoir aussi,
grâce à cet inventaire, à quelles fabriques d'armes s'appro-
visionnaient nos seigneurs bretons. On aime à se rappeler
que deux villes bretonnes, Châteaubriant et Vitré, avaient su
acquérir une juste réputation pour leurs fabriques d'armes,
tandis que de petits bourgs du Poitou et de l'Anjou, comme
les Essarts et Durtal, ne craignaient pas aussi de lutter avec
des villes comme Sedan, d'une renommée bien plus ancienne
pour leur industrie.
Si maintenant nous passons aux autres objets mentionnés
dans la description de Pierre Hamon, nous voyons qu'ils ne
constituent pas un ameublement de beaucoup différent des
nôtres. Le lit, composé d'une paillasse, d'un matelas avec
quelques couvertures ordinaires et un grand luisant rouge et
bleu, ce que nous appellerions, nous, une courte-pointe,
ressemblait fort à nos lits d'aujourd'hui, et n'était peut-être
qu'une couchette de repos. — Quelques grandes armoires,
dans le cabinet vert, servant à mettre le linge ou les vêtements ;
deux cabinets ou espèces de buffets à compartiments, rempla-
çant nos secrétaires actuels ; deux petites tables recouvertes
de tapis, l'une pour mettre les manteaux, l'autre ornant le
milieu de la pièce; un pupitre et quelques chaises, voilà, en
somme, cet ameublement fort simple, auquel venait s'ajouter
deux globes, une sphère, un écran, ornant la cheminée, sans
doute, tandis que près de la fenêtre le luth solitaire attendait
que le châtelain de céans vint chercher, dans ses accords,
une diversion à ses inquiétudes, ou une distraction après les
fatigues du jour.
Mais ce n'est pas tout, et cette description ne serait pas
10 —
complète, si nous laissions de côté un objet, qui, avec les armes,
devait, sans contredit, tenir la place d'honneur dans le cabinet
de travail de Samuel d'Avaugour. — 11 s'agit de la bibliothè-
que, qui ne comprenait pas moins de 300 volumes, et dont
le notaire Pierre Hamon nous donne le catalogue détaillé
dans le dial de Saffré. — Histoire, littérature ancienne, litté-
rature moderne, sciences, polémique religieuse, presque
toutes les branches de l'érudition y étaient représentées au
moins par quelques volumes, qui nous témoigent hautement
que les châtelains de Saffré étaient alors des seigneurs lettrés.
— De plus, les romans, les contes, les nombreux ouvrages de
poésies légères que l'on y rencontre à chaque pas, viennent nous
révéler aussi cette galanterie du XVIe siècle, dont tout homme
bien élevé se faisait alors pour ainsi dire un point d'honneur,
et qui, en inspirant à chacun le goût des choses de l'esprit,
devait produire bientôt les cénacles littéraires du XVIIe siècle,
tel que l'Hôtel de Rambouillet. — Mais il ne nous est point
permis de faire ici de ces collections une sèche et froide ana-
lyse. L'énumération de Pierre Hamon est à elle seule plus
éloquente que tous les résumés que nous en pourrions faire, et
nous aimons mieux lui laisser l'avantage bien mérité de nous
faire parcourir lui-même les rayons de cette bibliothèque que
sans sa diligence, nous ne serions point à même d'apprécier
aujourd'hui.
« Ensuilt l'énumération de ce qu'il y a dans la bibliothèque
de monseigneur Samuel d'Avaugour :
1. Les tableaux de Philos- 1. Les images ou tableaux de
trate. platte peinture des deux Phi-
lostrate, mises en français par
Biaise de Vigenere. Paris, 1609
ou 1614, in-folio, flg.
2. Moralles de Plutarque.
3. Vies de Plutarque. 2-3. Ces deux ouvrages com-
prennent probablement les œu-
vres complètes de Plutarque
— 11 —
dans la traduction de Jacques
Amyot ?
4. Œuvres du Laurens. 4. Probablement les œuvres
de Honoré du Laurens, né en
1554, à Tarascon, d'abord ar-
dent ligueur, puis archevêque
d'Embrun, mort àParis en 1612.
On a de lui un traité sur l'Hé-
noticon ou édit de Henri III,
1588, in-8., et le discours et
rapport de la conférence de
Surène, in-8., imprimé à Paris
en 1595.
5. Calendrier de l'Histoire.
6. Œuvres de Sénèque. 6- La plus belle et la plus
ancienne édition des œuvres
de Sénèque a été publiée à Na-
ples, en 1475. Seneca (Lue
Ann.), opéra omnia. Napoli, Mo-
ravus, 1475, in-folio à 46 lignes
par page. — Mais il s'agit ici
probablement des œuvres de
Senecque, translateez de latin
en francoys, par maistre Lau-
rens, de premier fait. (Au verso
du dernier feuillet). Imprimés
à Paris pour Anthoine Verard,
marchant et libraire, demeu-
rant à Paris, en la rue Saint-
Iacques, près petit pont... pet.
in-fol. goth. à 2 col. de 40 lign.,
etc. On regarde cette édition
comme parue de 1500 au 20 sep-
tembre 1503. — Peut-être est-
ce encore l'édition in-fol. de
1585, RonifeapudB. Gçassium,
— 12
Histoire de Josèpho.
8. Inventaire général de
l'Histoire de France 3
par Jean de Serre.
9. Une grande Bible.
10. Œuvres de la Framboi-
sière.
11. Organum d'Aristote.
ou celle: Lutetise-Parisiorum,
1607 seu 1619.
7. Les éditions les plus an-
ciennes et les plus remarqua-
bles sont de 1475, 1534 et 1544.
8. Serres (Jean de) (Serra-
nus), historiographede France
et célèbrecalviniste. Inventaire
général de l'histoire de France,
par Jean de Serres. — Paris,
Saugrain 1596. 2 vol. in-16.
Cet ouvrage eut de nombreuses
continuations.
10. Framboisière (Nicol. -
Abraham de la), médecin con-
nusouslenomdeFrambesarius,
né à Guise, dans le 16e siècle,
fit imprimer à Paris, en 1606 :
La description de la Fontaine
minérale du Mont-d'Or. 1 vol.
in-8., et dans la suite plusieurs
autres traités.
11. Les éditions les plus an-
ciennes et dont l'exemplaire de
Samuel d' Avaugour devait faire
partie, sont celles: 1° de 1536,
pet in-8. Venetiis in sedibus
Barth. Zanetti, œre et diligen-
tia J. Fr. Trincanelli; 2° de
1584. Organum gr. et lat., Jub.
Pacius recensuit. Morgiis 1584,
in-4. 3° La même, réimprimée
à Francfort en 1592, in-8; dans
la même ville, en 1597, et à
Genève, en 1605. in-4, avec
variante.
13 —
12. La République de Sleidan.
13. Histoire de Bretagne* de
d'Argentré.
14. La Broue, De la Cava-
lerie.
15. Les Ambassades et Négo-
ciations du cardinal du
Perron.
16. L'Histoire de Navarre*
d'André Favyn.
17. Traité de l'Agriculture,
d'Olivier de Serres.
18. Mystères d'Iniquitez* par
Duplessis-Mornay.
12. Sleidan (Jean), néà Sleide,
près de Cologne, en 1506, vint
en France en 1517, mort luthé-
rien en 1556. Il a laissé une
histoire en 26 livres. Elle porte
ce titre : De statu religionis et
reipublica , Carolo quinto Cœ-
sare, commentarii. Argento-
rati, Windelin Rihelius, 1555.
in -fol.
13. La première édition
avait été publiée en 1582, in-
folio. — Il est probable que cet
exemplaire en faisait partie.
14. Broue (Salomon de la).
La Cavalerie française. Paris,
1602, in-fol.
15. Davy (Jacques), cardinal
du Perron. La collection de ses
ouvrages forme trois volumes
in-fol. Paris, 1622.
16. Favyn (André). Paris,
1612, in-fol.
17. Serres, sieur du Pradel
(Olivier de). Théâtre d'agricul-
ture et mesnage des champs.
Paris, Jamet Mettayer, 1600,
in-fol.
18. Mornay (Philippe de),
seigneur du Plessis-Marly. —
Le Mystère de l'iniquité ou His-
toire de la Papauté, etc. Sau-
mur, par Thomas Portau, 1611,
in-fol.
19. Commentaires sur les six
livres de Moïse., par Jean
Calvin.
— 14
20. Les quarante-sept Ser-
mons de Calvin.
21 . Commentaires oralins sur
les actes des apostres.
22. La République, de Bodin.
23. Pétri martyris Floren-
tine Loci communes.
24. Répooxse à Vêvêque d'É-
vreux, par Du Plessis-
Mornay.
25. Discours de Pontus de
Thyard.
20. Plusieurs recueils des
Sermons de Calvin ont été
imprimés à Genève chez Fr.
Estienne, 1562. Le détail s'en
trouve dans l'Histoire littéraire
de Genève, par Senebier, I,
256. Un de ces recueils est celui
de 1565, pet. in-8.
22. Bodin (Jean). Les six
livres de la République. La
première édition fut imprimée
en 1576, in-fol., à Paris. Il y
en eut depuis de nombreuses
éditions, en 1577, 1578, in-fol.
en 1577, à Lausanne, in-fol.,
etc., etc.
23. Martyr (Pierre), né à
Florence en 1500, mort à Zu-
rich en 1562. — Loci commu-
nes Theologici, 1624, 3 vol. in-
fol.
24. Cette réponse devait faire
partie des Mém. de Duplessis-
Mornay, de 1572 à 1589 (99).
(La Forest) 1624-25, 2 vol. in-4
ou de ceux de 1600-1623 réunis
plus tard à Amsterdam par
Louys Elzevir en 1651-52, 2
vol. in-4.
25. Thyard ou Tyard, sei-
gneur de Bissy (Pontus de). —
Discours philosophiques de
Pontus de Tyard. Paris, l'An-
gelier, 1587, in-4.
15 —
26. Deux tomes du Trésor
politique.
27. Les États et Empires du
Monde.
28. Œuvres de Corneille Ta-
cite.
29. Histoire de Scauderberg.
30. Histoire de Baiart {Ba-
il ard).
31. Carlo Teli (sic). Délie for-
tificatione.
32. Girollomo Maggi. Délie
fortificatione.
33. Le livre de toutes les
cartes de France.
34. Regola delli cinque ordini
d'architectura, di Gia-
28. La plus ancienne édition
qui parut incomplète est celle
in-fol. de 1468 en 1470. Venet...
per Vindelinum de Spira. — Il
y en eut depuis de nombreuses
éditions, notamment en 1480,
1515, 1517, 1527, 1534, 1607.
Il s'agit peut-être ici de cette
dernière, donnée après la mort
de Juste Lipse. Antuerp., ex
officina plantin, 1607, in-fol.
— La première édition des
Œuvres de Tacite, revue par
ce savant, est celle d'Anvers,
Chr. Plantin, 1574, in-8.
30. Peut-être Histoire des
gestes du preux et vaillant
chevalier Bayard, dauphinois.
— Lyon, Pierre Rigaud, 1602,
pet. in-8.
32. Maggi (Jérôme), célèbre
ingénieur, a publié de nom-
breux ouvrages , notamment
un traité des Fortifications, en
italien, 1589, in-fol.
34. Vignola (Giacomo Ba-
rozzi da). Regola delli cinque
16
como Barozzi
trnola.
da Yi-
35. La Perspective, de Samuel
Marollois.
36. Lamaniere de bastir pour
toutes sortes de per-
sonnes, par Pierre Le-
muet, architecte.
37. La perspective, de Jean
VreJen (sic), triée, cor-
rigée et augmentée par
Samuel Marollois.
38. Un livre de Fortification,
sans intitule, par Samuel
Marollois.
39. Le somptueux apparat de
la cité de Bresse.
40. La Fortification de Buona
Sutto Lorini florentini.
41. Corona militare d'Ales-
sandro Capo Bianco.
42. La Castrametation du
Prince d'Orange.
43. La Milice romaine, par
Flavius Vegece.
ordini d'architectura (sans lieu
ni date, mais 1563), in-fol.
L'ouvrage a été réimprimé à
Venise en 1570, en 1582, et en
1596.
36. Une seconde édition a
paru chez Langlois, dict. Char-
tres, en 1647, in-fol. — C'est
l'un de nos meilleurs ouv.
français sur l'architecture.
38. La Fortification, ou Ar-
chitecture militaire, tant offen-
sive que défensive, par Sam.
Marollois, etc. Amst. Janssen
(sic), in-fol.
43. Vegetius (Flavius). Les
premières éditions de l'Epi-
tomerei militaris sont l'édition
in-fol. donnée à ce que l'on
croit à Utrecht, vers 1473, par
Ketelaer et Ger. de Leempt, et
celles données à Paris avec les
17 —
caractères de Csesaris de StoL,
et à Cologne, vers 1474-78, par
Nie. Gotz.
44. La Fortification d'Erar
(sic).
45. Architectura militare, di
Bull a (sic).
46. Commentaires de César.
47. Le Trésor des Cartes, par
Henri Laurent.
48. La Nature et Diversité
des Poissons, par Pierre
Belon.
49. Trois tomes des Ellemans
du Clidc, en françois
(Eléments d'Euclide).
50. Commentaires de Mont-
lac.
46. Il a été donné de nom-
breuses éditions de César, avant
l'époque de l'Inventaire ; la plus
ancienne est de 1469.
48. Belon (Pierre). La nature
etdiversîtez despoissons, repré-
sentez au plus près du naturel.
Paris, Ch. Estienne, 1555, ïn-4
obi., fig. en bois.
49. Les plus anciennes édi-
tions sont les suivantes : l°Ba-
zilea, Hervagius, 1533, in-fol.;
2° Romae, Ant. Bladus asula-
nus, 1545, 2 tomes en 1 vol.
pet. in-8; 3° Romse, ex typ.
medicea (1594), in-fol.; 4° Pi-
sauri, 1572 ou 1619 ; 5° Romre
Grassus, 1589, 2 vol. in-8. —
Il s'agit sans doute ici du n°
3, 4 ou 5.
50. Montluc (Biaise de). Com-
mentaires, etc. Bourdaux, Sim.
Millanges, 1592, in-fol. Le
même ouvrage a été imprimé
depuis à Paris, chez Sonnius,
en 1594, in-8., et chez J. Ber-
jon, 1617, in-8.
1881
18
51. Histoire de l'empereur
Tamerlan.
52. Traitié tragique des hom-
mes illustres.
53 Histoire de notre Temps.
54. Aimable accusation.
55. Discours divers* de La
Noue.
56. Le soldat françois.
57. Discours militaires, de La
Noue.
58. Trois tomes De la Sagesse,
de Charron.
59. L'Odyssée d'Homère.
51. Il s'agit ici sans doute
de l'histoire de Tamerlan, ra-
rissime, écrite en espagnol par
un des trois ambassadeurs que
lui envoya Henri III, roi de
Castille en 1403, laquelle fut
publiée à Séville en 1582, in-
fol.
53. Imprimée nouvellement.
M.D.LXX, petit in-8.
' 55. La Noue (Franc, de la).
Discours politiques et militai-
res. Genève, 1587, pet. in-4.
Une autre édition fut donnée à
Bâle en 1587, pour Fr. Forest,
in-8.; et une autre pet. in-8.,
en 1588, dont le titre porte :
imprimé nouvellement.
57. Comme ci-dessus, au
n° 55.
58. Charron (Pierre). De la
Sagesse, trois livres. — Bour-
deaux, Millanges, 1601, in-8.,
de 772 pages. Deux autres édi-
tions ont été publiées à Paris
en 1604 et 1607.
59. Plusieurs éditions paru-
rent avant l'époque de l'inven-
taire-, celle-ci pourrait être
celle de 1582, gr. Parisiis, apud
Steph. Prevosteau, in-4., ou
celle qui porte la marque de
— 19 —
60. Téollogye (sic) naturelle.
61. Trois tomes des Œuvres
de Sénèque.
62. Ellemans (sic) de logi-
que.
63. Essai de Michel de Mon-
taigne.
Conrad Neobar. Paris, petit
in-8., 1541.
61. Voir ci-dessus, au n° 6.
64. Les vies des hommes illus-
tres, de Plutarque, en
deux tomes.
65. Vies de Plutarque.
66. Panégyrique, par M. de
Primerose, au Roy d'An-
gleterre.
Vie du compte Dessaix
(sic) (cle d'Essex).
Le Mercure françois.
63. De nombreuses éditions
ont été données avant l'époque
de cet inventaire, notamment
en 1580, 1582, 1588, 1593,
1595, 1617, etc.
64. Peut-être est-ce l'édi-
tion très rare, donnée : Romse
Udalricus Gallus (circà 1470).
2 vol. gr. in-fol. et composée
par J.-A. Campano.
65. Voir ci-dessus le n° 3.
67
68
69. Coustumes de Bretagne,
par Bouchard.
68. Le Mercure françois ou
suite de l'histoire de la paix,
commençant à l'année 1605,
pour suite du septennair de
Gayet. Paris, 1611 et années
suivantes. Il en parut 25 vol.
jusqu'en 1643.
69. Coutumes et constitu-
tions de Bretaigne. Rennes,
1484, le 26 mars, pet. in-8.
goth. ff. non chiffrés. 24 1. par
page. La souscription indique
qu'elle fut imprimée à Rennes,
par Bellesculée et Josses ; et
•20 —
70. Coustumes de Bretaigne,
par d'Argentré.
71. Conférence de la coutume
de Paris avec les autres
coutumes de France, par
George Fortin.
72. Trois livres de VHistoire
de France, par Mathieu.
73. Inventaire gênerai de
l'histoire de France, par
de Serres.
74. Un petit livre de VHistoire
de France.
75. Histoire mémorable des
choses advenues en
France, de l'an 1547
jusqu'en 1588.
76. Trois livres de VHistoire
Romaine, de Tite-Live.
« visitée et correctée par Jac-
ques Bouchart , greffier de
parlement et maistre Allain
Bouchart.
70. Les commentaires sur la
coutume de Bretagne , par
Bertrand d'Argentré, parurent
en 1582, in-folio.
72. Mathieu (Pierre). 11 s'a-
git sans doute, de « l'Histoire
de la mort déplorable de Hen-
ry IV, ensemble, un panégyri-
que et un discours funèbre.
Paris, Ve Guillemot, 1611 et
1612, in-fol. et pet. in-8., » et
de « l'Histoire de Louis XI et
des choses mémorables adve-
nues en Europe durant 22 an-
nées de son règne. Paris, P.
Métayer, 1610, in-fol. »
73. Voir ci-dessus n° 8.
75. Peut-être: Histoire des
pièces curieuses de 1544 à 1588
(97). A Hedin, 1603, in-8 de
794 pages. D'autres éditions
avaient paru en 1595 et 1599.
76. De nombreuses éditions
ont paru avant l'époque de
l'inventaire.
— 21 —
77. Histoire des troubles de
Hongrie par Genille.
78. Histoire des Indes , par
Gomara.
79 > Le Miroir du monde j par
Lu Violette.
80. Discours de V Estât de la
France.
81. La Vie des Bourbons.
82. Traitié de la Cour.
Les mémoires de du Bel-'
lav.
78.Gomara(Franc.Lopezde).
Historia gênerai de laslndias...
Anvers, Mart. Nucio ou J.
Steelsio, 1552 ou 1554, pet.
in-8. On possède encore l'édi-
tion iii-fol. donnée à Saragosse
en 1552, «en casa de Agustin
Millan,»et celle publiée à Paris
par Bernard Turrisan, à la
boutique d'Aide, etc., 1569,
pet. in-8., de 258 ff. de texte,
G ff. prél. et 12 pour la table,
etc.
79. Le Miroiter du monde,
nouvellement imprimé à Ge-
nesve. — Cy finist le Mirouer
du monde. Imprimé à Genesve
par maistre Jacques Vinian,
l'an de grâce Mil. ccccc et xvij,
pet. in-4.
83
84. Le tableau, de l'Inconstan-
ce, par Pierre de Langre.
83. Les Mémoires de Martin
du Bellay, seigneur de Langey,
ont été imprimées à Paris. P-
l'Huillier, 1569, in-fol. Puis en
1571, in-8, pour la même li.
Mairie, et en 1572 et 1582, à
Paris, in-fol., chez Thomas
Périer, etc.
99
85. Lettres du cardinal d'Os-
sat.
86. I/Escurie de Frédéric
Grison ou Grisou (sic).
87. Observation de la France.
88. Histoire de France.
89. Secret des finances de
France.
90. Œuvres héroïques de
Henri IVe.
91. Œuvres du Vair, garde
des sceaux de France.
92. Journal d'Henri III.
93.
94.
95.
90.
La pucclle Jeanne d'Or-
léans.
Ménioii 'es 6/ Estât du sieur
de Villeroy, en 5 volu-
mes.
Recueil des pièces curieu-
ses de France.
L'Histoire de Louis on-
ziesme, par de Serres.
85. Lettres d'Arnaud, cardi-
nal d'Ossat. Paris, 1598, 2 vol.
in-4, et 5 vol. in-12.
91 . Guillaume du Vair, chan
celier de France, né en 155G,
mort vers 1621.
92. Journal des choses ad-
venues pendant le règne de
Henri III. Paris, 1621, in-4.
93. Probablement i Histoire
admirable de Jeanne la Pucelle.
Lyon, Rigaud, 1550 ou 1560,
in-8.
94. Villeroy (Nicolas deNeuf-
ville, seigneur de). Mémoires
d'estat (1567 à 1604 et suite jus-
qu'à 1621). 1" partie. Paris,
Chevalier, 1622, in-4. Réim-
primées à Sedan, en 1622, et
sur la copie de Sedan en 1623 ,
in-8 ; 2e partie par Du Mesnil-
Basire, Paris, Sam. Thibaut,
1223, 6 vol. in-8, etc.
96. L'un des nombreux ou-
vrages de Jean de Serres, his-
toriographe de France, publié
- 23 —
vers la fin du 16e siècle. Voir
ci -dessus n° 8.
97. D'aultres secrets de na- 97. Les éditions les plus cu-
ture. rieuses de cet ouvrage sont les
suivantes: Paris, 1504, in-4
goth.; imprimé à Paris, par
Philippe Le Noir, libraire, sans
date, in-4 goth.; idle xim iour
du moys de juing mil ve et
xxiiii, in 4 goth.; enfin, celle
imprimée à Paris, pour Jehan
Treperel, demeurant... en la
rue Neufve-Nostre-Dame. . . le
xvii iour du moys daoust mil
v. c. et xxvii, pet. in-4 goth.,
etc.
98. Histoire de dom JanCas- 98 Historia de los reges go-
tillan. (sic) (Julian del dos que venieron de la scythia
Castillo). cle Eur0pa contra el emperio
romano, y a Espana, etc., par
Julian del Castillo. En Madrid,
1624, in-fol.
0'.). Les Heures prdues ou 99. Nous ne connaissons sous
Bonasse. ce ^re que . Les Heures per-
dues de B. 0. M., cavalier fran-
çois, dans lequel les esprits
mélancoliques trouvent des
remèdes propres à dissiper
ceste fâcheuse humour. S. L.
1615, in-12.
100. Jérusalem régnante.
1 f ) 1 . Glo ire d,esa n ■' iens (sic) .
102. Catholicon d'Espagne. 102. C'est ici sans doute l'é-
dition qui porte ce titre : Catho-
licon d'Espagne, et la tenue des
Estats de Paris, par Messieurs
24 —
103. Fragment contre Ma-
chiaveL
104. L' Eloquence français,'.
105. Leçons, par Antoine du
Verdier.
106. Considérations sur 1rs
censures du Pape
Paul V contre la Répu-
blique de Venise.
107. Jugement du synode na-
tional des Églises ré-
formées du Païs-Bns
contre les Arméniens.
108. Uadvertissement aux
Juifs.
109. L'Institution deVEucha-
ristiej par Du Plessis-
Mornay.
delà S. Union: avec le testa-
ment d'icelle, le tout reveu et
augmenté de nouveau. Turin,
par T. Garabiaco, 1594, in-8
de 184 p. — Les autres éditions
portent en plus au titre, les
mots : Satyre menippée.
105. Verdier (Antoine du),
historiographe de France, né
en 1544, à Montbrisson, mort
en 1000. Son principal ouvrage
est : Les diverses leçons d'An-
toine du Verdier, sieur de Vau-
privas, gentilhomme forésien
et ordinaire de la maison du
roi , suivant celles de Pierre
Messie. Un gros vol. in-8 ,
Tournon, 1616. — Cinq éditions
en avaient été données de 1577
à 1616.
100. De l'Institution, usage
et doctrine du S. Sacrement
de l'Eucharistie en l'Église an-
25 —
110. Traité de V Église.
111. Dialogue contre la plu-
ralité des religions.
112 De V Athéisme.
113. Devis d'un Catholique
et d'un Politique.
114. Deux livres de VHistoire
ecclésiastique .
115. Amendement de la Vie
par la Foi.
116. Traictè de la participa-
lion du corps de N.-S.
Jésus-Christ.
117. Catalogue des docteurs
de l'Église.
118. Traictè de la Sainte
Cène, par Sainte Alde-
o-onde.
119. La Voguation (sic) de
Pasteurs , par du Mou-
lin.
tienne, etc., le tout en quatre
livres. La Rochelle, Hierosme
Haultin, 1598, pet. in-4 , en
dernière édition revue par
l'auteur, 1599, pet. in-8 , en
seconde édition, Th. Portau ,
1604, in-fol.
114. Hist. ecclésiastique 'les
églises réformées au royaume
de France, de 1521, par Théod.
de Bèze. Elle fut continuée
jusqu'en 1563 et forma 3 vol.
iu-8, Anvers (Genève) 15B'>.
118. Sainte Aldegonde (Phi-
lippe de Marnix, sieurduMont),
disciple de Calvin, né en 1538,
mort en 1598. — Ses princi-
paux ouvrages ont été impri-
més à Anvers et à Leyde.
119. Moulin (Pierre du). Théo-
logien protestant, né dans le
Vexin en 1568, mort à Sedan
en 1658. — L'un des nombreux
26 —
120. HomélieSj composées par
Arnauld.
121.
122.
123.
124.
125.
126.
1
27,
128.
Apolloggc (sic) pour lu
Sainte Cène, par du
Moulin.
Sermons sur le livre
cl' Est lier.
Défense de la vraie et
pure Doctrine .
Dispute d'un François et
d'un Romain.
Livre contre la Transub-
stantiation.
Le Purgatoire des CJi ré-
tiens.
Copie d'une Lettre en-
voyée à l'évêquc d'An-
gers.
Moïcns d'Abus (sic).
ouvrages de cet auteur fécond,
édité vers la fin du XVIe siècle.
120. L'une des nombreuses
compositions du fameux Robert
Arnauld d'Andilly, né à Paris
en 15S9, mort en 1674, et cé-
lèbre par sa vie solitaire à
Port-Royal des Champs.
121. Voir ci-dessus n° 119.
L29. Apollogye (sic).
128, Moyen d'abus, entre-
prises et nullitez du rescrit et
de la bulle de Sixte Ve en date
du mois de sept. 1585, etc., par
un catholique, apostolique ro-
main, mais bon François et
très fidèle subiect de la cou-
ronne de France (Pierre du
Belloy). Cologne, de l'imprim.
d'Hermann Iobin, 1586, pet.
in-8 de 8 f. prélimin. et 313 p.
129. 11 s'agit ou de « l'Apo-
— 27 —
130. Trois livres des Médita-
tions chrestiennes, par
Du Plessis-Mornay.
131. Traictè du Sacrement
de la Sainte Cène, par
sainte Aldegonde.
13.2. Six Sermons du sieur
Primerose.
133. La Trompette de Sion,
par Primerose.
134. Response à la profession
de foy de la Religion
réformée.
135. L'Amour divin, par du
Moulin.
136. Traictè de l'Église.
137. Traictè pour oster la
crainte de la mort.
138. Sermons, par Samuel
Durand.
139. Traictè de la Messe et
logie contre le traité de Madrid
d'entre le très chrestien roy et
Charles esleu empereur (sans
lieu ni date, vers 1519), in-4
go th. de 4 f. avec fig. en bois, »
ou bien de « l'Apologie, ou dé-
fense de l'honorable sentence
et très juste exécution de Ma-
rie Stuard, royne d'Ecosse,
traduit de l'anglais. Imprimé
nouvellement, 1588 (ou suivant
l'original imprimé à Londres),
pet. in-8.
130. Discours et méditations
chrestiennes, par Phil. de Mor-
nay. Saumur, Th. Portau, 1611
et 1612, 2 vol. in-12.
131. Voir ci-dessus n° 118.
135. Voir ci-dessus n° 119
— 28
de la Transubstantia-
tion.
140. Apollogye (sic) pour le
serment de Fidélité.
111. Mémoires de Nofrr
temps.
142. Réponse à la profession
de Foi publiée contre
ceux de la Religion ré-
former.
143. Traictédela SainteCène,
par du Plessis-Mornay.
144. Leçons catholique*.
1 15. Conférence entre
Moulin et Caijet.
du
146. Les principaux abus de
la Messe.
141. Ouvrage fort rare, im-
primé vers la fin du XVIe siè-
cle. Peut-être le même ouvrage,
sous un autre titre, que l'his-
toire de Notre temps. Imprimé
nouvellement MDLXX, pet. in-S
de 25 f., prélim., 808 p. de
texte et 4 f. pour la table des
matières.
143. C'est sans doute ici l'édi-
tion de Th. Portau, 1604, in-
fol. ou 2e édition.
145. Moulin (Pierre du). Voir
nu 119. — Cayet, d'abord mi-
nistre protestant de Catherine
de Bourbon, sœur d'Henri IV,
puis catholique en 1595; né à
Montrichard en 1525, mort
docteur en Sorbonne et profes-
seur d'hébreu au collège royal
en 1610. Il a publié de nom-
breux ouvrages, entre autres
les Chronologies Novennaire
et Septennaire, à Paris,, en
1608 et 1605.
29 —
147. Les saintes Affections.
148. Rescript de George l'A-
postre.
149. Testamento noro del
seignor nostro Jesu-
Christo s traduto cla
Giovanni Teodati (sic).
150. Discours de L'Espine.
151. Consolation de l'Ame
fidelle.
152. Saintes prières pour pré-
paration à jeusne.
153. Méditations, par Samuel
Durand.
154. Recueil de plusieurs ha-
rangues.
155. Histoire de Godefrov.
156. UArioste.
150. Lespine (J. de). Dis-
cours du vray sacrifice et du
vrai sacrificateur ; etc. Lyon,
J. Saugrain, 1563, in-8 de 24 p.
Une autre édition avait été
donnée à Lyon en 1562, et il
en parut une troisième en
1564, pet. in-8, ne portant ni
date, ni lieu d'impression.
155. Godefroy (Denys), né à
Paris en 1549, mort en Alle-
magne en 1621. Il s'agit ici de
l'Histoire de Charles VI, Louis
XII et Charles VIII, qu'il édita
lui-même.
156. Les plus anciennes édi-
tions du Roland furieux de Lo-
dovico Ariosto (l'Arioste), sont
de 1516, 1521, 1524, 1526, 1527,
1532, 1536, 1542, 1545, etc.,
etc.
30 —
157. Trajano BoccaJ'mi.
158. Imagini delU Dei anti.
chi.
159. Considération d' Estai.
160. Los travalos diPersiles.
et Sigismonda.
161. Dianne (sic) de Monte-
mavor.
162. Discorsi di Polo Paruta.
163. Dictionnaire italien, la-
tin et français.
164. Discorsi polit ici..
165. Tesoro politiquo.
166. Lettera Ysabella Andre-
ini (sic).
157. Boccalini (Trajan) , aut
teur satirique , né à Lorette,
en 1556, mort à Venise, en 1613.
— Il a été publié de lui entres
autres ouvrages : S. Ragguagli
di Parnasso di Trajano Bacca-
lini. Venez, 1612-13, ovvero
1614. 2 vol. in-4. — Les cent
premières nouvelles et avis du
Parnasse, etc., trad. de FItal.
par Th. Fougasses. Paris, 1615,
in-8.
161. La Diane de George de
Montemayor, trad. d'espagnol
en Français. Paris, Nie. Bon-
l'ons, 1587, 3 part, en 1 vol.
pet. in-12. — Deux autres édi-
tions ont paru en 1603 et 1623.
162. Paruta (Paul) , noble
vénitien, né en 1540, mort en
1598. — Ses discours politiques
ont paru à Venise, en 1599,
in-4.
166. Andreini (Isabelle), née
en 1562, morte en 1604. Célè-
bre comédienne, dont la pièce
d'Adam, 1613, in-4, a, dit-on,
— 31
1G7. Tragi comedia cœles-
tia.
168. La Fiameta de Jan Bo-
casse (sic).
1G9. Consolations de Nervèze.
donné à Milton l'idée de son
Paradis perdu.
168. Les éditions les plus
anciennes et les plus remar-
quables de la Fiamette de Bo-
cace, sont celles de 1480, 1491,
1497, 1532, 1585, etc.
169. Nervèze (A. de). L'un
des romans publiés par cet au-
teur ; les principaux furent,
réunis plus tard sous ce titre :
Amours diverses , divisées en
dix histoires. Paris , du Bray,
1611, Spart, pet. in-12.
170. Deux livres de fortifica-
tion escriptsàlamaiii.
171. Un dictionnaire la tin .
Tesoro politique.
Grammatica italia (sic).
Les mémoires de messire
Philippes de Commy-
nes.
172.
173.
174.
175. Secundo seneno de la di-
vina settimana.
170. Jérusalem libérât a, del
ïorquato Tasso.
174. Les éditions des mé-
moires de Philippe de Commi-
nes, antérieures à notre inven-
taire, sont de 1524, 1525, 1528,
1539 et 1560.
176. Les éditions de la Jé-
rusalem délivrée du Tasse sont
très nombreuses ; les plus re-
marquables de celles qui ont
précédé notre inventaire sont
les suivantes : Parma , per
Erasmo Viotto., 1581, in-4; —
Venise, per Domenico Gavalca-
32 —
177. Horlando (sic) furioso.
17.S. Dictionnaire des quatre
langues française* Es-
pagnole , Italienne et
Flamande. .
179. Deux livres de lettres et
de compliments simples.
180. Aminta, favola Bosca-
reccia.
181. Le Fov.illoux.
182. Pastorftdo.
183. P. Sererini.
lupo a instantia di Marco An-
tonio Malaspina. 1580, in-4. ;
Uoma, 1G07, in-24, etc.
177. Voir ci-dessus, n° 150.
180. Le Tasse. Aminta favola
Boscareccia. In vinegia (presso
Aldo), 1581, pet. in-8. Cette
édition très rare, la première
de cette pastorale, porte une
dédicace datée du 20 décembre
1580.
181. Fouilloux (Jacques du),
auteur d'un ouvrage sur la
vénerie. Les éditions les plus
connues , antérieures à notre
inventaire, sont de 1585 et de
1606. Paris, in-4.
182. Tragicomôdiepastoralle
en 5 actes et en vers, par
Guarini, jouée en 1585. — Elle
a eu un grand nombre d'édi-
tions.
183. Severini (Pierre), né en
Danemarck, en 1540, célèbre
médecin du temps. — 11 a écrit:
Idea medicina philosophie ex
doctrine paracelsi, Hippocratis
et Galeni, Basilee, 1571, in-4.
Epistola pro Theophrasto Pa-
racelso, Basilese, 1572, in-8.
33 -
184. Epi très de Cicéron.
185. Sentences de Cicéron.
18G. Dictionnaire latin.
1 87 . Dictionnaire français .
188. Consolation de Cicéron.
189. La vye (sic) de Virgile.
190. JustiLipsupoliticorum.
doctrina.
191. Colloguya Ramo (sic).
192. Deliciœ galliœ.
193. Deliciœ Podenicœ ou
Padenicœ.
194. Armide.
195. Sermons de VEvêque de
Bitonte (sic).
196. Salustina.
197. Traicté de V Antéchrist >
par Lambert.
198. Dao? livres de « Dispu-
tatio dénatura logicœ. »
184. Le nombre considérable
d'éditions des différentes œu-
vres de Cicéron, données avant
l'époque de notre inventaire, ne
nous permet pas de les énumé-
rer ici. Mais, peut-être, s'agit-
il de l'édition célèbre des « Epis-
tres familières de Cicéron ,
traduites en francois, par Es-
tienne Dolet. Lyon, Dolet ou
J. de Tournes, 1549, in-16.
188. Voir ci-dessus n° 184.
190. Lipse (Juste), né àlsch,
prés de Bruxelles, en 1547, mort
en 1606. Son traité de poli-
tique, publié vers la fin du
XVIe siècle, est l'un de ses prin-
cipaux ouvrages.
197. L'un des écrits de Fran-
çois Lambert, cordelier d'Avi-
gnon, disciple de Luther, né
en 1487, mort en 1538.
1881
— 34 —
199. Sentences d'Erasme.
200. Epilome adagiorum.
201. Calepin.
202. Livre cVAnalomie.
203. Tranquillité de Vâme,
par Sénèque.
204. Trois livres des délices
de la poésie.
205. Trois livres des œuvres
de Téophile (sic).
20G. Le cabinet des vers saly-
riques.
207. Les satyres de Régnier.
199. Erasmus roterodamus
(Desiderius). Les œuvres com-
plètes d'Erasme ont été publiées
par Beatus Rhenanus. Bàle,
Jérôme Froben, 1540, in-fol.
200. L'un des ouvrages d'E-
rasme. Voir ci-dessus, n° 199.
203. Voir ci-dessus, n° G.
205. Théophile , surnommé
Viaud , poète français , né à
Clérac, en 1590, mort en 1626.
On a de lui un traité de l'im-
mortalité de Pâme; Pyrame et
Thisbé, trag.; Socrate mourant,
trag.; Pasiphaé, trag.; et di-
vers recueils de poésies. Ses
œuvres parurent en 1618.
206. Le cabinet satyrique ,
ou recueils de poésies gail-
lardes de ce temps, composées
par Sigognes, Régnier, Motin,
etc. Paris, Billaine, 1618, in-12,
de 703 pp. — Cet ouvrage fut
réimprimé en 1620.
207. Régnier (Mathurin). La
plus ancienne édition de ses
satyres est celle de 1608. Paris,
du Bray, in-4. La suivante
étant de 1642, c'est un exem-
plaire de celle de 1608 que
35
devait posséder Samuel d'A-
•208. Trois livres des Œuvres
de du Bellay.
209. Livre de Marot.
210. Les Premières Œuvres
de Philippe Desportes.
211. Aminte pastoral) 'e.
212. Illiade d'Homère.
213. Deux livres de la Muse.
vaugour.
208. Du Bellay (Joachim). —
Ses œuvres françoises parurent
à Paris, chez Fed. Morel, en
1569, in-8., et en 1584, pet.
in-12. — D'autres éditions en
furent données à Rouen, chez
George L'Oyselet, 1592 et 1597,
pet. in-12.
209. Marot (Clément). De
nombreuses éditions de Marot
parurent avant l'époque de
notre inventaire. La plus an-
cienne est celle de 1 532. Paris,
Pierre Roffet, pet. in-8. — On
croit qu'il en existe une de
1530.
210. Desportes (Philippe).
Les premières œuvres. Paris,
par Marner t Pâtisson, 1600, pet.
in-8. Une des plus belles édi-
tions de ses œuvres poétiques.
Une autre édition in-4. sortit
de l'imprimerie Robert Es-
tienne, en 1576.
211. Voir ci-dessus, n° 180.
213. La Muse folâtre (le 1er,
le 2e et le 3e livre de) , re-
cherchée des plus beaux esprits
de ce temps. Rouen, 1603, 3
tomes en un vol. in-24. — D'au-
tres éditions furent données en
1609, 1615, 1621, à Rouen, 3
vol. in-24, et à Paris, en 1607,
36 —
214. Les Enseignements de
Baïf.
215. Les Advenlures de Flo-
ride.
216. Les Œuvres de Pierre
Ronsard.
217. Elégie de Ronsard.
218. Les Muses Francoises.
219. Le Cabinet du Rimenr.
220. Le Chevalier François.
221 . Biaisons (sic).
222. Formulaire curieux d 'es-
crire les missives.
223. Traité des vrais et faux
pasteurs.
chez Jean Fuzy, 2 part, en
1 vol. in-12.
214. Baïf (Jean Ant. de).
Les mimes, enseignemens et
proverbes de Jan Antoine de
Baïf, reveus et augmentez en
cette dernière édition. Paris,
par Mamert Pâtisson, impri-
meurs du Roy, chez Robert
Estienne, 1597, pet. in-12. Une
autre édition fut donnée à
Toulouse en 1612, et une autre
à Tournon en 1619.
216. Les œuvres de Pierre
Ronsard parurent à Paris en
1604, 10 tomes en 5 vol., pet.
in-12, et en 1623, chez Nicolas
Buon, 2 vol. in-fol.
217. Voir ci-dessus.
218. Les Muses Francoises
ralliées de diverses parts par
Despinel. Paris, 1599, 1 vol.
pet. in-12.
221. Plusieurs ouvrages dif-
férents ont été publiés sous ce
titre; et nous ne saurions par-
suite déterminer celui dont il
est ici question.
Ôi —
224. Les Epithètes de La-
porte.
225. Les Œuvres de Bouchet.
226 Les amours de la Belle
du Luc (sic).
227. Les amours d'Hèlaine de
Marie (sic).
228. Les six livres de Mario
de Guignola (sic).
229. L'Endyrnion de Gom-
baud.
230. Trésor des Malades.
231. Dialogue du désordre
qui est à présent au
monde.
232. 1/ Argenis de Jean Bar-
clay.
224. On possède plusieurs
éditions de cet ouvrage, entre
autres, une édition imprimée
à Paris chez G. Buon, au clos
Bruneau, en 1580.
225. Bouchet (Jean) et Bou-
chet (Guillaume) ont écrit vers
cette époque , des ouvrages de
galanterie fort nombreux. 11
est assez difficile de déterminer
ici duquel il s'agit.
229. Gombauld (Jean Ogier
de). Célèbre poète, l'un des
premiers membres de l'Acadé-
mie Française, né vers 1570,
mort en 1666. Ses principaux
travaux sont : Aconce, trag. ;
Cydippe; Les Danaïdes ; Endy-
mion et divers recueils de
poésies.
232. Barclay (Jean), né à
Pont-à-Mousson en 1582, mort
en 1621. L' Argenis cité ici, est
sans doute la plus ancienne
édition de cet ouvrage et peut-
— 38 —
."),"',r>
33. Théagène et Car idée.
234
Deux livres des Méta-
morphoses d'Ovide.
235.
236.
237.
238.
239.
240.
241.
242.
les adventures de Po-
lyxène.
Description de la Peste.
Pratique chrestienne.
Lettre mystique concer-
nant la conspiration
dernière contre le prin-
ce Maurice.
Abjuration des hérésies
de La Rochelle.
Traité des vrais et faux
pasteurs.
Les Lamentations de
Jérémie mises en vers
françois.
Trente - deux demandes
proposées j par le père
Cotton.
être une édition inconnue jus-
qu'alors.
233. Les amours de Théa-
gène et Chariclée, célèbre ro-
man d'Héliodore, romancier
grec du IVe siècle. La première
édition en fut donnée à Bâle
en 1534, in-4. La traduction
d'Amyot, 1547, in-fol., et 1549
et 1559, in-8., a été souvent
réimprimée.
234. Il a paru beaucoup
d'éditions des Métamorphoses
avant l'époque de cet inven-
taire. Les principales sont de :
1475, 1480, 1557, 1566, 1567,
1570, 1579, 1583.
238. Il s'agit peut-être ici de
Maurice, Electeur de Saxe, né
en 1521, mort en 1553.
242. Cotton (Pierre), célèbre
jésuite, confesseur d'Henri IV
et de Louis XIII, né en 1564,
mort en 1626. — Ses principaux
— à
°9
243.
244.
245.
Réponses au sieur Du
Plessis.
Consolation des malades.
Anti-Joseph.
246.
24"
248.
-2 il).
Dix petits livres de mu-
sique de Guesdon, et
quatre de Boni.
Les (tiTise* héroïques de
Claude Paradin.
Deux livres d'Ellemans
(sic) de Logique.
Sa'yrr Menippée, de la
vertu du Catholicum
d'Espagne.
ouvrages sont : Le traité du
sacrifice de la messe ; des ser-
mons, 1617, in-8; et la lettre
déclaratoire de la doctrine des
jésuites, 1610, in-8.
245. L' Anti-Joseph, ou bien
plaisant et fidèle narré d'un
ministre de la religion préten-
due , vendu publiquement à
Clerac, ville d'Agenois, ayant
été enfermé dans un coffre par
une honeste dame de la dite
ville , à laquelle il faisait
l'amour. — Suivant la copie
imprimée à Agen, 1615, pet.
in-8.
247. Paradin (Claude). De-
vises héroïques. — Lyon, Jan
de Tournes, et Guill. Gazeau,
1557, in-8., de 261 pages. Une
autre édition in-16 a paru à
Anvers chez Plantin, en 1561.
et un autre in-8 à Paris, 1621 .
249. 11 s'agit ici, sans doute,
soit de l'édition de Paris, M. D.
XCIlI,pet. in-8., ou de l'édition
de 1593, in-12. —Voir ci-dessus
n° 102.
— 40 —
250. Histoire de notre temps,
par Paradin.
251. Un livre d'armoiries es-
cript à la main.
252. Journata (sic) de Boccace.
253. Trois livres non escript s.
254. Un livre de Luth.
255. Epiire Dorée.
256. Sermons de Samuel Du-
rant.
257. Sermons par Du Moulin.
258. Bénéfice commun.
259. Résolution des doubles
de V Eglise réformée et
de V Eglise romaine.
260. L'Amant ressuscité.
261 . Les Œuvres de F. Rabe-
lais.
250. Paradin de Cuiseaulx
(Guil.). Histoire de nostre
temps (depuis l'avènement de
François Ier jusqu'en 1558.)
Lyon, de Tournes ou Michel,
1558, in-16. Deux autres édi-
tions en ont été données : à
Paris, 1556, in-16, et chez
Ruelle, 1568, in-12.
252. Le Décamcron, connu
aussi sousle nom « des journées
de Boccace. »
262. Quatre livres des Adven-
tures de Floride.
263. Le Rétablissement de
Troyes (sic).
264. Consolation envoyée à
257. Voir ci-dessus, n° 119.
261. Les éditions les plus an-
ciennes et les plus remarqua-
bles des oeuvres de F. Rabelais
sont celles de 1553, 1556, 1558.
Lyon, Jean Martin, pet. in-8,
1559, 1564, 1567, 1573, 1586.
41
Madame la duchesse
de Mercœur.
265. Les Larmes de Philippe
du Plessis-Mornay.
266. Traité de l'Enchante-
ment.
267. Les Epitrcs amoureuses,
d'Aristenète.
268. La Conférence entre les
sieurs d'Estrade et Che-
vrolière, jésuitesj con-
tre les sieurs Petit et
Saget, ministres.
269. Le Soldat François en
colère.
270. Les Amours du baron de
l'Espine.
271. Deux livres des Amants
fortunés.
272. Le Sacrifice d'Abraham .
273. Les Epistres de Cicéron.
274. L'Heureuse Alliance 3 par
le sieur du Bouchet.
275. L'Amante tuée par son
Amant.
265. Voir ci-dessus, n° 24.
266. Traité de l'enchante-
ment qu'on appelle vulgaire-
ment le nouement de l'esguil-
lette, etc. — La Rochelle, par
Hiérosme Haultin, 1591, in-8.
267. Aristenète, auteur grec,
mort l'an 358 de J.-C. La pre-
mière édition de ses lettres ou
poésies erotiques est de 1566,
in-4.
272. Le sacrifice d'Abraham,
à huyt personnages, etc., avec
privilège accordé à Gilles Pa-
quot , (en date du 14 juin
1539), pet. in-8.
273. Voir ci-dessus n° 184.
'
276. Les Quatrains du sieur
de Pibrac.
277. Recueil de plusieurs es-
cripts publiés contre les
Jésuites, depuis la mort
de Henry le Grand.
278. Les Amours diverses du
sieur Menaige.
279. Le vray et parfait
Amour.
280. La Teseide, de Boccace.
281. Les Amours de Damon
et de Caroline.
282. Les Traverses de Cir-
ant lie.
283. Un nouveau Testament
Doré.
276. Pibrac (Guy du Faur,
seigneur de Pibrac). Les qua-
trains du sieur de Pibrac. De
la manière civile de se com-
porter pour entrer en mariage
avec une demoiselle. Amst.,
Vànder Haghen, in-8. La pre-
mière édition parut à Paris,
1574, in-4. Il en parut plu-
sieurs autres, notamment en
1575, 1583 et 1584.
280. Il parut un certain
nombre d'éditions de cet ou-
vrage. La plus ancienne est de
1475. Ferrarise Augustinus
(Garnerius), 1475, in-4. —
Peut-être l'exemplaire cité fai-
sait-il partie de l'édition pu-
bliée à Paris, chez L'Angelier,
1597, in-12, une des dernières
avant l'époque de notre inven-
taire.
— 43
284. Traité de l'Antéchrist,
par Nicolas Vignier.
285.
286.
287.
2?
Sermon de Jean Calvin
sur les epîtres à Timo-
thèe et à Tite.
Commentaires de Jean
Calvin sur l'harmonie,
ou Concordance des
trois Evangélistes saint
Marc, saint Luc et saint
Mathieu, avec les Com-
mentaires sur saint Jean
l'Evangéliste, et sur les
actes des Apôtres.
Sermon de Calvin sur
VEpître aux (râlâtes.
Institution de Jehan Cal-
vin.
289. Défiances des Téorèmes
par Chenillet (sic).
290. Serinons de Jean Calvin
sur VEpître aux- Ephé-
siens.
291. De la Participation dît
corps et du sang de
Nostre S. J. C, par
Nicolas Vignier.
292. Le Catéchisme des Jé-
suites, ou Examen de
284. Vignier (Nicolas), né en
1530, mort en 1595. Médecin
et historiographe de France.
Le Traité de l'Antéchrist est
un de ses ouvrages les moins
célèbres.
285. Voir ci-dessus n° 20.
286. Imprimé à Genève, par
Conrad Badins, 1561, 2 vol.
in-8.
"287. Voir ci-dcssns n° 20.
L'Institution de Jean
Calvin a eu de fréquentes ré-
impressions. Les principales
éditions sont celles de 1540,
1553, 1559 et 1562.
290. Voir ci-dessus m 20.
291. Voir ci-dessus n° 284.
292. De Bôze (Théodore), né
à Vezelay en 1519, mort tà
44 —
leurs doctrines , par
Théodore de Bèzc.
293. Sermon sur la Résur-
rection de N. S. J. C.
294. Prières et Consolations,
par Daniel...
295. Introductione ab antica
Republica Romana.
296. Teodori Bizelli. .
297. Epistola magistri Pas-
saventi.
298. La Muso de Parnasso.
299. L'art de composer les
bataillons, par L . . .
300. La confut ation de Sponde
et de Bellarmin.
301 . Trois livres de l'hisloria
Guicchardini.
302. lconologia Sezaripa (sic)
303. Justina.
304. D offense de la liberté
chrestienne. . . par Geor-
ges l'Apostre.
Genève en 1605. Disciple et
successeur de Calvin ; il a com-
posé beaucoup d'ouvrages pro-
testants.
300. S-ponde (Henri de), né
en 1568, mort en 1643, ou
plutôt Sponde (Jean), frère du
précédent, mort en 1595, après
avoir abjuré le Calvinisme. —
Bellarmin Robert (cardinal de),
né en 1542, mort en 1621. Ses
principaux ouvrages ont été
publiés à Cologne en 1619. 3
vol. in-fol.
301. Guicchardin (François),
né en 1482, mort en 1540, a
composé une histoire de l'Italie
de 1490 à 1534 en 20 livres
(Florence, 1561,2 vol. in-8.).
- 45 —
Enfin, il conviendrait d'ajouter à cette longue liste, environ
quinze ouvrages dont les noms sont complètement effacés, ou
que leurs titres altérés rendent absolument méconnaissables.
Après une semblable énumération, on ne peut s'empêcher
de songer aux vicissitudes des choses humaines et de déplorer
amèrement la perte de pareils trésors. Que sont devenus tous
ces volumes rares, tous ces jolis exemplaires d'éditions
curieuses, qu'un bibliophile de nos jours payerait au poids
de l'or. Brûlés, perdus, ou délaissés peut-être, dans quelque
grenier poudreux ou dans quelque cave humide, servant de
pâture quotidienne, aux rongeurs et aux vers; voilà sous
quel aspect nous pouvons les envisager aujourd'hui! — Hélas!
tout passe et disparaît sous les coups du temps et sous le flot
des révolutions; mais nous, humbles chercheurs, qui passons
notre vie à reconstituer sans cesse ces collections qu'avaient
créées nos pères, et qu'un jour d'orage a balayé sans retour,
nous suivons avec amour les moindres traces, les plus légers
souvenirs de ces pensées qui furent leurs, éprouvant alors une
joie nouvelle à être, sinon les continuateurs, du moins les
imitateurs fidèles d'une oeuvre noblement commencée. —
C'est là un motif sérieux de reconnaissance envers l'obscur
Notaire qui nous a conservé ce précieux catalogue, et c'est un
devoir pour nous de l'en remercier ici.
Samuel d'Avaugour n'avait que vingt-sept ans, quand
Pierre Hamon inscrivait au Dial, l'inventaire de sa bibliothèque,
et cependant si l'on considère et le nombre de ses ouvrages et
leur choix remarquable, l'on ne peut s'empêcher de recon-
naître, qu'une telle bibliothèque devait être fort rare en
province à cette époque et que son possesseur savait déjà
allier dignement l'érudition d'un lettré à la bravoure d'un
grand capitaine. — Aussi combien ne devons-nous pas
regretter que la Providence ne lui ait pas permis de parcourir
longtemps la noble voie qu'il s'était tracée dès sa jeunesse. —
Si sa bibliothèque a tout l'air de n'être encore qu'une œuvre
en formation, il est probable que s'il avait vécu plus âgé, il
eût continué à y recueillir de nouvelles richesses, à la meubler
- 46 —
encore davantage, des auteurs anciens qui y sont un peu rares
et à se procurer au fur et à mesure de leur apparition comme
il l'avait fait jusqu'alors, tout ouvrage utile et digne de
figurer dans la bibliothèque d'un véritable amateur. C'est
dans l'âge mur, en effet, et surtout dans la vieillesse qu'on a
besoin de cette nourriture intellectuelle qui devient pour
l'homme, une consolation et une force au milieu des luttes
de la vie, et c'est alors surtout que l'on s'aperçoit mieux de la
profonde vérité de cette parole du poëte :
Un livre est un ami qui ne change jamais (1 ).
Nous venons de voir passer sous nos yeux tous les détails
du cabinet de travail du châtelain de Saffré; d'arrêter nos
regards sur chacune de ces particularités qui demeurent, en
quelque sorte, comme une traduction des pensées humaines;
après cela, quelles pouvaient être, dès lors, les occupations
journalières d'un tel homme? Maintenant que nous sommes
initiés à ses goûts, à ses aspirations, à son caractère, ne
pouvons-nous pas, désormais, pénétrer plus avant dans le
champ ordinaire de sa vie intime, et déchirer ce voile dont
nous n'avions fait que soulever un côté? — Après les fatigues
de la guerre et les longs mois passés à la cour, où devaient
l'appeler son rang et sa naissance illustre, il est vraisemblable
que Samuel d'Avaugour, devait se trouver heureux de venir
chercher de temps en temps quelques jours de repos, au
milieu du calme de la campagne et de l'affection de ses vassaux.
— Les chasses, les promenades équestres, les jeux de bague,
fort en honneur alors, peut-être était-ce là des exercices
suffisants pour charmer ses loisirs, et souvent capables de
remplir sa journée. Mais les travaux de la raison et de
l'intelligence, doivent avoir aussi une large part clans la vie
d'un homme instruit; les avantages que procure une éducation
(1) Jules Janin.
— 47 —
soignée ont besoin d'être utilisés sans cesse; l'esprit à soif de
se faire jour, de marcher encore de plus en plus vers la
lumière; de se manifester autour de lui, et c'est sous ce point
de vue que nous préférons de beaucoup nous représenter
Samuel d'Avaugour.
Sa bibliothèque nous le révélait déjà tout à l'heure comme
un amateur véritable et parfaitement au courant du mouve-
ment littéraire de son époque, le Dial ajoute encore qu'il était
considéré comme un seigneur aussi affable qu'expérimenté.
— Il aimait à pratiquer cette hospitalité bretonne, si cordiale
et si renommée, et il en usait d'autant plus largement, que
son influence et ses richesses, lui assignaient alors sans
conteste, un des premiers rangs parmi la Noblesse du Comté
Nantais.
Les Seigneurs se donnaient volontiers rendez-vous au
château de Saffré, où ils étaient toujours sûrs de trouver :
« bon agréement et bon accueil » ; et celui-ci était
devenu , en quelque sorte , le point de ralliement , le lieu
constant de réunion de tout ce que cette partie de la
Bretagne comptait alors de gens instruits et distingués. —
Les familles de Rohan , Descartes de Chavagne , deMonterfll ,
de Lanvaulx , de Mantauban du Goust, de L'Estourbeillon
de la Savinais , d'Entragues , de la Chapelle de la Roche-
Giffart , de la Muce-Ponthus , de Lire, de Chamballan, de
Larlo , de Vay, de Carduel , de Champagne , du Hardaz ,
étaient les hôtes particulièrement familiers , de « ces bonnes
vesprées , passées en gais amusements ou discussions prouf-
fitables. » — Il y a de là bien loin aux théories chagrines et
envieuses de certains esprits de nos jours , qui prétendent
donner , à nos ancêtres , des leçons d'éducation et de savoir-
vivre ; le châtelain de Saffré nous est une preuve nouvelle ,
qu'au milieu de bien des catastrophes , il n'est guère de
siècle qui n'ait possédé ses oasis de paix et de lumière.
Enfin, si l'on en juge par les nombreux actes transcrits au
Dial, l'agriculture, sous son heureuse influence, était alors
fort prospère au pays de Saffré. De cette façon, il sut aider
— 48 -
aussi au bien-être de ceux que la Providence avait placés au
dessous de lui, et c'est également avec un plaisir bien vif, que
nous aimons a le voir par la pensée s'occupant dans son
i :abinet de travail de l'administration de ses domaines, ou
mieux encore arrêtant lui-même, après quelque grave étude,
les secours qu'il fera distribuer le lendemain aux indigents
de la paroisse, comme nous l'indique une longue liste
transcrite au Dial, sous ce titre aussi simple qu'éloquent :
« Liste dos Pauvres que secourt Monseigneur de Saffré. »
De L'ESTOURBEILLON.
ODIN L'HOMME
ÉTUDE HISTORIQUE ET LITTÉRAIRE
Messieurs,
Derrière chacune des innombrables divinités des Olympes
païens, se cache-t-il un homme, une abstraction de l'esprit, ou
simplement un mythe de quelque phénomène de la nature?
Question difficile et complexe dont la solution est encore à
donner.
De nos jours, une école d'érudits a pris à tâche de réduire
les conceptions mythologiques au seul mythe solaire. D'après
ces savants, l'Iliade elle-même, ce chef-d'œuvre de la poésie
humaine, ne serait que le magnifique développement de l'ado-
ration de la nature, et en particulier de son vivificateur et roi,
le soleil.
D'autres, et cette opinion a de beaucoup la priorité d'âge,
considèrent les dieux et les demi-dieux de la fable comme le ré-
sultat de l'apothéose d'hommes illustres, bienfaiteurs de l'huma-
nité ou ses tyrans, dont l'existence se perd dans la nuit des
temps. Les divinités qui ne rentrent pas dans cette catégorie,
seraient la personnification de vertus et de vices, ou d'autres
êtres de raison chers à l'homme ou abhorrés de lui. Telle est la
thèse mythologique qui a instruit, en l'amusant, notre enfance.
Sans épouser systématiquement l'une ou l'autre de ces hypo-
thèses, émettant même l'opinion qu'elles doivent être étudiées
parallèlement, parce que ni l'une ni l'autre ne renferme la vérité
4
- 50 -
exclusive, nous avons le désir, dans ces quelques pages, de
vous présenter la divinité principale de la théogonie Scandinave,
dépouillée des vêtements merveilleux que lui a prêtés la fable et
de vous parler d'Odin VJiommc, tel que nous le font concevoir
quelques récentes études.
Retracer brièvement ce que l'on croit savoir de son histoire ;
esquisser, dans ses grandes lignes et son esprit, la religion du
Nord dont il fut le fondateur ; puis, clore cette notice par la tra-
duction d'une poésie anglaise fraîchement publiée, et formant
sous ce titre : Odm V homme, le prologue d'un recueil de légende
saxonnes où brillent des beautés de premier ordre ; tel est notre
dessein, heureux si nous intéressons quelques instants votre
docte compagnie.
Il fut une race du Nord que les aigles rom aines ne purent
jamais étouffer dans leurs serres. Cette race, que les conquérants
du monde appelaient dédaigneusement les barbares, était com-
me un arbre vigoureux dont le tronc, planté aux forêts de la
Germanie, étendait ses rameaux et répandait ses semences au loin,
sur les plages du Danemark, de la Suède , de la Norwège, de la
Grande-Bretagne.
Les malheurs qui avaient frappé la race des Teutons-Scandi-
naves avaient été pour eux l'origine d'une merveilleuse destinée.
Le christianisme, en conquérant la Grèce, allait conquérir
l'àme du monde. En devenant le maître de Rome, il allait trou-
ver accès dans toutes ces vastes régions, subjuguées par les armes
romaines, percées de voies romaines, gouvernées par la loi ro-
maine. Mais les civilisations de la Grèce et du Latium avaient,
l'une comme l'autre, corrompu leur voie ; elles s'étaient plongées
dans les séductions de l'orgueil, de la sensualité et des jouissan-
ces matérielles. Elles étaient ainsi devenues incapables de rendre
justice aux conceptions élevées et pures du christianisme.
Ce sens dont elles manquaient, la race des barbares seule,
vierge du contact des perversions raffinées d'une société en déca
dence, pouvait le leur donner. Errant a travers des climats in-
cléments, sous des dieux d'airain, ces hommes de fer avaient
- 51 -
conservé une simplicité et une pureté de mœurs qu'on ne ren-
contrait plus ailleurs. Enrichie par l'union de cet élément nou-
veau aux trésors de l'intelligence grecque et de la jurisprudence
romaine, la vraie religion dont les premières semences, fécondées
du sang divin, ont été confiées au sol étroit de la Palestine, pourra
étendre ses rameaux sur toutes les plages du monde. Si la race
des Barbares avait été versée dans les sciences et les arts de la
Grèce, si elle s'était revêtue du manteau doré, mais trompeur, de
la civilisation romaine, elle aurait participé à la corruption de ces
peuples. Peut-être, dans ce cas, le progrès de la société par les
idées chrétiennes ne se serait-il pas réalisé, et le monde n'aurait
vu ni les merveilles de la foi du moyen âge, ni les splendeurs
intellectuelles de l'âge moderne. Ce que l'avenir réserve de déve-
loppement et de perfectibilité à la société humaine aurait été
frappé de mort dans son germe. Il était nécessaire que, dans
quelque région du globe, la civilisation fût retardée, afin d'y pré-
parer un remède aux abus de cette civilisation, et qui sait si ce
n'est pas là toujours le plan providentiel ? Qui peut dire que l'his-
toire de Rome ne sera pas notre histoire ? Oui, les races dont
nous avons coutume de déplorer l'état social primitif ou arriéré,
sont peut-être en réserve pour une œuvre semblable, comme des
plantes que le jardinier laisse dans un sol infécond, afin de les
transporter plus tard dans un plus riche terrain, où elles trouveront
une sève merveilleuse.
Mais quelle est l'histoire connue de ces peuples dont la voca-
tion était si grande ? Comment furent-ils préparés à la remplir ?
La réponse à ces questions se trouve renfermée dans une tradi-
tion dont l'importance historique est évidente et qui, cependant,
a été jusqu'à ces jours peu appréciée, et est encore peu connue.
Une tradition antique et célèbre dit Mallet dans ses Antiquités
du Nord, (Northern Antiquities), confirmée par les poèmes de
tous les peuples septentrionaux, par leurs chroniques, leurs insti-
tutions et leurs coutumes jusqu'à ce jour, nous apprend qu'un
personnage extraordinaire, nommé Odin, régnait autrefois dans
le Nord.
— 52 —
Ces témoignages se résument tous dans celui de Snorri,
le vieux chroniqueur norvégien, et dans les commentaires et les
explications qui y furent ajoutés par Tophœus.
La République romaine était arrivée au plus haut point de sa
puissance. Tout le monde connu était soumis à ses lois, quand
un événement imprévu lui suscita d'innombrables ennemis, au
sein des forêts de la Scythie, et sur les rives du Tanaïs.
Mithridate, fugitif devant les aigles romaines, avait conduit
Pompée, acharné à sa poursuite, dans ces régions sauvages.
L'espoir du monarque vaincu était d'armer contre l'ambition
romaine toutes les hordes barbares voisines de son empire, dont
la liberté était menacée par les triomphes des conquérants. Il y
réussit d'abord, mais ces peuplades auxquelles faisaient défaut
J'unité, les armes, la discipline et la tactique, furent bientôt
forcées de lâcher pied devant le génie stratégique de Pompée.
Un de leurs chefs se nommait Odin. Il commandait le peuple
d'OEsir dont le territoire devait se trouver entre le Pont-Euxin
et la mer Caspienne. Sa capitale était Asgard ; on y adorait
un Dieu suprême, fameux dans tous les pays d'alentour. Odin,
ayant réuni sous sa bannière la jeunesse de son peuple et celle
des peuples ses voisins, se mit en marche vers le nord et l'ouest
de l'Europe, soumettant en passant tous les pays qu'il traversait
et leur donnant pour chef quelqu'un de ses enfanfs.
Beaucoup de familles souveraines du Nord passent pour des-
cendre des fils d'Odin. Ainsi, Horsa et Hengist, chefs saxons qui
firent au Ve siècle la conquête de la Bretagne, comptaient Odin
ou Wodin au nombre de leurs ancêtres. Il en était de même des
autres princes anglo-saxons et de la plupart de ceux de la Basse-
Germanie et du Nord.
Gibbon, se départant ici quelque peu de son scepticisme habi-
tuel, reproduit cette tradition en termes presque identiques, avec
des réserves toutefois, sur l'authenticité de plusieurs points. Voici
son opinion : « On suppose qu'Odin était chef d'une peuplade
barbare qui habitait sur le bord du lac Mœotis, jusqu'à ce que la
chute de Mithridate et les victoires de Pompée vinssent menacer le
— 53 —
Nord de la servitude. Ce prince à demi sauvage, cédant, la rage
au cœur, à un ennemi trop puissant pour lui laisser l'espoir de
le vaincre, conduisit sa tribu hors des frontières de la Sarmatie
asiatique jusque dans la péninsule de Suède, avec le noble des-
sein de former, dans cette retraite inaccessible, un peuple qui,
dans la suite des temps, pût prendre sur Rome la revanche de ses
revers. Déjà il voyait dans l'avenir ses invincibles Goths, bouil-
lonnant d'un fanatisme belliqueux, s'élancer en hordes innom-
brables des terres arctiques, pour châtier les oppresseurs de l'hu-
manité. Malgré les obscurités de l'Edda, il est possible de repré-
senter Odin comme le Mahomet du Nord, fondateur d'une reli-
gion adaptée à son climat, à son peuple, et surtout à ses desseins
de vengeance. »
Selon l'auteur du Dictionnaire de la Mythologie des peuples
du Nord (*), Odin était fils d'un roi de Perse nommé Friedleif, qui
régnait sur le pays de Godheim et dont la capitale était Asgard.
Fuyant devant les Romains, il vint avec ses Asas (Asiatiques)
fonder dans l'île de Fionie la ville d'Odins-Ei (île d'Odin), qui
s'appelle encore de nos jours Odinsée.
Suivant la légende, il envoya à la cour de Gylfe, roi de Suède,
une chanteuse habile nommée Gefion, qui charma tellement le
monarque, qu'il donna à Odin une partie de ses états pour s'y
établir.
D'après Snorri (2), les deux frères d'Odin, Vili et Vi, sont des per-
(>) L.-M. Noirot, 1832.
(s) Snorri Sturleson, mort en 1241, composa le plus récent des deux
recueils qui portent le nom tfEddas. L'Edda de Snorri se nomme aussi
VEdda en prose par opposition a l'Edda ancienne. La première est une
compilation mythographique, sorte de dictionnaire de la légende Scandi-
nave. Elle comprend trois parties : une exposition doctrinale en forme de
dialogue, un lexique des locutions employées par les Scaldes, enfin un traité
de grammaire et de prosodie Scandinave.
La seconde, de beaucoup la plus célèbre, est une collection de poèmes
et de fragments de poèmes recueillis au onzième siècle par l'Islandais
Semund. Le plus important de ces poèmes est la Foluspa, récit génésia-
— 54 —
sonnages historiques, qui gouvernaient à sa place pendant ses
absences. Schoning, Suhm, Grœter, Saxo, partagent ces opi-
nions, au sujet de la réalité de l'existence d'Odin et de ses frères.
Le nom même d'Odin semble nous fournir une présomption,
sinon une preuve, de l'origine orientale de ce personnage il-
lustre. Il offre, en effet, une analogie frappante avec le Codant des
Samskrits, le Coda des Perses, et le Votan des Mexicains, surtout,
si nous considérons les altérations de ce nom en différents idiomes:
Wodan en Germanie, Voden en Angleterre, Woda chez les Sla-
ves, Guodarij Godan, Guodeucn, Vuothcn, Oden, chez différents
autres peuples.
De nombreux clans, sur les deux rives de la Baltique, furent
subjugués parla valeur invincible d'Odin, par son éloquence irré-
sistible, et par la terreur de la puissance magique qui lui était
attribuée. La foi nouvelle qu'il avait propagée au loin durant sa
longue et heureuse carrière, il voulut la confirmer par le sacrifice
volontaire de sa vie. Méprisant l'homme qui se laisse affaiblir
par la maladie ou la décrépitude sénile, il voulut mourir comme
il convient à un soldat. Devant les Swèdes et les Goths assemblés
avec solennité, il se fit avec son glaive neuf blessures mortelles, an-
nonçant desa voix mourante qu'il se rendait au ciel, pour y pré-
parer le grand festin des héros dans le palais du dieu de la
guerre.
La religion fondée par Odin avait conservé beaucoup des plus
pures traditions du monde primitif. Elle enseignait l'existence
d'un Dieu, maître de l'univers, à qui tout est soumis, à qui tout
obéit ; c'est ainsi que Tacite caractérise cette Divinité suprême.
La mythologie islandaise la nomme l'Auteur de tout ce qui existe;
l'Etre éternel, vivant et redoutable, Celui dont le regard plonge
que et apocalyptique, vision confuse et terrible de l'origine et de la des-
truction du monde. Le Hava-Mal est un poème sententieux contenant les
adages de la sagesse sc;mdinave. Citons enfin le Chant de Rig, poème poli-
tique et historique, dont les vers chantent la succession des trois races qui
ont peuplé la Scandinavie.
- 55 —
dans les lieux les plus secrets, Celui qui ne change jamais. La
religion Scandinave lui attribuait un pouvoir infini, une science
sans limite, une justice incorruptible. Elle défendait à ses sec-
tateurs de le représenter sous une forme corporelle. Elle ne son-
geait pas à renfermer son culte dans une enceinte de murailles.
C'étaient les bois immenses, les forêts vierges, avec le ciel pour
voûte, qui servaient de temples aux enfants d'Odin. Là, Dieu ré-
gnait dans le silence mystérieux de la nature, et ses adorateurs
se sentaient remplis d'une vague et sainte terreur. De sa divini-
té suprême émanait un nombre presque infini de déités et de
génies subalternes, dont chaque partie du monde visible était la
demeure et le temple. Offrir à Dieu des sacrifices, l'invoquer par
des prières, ne point nuire à autrui, être intrépide dans les com-
bats, tels étaient les seuls préceptes moraux déroulant de la doc-
trine d'Odin. La croyance en une vie future en était le couron-
nement. L'idée de la Providence y était plus nette et plus domi-
nante que dans les autres religions du Nord. C'est dans la mytho-
logie de l'Islande que nous retrouvons le monument le plus
complet et le plus précieux de la doctrine Scandinave.
Il est facile cependant de reconnaître, sous ce vêtement reli-
gieux jeté par Odin sur son armée d'émigrés, le souvenir d'une
croyance plus ancienne, plus pure, que les fugitifs avaient rappor-
tée de leur patrie asiatique. Tandis que le peuple, superstitieux
comme toutes les foules, multipliait de plus en plus ses divinités,
les grands et les sages conservaient le Monothéisme de leurs
prêtres orientaux. « Je jure, disait devant l'assemblée du peuple
Earold Harfraga, premier roi de la Norvège unifiée, je jure, et
prends l'engagement le plus solennel de ne jamais offrir de
sacrifice aux dieux qu'adore la foule, mais à Celui-là seul qui a
créé le monde et tout ce que nous y admirons, a
Ce qui distingue le plus la religion des Scandinaves des autres
religions connues, est cette idée de la destruction et de la mort
qui doit frapper tous les dieux inférieurs et Odin divinisé lui-
même, dans un combat suprême contre l'Etre unique et tout-
puissant qui remportera sur eux la victoire.
- 56 -
Ce dogme des Eddas était-il, comme l'ont prétendu des savants
anglais, une sorte de prophétie de la victoire du vrai Dieu sur
le paganisme ? Cette opinion est au moins agréable à des cœurs
chrétiens, si elle ne peut être scientifiquement établie.
Nous ne pouvons résister à la tentation de citer un fragment
des chants sacrés de l'Edda racontant ce terrible combat des
dieux et des héros, et le triomphe du Tout-Puissant qui le ter-
mine. La scène se passe dans la plaine de Vigrid.
« L'âge de fer finira par le fer. Les dieux, les héros, les hommes
qui ont vécu dans l'impiété et la haine du Dieu suprême, se heur-
teront dans une plaine que rougira leur sang. Ce jour-la, les forêts
delà terre périront desséchées ; les étoiles tomberont de la voûte
céleste ; le chien ailé qui, de siècle en siècle, chasse le soleil avec
acharnement, l'atteindra enfin pour le dévorer. Le frêne sacre
Ygdrosil, dont les branches ombragent le ciel, dont la racine
plonge au plus profond des Enfers, dont les feuilles portent écri-
te la destinée de chaque homme, et les rameaux celle des empi-
res qui font trembler le monde, laissera tomber son fruit avant
sa maturité.
« Midgard, le serpent monstrueux dont les vastes replis contien-
nent l'Océan dans ses bornes, se réveillera de son long sommeil.
Il s'agitera avec fureur, et la mer, libre de toute entrave, se pré-
cipitera, comme une montagne liquide, sur les continents
qu'elle engloutira. Sur ces ondes furieuses, on verra voguer
Naglfar, le vaisseau fantôme, dont les membrures sont faites avec
les ongles des morts, dont les voiles sont tissues de ténèbres et
dont les trois Parques tiennent le gouvernail. Quand vous ver-
rez approcher ce sinistre navire, sachez-le, la fin sera proche !
« Soudain, on entendra sonner Gjallar,la trompette céleste, que
jamais n'ouïrent les dieux ni les mortels. Dans la salle enchantée
du palais de Valhalla, les dieux sont assis à leur divin ban-
quet. Au son de la trompette, ils se lèveront soudain, revêti-
ront leurs armures d'or, s'élanceront sur leurs chars rapides.
A leur tête, marche le chef de l'armée des dieux, Odin, qui fut
notre roi. A sa droite s'avance Thor, dont la massue fend
- 57 —
comme la foudre le sommet des montagnes et brise les plus
durs rochers. »
Le livre sacré, après après avoir décrit la bataille en termes
remplis d'une sauvage poésie, nous fait assister au dénouement
de ce drame gigantesque.
« Avant que le ciel inférieur qni abrite les palais du Valhalla
ait étendu sa voûte, déjà Muspell, le troisième ciel, l'ardent Em-
pyrée, se perdait dans l'infini de l'espace,- Muspell, le trône sans
limites de cette divinité suprême, qui n'eut point de commence-
ment et ne connaîtra point de fin. Ce Dieu, entouré d'une armée
d'esprits célestes, dont les ailes voilent la lumière de sa face,
viendra au jour du jugement des dieux et des hommes, purifier
le monde par le sang et le feu.
« A cette heure fatale, Bifrost, le pont aux couleurs de l'arc-en-
ciel qui unit le firmament à la terre, volera en éclat. Les mu-
railles de cristal de l'Empyrée s'écrouleront sur la terre, et les
Enfants de lumière fouleront aux pieds leurs ruines.
« Un seul rayon de feu, jaillissant du casque dont le front du
Tout-Puissant s'ombrage, frappera le champ de bataille, et nul
ne pourra en supporter l'atteinte. Dans la flamme, périra la race
des Géants. Dans la flamme, disparaîtront et Odin et les dieux
émanés de sa divinité. Dans la flamme, s'écroulera le palais de
Valhalla et avec lui les montagnes de glace de Jotunheim. On
les verra se fondre et s'abîmer dans les vagues ardentes. Tout
périra par le feu.»
Alors s'ouvrira le règne de la paix et du bonheur. La prophé-
tie de Voluspa ou de la Vola (') nous le décrit en termes suaves:
« On verra surgir du sein de la mer une autre terre plus belle
et plus verdoyante, avec de riches guérets où le froment croîtra
sans semences et sans labour. Vidas et Vali survivront à la cata-
strophe. Ni les flots déchaînés, ni les flammes de Surtur, ne pour-
(0 La Vola ou Vala était une prophétesse qui prédisait l'avenir des en-
fants nouveau-nés.
• — 58 -
ront les atteindre. Ils habiteront dans la plaine d'Ida on s'élevait
autrefois la cité d'Asgard. Baldur arraché à la mort et Hodur,
son meurtrier involontaire, y trouveront aussi un refuge. Ils
s'assiéront et converseront ensemble de leur ancien état, et des
périls auxquels, seuls de leur race, ils ont échappé. »
Une analogie frappante, explicable seulement par le fait de la
migration des sujets d'Odin, rattache les doctrines élevées de la
religion Scandinave à celles de l'ancienne Perse. « On sait, écrit
Blackweil, éditeur des Antiquités du Nord, que les Scandinaves
sortirent d'un pays asiatique. Leur doctrine est en beaucoup de
points semblable à celle des Mages. Zoroastre avait enseigné que
le conflit entre la lumière et les ténèbres, le bon et le mauvais
principe, Ormuzd et Ahriman, durerait jusqu'au dernier jour du
monde. Alors le bon principe se réunirait au Dieu suprême dont il
émane, le mauvais serait vaincu et enchaîné, les ténèbres dissipées,
et le monde, purifié par une conflagration universelle, deviendrait
un séjour de lumière et de gloire dans lequel le mal n'aurait plus
d'accès. » Nous avons vu dans le Voluspa Scandinave la même
doctrine en termes à peine différents.
La religion persane du Zend-Avesta était calculée pour former
un peuple énergique, observateur d'unemoralepure. Ainsi en était-
il du système religieux d'Odin. L'un et l'autre de ces cultes offrait
le spectacle d'une lutte continuelle. A l'origine, c'était la lutte entre
les deux principes, le bien et le mal. Peu à peu, la pureté de ce
dogme s'altéra. Plusieurs siècles avant l'Hégire d'Odin, la religion
persane avait déjà dégénéré. A la vérité, ses Mages avaient con-
servé les anciennes traditions. Ce furent elles qui les conduisi-
rent plus tard à la crèche de Bethléem, mais le vulgaire était in-
fluencé par les séductions de la poésie grecque, et élevait des
temples comme en élevait Athènes.
Cette dégénérescence religieuse s'observa plus évidemment en-
core dans la branche Scandinave séparée du tronc oriental. L'idée
decette lutte, d'abard tout immatérielle, qui faisait le fond delà
théologie Scandinave comme de celle de Zoroastre, fut bientôt
transportée dans des régions moins élevées. Bientôt, ce ne fut plus,
— 59 —
pour le peuple, la lutte entre deux principes surnaturels, mais le
conflit entre les forces brutales de la nature et une loi supérieure
inconnue. Par degrés, cette notion s'abaissa et se matérialisa en-
core. Il ne resta plus, dans l'esprit delà multitude, que l'idée domi-
nante de la guerre de race à race, de tribu à tribu, de clan à
clan. De là, le tempérament essentiellement belliqueux des hom-
mes du Nord.
Telle est l'origine, telles furent les croyances des compagnons
et des descendants d'Odin, telle fut cette race de fer destinée,
dans les desseins de la Providence, à être le fléau des nations
amollies, et en même temps à leur communiquer, par son contact
et la transfusion de son sang purifié parmi les glaces du Nord, un
levain de vigueur et de jeunesse, qui les rendît capables du grand
œuvre de la civilisation chrétienne.
Bornons ici cette étude. Les deux Eddas, les poèmes my-
thiques des Scaldcs, la mythologie de l'Islande (4), le Zend-Avesta,
offriront a ceux qui voudraient la poursuivre, tous les documents
qui nous font connaître le culte des Teutons-Germaniques et les
traditions de leur origine orientale.
Nousavons encore, selon notre promesse, à donner une traduction,
la première, croyons-nous, en langue française, — de la poésie inti-
tulée Odin V homme, par laquelle M. Aubrey de Vere ouvre son re-
cueil de Légendes des Saints Saxons, si rempli d'une connaissance
approfondie des antiquités du Nord. Ce sont les adieux d'Odin à
sa patrie désormais soumise au joug des Romains. Lui et son
peuple préfèrent l'exil au servage. La rage au cœur, préparant la
vengeance dont se chargera Alaric (2), quatre cents ans après, ils
vont s'enfoncer dans les déserts du Nord, jusqu'à l'heure mar-
quée par Dieu pour l'accomplissement de leurs desseins.
(*) Sagas Islandaises.
(2) Jornandès affirme que les Goths sont venus de la Scandinavie, qu'il
appelle, comme on le sait : officina gentium,vagina nationum. Paullus Far-
nefridi en dit autant des Longobards ou Lombards.
60 -
ODIN L'HOMME
Prends ces tablettes, Chiron mon messager, porte-les à l'en-
vahisseur ! Va ! hàte-toi ! Leur seul aspect brûle mes yeux
comme le feu! Tuas vaincu, Pompée! Que nous reste-t-il?
Rien ! . . . que la vengeance ! Une vengeance comme jamais race
humaine n'en a rêvé ! Une vengeance lente, mais sûre ! . . . Pom-
pée, je t'abandonne ma patrie ! Quatre jours encore, j'aurais pu
tenir dans ces montagnes ; le cinquième, elles eussent été en
ton pouvoir. Mon regard plonge au delà des limites de la nuit
qui s'approche. Il me faut quatre siècles. Alors sonnera l'heure
de ma vengeance !
De quoi se vante la reine maudite de l'Occident ? J'entends
le son de ses trompettes qui annoncent sa victoire ! Voici ce
que dit Rome : « J'ai étendu mon empire jusqu'aux confins de
la terre. Le fer de mes soldats a fait, sur le champ de bataille
qu'ils ont foulé, une riche moisson d'or. Nous avons soutenu
des luttes de géants. Nous avons arrosé de nos sueurs les rives
où s'élevait Carthage. Les javelines des Gaulois se sont teintes de
notre sang. Mais ce temps est passé. Des jours plus heureux se
sont levés pour moi ! La couche où je repose s'étend par delà
les ondes de la Mer Intérieure. Le murmure des nations qui
fléchissent le genou autour d'elle, y charme mon sommeil.
L'azur des climats embaumés verse sur elle ses splendeurs.
Les brises qui ont caressé les sommets de l'Atlas et les
neiges de l'Olympe, la rafraîchissent doucement. Désormais,
mon pied foulera des sentiers enchanteurs. Baignez-le de vos
ondes, fontaines de la Perse ! Vallons de la Syrie, tout
ombragés de roses, endormez-moi de vos parfums ! Rochers
du Caucase, que vos échos harmonieux me renvoyant adoucies
les clameurs de mes guerriers, favorisent la rêverie et les songes
de Rome ! Je vous envoie Pompée, mon général ! Il ramènera
dans mes murs Odin chargé de chaînes ! »
Odin chargé de chaînes !... 0 Rome ! qu'Odiu soit ton captif
— 61 —
ou ta victime, le Dieu qu'il sert saura susciter cent autres
Odin !
Un jour, le royal fondateur de la ville aux sept collines, debout
près de son Augure qui offrait un sacrifice, remarqua un vol de
douze corbeaux se dirigeant vers les montagnes Albaines. C'était
l'emblème de douze siècles de gloire accordés à Rome par les
destins. Huit sont écoulés, il n'en reste que quatre !
Je vous salue, oiseaux sacrés que la nuit engendra ! Dé-
sormais, sur mes enseignes, on verra figurer votre sinistre image,
hôtes mélancoliques de la tour qui s'écroule, êtres néfastes dont
le sûr instinct vous révèle au loin les champs de carnage !
Oui, il me faut quatre siècles!... Alors sonnera mon heure!...
Je dis mon heure, car mon peuple et moi ne faisons qu'un!...
Peuple chéri, race sacrée ! Depuis ma tendre enfance, ta gloire
n'a-t-elle pas fait le sujet de mes méditations? N'ai-je pas rap-
porté à ton bonheur tout ce que j'ai rencontré de grand et de
beau, partout où me conduisait mon cœur jaloux de ta puissance?
C'est pour toi, que, simple et ignorant encore, j'enviais les lingots
d'or entassés dans les sanctuaires de Suze et d'Ecbatane! Insensé
que j'étais !... Bientôt, à Athènes, je foulai le sol qu'avait foulé
Platon. J'aurais voulu t'en rapporter les gloires de l'intelligence
et les chefs-d'œuvre inspirés de Phidias ! Insensé!... Aujourd' hu
Athènes a perdu sa liberté, Athènes est dans les fers !...
Plus tard, Mithridate m'envoya à Rome, en mission confiden-
tielle pour étudier de près les secrets de ce gouvernement, son
plus dangereux ennemi. J'aurais voulu, ô mon pays, te donner
cette législation guerrière, qui, de la puissante République, faisait
un vaste camp! Insensé, insensé encore une fois!... Ah! je ne
tardai pas à voir tout ce qu'il se cachait de corruption intestine
sous le masque de ces lois. Rome, comme l'empire des Perses,
s'effondrait rongée par le luxe et la mollesse.
Aujourd'hui, l'œil fixé sur l'étoile polaire de ma juste ven-
geance, je dois guider mon peuple, à travers de sombres épreuves,
vers un brillant avenir. Mes frères d'armes, vous êtes braves, vous
êtes forts. Seul, le parfum de vos vallées peut amollir vos cœurs,
- 68 -
et corrompre, avant son épanouissement, le bouton qui contient
comme une fleur votre destinée future.
Je vous conduis au loin. La fortune vous a trahis sur le champ
de bataille, mais vous n'avez pas perdu la liberté! Je vous con-
duis, non point vers le Sud, aux rives de l'Euphrate, non point
vers l'Orient, aux régions où le soleil se lève, non point vers
l'Occident, vers Rome et l'esclavage.
Salut, terres du Nord! Salut, forets sans limites, baignées par
des océans sans nom ! Iles montagneuses, couronnées de neiges
éternelles, et vous, volcans qui vomissez la flamme, je vous salue!
Il me faut quatre siècles!...
Je le connaisse Nord si redouté ! Un jour, je m'enfonçai dans
ses déserts. Je venais de voir tomber à mes pieds la douce fleur
qui embellissait ma vie; je n'avais plus d'épouse! Celte mort
brisa tous mes liens. Je me sentis précipité contre le sein de fer
de la vie humaine. Je sortis de cette épreuve comme on s'éveille
d'un rêve; le malheur avait fait de moi un homme! Mon peuple aura
aussi son réveil! Il ne se reposera plus à l'ombre des myrtes;
il n'aura pour siège que les rochers glacés. Sa couche sera la
pierre nue. De la force!... Il me faut un peuple fort/ Je ne veux
pas des fantaisies courageuses d'un cœur de femme; je veux
des cœurs d'airain fermés à toute pitié pour eux-mêmes. La vie
la plus rude sera pour eux comme le vin généreux qui réjouit
les forts. La mort des champs de bataille leur paraîtra la fin la
plus naturelle et la plus noble de l'existence. Toute leur crainte
devra être de mourir sans blessure, et de perdre ainsi leur place
au banquet des héros» Ils passeront les froides nuits d'hiver
couverts seulement de leur bouclier de bois.
L'enfant, sur un léger esquif, se jouera des vagues de l'Océan;
le plaisir de l'adolescent sera de glisser rapide comme le vent, sur
les pentes abruptes des collines neigeuses, jetant aux échos les
éclats perçants de son rire. Le père, voyant le sang couler des
veines de son fils, murmurera à son oreille : « Enfant, pense à
notre revanche ! Que ton fils soit encore plus stoïque et plus
endurci que toi ! »
- 63 -
Il me faut quatre siècles!. . L'homme se développe lentement
dans ce climat de glace. La mort y est la hideuse nourrice de
la vie. C'est la mort qui berce les nouveau-nés. Pourquoi tous
les loups que nous rencontrons dans les forêts ont-ils des mem-
bres si nerveux? C'est que les louveteaux faibles ne vivent pas.
Ainsi en est-il des hommes du Nord, ainsi en est-il des races
énergiques.
Noir sapin, mon arbre favori, lève ton front jusqu'aux nues
sur tes montagnes glacées, et laisse le palmier se flétrir aux ar-
deurs du soleil du Midi !
Vous n'aurez point de maisons construites avec la pierre,
vous n'élèverez point de temples aux charpentes de cèdre. Là
où surgit un temple, se forme bientôt une cité. Les cités, vous
les mépriserez ; vous habiterez au sein des forêts, famille par
famille. Chacun de vous vivra du fruit de sa chasse dans le bois,
ou de sa pêche dans les lacs aux ondes azurées.
Point de sanctuaires où brille l'or! Le Dieu inconnu n'y des-
cend jamais; ce Dieu, que la Perse dans ses jours de gloire, al-
lait chercher sur les hauts lieux, sur les cimes des montagnes.
Vous partagerez avec la Perse le trésor des vérités sacrées, des
plus nobles inspirations que l'homme ait connues, ou qu'il puisse
connaître, à moins que le Maître du monde ne vienne en per-
sonne enseigner l'humanité. Priez comme priaient les Mages et
demandez au ciel de favoriser votre vengeance. Laissez, jusqu'à
ce jour terrible, Rome adorer en paix ses idoles et les dieux
qu'elle a volés à ses vaincus !
0 mon peuple! je te vois d'année en année plus endurci par
la souffrance ! Les maux qui écrasent les faibles seront pour
toi des bienfaits. Il s'est vu des hommes qui, s'empoisonnant
chaque jour, devenaient insensibles au poison. Nourrissez-vous
de peines et de douleurs ! Que les bêtes féroces vous menacent
de leur rage ! Que la glace et le feu vous infligent tour à tour
leurs tortures !
Vous ne posséderez point de richesses ; avec les richesses
viennent les besoins et les besoins sont une servitude.
— 64 —
Aiguisez vos épieux avec les os des poissons ou les pierres du
sol, mais qu'ils ne vous servent jamais d'appui ! Je ne veux point
former une nation. Je veux former une race, qui ne s'amuse point
aux jeux des hommes d'Etat. Je veux l'homme tel que le fit Dieu :
l'homme qui, seul parmi les créatures, marche le front levé
vers le ciel. Cet être pétri d'argile, je le rendrai dur comme la
pierre, dur comme le diamant, à force de le polir par les frotte-
ments incessants de la souffrance. Ainsi, les vagues de la mer
finissent par rendre unis et brillants les cailloux grossiers du
rivage.
L'homme doit se contenter d'être ; il n'est pas né pour avoir.
Il ne doit attendre d'autre héritage que celui de la vertu, qu'il
peut conquérir et reconquérir à son gré. Là, est la seule vraie
grandeur ! Vous vous partagerez en tribus et non point en na-
tions. Des rois vous guideront ; de grands rois aux grandes en-
treprises. Us domineront sur leurs sujets, comme ces hautes voiles
que le marin déploie, au sommet des mats, et qui se gonflent de
toutes les fureurs de la tempête. Ils mourront pour leurs peuples.
Je mourrai pour le mien quand mon œuvre sera achevée, mais
pas une heure avant.
Le roi bandit qui fonda Rome la maudite disparut dans un
orage. Pour moi, mes fils me verront mourir, mourir capable de
marcher à leur tête jusqu'à mon dernier soupir. Celui-ci ne
sera point une plainte ! Ils me verront et ils diront : « Cet
homme qui, dans sa longue marche, a traversé cent chaînes de
montagnes, il n'était pas Dieu, mais le prophète de Dieu pour les
pays du Nord. Il distribua aux autres des couronnes; pour lui,
sa seule couronne fut l'amour de son peuple. »
Il me faut quatre siècles i . . . Sur votre chemin, vous trouverez
des races sauvages. Pour vous, soyez des barbares, mais des sau-
vages, non ! Écrasez les peuples avilis, de crainte qu'ils ne vous
écrasent eux-mêmes. Vous ne sauriez les ennoblir et les relever.
Il faut que leur destinée s'accomplisse. Terribles à vos ennemis,
soyez fidèles à vos amis! Soyez justes. Aimez la vérité. Respectez
le foyer de la famille, car, sachez-le, il est le sanctuaire d'un
— 65 —
Dieu. Respectez les prêtres, les rois, les bardes, les vierges, les
femmes dont les flancs ont porté des héros. Ce sont là les cinq
cordes de la lyre harmonieuse de Dieu. Renversez sous les coups
de vos lances cette divinité idiote que Rome appelle le dieu
Terme : ce dieu absorbé dans son sommeil, qui ne régne que
sur les insensés. La terre est à Dieu, et non point à l'homme.
Il la donne à celui dont la valeur la mérite. Un jour viendra
peut-être où l'on n'entendra plus le fracas des combats, où les
hommes braves et vertueux régneront triomphants dans la paix.
Un jour viendra peut-être où le long hiver des terres arctiques
se changera en un vert printemps. Là où s'étendaient de froids
et noirs marécages, on verra jaunir des moissons dorées. Dans
les déserts peuplés de rennes errants, s'élèveront des cités et
des trônes. On n'y verra point des nations comme celles qui se
partagent aujourd'hui le monde, mais des nations sages et pures.
Il leur sera permis de bâtir des temples et d'adorer la Vérité
suprême, si tant est que la vérité se dévoile jamais à l'homme sur
la terre. Elles pourront se donner des lois équitables, si tant est
que la justice règne jamais dans les tribunaux des hommes.
Dans ces régions élevées, où habite l'espérance humaine, s'é-
tend une plaine immense, le champ d'épreuves de la vertu.
C'est là que tout les peuples se disputeront un jour la palme
•comme des lutteurs jaloux. Sur ces hauteurs étincelantes
de lumière, le Dieu suprême que révèrent nos pères, mais
pour lequel Rome n'a pas d'autel, est assis sur son trône
sublime. Des millions d'esprits célestes tempèrent, du battement
de leurs ailes, les rayons aveuglants qui s'échappent de son visage,
et le souffle brûlant des vents qui se jouent dans sa majestueuse
chevelure. Quand sonnera l'heure terrible où doivent être jugés
et les dieux et les hommes, cette Déité souveraine frappera dans
sa colère ceux qui ont blasphémé son nom et la terre sera pu-
rifiée.
Mes fils, quand vous apprendrez que ce Dieu redoutable se
lève, revêtu de sa robe de justice ; quand vous verrez dans
l'Orient le ciel rougir par le reflet sanglant de ses vêtements de
1881 5
— 66 -
vengeance, sachez que le glas de Rome est près de retentir. Ar-
rêtez-vous et écoutez !... Quand vous entendrez le son de la
trompette céleste, en avant, fils d'Odin, en avant! Quittez vos
sauvages forêts et vos neiges éternelles ! En avant, franchissez l'Is-
ter, le Rhin, et le Rhône impétueux. La Mœsie, la Thrace, l'Illyrie,
ribérie, la Gaule, deviendront votre proie. Mais c'est sur Rome
surtout que vous devez vous acharner. Celui qui vous conduira
sous ses murs ne rêve point le pillage. C'est une mission qu'il
remplira, mission sublime et terrible, qui justifiera le meurtrier
et purifiera la main dans le sang même qu'elle versera ! Lève-
toi, fléau de Dieu, l'heure de la vengeance a sonné ! . . .
Cette heure, je la connais, je l'attends. Alors l'œuvre d'Odin
sera accomplie. Alors le nom d'Odin pourra rentrer dans les noirs
abîmes de l'oubli ! . . .
Adieu, mont Ararat ! Que de fois, par un soir d'été calme et
lumineux comme aujourd'hui, petit enfant, adolescent, homme
mûri par les maux de la vie, je me suis plu à contempler ta cime
enflammée par les dernières splendeurs du soleil couchant ! Adieu,
adieu pour jamais !... Ta légende nous apprend que, il y a bien
des siècles, la race de l'homme,— quelques survivants du déluge
emportés par ses flots, — descendirent le long de tes flancs pâles
pour repeupler le monde désert. Tu- contemples aujourd'hui un
spectacle pareil. Tu vois une race battue par la tempête, insen1
sible à ses propres maux, allant à travers les ruines des empires ;
où ? ils ne le savent pas, et cependant leur cœur est sans terreur.
Vois ce peuple qui s'exile, passer là-bas, aux confins de la
vallée ! On dirait une procession funèbre en longs habits de deuil
qui se meut lentement, lentement comme ton ombre, ô Ararat,
ton ombre qui s'étend vers l'Orient a mesure que descend le
soleil. Ainsi, de notre gloire, il ne reste que l'ombre, image d'un
grand peuple qui dédaigne la mort. En avant vers le Nord !...
Quels que soient les décrets du destin, nous resterons des hommes ;
nous ne serons jamais des bêtes fauves chargées d'or ! Viens,
ô longue nuit de l'exil, toi dont les ténèbres vont envelopper mon
cœur ! Tu verras se lever une glorieuse aurore
i
67 —
PRINCIPAUX OUVRAGES CONSULTÉS
Mallet's Northern antiquities.
T. A. Blackwel, editor of Mallet's works.
Gibbon, the Décline and fall ofthe Roman Empire.
The prose Edda, Snorri.
M. Kemble, Hislory ofthe Anglo-Saxons.
Aubrey de Vere, Legends ofthe Saxon saints.
Migne, Dictionnaire des Religions.
Suède et Norvège, par Lebas, de l'Institut, 1838.
Résumé de l'histoire du Danemark, par Lami, 1824.
Dictionnaire de la Mythologie des peuples du Nord, par Louis
Noirot, 1832. (Cabinet de M. le baron de Wismes.)
Littérature et voyages, par J.-J. Ampère, 1833.
Parmi les meilleurs ouvrages sur cette matière que l'on peut
également consulter avec fruit, mais que nous regrettons de n'a-
voir pas eus à notre disposition, nous citerons :
Le poème des Dieux du Nord, OEhlenschlœger (4);
Le dictionnaire de la Mythologie Scandinave, de Nyerup ;
L'Histoire du Paganisme dans le Nord de l'Europe, par Franz
Mo ne.
L'Alcuna, de Légir.
Le Traité de la Mythologie des peuples teutoniques et slavons,
de M. Tkany.
Olaus magnus, Historia gentium septentrionalium ,- in Eddam
lslandiœ.
Loccenius, Antiquitates Sueo-Gothicœ.
Wormius, Commentarius de linguâ runicâ (Muséum regium
Danicum).
Abbé J. Dominique.
(*) Voir surtout, parmi les œuvres du dramaturge danois, le poème inli-
lé : La mort de lialder. ' *
UNE ARME HISTORIQUE
EN PIERRE POLIE
Messieurs,
La hache on pierre polie qui est exposée sous vos yeux a servi à
combattre les Français descendus en Nouvelle-Calédonie, lors de
l'expédition de 1853.
D'après le rapport qui nous a été adressé à ce sujet par M. le
docteur André Ganolle, attaché comme chirurgien de marine à
l'armée expéditionnaire, le tranchant de cette belle pierre verte
aurait été plus d'une fois rougi dans le sang de nos compatriotes.
Elle était alors entre les mains d'un chef des tribus Canaques,
Aliki-Kaï, dont le nom est devenu fameux à l'époque de la con-
quête, et qui s'est distingué contre nous au combat de Ka-
naola.
« Ce chef, nous écrit M. A. Canolle, a laissé dans la guerre
contre les Français une réputation légendaire de bravoure féroce.
Au dire des Calédoniens de son époque, il se précipitait sur la
première victime de son casse-tête et se peignait le corps du
sang fumant de son ennemi palpitant encore. »
Le fils de ce chef, Ka-Kié, se soumit, neuf ans plus tard, à la
domination française et devint notre allié en 1862. C'est de lui
que M. le docteur Canolle a obtenu, à un prix relativement très
élevé, l'arme soumise a votre examen.
La pierre ronde de cette hache d'armes est taillée dans une
roche extrêmement dure, la néphrite (*). Voici, d'après M. Damour,
la composition minéralogique de cette roche :
(*) Elle se trouve par filons dans les terrains primaires et notamment les
micaschistes cristallins, très abondants dans la Nouvelle-Calédonie.
— 70 —
Silex 50 centièmes.
Magnésie ....... 23 —
Chaux 13 —
Oxyde ferreux . . 07 —
L'alumine, l'oxyde de chrome et des matières volatiles com-
plètent les parties données par cette analyse chimique (l).
Cette pierre, transparente sur les bords, est veinée de ban-
des d'un beau vert clair, alternées de marbrures d'un blanc lai-
teux; elle a été polie avec soin, de façon à enlever presque toutes
les dépressions de la surface. Sa forme est celle d'une lentille ou
d'une grosse loupe, un peu aplatie sur un des côtés de la cir-
conférence; vis-à-vis la partie droite du tranchant, deux trous,
habilement forés dans la pierre, servent à faire passer les corde-
lettes qui assujettissent l'arme dans son manche. Ce dernier est en
bois de fer, très lourd et très solide ; à l'une de ses extrémités on
a creusé une encoche de 2 à 3 centimètres dans laquelle la
hache est enchâssée entre les deux trous parallèles. Un lambeau
d'étoffe entoure ce manche, et des ficelles, teintes en rouge d'ocre,
viennent croiser autour du bois et forment à la base une sorte de
renflement ou de houppe, qui devait empêcher l'arme de s'échapper
des mains dans un combat.
« Les ornements qui entourent le manche de cette hache, nous
dit M. Canolle dans le rapport que je continue à citer, sont
composés d'une laine spéciale ou poil, qui se trouve sur le ventre
d'une immense chauve-souris nommée Roussette et qui mesure
1 m. 20 d'envergure. Ces animaux sont très abondants; à cer-
taines heures de la soirée, on en voit voler jusqu'à 30 ou 40 à
la fois. Vous remarquerez que le manche du casse-tête est en-
touré de calicot. Si cette pièce européenne dépare, à nos yeux,
l'arme de luxe du guerrier canaque, pour le chef et ses crain-
tifs admirateurs, c'était un témoignage de plus de supériorité et
de suprême élégance. Vous savez, en effet, que la coupe du vê-
tement des Canaques est des plus élémentaires, puisqu'elle n'est
(*) Voir Société archéologique de Nantes. Damoub.
— 71 —
autre que la peau dont le Créateur les a enveloppés ; il n'y a de
variété que dans la couleur. »
« Quant au mode de polissage employé pour unir ces
pierres, il est primitif comme les individus, et vous rencontrez
souvent dans leurs interminables flâneries des sauvages usant
une pierre contre une autre. J'estime que pour faire une simple
pierre de fronde, il faut, étant donnée la paresse du Calédonien,
environ deux mois. Aussi ces projectiles ne sont-ils que très
rarement lancés; les naturels préfèrent charger leurs frondes
avec des pierres moins parfaitement arrondies, mais qui se trou-
vent partout. »
Il y a un siècle à peine que la Nouvelle-Calédonie est connue
de nous. Cook la découvrit eu 1774 (4). Depuis, elle resta long-
lemps sans être visitée par les Européens. Ses habitants, réduits
naguère encore à vivre en plein âge de la pierre, sont cruels
farouches et peu intelligents pour subvenir aux besoins de la vie.
Toutefois, ils cultivent la terre ; leur nourriture serait même ex-
clusivement végétale, s'ils n'avaient l'atroce coutume de man-
ger de la chair humaine. Si l'antropophagie pouvait avoir une
excuse, les Calédoniens auraient à invoquer l'absence d'ani-
maux indigènes dans l'île qu'ils habitent.
M. André Canolle m'a également remis un sac en filet, garni
de 32 pierres de frondes, rapporté par lui de la Nouvelle-Calé-
donie.
Ces projectiles ont la forme d'une olive; leur longueur
moyenne est de 6 à 8 c. sur 2/12 à 3 c. de diamètre au centre,
les deux bouts sont effilés, sans être tout à fait pointus.
Le sac est en corde, et les mailles du filet ressemblent assez
à notre point de carrelet. Les deux poches sont séparées par
un petit gousset, solidement tressé et plus serré de maille que
le reste de la ceinture. Après avoir équilibré la charge de chaque
côté de ces poches, on noue ce sac autour de la taille et il sert
à la fois de cartouchière et de vêtement...
(^Voîr dans la Revue des Matériaux, aûnée 1880, l'article de M.Pomeral.
— 72 —
Les Nouveaux-Calédoniens emploient pour leurs travaux des
haches assez semblables à nos armes préhistoriques ; une de ces
pierres, malheureusement privée de son manche, est exposée
sous vos yeux. Les outils de ce genre sont ordinairement fixés
dans des manches formés d'une partie du tronc de l'arbre et
d'une branche qui sert de pied. On fend la partie la plus épaisse
du bois, puis, après avoir enduit cette coupure d'une substance
résineuse, on y insère la base de la pierre, et à l'aide d'une
cordelette habilement tressée, on rapproche fortement les deux
lèvres de la fente.
Les haches ou herminettes ainsi préparées servent aux Cana-
ques pour creuser leurs pirogues, dégrossir les pièces de bois
qui forment les montants de leurs cabanes et pour d'autres
usages journaliers.
Les haches rondes, comme celle du chef Aliki-Kaï, sont au
contraire exclusivement des haches de guerre ; et, de fait, leur
forme les rendrait peu commodes pour les travaux, tandis
qu'elles doivent être aussi redoutables dans un combat que nos
masses d'armes du moyen âge.
Les belles haches en néphrite des tumulus vannetais, beaucoup
plus effilées que celle-ci, s'en rapprochent cependant par la
disposition du tranchant, quipourtourne le bord delà pierre, par
leur peu d'épaisseur et aussi par le trou foré à leur base. Main-
tenant, nous avons peine à comprendre à quel usage on employait
ces minces lames de pierre, et cette difficulté est si réelle que
les uns regardent ces armes comme des simulacres, des em-
blèmes destinés à orner les sépultures des guerriers ; d'autres pen-
sent que « les cells n'ont jamais été fixés à un manche, mais
qu'on les tenait à la main, et qu'on s'en servait pour certains
usages que nous ne saurions définir aujourd'hui, mais pour les-
quels, en tous cas, on ne devait employer ni la hache ni le mar-
teau (1). »
Peut-être serions-nous également très embarrassés pour ex-
f1) lNTote de M. le D»- Lukis, citée dans Evans.
- 73 —
pliquer l'usage de cette grande rondelle de pierre verte si nous
ne la voyions encastrée dans son manche et toute prête à frapper.
Aussi vaut-il mieux, je crois, ne pas attribuer à nos haches bre-
tonnes un caractère votif ou hiératique, que rien ne justifie.
Les sauvages nous donnent, sur ce point, un très bon ensei-
gnement pour nos aperçus archéologiques. En effet, ce n'est pas
pour leurs morts ou pour les devins de leur religion, qu'ils
réservent leurs plus belles pierres, mais bien pour les chefs qui
les conduisent au combat. De môme en était- il pour nos celts
bretons; jamais on ne me persuadera que les guerriers ensevelis à
Tumiac, à Mané-er-H'roegh et au Mont-Saint-Michel, ne se soient
pas servis de leurs belles armes de pierre (4), et qu'ils les aient
gardées pour orner les sombres caveaux de leurs dolmens.
La Trémissinière, 6 juillet 18S1.
Pitre de Lisle,
Secrétaire général de la Société Archéologique.
(*) On objecte souvent que les haches vannetaises sont intactes, comme
si elles n'avaient jamais servi, cette objection est de nulle valeur, car les
armes canaques, qui ont incontestablemenr servi, sont tout aussi intactes
que nos haches bretonnes, et leur tranchant est pourtant tout aussi mince.
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FOUILLES DU TUMULUS DE LA ROCHE
DONGES, LOIRE-INFÉRIEURE
Par M. Pitre DE LISLE
Notes d'une excursion de G. et P. de Lisle dans l'ancien archipel
de la Basse-Loire, Donges, Besné, Crossac, etc.
I. — DE LA GALOCHE DE GARGANTUA, ET DE SES PALETS.
Entre Saint-Nazaire et Donges, le chemin de fer traverse une
immense plaine marécageuse qui s'étend, unie et morne comme
un désert, depuis le bassin de la Vilains jusqu'à l'embouchure
de la Loire. Tandis que la vue s'égare au loin sur celte intermi-
nable ligne droite, on voit tout d'un coup se dresser devant la
portière du wagon une énorme pierre grise, soulevée comme
une trappe et appuyée sur un montant placé de biais. Cette pierre,
ou plutôt ce dolmen, est tellement rapprochée de la voie qu'il a
fallu courber tout à l'entour la ligne de clôture ; le chemin de
fer vient presque l'effleurer; aussi, à peine a-fcon le temps de dis-
tinguer une large table arrondie, flanquée de deux ou trois supports;
puis en face, un grand menhir pointu, piqué sur la prairie au bord
de l'eau. Le train s'éloigne rapidement, enveloppant de fumée cette
brusque apparition, au grand regret des archéologues en voyage.
Bien des fois j'avais subi ce supplice de Tantale, lorsqu'au
mois d'août de l'an dernier, je résolus d'y mettre un terme et
descendis à la gare de Donges. Laissant derrière moi le bourg et
— 70 -
sa vieille église qui se baigne dans la Loire comme un navirea
l'ancre, je coupai à travers les prairies pour gagner les abords
du dolmen.
Je dis bien les abords, car entre ce monument et moi se dressait
une double rangée de pieux aigus, solidement enchevêtrés dans les
broussailles d'une haie vive. Sans doute, le désir d'étudier de
plus près ce dolmen que la Compagnie d'Orléans retient en cap-
tivité m'aurait fait passer sur le danger d'être empalé sur ces
longues pointes ; mais à la première tentative d'escalade, je vis
s'avancer des deux bouts de la voie un cantonnier et un garde-
barrière, et force me fut d'en rester là; j'apercevais bien, par-
dessus les barreaux de cette longue cage, le géant de pierre à
demi couché sous les ronces et les grandes herbes, mais cela était
loin de me suffire.
Tout en songeant aux difficultés dont mon entreprise était
de tout point hérissée, je me dirigeai vers le menhir dont la
haute taille se détachait au loin sur la surface unie des eaux et
des prés ; faute de mieux, je me mis à en prendre la hauteur.
La pierre est taillée comme un fuseau et très unie, de sorte
qu'il n'est point facile d'arriver jusqu'à son sommet. Mais je fus
aidé en cette besogne par un vieux pêcheur, qui m'apporta com-
plaisamment de grandes perches qui lui servaient à étendre les filets.
Je pus ainsi me hausser jusqu'à la hauteur de quatorze pieds et demi
que mesure cette belle aiguille de granité; arrivé là, je vis que le
haut de la pierre avait été creusé par le milieu, comme pour un trou
de mine. (Jette rainure était destinée à recevoir une croix en fer,
qui fut abattue par la foudre un peu avant la Révolution.
Pendant que j'examinais ce singulier travail, exécuté sur une
pointe glissante et si étroite que, pour ma part, j'avais fort à faire
de m'y maintenir, mon bonhomme me conta que, dans le pays on
appelait cette pierre la galoche de Gargantua et qu'autrefois la
grande table ronde du dolmen, qui est maintenant à quelques
cent pas de là, était posée sur le bout de la galoche et lui servait
de pièce. Mais il arriva que Gargantua, passant un jour aupays
de Retz, avisa de l'autre rive cette gigantesque amusette cl se mit
— ti-
en devoir de l'abattre. Il prit pour cela ses palets, qui sont des
meules en pierre de grisou, trois fois grosses et lourdes comme
nos meules de moulins, et les fit voler par- dessus la grande lieue
d'eau saumâtre qui coule en cet endroit. S'ils tombèrent croix
ou pile, on n'en sait rien encore, mais un fait bien eertain, c'est
qu'au dernier coup la pièce fut enlevée de dessus la galoche,
puisqu'on la voit maintenant juste à l'endroit où elle est tombée ,
et que le palet vint s'abattre bien loin de là, tout au beau milieic
de la Gagnerie du Prieur. Le bonhomme ajouta qu'en cherchant
bien, on le trouverait encore.
Cette conclusion fut pour moi un trait de lumière : j'avais sous
les yeux deux des pièces de ce grand jeu, l'une était un dolmen,
l'autre mon menhir; la troisième, celle qui les avait séparées, de-
vait bien valoir tout autant.
J'entrevoyais dans ces palets égarés à droite et à gauche, toute
une riche moisson de pierres dolméniques et de tables d'allées
couvertes, et cette perspective me fit presque oublier la grosse
roche emprisonnée qui m'avait si traîtreusement retenu au passage-
Mais pour ne point m'égarer en courant après les coups d'essai du
géant, je résolus tout d'abord de retrouver le palet qui avait frappé
le plus juste. De l'observatoire où j'étais grimpé, je me fis indi-
quer par mon aide la Gagnerie du Prieur, et bien vite je me lais-
sai glisser à terre.
Mon premier soin fut de me rendre à la mairie; je voulais évi-
ter des marches et contre-marches dans les champs de blé, et
préparer d'abord mes recherches sur l'atlas du cadastre. Je trou-
vai bientôt aux nos 1301 et suivants du lieu dit la Gagnerie-Prieur,
un coin de terre désigné sous le nom significatif de la Roche.
(Section I de Trélagot, 3me feuille.)
Je fermai le registre et, prenant à travers champs le long de la
route qui mène au château de Marligné, j'aperçus, un peu sur la
droite de la route, une butte de terre de vingt pieds de large sur
cinq à six de haut, surmontée d'une grosse pierre plate, posée
de travers et qui semblait tombée du ciel. Il n'y avait plus ta en
douter, c'était là mon palet, ou plutôt celui de Gargantua.
— 78 —
En passant de l'autre côté de la butte, je vis que cette pierre
n'était point seule; deux autres, fichées en terre, relayaient en
côté, et sous les ronces qui couvraient le sol, on devinait toute une
série de blocs en forme d'allées couvertes. Mais pour vérifier cette
conjecture, il fallait déblayer tout ce côté du monument et suivre
sous les terres le prolongement de la galerie.
Tous ceux qui ont entrepris un travail de ce genre, savent
bien que la première difficulté à vaincre en pareil cas est d'obte-
nir le consentement du propriétaire. Celui-ci, le plus souvent,
ignore tout-à-fait qu'il y ait, dans un coin de ses terres, de
grosses roches recouvrant une sépulture, ou, s'il le sait, cette
particularité le laisse complètement froid. Aussi, que son fermier
lui demande la permission de culbuter ces blocs qui encombrent
inutilement les pièces, il n'y voit pas d'inconvénient. Mais au seul
mot de fouille, l'instinct du propriétaire se réveille : « On veut
fouiller mes pierres ! Il y a quelque chose là-dessous. » Et le voilà
rêvant au souterrain d'Aladin, au trésor des Mille et une Nuits ;
tout cela pour quelques cailloux et de vieux pots qu'il saluerait
d'un coup de pied s'il les rencontrait sur sa route.
Hâtons-nous do le dire, ici aucune difficulté ne s'est présentée.
Le maître du lieu étant notre éminent avocat, M. Anthime Menard,
la cause était gagnée d'avance.
— 79
II. — Fouilles du tumulus
Au dernierjour d'août 1879, nous avons donc fait commencer,
mon frère Georges de Liste et moi, les premiers travaux des fouilles.
L'endroit où est situé notre tumulus est un petit terrain vague
enclavé dans les champs de la Gagnerie du Prieur; c'est le point
le plus élevé d'un large promontoire qui s'avance entre les bas-
fonds de Martigné et la coulée de Jouy. De là, on découvre un
horizon splendide : à l'est le sillon de Bretagne profile ses masses
sombres, brusquement repliées sur le cours du fleuve; en face,
par-dessus l'immense nappe d'eau de la Basse-Loire, s'étendent
les plaines bleuies du pays de Retz ; plus loin, les deux rives
s'écartent et l'Océan paraît. Certes, nos prédécesseurs avaient
bon goût, et j'aimerais assez de mon vivant les sites qu'ils choi-
sissaient pour leurs défunts.
La tombelle que nous avions à explorer forme un tertre légè-
rement ovale de 7 mètres de long sur deux de hauteur au som-
met. La partie nord avait déjà été entamée ; le plus simple était
donc de continuer à enlever les terres de ce côté afin de rencon-
trer la place des tables et des supports.
Dirigeant notre tranchée de l'est à l'ouest, nous avons coupé la
butte dans le sens de son plus grand diamètre, et de façon à
laisser les supports du midi engagés dans la masse pierreuse du
tumulus. Quatorze blocs de pierres ont été ainsi mis à jour; quatre
tables de deux à trois mètres de long se faisaient suite et recou-
vraient l'aire de la galerie.
La figure (1, pi. I) donne le plan de cette construction.
Une première remarque, due à un de nos ouvriers, c'est que la
pierre de cette allée couverte est d'un grain tout différent de celui
des autres pierres que l'on rencontre aux environs (gneiss et micas-
chiste). Je n'ai pu vérifier ce fait, mais si l'on admet la légende
qui précède, l'explication de cette étrangeté est toute trouvée.
— 80 —
Ce travail une fois terminé, notre butte présentait encore sur la
gauche l'apect d'un tumulus à peu près intact; sur la droite, une
allée couverte dégagée de son enveloppe, absolument comme
dans ces planches d'anatomie où l'on voit un homme coupé en
deux, et montrant d'un côté un visage souriant, une peau rose et
fraîche ; de l'autre des os décharnés et les viscères les plus in-
times.
Ce squelette de pierre avait été détérioré dans sa partie cen-
trale, une des tables manquait et ses supports s'étaient abattus.
C'est par cette brèche que nous nous sommes introduits dans la
place ; explorant d'abord la partie de l'ouest, c'est-à-dire la
crypte et les deux premières travées. Cette coupure divise logi-
quement notre fouille en deux parties : 1° la chambre sépulcrale,
2° l'allée couverte.
81 —
lvo partie des fouilles : la crypte et les deux premières travées.
Après avoir fait enlever un grand nombre de pierres mêlées à
un lerreau noir et léger qui remplissait le sommet de la galerie,
nous avons trouve une couche de 30 à 40 cent, de terre
ocreuse, sèche et compacte, très différente du sol qui entourait le
tumulus. Ce remplissage forme la couche archéologique par excel-
lence, et chaque parcelle de cette terre fut examinée avec le plus
grand soin. C'est en effet dans ce mortier compact que se trouvaient
encastrés les objets que nous avons découverts, et il est bien évi-
dent que ce lit est comtemporain de la sépulture et servait à pro-
téger ce qu'on nomme, je ne sais pourquoi, le mobilier funéraire.
Nous étions alors à l'entrée de la grande crypte, au point où
la paroi D forme un biais en coupant obliquement sur l'entrée
de la galerie. Ce caveau recouvert par une gigantesque pierre
plate mesure à l'intérieur environ 4 m. 10 c. sur 3 m. à 3 m.
20 c. Sur le seuil de la chambre, vers le milieu de la largeur de
l'allée se trouvait un très beau vase de grande dimension, orné
de bandes de dessins en dents de loup, avec des incrustations
d'une pâte blanche, assez semblable au gypse (fig. 1, pi. II).
Ce premier résultat et l'état homogène de la couche où se trou-
vait ce dépôt, nous rassuraient déjà sur le bon état de notre allée
couverte-, certes, rien n'avait été touché dans cette partie du mo-
nument, car la moindre fouille eût inévitablement brisé ce vase
fragile, placé presque au centre de la chambre.
En continuant à dégager les terres aux alentours de ce point,
nous avons rencontré, sous la pierre couchée à l'entrée de la
crypte, une très jolie pendeloque triangulaire en agate, d'un
poli et d'une transparence admirables (fig. 7 pi. II). Une rainure
éclatée servait à maintenir un cordon pour suspendre celle amu-
lette : arrondie sur deux de ses côtés comme le tranchant des
pierres polies, elle est coupée à angle droit sur l'autre face et les
1881 6
— 82 —
bords en ont été adoucis par des facettes taillées en biseau. C'est
un fragment d'une de ces merveilleuses haches, de ces sceptres
de pierre comme en possède le musée de Vannes. L'accident ma-
lencontreux qui a brisé jadis ce précieux ouvrage, a dû causer à
son possesseur d'énergiques regrets, que nos langues modernes
seraient sans doute impuissantes à traduire.
On voit encore, par le soin qu'on a pris pour polir et transfor-
mer ce bijou, tout l'intérêt qu'y attachait son propriétaire.
La chambre à moitié détruite par l'affaissement des parois de
l'ouest avait été débarrassée par celle ouverture d'une partie
de ses terres; tout à fait au niveau du sol se trouvait une argile
de couleur jaune paille, qui formait l'aire de la crypte, et que
nous avons retrouvée à la même profondeur dans toutes les par-
ties du monument. Au-dessus, dans l'épaisseur du mortier rap-
porté, se trouvait engagé un vase d'une pâte grossière, inégale-
ment poli à la main et très brisé. Au point D un couteau en silex de
1°2 c. sur 3, bien coupant et présentant trois méplats grossièrement
détachés à la partie supérieure et un seul éclat sur l'autre face.
En relevant un des supports inclinés de la paroi nord, mon frère
Georges découvrit un autre vase en terre noire et très bizarre de
forme (fig. 5, pi. II) : en coupe, ses bords présentent deux angles
très accusés, l'un rentrant, l'autre sortant. Parmi toutes les pote-
ries de dolmen, du bronze ou de la pierre polie, que j'ai examinées
jusqu'à ce jour, je n'ai point trouvé son équivalent. Dans la belle
collection de M. du Chatellier, la plus riche en céramique de ce
genre, un seul vase provenant de Parc-ar-Chastel en Tréguennec
présente quelque analogie lointaine avec le nôtre ; mais il est bien
plus écrasé de forme et sans aucun dessin ; tandis que les parois
de celui-ci sont ornées d'un grand damier où les carreaux poin-
tillés alternent avec des fonds unis.
Après avoir ainsi déblayé ce côté de la crypte, nous avons passé
au tamis les terres qui en provenaient; cette opération nous donna
de nombreux silex éclatés, entre autres un poinçon finement re-
louché.
— 83
2e partie des fouilles : l'allée couverte.
Passons maintenant à la seconde partie de nos fouilles. Trois
grosses tables de pierre, à demi ensevelies dans les terres du
tumulus, nous indiquaient la direction à suivre pour retrouver le
prolongement de la galerie souterraine. Nous fîmes enlever les
cailloux et les ronces qui encombraient ces tables, et bientôt
s'ouvrit devant nous une toute petite entrée donnant accès dans
un couloir étroit, dont les murs, formés de quatre pierres plates,
se rapprochaient au sommet, un peu comme les montants d'un
château de cartes. Une lourde table, débordant d'un mètre de
chaque côté de cette ouverture, semblait vaciller sur ses étais
hors d'aplomb.
Il y a toujours, pour l'archéologue qui pénètre le premier dans
ces caveaux fermés depuis de si long siècles, une sorte d'attente
mystérieuse dont les plus froids ne peuvent se défendre. La lueur
incertaine du jour filtrant çà et là entre les grosses pierres
sombres de ces tombeaux, semble éciairer quelque fantôme du
passé, gardien vigilant de trésors inconnus. — En réalité, ces
trésors se réduisent bien souvent à peu de chose, et pour
modérer ces impatientes illusions nous avons un calmant tout
prêt. Les soixante-quatre tomes de nos huit sociétés savantes
en contiennent la recette, dont voici la formule abrégée : le ré-
sultat le plus heureux d'une fouille de dolmen est neuf fois sur
dix celui-ci : quelques poteries brisées, des silex éclatés, un ou
deux celts ou amulettes, un ou deux grains de colliers,... etc'est
tout.
Il n'y a véritablement rien là qui puisse légitimer la moindre
émotion. Mais, malgré soi, on se rappelle toujours les merveilleuses
trouvailles de Tumiac, du Mané-er-H'roech et de Saint-Michel,
sans songer que ces trois monuments n'ont jamais eu pour nous
d'équivalent.
— 84 —
Bien calmés par ce préambule, pénétrons maintenant dans l'é-
troit corridor que la pioche vient de mettre à jour; d'abord, nous
relevons à l'entrée une pierre en forme de coin, polie et usée par
le frottement, munie de deux trous de 22 millimètres sur 04 de
profondeur. C'est une sorte de polissoir en granit, et les trous
ronds placés en face l'un de l'autre devaient servir à le retenir
en main (fig. 2, pi. II).
Malgré l'enlèvement des blocs qui comblaient l'entrée du tunnel,
il faut ramper sous ses grosses pierres; là, je retrouve la même
couche de terre sèche et jaune que nous avions rencontrée sous
les autres remblais. Arrivé au point F, en dégageant les parois
de la seconde pierre verticale de droite, je trouvai collé sur la
lace de ce pilier un couteau en silex translucide, taillé à arête
vive sur le dessus. Près de cette lame, en palpant les terres qui
bouchaient le passage (de B en G), je rencontrai le bord d'une
poterie, solidement encastrée dans le mortier compact de la se-
conde couche ; des pierres, mêlées à l'argile durcie, la mainte-
naient en place, et il fallut de longues heures de travail pour la
dégager entièrement. Cette partie de l'allée étant fort resserrée,
le jour manquait et il était impossible de se servir de la pioche
ou du plantoir; ce n'est qu'à la pointe du couteau que je parvins
à enlever le blocage qui entourait ce vase. Mais, lorsque sortant de
mon caveau je vis en pleine lumière l'objet de ce long travail, je fus
bien vite récompensé de ma peine; c'est, en effet, une très belle
coupe en forme de calice, d'une terre rouge et lustrée; elle est
ornée de 5 bandes de dessins (') alternés et sa conservation est
parfaite (fig. 3, pi. II).
En poursuivant nos fouilles, nous pénétrons sous la troisième
table; moins élevée que la précédente, elle est soutenue par des
blocs de pierres irrégulièrement disposés ; entre ces deux tables,
jes fragments d'un vase épais, assez grand, et portant des rayures
profondes horizontalement tracées; plus loin sous la dernière
(M Ces dessins paraissent formés par l'application d'une baude de tissu
vég étal rise entre deux cordelettes.
-- 85 -
table au point G, se trouvait une énorme jatte en terre poreuse et
mal cuite, retournée à l'envers, l'ouverture collée sur le sol ;
elle était bien entière lorsque nous l'avons dégagée, mais en l'en-
levant, elle s'est brisée en morceaux (fig. 6, pî. II). De nombreux
débris de charbon accompagnaient ces différents vases, qui tous
étaient remplis d'une terre fine et bien homogène-
La finissait notre galerie.
86
III. — Considérations sur la structure de ce dolmen.
En résumé, sous le tumulus de la Roche se trouve une allée
couverte aboutissant à une chambre; dix supports et quatre tables
sont encore à peu près en place ; ces pierres sont en granité, sauf
le troisième montant de droite et le quatrième de gauche, qui sont
en grès (J). Chaque travée de celte galerie se rétrécit successivement
comme les tuyaux d'une lorgnette, de façon à se terminer à l'ouest
par une ouverture extrêmement petite. La construction de ce mo-
nument se rapporte au type le plus ancien, à cette classe d'allées
couvertes dont le plan est simple et rectangulaire, et dont le pla-
fond est formé par des blocs posés carrément sur des parois ver-
ticales ; point de voûtes ni de corbelets en moellons, comme dans
les tumulus de Pornic, mais la simplicité grandiose et la lourdeur
massive des tombes les plus primitives. A l'intérieur, de fines po-
teries, le fragment d'une hache d'un beau travail, etc.; en somme,
le dernier degré de perfection industrielle de la pierre polie con-
trastant avec la rudesse d'une structure grossière et toute primi-
tive.
Dans quatre parties de l'allée et de la crypte se trouvaient des
vases entiers entourés de fragments de poteries, de pierres tail-
lées, de silex et de charbons, ce qui indique ordinairement au-
tant de foyers funéraires.
C'est un fait assez bizarre que la réunion de plusieurs morts
dans la même sépulture ; on dit bien que les dolmens étaient,
comme nos caveaux de familles, destinés à recevoir successive-
ment les parents du premier mort. Pour cela, on ouvrait l'extré-
(') Malgré les précautions que nous avions prises pour assurer la con-
servation de ce dolmen, de malencontreux chercheurs ont bouleversé
toute une partie du monument (juin 1881).
— 87 -
mité de la galerie, qui se trouvait presque à affleurer le bord du
tumulus, et recouvert, par conséquent, d'une couche de terre
peu épaisse. Biais dans le cas présent, ce moyen est impraticable;
l'ouverture de l'Est est un tuyau si étroit qu'il est presque impos-
sible de s'y faufiler en rampant. Gomment aurait-on, dans ces
conditions, transporté le mort avec les poteries et les objets qui
l'accompagnaient, et allumé le feu dont nous voyons encore les
traces ?
Enlever et remettre les énormes blocs qui recouvraient la ga-
lerie, c'était, détruire infailliblement l'équilibre des supports. —
On n'attendait pourtant point le trépas d'une famille entière pour
procéder à son ensevelissement. Les parents du défunt étaient-ils
enfermés tout vifs dans cette prison de pierre ? L'imagination
recule devant de telles horreurs. Et puis, ces êtres, ainsi enfermés
pleins de vie, n'auraient pas laissé si intact le mobilier du défunt
qui causait leur tourment. Egorgeait-on, comme au temps de
César (4), les clients et les esclaves du mort pour donner à
ce dernier des compagnons de funérailles ?
Je ne veux point trancher une si embarrassante question, et je
laisse un vieil historien nous raconter comment se passaient
de son temps les cérémonies funéraires, chez un peuple qui,
dans le monde ancien, fait le pendant de nos Celtes. — Ce sont
les Scythes que je veux dire, et c'est Hérodote que je laisse parler.
Hérodote, bibl.IV-71.
Les sépulcres des rois scythes sont en un lieu nommé Gerrhes
jusque auquel Borysthène est navigable. Mourant leur roi, ils
fouillent une grande fosse carrée... Là ils donnent sépulture au
corps... En ce qui reste vide ils logent une des concubines du roi,
laquelle ils ont d'abord étranglée ainsi que ses principaux servi-
teurs et de tout autre meuble quelque pièce, avec vases d'or,
CAR ARGENT ET CUIVRE NE LEUR SONT POINT EN USAGE. Ces funérailles
(!) Pauîo supra hancmemoriam servi et clientes qiœs ab Us dikctos esse
constatât, justis funeribus confectis, una cnmabantur. De Bello Gallico,
iv-19.
— 88 -
accomplies, ils couvrent le tout de terre à qui plus et mieux, tant
qu'ils élèvent un grand tumulus.
En fouillant un des tumulus de Gerrhes (*) on trouverait donc,
comme dans celui de la Roche, plusieurs sépultures accompagnées
de vases et d'objets également antérieures à Tusage du bronze; et
alors, si le texte du vieil historien n'était là pour nous renseigner,
nous aurions sans doute beaucoup de peine à admettre que la plu-
part des personnages ensevelis sous ces tombelles aient été égorgés
pour servir aux funérailles d'un chef. Peut-être aussi serions-
nous tentés de reporter à une période extrêmement lointaine,
ces sépultures antérieures à Vâgè du bronze (2) et cependant
historiquement datées du Ve siècle avant Jésus-Christ.
Pitre de Lisle,
Secrétaire général de la Société archéologique*
(*) Les fouilles d'un des tumulus des rois Scythes sont décrites au tome
X des Matériaux, et concordent parfaitement avec le récit d'Hérodote. Près
du principal personnage, on trouva amoncelée une grande quantité de silex
taillés et tranchants.
(2) Les Massagètes, peuple voisin des Scythes, étaient en plein âge du
bronze au temps d'Hérodote (440 av. J.-G.) « Ils se servent de bronze pour
les piques, les pointes de flèches et les sagaies et réservent l'or pour orner
les casques et les baudriers... Le fer et \ argent ne sont point en usage
parmi eux et en n'en trouve point dans leur pays, mais l'or et le bronze y
sont très abondants. » Le pays des Massagètes et les rives du Boryslhène
étaient bien moins éloignés de la patrie d'Héredote que notre sauvage
Armorique, et si le vieil historien se fût aventuré jusque dans nos régions,
il eût sans doute été témoin de scènes tout aussi barbares et tout aussi pri-
mitives que celles dont il nous a laissé le récit.
plu.
Fo aillas du tumuius de la Roche _
m
Pitre ie L;sle del.
Lith. Bruno e: Salomone Rome
G. Massuero hth.
Notes sur différentes armes de pierre et de bronze, trou-
vées AUX environs de donges (loire-inférieure)
Exposées à la séance du 18 janvier 1881.
Après nos fouilles à la Roche, nous avons exploré une grande
partie des localités environnantes, et le résultat de ces recherches
a été une cinquantaine de haches en pierre polie, dont les plus
disparates ont été exposées sous vos yeux à la séance du 18 jan-
vier 1881:
Une hache marteau de grande dimension, percée d'un trou
pour recevoir un manche; une hache en diorite verte, avec un
léger bouton au sommet ; une autre plus petite en fibrolithc;
une moitié de hache forée, trouvée à peu de distance de nos
fouilles.
Les bronzes ont été découverts au nord de Donges, sur le
bord des marais qui contournent cette commune. La grande épée
que notre excellent conservateur, M. Parenteau, compare a juste
titre aux épécs de la Grèce, a été draguée à l'aide d'une
fouine à prendre les anguilles ; on voit encore sur le tranchant
la marque des dents de la fouine. — Celle qui est munie de deux
rivets était enfouie sous terre et a été découverte en creusant
un fossé. Un manche en bois, de près de cinq pieds de long,
était fixé à cette lame ; ce qui me ferait croire qu'au lieu d'avoir
servi d'épée, les lames de ce genre, toujours courtes et larges à
la base, étaient plutôt des pointes de pique. Nos hallebardes du
moyen âge avaient souvent des lames aussi longues que celle
que nous voyons ici.
Les deux pièces les plus rares de cette série sont deux objets
de toilette, une épingle à cheveux et un rasoir.
- 90 -
L'épingle que l'on prendrait à première vue pour une baguette de
pistolet légèrement efiilée du bout (elle mesure 31 c.)est bien réelle-
ment et indubitablement une épingle. On voit encore la place où était
enchâssée une pierre en forme de médaillon pour orner la tôle. —
Ces objets, qui rappellent assez les longues broches dont les dames
chinoises transpercent leur coiffure, sont parfaitement connus
maintenant, grâce aux nombreuses trouvailles de bronze des cités
lacustres de la Suisse; mais jusqu'ici, cette pièce est la première
de cette dimension que l'on ait trouvée dans notre contrée.
Le rasoir de bronze fixé sur la planche 2, N° 5, est tellement
différent des produits de notre coutellerie moderne, que pour
lui donner ce nom, il nous faut invoquer une autorité bien com-
pétente. Biais la réponse de M. Adre Bertrand est catégo-
rique ; le savant directeur du Musée de Saint-Germain m'as-
sure que l'objet en question est bien im rasoir ; il ajoute que
cette pièce est fort intéressante; nous n'avons donc plus qu'à
nous incliner.
Puis, viennent deux objets bizarres, inexplicables, deux coins
en plomb, fondus sur le modèle des coins en bronze. A quoi
pouvaient bien servir ces haches de plomb? Les conjectures
sur ce sujet nous entraîneraient beaucoup trop loin pour le mo-
ment. Nous reviendrons d'ailleurs sur l'étude de ces produits de
notre métallurgie bretonne dans un prochain mémoire (*).
G. ET P. DE LlSLE.
i (») Voir Revue archéologique. Paris, Didier, édit.
LES TROUVERES GUÉRANDAIS
EN LA FÊTE DE SAINT- NICOLAS, AU XIVe SIÈCLE
DEUXIÈME ARTICLE
LA CHRONIQUE EN VEP.S DE GUILLAUME DE SAINT-ANDRÉ
I
Nous avons dans un premier article cité un statut de la con-
frérie guerrandaise de Saint-Nicolas, d'après lequel les frères,
après la procession de la fête patronale du 9 mai, « de vent
faire hystoire d'aucunes choussez (choses) pour esbatement
avant aler digner. » Il serait tout à fait invraisemblable, il serait
inadmissible que ce devoir, lorsqu'il n'y aurait pas de preuves
positives, n'eût jamais été rempli dans la longue durée de la
noble et dévote confrérie. Mais nous croyons avoir ces preuves.
Nous avons trouvé entre les pages du cartulaire de la confrérie
des échantillons de l'art des vers appliqué à l'histoire à la fois
nationale et locale, et nous en avons fait l'objet de notre premier
article, intitulé : Chronique inédite du XIVe siècle. Maintenant
une chronique beaucoup plus importante, connue et publiée,
nous attend. C'est l'histoire du long règne de notre duc Jean IV,
dit le Conquérant ou le Vaillant, histoire composée par le breton
Guillaume de Saint-André. Nous devons faire connaître, autant
qu'il convient, l'œuvre et son auteur, et les rattacher ensuite au
pays de Guerrande, en même temps qu'à la confrérie guerrandaise
de Saint-Nicolas.
— 92 —
C'est surtout cette seconde opération qui remplira notre but, à
savoir de revendiquer pour ce pays un honneur qu'on ne sait plus
auquol rendre, en faisant rentrer parmi les trouvères guerran-
dais, dont il sera la gloire, un écrivain sorti d'une partie aujour-
d'hui ignorée de la province de Bretagne.
Guillaume de Saint-André nous donne lui-même son nom, en
signant sa chronique d'une manière assez originale , en 22 vers
acrostiches.
Il faut prendre les 2°2 initiales à rebours , c'est-à-dire , en
remontant la page au lieu de la descendre : il nous en prévient en
ces termes :
<r Lisez
De rebours et non pas de l'E,
Ne sceut-on corn suis appelle. »
E , c'est la dernière lettre du mot André; il faut donc , pour
avoir le nom complet de l'auteur , commencer à lire G qui ouvre
la 21e ligne suivante. Après G, on s'attend a trouver U, qui vient
mais en double, apparemment pour représenter le double V de
William (le Guillaume anglais).
Afin de nous faire bien comprendre, citons les trois derniers
vers de l'acrostiche , qui se trouvent être aussi les derniers de
l'épilogue et du poème :
Vieil suis, ne vaux pas une maille.
Vien avant (*) pour moi Dieu prier,
Ge t'en prie et t'en requier.
Avec ces explications, il est permis à Guillaume de dire :
Mon nom y est certainement,
Voyant tout (2), je l'ose dire;
Alten-y (3) donc, se tu sceis lire.
(') Que je meure; viens promptement.
(2) C'est une condition nécessaire.
(3) Atten, c'est le mot latin attende ,• nous dirions : Attention! ou fais-y
donc attention.
- 93 -
Apprécions le surnom, plus important ici que le prénom. Il a
une apparence féodale qui deviendra une réalité après les éclair-
cissements que nous donnerons. Appuyé sur eux, uous ne crai-
gnons pas de dire déjà que notre poète était le seigneur de
Saint-André. Entre les localités bretonnes de ce nom, nous choi-
sissons une paroisse intermédiaire aux villes de Guerrande et de
Saint-Nazaire, la paroisse de Saint-Andrô-des-Eaux, communé-
ment appelée autrefois Saint-André-lès-Guerrande. Ce choix que
uous faisons sera suffisamment justifié plus tard. Les plus anciens
seigneurs de cette paroisse résidaient en un manoir dont on ne
connaît plus que l'emplacement sous le nom de Ghâteauloup ,
à un kilomètre nord du bourg : c'est là que nous sommes fondé
à voir la demeure de l'historien du duc Jean IV.
M. Jégou a voulu reconnaître dans la liste citée des membres de
la confrérie de Saint-Nicolas notre illustre personnage sous le nom
de Guillermus Scriptoris, qu'il traduit par Guillaume le secré-
taire. Notre trouvère fut-il le secrétaire du duc Jean IV ? C'est ce
que nous ne pouvons reconnaître. Remarquons ensuite que
la liste des confrères ne porte aucun titre d'office civil. D'ailleurs
on ne lirait pas Scriptoris pour secrétaire, mais bien Scriptor ou
Scriba. Ici Scriptoris est inconstestablement un nom patrony-
mique, un nom de famille, à traduire par Lécrivain. 11 serait fort
possible que ce nom de famille appartînt à Guillaume de Saint-
André, qui l'aurait déposé pour le nom plus glorieux d'un fief
acquis de son souverain en récompense de ses services. Si les
faits ont eu lieu, nous lui en voulons un peu pour avoir renoncé
à cet honorable nom de Lécrivain, auquel il devait avoir plus de
droit que tous ses aïeux.
On a chargé de titres et d'honneurs notre trouvère breton.
Nous devons examiner un peu ce qui en est. Il est certain que
Guillaume de Saint-André joignait à l'art des vers la science du
légiste. Qu'on lise les dissertations dont il a allongé sa chronique
pour établir les droits de la maison de Montfort à la couronne
de Bretagne. Après les avoir lues on ne s'étonnera pas de le voir
siéger parmi les conseillers du prince Jean dans le débat du pre-
- 94 -
mier traité de Guerrande. C'est lui-même qui nous fait connaître
ce rôle politique de sa vie :
Bien ce puet cil qu'il estoit (').
L'on estoit en conseil souvent.
Grand cour avoit de sage gent.
A ce litre il en ajoute bien d'autres, si on en croit Dom Lo-
bineau et Dom Morice, qui le qualifient licencié en décret (*),
scholastique de Dol, notaire apostolique et impérial, secrétaire
et ambassadeur du duc Jean IV. Nous conseillons bien à ce que
notre trouvère ait été licencié en décret ; mais nous n'accorde-
rons pas plus. Si D. Lobineau et son copiste D. Morice l'ont sur-
chargé de titres et d'honneurs, c'est qu'ils ont confondu le père
et le fils et attribué à celui-là ce qui ne peut appartenir qu'à ce-
lui-ci. Ils auraient évité leur erreur, s'ils avaient fait plus d'atten-
tion à l'épilogue du poème qu'ils ont copié. Revenons sur des
vers que nous avons déjà cités.
Viel suis, ne vaut pas une maille.
Vien avant pour moi Dieu prier,
Ge t'en prie et t'en requiert.
N'est-ce pas là le langage d'un moribond, craignant de n'être
pas assisté, au moment de la mort qui est proche, des prières
de son fils? Or il tenait ce langage en arrêtant sa chronique, à
peu près au milieu du règne de Jean IV, et il l'arrêtait là, d'un
côté, parce que les forces lui manquaient pour aller plus loin,
pour faire autre chose que de signer son œuvre poétique et don-
ner ses derniers avis à son fils, et d'un autre côté, parce qu'il
avait épuisé le passé dans ses récits et que la vue de l'avenir lui
était fermée. Il est si vrai qu'il ne lui restait plus rien de connu
à dire, qu'il ne parle que de ce que le prince fera désormais, en
recommandant à son fils d'en achever l'histoire :
Mon cher fils, pour Dieu te prie
Que tu escrives ce qu'il fera
Avec la fin qu'il prendra.
(') Il peutbien dire cela celui qui y était.
(2) Droit canon ou ecclésiastique.
- 95 ~
La chronique et son auteur doivent donc prendre fin à peu près
dans le même temps. Or la chronique prend fin en janvier
1382, au retour de Jean IV de Gompiègne à Nantes, qui lui fit
fête. Le chroniqueur, dont nous avons entendu la voix mou-
rante, n'aura guère survécu. Et c'est justement en 1382 que
nos annalistes bretons lui font commencer son grand rôle his-
torique. Ils l'envoient en message à Londres où ils lui font
signer, le 26 mai de celte année-là, comme notaire public,
apostolique et impérial, un acte de soumission de Jeanne de
Navarre au duc son époux. Ils l'envoient, deux ans après, à Paris,
soutenir les droits de son maître devant le roi Charles VI. En
1387, Guillaume de Saint-André signe en qualité de secrétaire
du duc un acte de protestation, — nous dirions aujourd'hui
de satisfaction, — en face des ambassadeurs du roi de France
qui réclamait en faveur d'Olivier de Clisson. L'année suivante,
il est chanoine scholastique de Dol et baptise dans la chapelle
de Sucinio une fille de Jeanne de Navarre. Le scholastique
ou écolâtre de l'Église de Dol vit encore en 1401. Entre temps
il figure plusieurs fois parmi les conseillers du duc Jean IV,
qui décéda le 1er jour de novembre 1399.
A ce défilé d'honneurs et de fonctions civiles, politiques et ec-
clésiastiques, postérieur à l'an 1382, on voit s'il faut et com-
bien on doit en rabattre des titres attribués par nos historiens
bénédictins au trouvère Guillaume de Saint-André. Ne le char-
geons point tant pour le grandir, et ne dépouillons point le fils
pour revêtir le père, qui n'a pas besoin d'une plus grande part
de gloire, si on veut apprécier son œuvre ; ce que nous vou-
lons faire brièvement.
II
On ne possédait pas la chronique de Guillaume de Saint-André
tout à fait entière avant la publication qu'en a faite M. Gharrière,
vers 1840, dans ses Documents inédits de l'histoire de France.
D. Lobineau et D. Morice avaient en vue seulement ce qui
— 96 —
pouvait servir à leurs preuves, et l'exemplaire qui était entre
leurs mains s'est perdu. Heureusement que la Bibliothèque na-
tionale réservait à l'éditeur parisien deux autres exemplaires,
dont l'un est plus que complet, contenant une description du
jeu d'échecs, vrai hors d'oeuvre de 1200 vers. Nous croyons
assez que Guillaume de Saint-André est l'auteur de celte des-
cription ; mais il avait trop de bon sens pour l'intercaler dans sa
chronique : il aura été desservi par un capricieux copiste,
comme le pense M. Charrière.
Le poème s'annonce ainsi : « C'est le livre du bon Jehan duc
de Bretaignc, » et s'ouvre par un prologue de 100 vers sur les
vicissitudes de la fortune, dont le bon duc fut un grand exemple.
Le récit des faits a un point de départ précis:
« L'an trois centz quarante et un mil,
Le derrain jour du mois d'apvril,
Quand le duc Jehan (trois) trépassa
Et en guerre tous nous laissa
Sur la propriété de sa terre.
Dont longuement dura la guerre,
Par une outrageuse sentence,
Qui lors fut donnée en France
Par un arrêt du parlement,
Près de Paris, à Escoufflent (*)
Et fut ce fait, comme il me semble,
Le septième jour de septembre. »
Le récit se termine en 1382 par la fôte de réception que
Nantes fit à Jean IV de retour de Gompiègnc, où il avait été
rendre hommage à Charles VI. Le duc devait vivre encore 18
ans. Son historien nous prévient en ces termes qu'il n'a pas
tout dit : « Cy finist le libvre non complet du bon duc Jehan. »
Avant de mettre son nom en acrostiche, il engage son fils à
poursuivre l'histoire. La recommandation ue paraît pas avoir
eu d'effet.
' Confkuis, au confluent de la Seine et de. la Marne.
— 97 —
C'est une période de 40 ans (*) qu'embrasse le chroniqueur,
eu déroulant une suite de plus de 4,300 vers. Ces vers, on le con-
çoit, n'ont pointées mérites poétiques qu'on exigerait aujourd'hui.
L'art était alors des plus simples. Le discours se découpait réguliè-
rement par la rime en lignes de huit syllabes, sans autre ornement
de langage. Les élégances étudiées de la poésie moderne ont-elles
plus de charmes que ces naïfs récits du moyen âge ? Que Guil-
laume de Saint-André ne soit point compté parmi les poètes vé-
ritables, c'est du moins un chroniqueur véridique, auquel on
peut se fier entièrement : que lui demander de plus ? M. Char-
rière ne le trouve qu'une fois en défaut : les deux voyages que
Jean IV fît en Flandre sont confondus en un seul. Le savant cri-
tique compare deux trouvères, dont il a édité les œuvres à la
suite l'une de l'autre, le Normand Guvelier, qui dans sa chronique
a célébré Duguesclin avec Charles V, et le Breton Guillaume,
panégyriste du duc son maître. Il donne l'avantage au second., qui
nous initie aux sentiments, aux mœurs et au langage de la
Bretagne sa patrie, outre qu'il a été témoin oculaire de ce qu'il
raconte.
Nous n'en dirons pas davantage sur Guillaume de Saint-André
et son œuvre, sur la chronique de Jean IV et le chroniqueur, ou
du moins nous n'en parlerons maintenant que pour les rattacher
au pays de Guerrande, ce que nous avons promis de faire.
III
Une pièce diplomatique de 1387 mentionnée plus haut va nous
servir. Lobineau et d'après lui D. Morice l'intitulent : « Ambassa-
de du roi de France vers le duc au sujet d'Olivier de Clisson. »
C'est trop vague, si c'est même exact. La suscription de l'ori-
ginal conservé aux Archives du département porte : « Acte de
protestation, par lequel le duc de Bretagne s'engage en face des
ambassadeurs du roi à se démettre des places qu'il avait eonfîs-
(*) 1341-1381, vieux stylet on dirait aujourd'hui 1382.
1881 7
- 98 —
quées sur le sire de Glisson, y compris la somme de 100,000",
pour en donner la garde au sire de Laval, jusqu'à ce que justice
lui eût été rendue, sans préjudice de ses droits. » Cet acte, ré-
digé partie en français, partie en latin, est ainsi signé par les deux
secrétaires du duc :
Et ego Guillus de Sancto Andréa, fuir) Nannetensis diœcesis,
publiais, apostolicus et imperialis nostarius.
Et ego Herveus le Grant clerus Corisopitensis diœcesis, pu-
bliais, etc.
Ce sont surtout ces signatures que nous voulons faire remar-
quer et dans ces signatures les pays des signataires. Dom Morice
a bien lu et noté qu'Hervé le Grant était un clerc du diocèse de
Quimper ; mais comment expliquer qu'il ait négligé de voir ou
de nous apprendre que Guillaume de Saint-André était du dio-
cèse de Nantes ? Par suite de cette négligence on ignorait jusqu'ici
le lieu de naissance ou de domicile en Bretagne d'un personnage
fort important. Pour nous il est vrai qui faisons la distinction du
père et du fils, nous ne pouvons reconnaître en 1387 que celui-ci,
non le trouvère ; mais nous sommes bien en droit de pré-
tendre que le pays de l'un et de l'autre était le même, le diocèse
de Nantes, surtout quand leur nom de Saint-André appartient à
ce diocèse, ce qui se confirmera par un nouvel examen de la
Chronique.
Elle nous offre deux parties bien distinctes, la première an-
térieure et la seconde postérieure au traité de 1365. L'une
raconte la guerre de succession, l'autre les démêlés de Jean IV"
avec Charles V. Il n'est guère possible qu'elles aient été com-
posées au même lieu. Dans la première, Guerrande n'obtient que
deux légères mentions; silence absolu sur la catastrophe dont fut
victime, en 1343, cette moult grosse ville de l'historien Frois-
sart. Mais laissons venir Guillaume au conseil où se prépare lt;
traité qui mettra fin à une guerre de 25 ans. Dès lors Guerrande
commencera à prendre pour lui un intérêt des plus marqués : on
sent qu'à partir de là il est attaché au sol et aux affaires de Guer-
rande. Cette attache s'explique très bien par le don rémunérateur
— 99 -
de ses services qui lui aurait été fait de la châtellenie de Saint-
André, de la terre et du manoir de Châteauloup, dans le do-
maine patrimonial de la maison de Mont-fort, non loin d'une ré-
sidence ducale ('). Il est certain que l'attention de notre chro-
niqueur prend une nouvelle direction : ce n'est plus de l'indif-
férence ou de l'oubli pour cet important quartier. Il s'étend avec
complaisance sur les deux traités de Guerrande, l'un juré en
1365 dans l'église de Saint-Aubin, l'autre en 1381 dans la cha-
pelle de Notre-Dame la Blanche, de même sur le siège de la
place vainement tenté par Olivier de Glisson et les représailles
des Guerrandais dans les terres du connétable, sur la descente
des Espagnols et le double échec que leur font éprouver les deux
de Guerrande et de Saint-Nazaire, Guillaume du Châtel et Jean
d'Ust (2). On sent que ce dernier était le voisin et l'ami du châ-
telain poète, qui en parle si avantageusement et si complaisam-
ment. Nous devons signaler encore dans sa chronique versifiée
du règne de Jean IV, une exactitude topographique qu'on ne
trouve pas dans les meilleurs historiens, lorsqu'ils n' ont pas eu
le pied dans les lieux qu'ils mentionnent.
Tout cela ne nous permet pas de douter que Guillaume de
Saint-André ne fût inféodé, du moins dans la dernière partie de
sa vie, au pays de Guerrande, mais tout notre but n'est pas at-
teint. Nous tenons à faire entrer son œuvre dans la noble con-
frérie guerrandaise de Saint Nicolas, si c'est possible.
Il serait fort étonnant que Guillaume de Saint- André, que
(*) Que Jean IV et ses successeurs ont eue à Guerrande, au faubourg
Bizienne, tout près du couvent des Jacobins : c'était le manoir de la Tou-
che. Une autre maison princière, dite de la duchesse Anne, était dans la
ville même, avant qu'elle ait été démolie pour l'ouverture de la rue Pellan
sur la place Saint-Aubin, vers 1860.
(2) Le cbàteau d'Ust, dont il ne reste plus que les fondements, était assis
sur un promontoire de la Brière en Saint-André, sur la limite de cette
paroisse et de celle de Saint-Nazaire. Il était vassal de Châteauloup. —
L'exploit de Jean d'Ust a été représenté cette année, a Saint-Nazaire, dans
uue brillante cavalcade, le lundi 9 mai, lendemain de l'inauguration du
bassin a flot de Penhouët.
- 100 —
dous voyons résider au pays de Guerrande, n'eût pas été enrôlé
dans une confrérie, où avaient à cœur de l'être les notables de
ce pays. On a voulu trouver son nom dans la liste générale des
confrères dressée en 1381 et insérée en tête des procès-verbaux
de leur cartulaire. Parmi les 104 noms qu'elle contient on WtMa-
gister Guillermus Scriptoris, qu'on a traduit, comme nous l'avons
vu au commencement de ce second article : Maître Guillaume
secrétaire. Nous avons fait observer que Scriptoris ne pouvait dé-
signer un office, mais était un nom de famille équivalent a L'écri-
vain; les nombreux surnoms marqués de ce cas oblique dans la
liste en question sont tous des noms patronymiques. Nous ne refu-
sons point, du reste, de voir.Maître Guillaume deSaint-André dans le
Magister Guillermus Scriptoris (L'écrivain), ou encore dans le
Magister Guillermus Gauffridi (Geoffroy), qui suit de près; le nom
de famille pouvait bien ne pas s'effacer entièrement devant le
titre féodal.
L'introduction de l'illustre chroniqueur dans la confrérie guer
randaise de Saint-Nicolas étant admise, il dut y apporter son
œuvre poétique, qui était tout à fait propre à satisfaire au statut
prescrivant une histoire rimée des anciennes choses pour les es-
battements de la fête du grand patron : nous l'entendons surtout
de la seconde partie du poème, si intéressante et si flatteuse pour
les Guerrandais. Ce qui y paraît si déplacé, la longue descrip-
tion du jeu d'échecs, avait sa place toute naturelle dans un de
ces esbattements. Ce devait être une jouissance pour les confrères
que ces ingénieux développements sur un jeu, dont les habiles
manœuvres s'accordaient si bien avec l'esprit guerrier de la
plupart. Supposons contre la vraisemblance que les rimes de Guil-
laume n'aient pas eu l'honneur de contribuer, de son vivant, aux
charmes de la fête de Saint-Nicolas ; elles ont dû avoir cet hon-
neur, présentées après son décès par un heureux dépositaire de
l'original. Notre assertion est fondée sur l'examen des deux ma-
nuscrits de la Bibliothèque nationale consultés et collationnés par
M. Gharrière. L'un est sur papier ordinaire et date du 17e siècle ;
l'autre est beaucoup plus ancien, comme nous allons le voir. Ils
— 101 —
offrent des particularités très significatives à nos yeux. Dans l'un,
c'est le hors-d'œuvre du jeu d'échecs, qui n'en est point un, si
le manuscrit est, comme il nous paraît, un recueil des pièces com-
posées ou du moins lues, par le trouvère Guillaume, pour la cir-
constance festivale du 9 mai. Dans l'autre, ce sont des suppres-
sions raisonnées et une curieuse souscription de copiste. Dans ce
dernier on s'explique la suppression du jeu d'échecs, qui, évidem-
ment, ne peut faire corps avec la chronique ; on s'explique de
même, pour le cas si probable de la présentation des récits de
cette chronique à la confrérie de saint-Nicolas, la suppression
d'un épilogue où l'auteur parle de lui-même et à son fils un peu
longuement ; on s'explique enfin la suppression du nom en acros-
tiche de l'auteur, lorsque la confrérie devait ou était censée en-
tendre les rimes d'un frère vivant et présent. La façon d'explicite
par laquelle le copiste remplace ses suppressions, nous fournira
quelque argument encore plus probant en faveur de notre opinioni
Cet livre fut complété, et escript
En l'honneur de Jhesus-Christ
L'onzième jour du moys de may,
Affin que ne soyés en esmay,
Pour et au nom d'Yvon Conan,
Mille quatre cent quarante et un an,
Par Jehan Ollivers, de sa main:
De ce soyés très-bien certain.
V onzième jour de may n'est pas loin du neuf, fête solennelle
de Saint-Nicolas au moyen âge. Il y a l'intervalle nécessaire et
suffisant pour tirer une copie d'environ 4,000 vers, qui aura été
commandée à Jean Olivier par quelque notable sous l'impression
de la lecture des intéressants récits de Guillaume de Saint-André
devant la confrérie guerrandaise, et cette lecture était très vrai-
semblablement réclamée par l'année 1441, anniversaire cente-
naire du mémorable avènement de la maison de Montfort. Rap-
pelons-nous, d'un autre côté, que cet avènement de 1341 est le
point de départ de la chronique du règne de Jean IV, ce vaillant
— 402 —
fils du comte de Monlfort dit le Conquérant, et, en style du temps
le Conquéreur,
Concluons. Nous n'avons point découvert un grand trou-
vère inconnu ; mais nous avons ajouté quelque chose à la
connaissance qu'on en avait, en déterminant le canton de la
Bretagne auquel il appartenait, en le rattachant au Comté nantais
et à la sénéchaussée de Guerrande, en lui donnant pour titre sei-
gneurial et pour résidence la paroisse de Saint-André-des-Eaux,
et en le faisant entrer, autant qu'il était possible, dans la con-
frérie guerrandaise de Saint-Nicolas. Nous avons fait sortir du
sein de cette confrérie quelques essais de chronique en vers (!).
C'étaient des germes de la grande chronique de Jean IV. Nous
ne trouvons plus rien après dans ce dévot milieu, comme s'il
s'était épuisé a la produire, ou comme si la perfection du genre
étant réputée atteinte, il n'y avait plus rien à faire Ou à dire.
Abbé Gallard.
0) Voir notre premier article.
LES PARADIS
SONT-ILS DES CIMETIÈRES MÉROVINGIENS?
Messieurs et chers collègues,
En posant cette question devant vous, mon intention n'est
pas de îa résoudre seul, je veux uniquement convier ceux
d'entre vous qui ont des loisirs à étudier et à interroger les
lieux dits, dont le sous-sol recèle la solution de nos énismes
archéologiques. C'est le programme d'une série de fouilles que
je vous soumets, en vous laissant le soin de fixer le moment et
la méthode que nous aurons à suivre pour les exécuter. Notre
domaine embrasse l'histoire entière du passé, c'est vrai, cepen-
dant notre titre nous oblige à nous consacrer plus spécialement
à l'exploration des monuments et des productions humaines
enfouies sous les ruines. Notre science à nous ne peut avancer
que si ses disciples s'arment tout à la fois de la pioche et de la
plume.
Jusqu'ici nous avons poursuivi avec passion tout ce qui
pouvait nous éclairer sur l'état de l'industrie humaine aux épo-
ques préhistoriques, M. le baron de Wismes et M. de Lisle
du Dréneuf ont arraché à nos dolmens tous leurs secrets ; M.
de Rochebrune nous a montré l'homme des cavernes, tel qu'il
était dans une contrée voisine de la nôtre. Pourquoi mainte-
nant ne chercherions-nous pas des documents sur les généra-
tions plus rapprochées de nous ? Leurs habitations et leurs
sépultures ne sont pas apparentes comme les dolmens et les ca-
vernes des Troglodytes, mais elles n'en n'existent pas moins. Les
peuplades qui ont vécu sur les rives de la Loire-Inférieure
— 104 —
au temps des invasions bretonnes et postérieurement ont dû
laisser autour de leurs principales agglomérations autant d'armes,
de bijoux et d'instruments que les générations gallo-romaines.
Depuis que j'ai eu sous les yeux les splendides albums publiés
par M. Frédéric Moreau sur les merveilleuses richesses exhumées
au cimetière mérovingien de Caranda,']e rôve pour notre société
une bonne fortune semblable.
Ce n'est pas une aventure que je vous propose de courir,
non, des jalons certains nous marquent la route à suivre. Nos
maîtres dans la science archéologique nous ont laissé des indi-
cations qui nous empêcheront de nous égarer, les noms de lieu
seront notre boussole dans la recherche des emplacements à
fouiller. M. l'abbé Cochet, l'auteur de La Normandie souterraine
a publié dans la revue archéologique une série d'articles que je
vous invite à lire. Ses investigations, vous le verrez., l'ont con-
duit à constater que les pièces de terre, nommées Paradis,
étaient des lieux d'inhumation très anciens. Je cite au hasard
quelques unes de ses preuves :
« Diverses constructions entreprises au lieu dit le Paradis par
des habitants du village de Sommery, canton de Saint-Saëns,
ont rais à jour des squelettes de guerriers armés de couteaux, de
sabres et de lances (4). »
« En 1868, dix rangs de corps ont été trouvés sur le territoire,
de Nesle-Hodeng, près Neufchâtel, dans un champ nommé le
Paradis, « dénomination qui indique presque toujours une né-
cropole mérovingienne », ajoute l'abbé Cochet (2).
« A Sénarpont, on voit des fosses de craie dans un cimetière qui
porte le nom de Paradis « vocable très commun aux premières
nécropoles chrétiennes, » dit le même auteur (s).
Pendant les travaux nécessités par le raccordement du chemin
qui conduit du Calvaire à l'église de Nesle, on rencontra, dans
(*) Revue archéologique, XIXe vol., nouv. série, p. 191.
(2) Ibidem, XXI* vol., p. 317.
(3) Ibidem, p. 80.
— 105 —
un champ nommé le Paradis, des vases de terre et des perles de
verre (4).
M. Parenteau, qui a bien voulu me relever ces citations., pos-
sède, sur une de ses propriétés de Vendée, une pièce de terre
qui paraît appartenir à la classe des précédentes. Son Paradis est
environné de pièces nommées l'Enfer, le Thabor et la Passion.
Dans d'autres provinces on fera sans doute la même remarque,
et l'avenir prouvera que les générations du Moyen Age ont appli-
qué partout le nom de Paradis à leurs cimetières. Les habitants
des villes se sont servis du même mot que les habitants des
campagnes. Quand nous disons le parvis d'une église, nous dé-
signons l'emplacement qu'occupait jadis son cimetière, devant
la porte principale. Le Parvis et le Paradis d'une église procè-
dent d'une origine commune, ces deux mots s'appliquent à un
lieu funèbre, l'un est la contraction de l'autre. Littré admet
cette étymologie dans son monumental dictionnaire, mais il
en donne une singulière explication, faute de connaître les
travaux de M. l'abbé Cochet. Il croit que la place antérieure
des églises a été nommée Paradis ou Parvis parce que, dans
les représentations des Mystères au Moyen Age, on y établis-
sait le Paradis de la scène. L'interprétation que nous fournit
l'archéologie est plus satisfaisante, et bien autrement certaine.
Le cimetière mérite le nom de Paradis à plusieurs titres : pour
les justes, c'est le commencement de la félicité promise à ceux
qui ont accompli les prescriptions de la loi divine, pour les
autres, c'est le terme des tribulations de la vie humaine, le sé-
jour du repos après le combat.
Il y a encore une explication, moins mystique que la première,
qui conviendra mieux aux esprits positifs : Paradis signifie ri-
goureusement un jardin ; or, comme les chrétiens attachés au
culte des morts se sont plu à embellir de fleurs la tombe de
leurs défunts, il est arrivé que les cimetières ont été transformés
(*) Ibidem, p. 442.
— 406 —
en véritables parterres. Il n'est pas surprenant, alors,- que les
mots de cimetières et de paradis soient devenus synonymes
dans la langue de nos pères.
Les pièces de terre nommées le Paradis dans la Loire-Infé-
rieure ne sont pas rares, leur situation particulière, leur con-
figuration, leurs alentours les recommandent à notre attention.
A nous de les sonder et d'examiner si elles diffèrent de celles
qui ont été explorées en Normandie. Tantôt elles portent la trace
d'une ancienne clôture, tantôt elles se rattachent à l'histoire de
quelque bénéfice ecclésiastique. Voici les renseignements que
j'ai pu recueillir en consultant, tour à tour, le cadastre et la tradi-
tion orale :
Abbaretz. — Au nord de la commune, je remarque le grand
et le petit Paradel ; ce n'est pas le Paradis, mais il faut avouer
que la parenté est frappante. A côté, je vois la chapelle de la
Marguerite, ancienne dépendance de l'abbaye de Melleraye,
dotée par les ducs d'une foire célèbre. Il n'y a plus à en douter,
cet endroit est bien un lieu sacré depuis longtemps et digne
d'arrêter notre attention. La terminaison et, dans Paradel, n'est
autre que l'article breton renversé.
Aigre feuille.— La pièce du Paradis-Cabot est à 4 chemins, et
autour on remarque les pièces de la Croix, les pièces au Curé, le
Grand et le Petit-Tabernacle, tout près du village des Maillar dé-
vies, commune actuelle de la Planche (*).
Assérac. — Dans la section du bourg existent une terre, des
prés et un champ du Prady (2), et dans la section de l'Eclis le
clos du Prady (3). Reste à savoir si le nom de Prady est une
contraction de Paradis.
Avessac. — Sur la métairie de la Guichardière, près du Petit-
Meslay, il y a une pièce de terre de 3 hectares environ entourée
(») Cadastre, B 446, 447, 657, 700, 704.
(2) Ibidem, 614, 628, 630-636, 641.
(3) Ibidem, 487-492, 499-500.
- 407 —
de grands sapins, moitié en pré, moitié en labour, qu'on nomme
le Paradis (*).
Ancenis. — On dirait qu'on a voulu jouer ici sur les mots ; la
rue qui conduit au cimetière, est la rue d'Enfer.
Auverné. — Le Paradis est tout près du bourg, à côté du
pâtis Saint-Georges.
Barbcchat. — Le Paradis est une pièce carrée en labour, sur
une éminence, bordée par le chemin étroit des Alouettes qui des-
cendait au pont de Barbechat. On ne peut pas le confondre avec
le cimetière de l'ancienne Templerie de Barbechat supprimé il y
a plusieurs siècles. Ce dernier est à une portée de fusil des ruines
de la Madeleine, à l'angle d'un carroi où se trouvent les pièces du
Presbytère. Les tombes y sont cachées par une châteigneraie.
Boissière (la).— Le Paradis est à la petite Giraudière. Dans le
voisinage se trouve l'Ew/èr, les près du Rosaire, et la pièce de la
Madeleine (2).
Carquefou. — Il existait avant 1790, aux environs du bourg,
un bénéfice ecclésiastique nommé la chapelle du Paradis (3). Cet
endroit n'est peut-être pas le plus intéressant à fouiller. M. de
Dion m'en a signalé un autre sur la terre de Maubreuil : c'est
une pièce de terre dans laquelle on a relevé de grandes pierres
d'ardoise semblables aux couvercles des tombeaux. Il est possible
que ce soit là le cimetière de la Vieille Ville d'Arlèze, dont le
nom nous est révélé par une charte de donation aux moines de
Marmoutiers. Il ne faut pas aller loin de là pour trouver VEnfer,
il est au village du Chemin Nantais, dans un clos de vigne. Les
paysans de Maubreuil connaissent très-bien la Vieille-Ville et le
champ des Poteries (4).
(*) Note de M. de l'Estourbeillon, propriétaire à Penhouet.
(4 Cadastre, division de l'Aubinière, 172-176, 210-215, 260, 251-252.
(3) Pouillédes bénéfices (arcb. dép.).
(4) Titres du prieuré de Sainte-Croix (arch dép.) Cadastre, D. 498-506-
- 108 —
Camoil. — Le clos du Pradis est borné par les terres de la
chapellerie de Camoil (*).
Cellier (le). — Près du prieuré de Saint-Meen, dit M. des Ja-
monnières, trois pièces de terre sont nommées le Paradis, le
Purgatoire et ['Enfer.
Chapelle-Glain (la). — Les pièces de terre du Paradis sont au
Bois-Jumel, m'a dit un vieillard du pays. Il est à noter qu'il y
existe aussi, dans le voisinage, un lieu dit la Vieille-Ville qui fut
donné vers 1120 aux moines de Saint-Florent par le seigneur
Glain et que le Bois-Jumel est entre le Prieuré et Saint-Jouiu.
Voilà certainement un quartier qui mérite d'être exploré.
Chapelle-Bas semer (la) . — Le lieu nommé le Paradis est voi-
sin du bourg, du côté de la vallée d3 la Loire, il n'est séparé
que par un petit chemin du lieu dit Y Enfer.
Château-Thébaud. — La petite Placellière est nommée Y Enfer
dans le langage vulgaire. Ne faut-il pas en conclure que le Pa-
radis était à côté dans la grande Placellière ? Les terres ont été
si bouleversées dans ce canton qu'il n'est plus possible de tirer
des indications précises des habitants. Les ruines de Saint-
Gabriel touchent Y Enfer.
Chevrolière (la). — Entre le village de l'Arsangle et celui de
Passay se trouve un grand terrain vague, sablonneux, semblable
aux dunes d'Escoublac, appelé le Charnier, nom qui éveille im-
médiatement l'idée de cimetière et qui fait penser au célèbre
cimetière de Paris, dit le Charnier des Innocents. En pressant
de questions les habitants du voisinage, M. de l'Estourbeillon
a su que le vrai charnier est la butte qui est en face de l'Ar-
sangle, près d'un petit golfe formé par le lac. La veuve d'un maçon
du pays, interrogée par notre zélé confrère, a affirmé que son
mari avait trouvé des substructions et des ossements à l'extré-
mité du charnier qui touche le lac. On dit dans le pays que des
habitations ont été ensevelies sous le sable à la suite d'une tem-
(») Arch. dép. E 1475.
— 109 —
pète. Cette tradition n'est pas sans vraisemblance. Le centre pri-
mitif de la paroisse touchait le charnier. Au XIIIe siècle, on ne
connaissait pas d'autre église que celle de Saint-Martin de
Passay (4) ; il est donc probable que le charnier était le cimetière
paroissial, bien qu'il existe encore deux autres endroits nous rap-
pelant des lieux funèbres. Il y a une partie des bois de l'Arsangle
qu'on nomme le Paradis et dont les arbres ont une apparence
très luxuriante. D'un autre côté, près du village des Marosses,
on voit deux pièces de terre entourées de châtaigniers et de buis
plusieurs fois séculaires qui portent le nom de cimetière. (2)
Corsept. — Le bourg actuel est de création récente comme
celui de la Ghevrolière, il ne remonte pas au delà du XVIe siècle.
Il est visible qu'il est établi sur un terrain d'alluvion. Pour
trouver le solide, il faut s'avancer plus à l'ouest, jusqu'au Prieuré,
centre primitif de la paroisse, qui a aussi son Paradis au sud du
chemin de la Chaussée (3). C'est là que dorment les restes des
premiers habitants du pays, les contemporains des carolingiens.
Couëron. — Le Paradis estunerand clos de vigne, sis à la sor-
tie du bours, à l'ouest, sur le chemin de Saint-Etienne. LalVowe
Saint-Jean est dans le voisinage. Plusieurs bénéfices ecclésias-
tiques avaient des planches dans ce clos de vigne, qui passe pour
un des meilleurs du pays (4). Il y a d'autres terres en pré sur
le chemin duPort-Launay, qui s'appellent aussi le Paradis.
Fresnay. — Une maison du bourg porte le nom de Paradis.
Frossay. — Dans le faubourg de la Gripperie, on cite un jardin
appelé le Paradis de Saint-Michel, qui appartenait autrefois à
une chapellenie. Il y a un chemin dit du Paradis qui commence
au Port de l'Ile et qui conduit à la Bidonnière.
Près delà Cheminandais, dans les vignes dites de Saint-Front,
(0 « Paçay » Fouillé du XIII* ^ededans le Cartulaire de Redon, édité
par M. de Courson.
(2) Cadastre, G 688,691.
(3) Cadastre, B 171.
0) Ibidem, L 42-74.
- 110 —
on a trouvé des tombeaux d'une apparence très ancienne, dont
on n'a pas pu me préciser le caractère. Le monastère de Notre-
Dame de Frossay a été établi sur les ruines de l'oratoire de
Saint-Front de Périgueux, vers 1050 (1).
Goulaine (Basse). — Dans les vallées de la Loire, il existe des
terres nommées l'Enfer, mentionnées dans les estimations de
domaines nationaux. C'est évidemment l'antithèse d'un Paradis,
qu'on trouverait aux alentours, si l'on interrogeait les habi-
tants^).
Grandchamp. — Le Paradis est une grande prairie comprise
dans la terre de Fresnay, aux confins de Sncé et de Héric.
Un ancien instituteur de Sucé m'a affirmé qu'on avait trouvé
des débris de murs et des ossements dans cette pièce de terre.
Comme il existe à côté un domaine de Malabry qui a les appa-
rences d'une léproserie, il est possible que ce cimetière soit sim-
plement celui d'un hôpital.
Guérande. — Nous avons ici deux endroits à 'observer : le
premier est un Paradis situé entre Sandun et le village de la
Madeleine, que M. l'abbé Gallard a vu entouré d'une ceinture de
pierres d'un caractère étrange. Le second est le pré du Petit-
Paradis à côté de Clis, village où l'on a exhumé des tuiles à re-
bords comme à la Madeleine. En cherchant bien dans ce quartier
de Guérande, on découvrirait sans doute aussi le Grand-Paradis,
car le Petit veut un terme correspondant (3).
Haie-Fouassière (la). — Il y a ici une coïncidence non moins
frappante. Le village du Paradis se trouve entre la station ro-
maine des Cléons et la maladrerie de la Madeleine. Des briques
à rebords ont été découvertes récemment en ce dernier endroit
(*) Cart. de Redon, page 342.
(2) Estimations, (arch. dep., Q).
(3) Arch. dep., L 1481. Au village de la Madeleine, près de la chapelle,
on a trouvé un cercueil fait de tuiles à rebords. {Bull, de la Soc. archéol.
de Nantes, t. XVIII, p. 236.)
— 111 —
par M. de Lisle. L'Enfer est à l'autre extrémité de la commune
sur la route de Vertou.
Joué. — Le Paradis est dans la section des Fourbelins, près
d'un carrefour voisin du village important de Franchaud (*).
En arrachant une haie, le propriétaire a trouvé les restes d'un
ancien mur de clôture.
Limousinière (la). — Le fief de Paradis (2) était tout près du
bourg et de la terre de la Noë. Il est mentionné dans un aveu
de 1650.
Loroux (le). — Il n'existe plus de lieu connu sous le nom de
Paradis, et cependant les tombeaux anciens ne manquent pas
sur le territoire de cette commune. M. Renoul, qui l'a explorée
dans tous les sens, affirme qu'il en a rencontré dans la tenue du
presbytère actuel, autour du moulin de la Motte et à 3 kilomè-
tres du bourg, près du Perron, sur la route de Vallet, sans parler
des cimetières intérieurs qui entouraient les églises de Notre-
Dame- de-Recouvrance, de Saint- Jean, de Saint-Pierre Martyr,
de Saint-Laurent et de Saint-Clément.
Marne (la). — Le Paradis est ici un pré de 12 ares, situé sur la
limite de la commune de Saint-Philbert, entre le Grevé et les
Nouettes (3).
Moisdon. — On cite près du bourg une maison qui a été cons-
truite sur un lieu dit le Paradis (4).
Monnières. — Il existait autrefois un clos de vigne contenant
4 journaux et demi, borné par le grand chemin de Monnières à
à la Haie-Bodin, qu'on nommait le Paradis. A-t-il conservé ce
nom ? Je l'ignore; on disait le clos et le fief de Paradis. (5)
Pellerin (le). — Le Paradis est un petit pré qui est à l'Est de
0) Cadastre, n° 57-59.
(2) Arch. dép., série E, suppl. inédit.
(3) Cadastre, B 1400.
(*) Déposition de M. Fontaine, propriétaire à la Prévôté.
(5) Aveu de 1666 (Inv. des archives du Plessis-Sauvage).
— 112 —
la commune, tout près de la Loire. Il dépendait autrefois du
temporel de la cure (4).
Vont-Château. — Le siège primitif de la paroisse était au
village de Lescren ou des Queren. C'est là qu'il faut chercher
le Paradis. Les sires du Pont, ayant choisi pour édifier leur
donjon un endroit plus favorable à la défense, leur protection
attira vers le IXe siècle un grand nombre d'habitants qui jetèrent
les fondements de la ville actuelle.
Pont-Saint-Martin. — Le Paradis est dans le terrain que
couvrait autrefois la foret de Melleray. Dans ses débornements,
on indique le canton des ruines et le chemin de Nantes. Je l'ai
cité ailleurs comme le cimetière probable d'une léproserie, mais
il est possible que je m'abuse. J'appelle de tous mes vœux
la lumière sur cette énigme (2).
Port-Saint-Père. — Le chemin des Fortunes s'embranche sur
le chemin n° 31, à rendroitnommé leParadiset lechemin duPa.
radis part du chemin n° 30, passe par le Fief-Soudan et finit aux
Cinq-Chemins (3).
Riaillé. — Dans le grand village de la Melleraie, il y a un quar-
tier nommé le ' Paradis, et le chemin qui y conduit a le même
nom (4). Près du bourg le cadastre signale des prés du Paradis,
qui sont voisins de l'ancien grand cimetière de la paroisse. Cette
coïncidence mérite de fixer l'attention.
Rougé. — Ce bourg est sur une éminence considérable. Pourquoi
trouve-t-on, sur le versant entre la Cour-au-Roi et le Pont-Saint-
Père, un chemin, dit du Paradis, qui côtoie des champs
nommés Saint-Simon, dans lesquels se rencontrent des pierres
de construction innombrables. Est-ce l'emplacement primitif de
Rougé, le siège de sa première église paroissiale, comme on le
(*) Estimation de Domaines (série Q., arch. tlép.).
(2) Domaines royaux. Estimations (arch. dëp., Q). Je l'ai fouillé sans
succès, au mois de juin 1881.
(3) Tableau des chemins ruraux (arch. dép., 0).
(4) Témoignage des habitants de Melleraie.
— 113 —
croit dans le pays, ou bien faut-il y voir les traces d'une lépro-
serie? A vous de répondre en sondant le terrain et en exami-
nant les sépultures (l).
Saint-Colombin. — Ce qu'on nomme ici le Paradis se com-
pose de terres, de prés et de jardins, situés près du domaine du
Plessis, des pièces de la Fontaine et du Pont. Le presbytère en
possédait une partie avant 1789 (2).
Saint-Herblain. — Le Paradis est près de l'Aunay et de la
Fournée, non loin d'un chemin (3).
Saint-Mars-la-J aille. — On trouve le Paradis en sortant
du bourg par la route d'Ancenis, sur le côté opposé a la Har-
lière, au sud de la Grenouillette. Ce sont trois pièces de terre en
labour (4).
Sai?it-Nazaire. ~ Le nom de Paradis ne s'est pas conservé
et cependant il y a un très ancien cimetière près de la chapelle
de Notre-Dame -de-Bonne- Espérance et de la batterie du Port.
C'est là qu'on a déterré, vers 1700, ces corps et ces casques dont
parle Ogée dans son dictionnaire.
Saint- Nicolas de Redon. — En 1767, le prieur reçut l'aveu
féodal d'un tenancier qui possédait au village des Petits-
Beslac une pièce de terre en labour appelée le domaine du
Paradis (5).
Sainte-Pazanne. •— Nous avons ici trois lieux à explorer.
1° Au Nord-Est, sur la route du Pellerin, le c!os de vigne du
Paradis h la rencontre de trois chemins, près du village de la
Bazonnière, petit village qui fut le théâtre d'un combat en 1794.
2° Le bois de Paradis entre l'Angle et la Tuilerie et le
Moulin-Henriet, grande pièce en labour, contenant deux jour-
naux (6).
(') L'Assistance publique dans la Loire-Inférieure, p. 121.
(2) Estimations (série Q, arch.dép). Cadastre, G 607, 608, 634, 645, 647.
(3) Cadastre, F 1171, 1172.
Ô) Cadastre B, 371, 372, 373.
(5) Prieuré de Saint-Nicolas (arch. dép. H.).
(6) Cadastre, H 1090.
1881 8
— 114 —
Enfin le Paradis de la Chopinière, polit morceau de terre bien
carré, qui n'a pas plus de 25 moires de côté, sur le bord d'un
chemin sans issue (').
Saint-Père-en-Pietz. — Au sud de la ville sur le chemin des
Biais, le cadastre signale un Paradis et en face VEnfer, les lieux
les plus voisins sont la Blottière et le Chatellier (2). A l'ouest, sur
le domaine des Lardières, il existe aussi un Paradis, non loin de
l'emplacement qu'occupait le bénéfice de Sainte-Catherine dans
la forêt de la Guerche. La pièce du Chapitre est a côté.
Saint-Sébastien. — Le clos de vigne du Paradis qui touche
la Gibraie, dépendait du bénéfice de Carmeningo (3).
Sucé. — Le Paradis sis au village des Vaux se compose de
plusieurs prés, qui ne sont pas loin des bords de l'Erdre.
L'Enfer est au sud-est de la commune, sur le chemin de Car-
quefou (4).
Teille. — Au lieu dit les lluaux il existe un jardin dit du
Paradis sur le bord du chemin des Vignes-Robert, à l'ouest de la
Grehondière (5).
Touches (Les). — Le Paradis est dans la section des Masures,
sur le bord du chemin de Petit-Mars. Les lieux dits des environs
sont significatifs, ce sont : YEnfer, Y Abbaye, les Chapellénies (6).
Touvois. — Près du bourg il existe une agglomération d'ha-
bitants qui s'est établie sur un lieu dit le Paradis.
Vallet. — Le Paradis est un clos de vigne situé entre le Cleray
et la Parentière sur une roule.
Vertou. — Le Paradis est un clos de vigne aussi, situé a un
carrefour, presque au sommet du plateau occupé par le domaine
de la Frémoire, à côté de la Gohelière. Les anciens se rappellent
avoir vu ce clos renfermé de haies. Le terrain voisin se nomme les
(*) Cadastre, E 87.
(2) Cadastre, K 258.
(3) Arch. dép., G.
(4) Cadastre, H, 35-50. — D., lieu dit, 3.
(5) Arch. dép., C 191 -, feuille desRuaux, 7.
(6) Cadastre E, 141, 148, 121 — 128.
— 115 -
Prières et le Petit Paradis. L'un des 4 chemins qui se croisent
en cet endroit conduit à la forêt de Touffou.
Vue. —Le Paradis est un petit morceau de terrain situé der-
rière les maisons qu'on nomme la Ville.
Il est un autre terme, synonyme de Paradis, qui a été fré-
quemment employé dans la Loire-Inférieure pour désigner un
lieu de sépulture, c'est le nom de Champfleuri. Sa signification
me semble avoir la même valeur au point de vue archéologique.
Aux portes de Nantes, sur le grand chemin de Paris, nous
avions au delà de la barrière de Saint-Clément un cimetière, dit
de Champfleury, qui peut avoir servi de lieu d'inhumation dès les
premiers siècles de notre ère. On sait que les Romains plaçaient
toujours les urnes funéraires le long des grandes voies qui abou-
tissaient aux cités. Ce Champfleury, situé presque en face de
l'église de Saint-Clément, embrassait le terrain compris, entre la
montée de Saint- André, le bas chemin de Saint-Donatien et l'hôtel
actuel du Grand Monarque. Dès 1366, il était désigné sous cette
dénomination (*).
Plus loin, en suivant la même route, on rencontre, avant d'ar-
river à Saint-Georges, une tenue de Champfleury entre Tourne-
bride et les Marsauderies qui ne présente pas le même intérêt
que le précédent. Les fourches patibulaires de la justice de l'E-
vêché étaient dans les landes de la Haie-Lévesque, qui touchent
*e domaine de Saint-Georges ; il est donc à présumer que ce lieu
n'est autre que le cimetière des suppliciés (2)
Dans la commune de Vallet il existe, à 6500 mètres du bourg,
une métairie de Champfleury sur laquelle je n'ai pu faire aucune
remarque ; j'invoque le secours des localistes.
A Vigneux, près du bourg, il y a un calvaire appelé la Croix de
Champfleury et, dans le champ le plus voisin, on a déterré récem-
ment beaucoup d'ossements, suivant le rapport de M. l'abbé Pa-
(') Hist. de Nantes, par l'abbé Travers, t. 1, p. 439, et arch. dép., fonds
du chapitre^
(2) Arch. dép., G Evêché.
— 116 —
bouin, curé de la paroisse. Le bois de l'Enfer n'est pas loin, ce
qui ferait penser que le nom de Champfleury à Vigneux a été pris
dans la même acception que le mot de Paradis. (*) Je dois ajouter,
pour être complet, que le champ de la Maladrie est à peu de
distance et que tout annonce un cimetière de léproserie.
Blême coïncidence pour le Champfleury de Vue : il est au
village de la Boirie, c'est-à-dire à proximité de la léproserie de
la Blanchardais (2).
Ce dénombrement ne comprend pas tous les lieux dits qu'il
serait intéressant de fouiller, il peut être notablement étendu
par ceux d'entre vous qni habitent la campagne pendant la
belle saison. Vous obtiendrez des renseignements précieux en
interrogeant les fermiers et surtout les journaliers qui travail-
lent à la terre. Vous suppléerez aux lacunes du cadastre, dont
les désignations ne sont trop souvent que des répétitions mono-
tones qui ne disent rien à l'esprit.
Permettez -moi de vous rappeler aussi un fait que les histo-
riens ont plus d'une fois constaté : c'est que la plupart des
créations du Moyen Age reposent sur des substructions romai-
nes ou gauloises. L'homme a eu les mêmes tendances à toutes
les époques; il s'établit de préférence là où ses ancêtres ont vécu
et sont morts. Le christianisme, respectant cette loi naturelle,
n'a pas déserté les lieux consacrés au culte du paganisme, il a
seulement substitué ses églises aux temples des idoles. Ma
nomenclature elle-même vous en a fourni des preuves. Autour
des chapelles dédiées à la Madeleine, à Guérande et à la Haie-
Fouassière, je vous ai signalé des briques romaines et cependant
ce sont bien des édifices du Moyen-Age. Cette réflexion s'appli-
que avec autant d'à propos aux cimetières. Ne vous arrêtez pas
à la surface, creusez et, sous des sépultures du XIIIe siècle, vous
(») Cadastre, M 511. M, 980, 981.
(2) Cadastre, M 511, M, 981.
(3) Cadastre, B 594-599, 67G-678.
- 417 —
réussirez souvent à découvrir les tombes des contemporains de
Saint-Clair et de Saint Félix.
Vous le voyez, l'étude des Paradis est pleine d'attraits ; elle
touche à plusieurs points curieux. Si nos fouilles sont couron-
nées de succès, nous aurons non seulement de nouveaux objets
à placer sous les vitrines de notre musée départemental, mais
encore nous aurons recueilli des données précises sur rempla-
cement des anciens centres de population et sur l'antiquité de
nos établissements hospitaliers.
Léon Maître.
MONASTICON NANTAIS
(')
STATISTIQUE DES COMMUNAUTÉS RELIGIEUSES, ETABLIES
DANS LE DIOCÈSE DE NANTES
( 1790 )
Avant-coureurs de la civilisation, les évoques sont ve-
nus les premiers au pays d'Armorique, apportant la grande
nouvelle de l'Évangile : avec la croix et leurs vertus ils ont
plus fait que l'épée et le génie de Rome. Cependant la ré-
génération de ce vieux peuple s'opéra lentement : caché
dans les ombres des forêts, ou perdu au milieu des landes,
il demeura pendant de longues années presque inacces-
sible à la lumière bienfaisante du christianisme. Excepté
quelques cités épiscopales, la plus grande partie de la pé-
ninsule armoricaine était encore païenne au VIe siècle, d'a-
près un témoignage de S. Mélaine, souscrivant au Concile
d'Orléans (2)
Toutefois il faut admettre qu'au Sud de la Bretagne, et
particulièrement sur les rives de la Loire, les moines n'ont
point précédé les évoques. Ceux-ci, qui depuis plusieurs
(*) Ce travail, offert à la Société, doit entrer en second lieu dans le corps
de l'ouvrage de M. l'abbé P. Grégoire: Etat du Diocèse de Nantes en H90;
la première partie, intitulée Pouillé Nantais, a pour objet l'évêché, les cha-
pitres et les paroisses.
(2) Les Moines d'Occident, par M. de Montalembert, II, 310.
- 120 —
siècles déjà jetaient la semence de la divine parole sur
cette terre inculte et sauvage, durent faire germer et s'é-
panouir quelques fleurs solitaires, embaumant de leur par-
fum les déserts où elles croissaient. Certains hommes,
choisis entre mille, obéissant à l'attrait de la grâce et re-
tirés au fond des solitudes, s'appliquèrent à mettre en pra-
tique les conseils évangéliques : témoin les Friard et
Hermeland, sous la conduite des saints évoques, Félix et
Pasquier. Ces ermitages peuvent être considérés comme
les origines monastiques, dans le pagus Nannetensis.
Nous ne saurions accepter pour cette contrée ce qui s'est
accompli pour d'autres : la venue de moines et de mis-
sionnaires bretons. Notre terre, arrosée du sang et des
sueurs des premiers pontifes, a produit d'elle-même, et n'a
point laissé place aux plantes exotiques. Martin à Vertou,
Friard et Secondel dans l'île Vindunit, Victor à Camphon,
Vital sur le coteau de Scobrith, Hermeland dans un antre
de la Loire, sont les fondateurs de l'ordre monastique dans
le Diocèse de Nantes. Aux autres diocèses de Bretagne, les
pères de la vie religieuse sont presque tous des émigrés,
comme les Jacut,les Hervé, les Gildas, les Guénolé, les Sam-
son et tant d'autres. Nous sommes heureux et fier de
revendiquer pour notre pays nantais cet honneur d'avoir
donné lui-même naissance à ces maisons saintes, refuges
de la prière, de la charité et de la science.
Quelle règle y observait-on? Il est difficile de le déter-
miner d'une manière précise : ce serait peut-être la vé-
rité d'affirmer que les institutions bénédictines n'ont été
connues et suivies que fort tard en Bretagne. Laadévénec,
la plus célèbre abbaye de la contrée, ne les mit en vigueur
qu'au IXe siècle, sur les ordres de Louis-le-Débonnaire. La
prière, l'étude des sciences divines et humaines, le travail
des champs absorbaient ces vies vouées à la pratique des ver-
tus chrétiennes et des conseils évangéliques, au soulagement
des misères humaines, à l'instruction du peuple et à la pros-
— 421 —
périté matérielle du pays. C'a toujours été et ce sera tou-
jours le grand et unique but des congrégations religieuses.
Mais hélas ! les hommes pervers et les peuples impies se
sont plus, de tout temps, à contrarier par la persécu-
tion les œuvres de Dieu. La rapacité de certains seigneurs
guerroyeurs troubla bientôt la paix des solitudes. Que dire
de ce terrible fléau de l'invasion normande,qui dispersa les
moines et incendia les monastères aux IXe et Xe siècles ? La
barbarie de ces hommes du Nord est sans exemple. Aindre,
Vertou, S.-Glément, Castel-Wel, Clisson, Doulon, Corde-
mais, Prigny furent la proie de ces nouveaux Vandales, qui
profanaient les temples, jetaient au vent les saintes reli-
ques, égorgeaient les pontifes et ne laissaient après eux que
la dévastation et la mort.
Théâtre de ces brigandages, Nantes devient un affreux
désert : il faut le bras valeureux d'Alain-le-Grand pour
rendre à cette ville son antique splendeur. La générosité
de ce prince se plaît à enrichir et à édifier ce que l'inva-
sion vient de spolier et de détruire. Sur tous les points du
Comté, surgissent des établissements religieux. C'est à
cette époque qu'on doit placer la fondation de la plupart
des prieurés bénédictins qui ont été desservis jusqu'au
XVIIe siècle et qui depuis ont été sécularisés ou sont pas-
sés en commande. Blanche-Couronne, N.-D. du Port, Doulon
Clisson, Buzay,la Chaume, Prigny, les Couëts, Pirmil, S.-Ar-
mel, S.-Thébault et d'autres, dont les vestiges ont complè-
tement disparu, commencent leur vie cénobitique ou se re-
constituent à nouveau. Ce serait trahir l'histoire de ne point
indiquer ici, comme mobile de ces largesses, les terreurs
de l'An mil, qui poussèrent tant de chrétiens à faire de pieu-
ses fondations.
L'effervescence monastique se montre surtout au XIe et
XIIe siècles, le plus beau temps de l'Eglise, le temps des saints
Bernard, Dominique,François, Jean de Matha, Robert d'Ar-
brissel. Presque toutes nos grandes abbayes bénédictines,
— 422 -
cisterciennes, augustines et fontevristes se sont formées à
cette époque glorieuse : S.-Gildas, Melleray, Villeneuve,
Pornic, Geneston, la Rcgrippière, le Val-de-Morière. Sont
également de la première moitié du XIII'5 siècle les Trintaires
de Châteaubriant, les Cordeliers et les Dominicains de
Nantes.
Le clergé séculier devient insuffisant : aussi les évêques
se font-ils besoin de ces porteurs de la parole évangé-
lique que la vertu et le talent recommandent au peuple.
Les Carmes sont appelés à Nantes (1318); les Capucins à
Nantes et àMachecoul; les Cordeliers à Bourgneuf,Savenay,
Clisson, Ancenis et Ruffigné ; les Dominicains à Guérande.
Dans un des faubourgs de la ville de Nantes, les Chartreux
se font un désert; les Minimes viennent à leur suite (1587).
Dans des temps moins éloignés de nous, la civilisation
étant à son apogée, on sentit mieux la nécessité de procurer
aux riches et aux pauvres le bienfait de l'instruction, aux
malades et aux infirmes des soins plus assidus et plus dé-
voués. Aussi, lorsque le Seigneur eut suscité, pour la gloire
delà religion et le bien de l'humanité, ces utiles congré-
gations enseignantes ou hospitalières, furent-elles accueil-
lies avec joie dans ce riche et vaste diocèse de Nantes, où
la foi a toujours été si pure et la charité si constamment
pratiquée. Les Oratoriens., ces savants disciples de S. -Phi-
lippe de Néri, prirent alors la direction du grand collège
de S. -Clément (1655). Les pieux prêtres de S.-Sulpice ou-
vrirent un séminaire et une maison de missions. Les catho-
liques d'Irlande trouvèrent dans notre ville un asile pour la
formation de leur clergé. Les Jésuites obtinrent une rési-
dence. N'oublions pas ici de mentionner l'heureuse réforme
de St Maur, qui vint rallumer la ferveur éteinte dans les
monastères bénédictins.
Chez les femmes, toutes les aspirations du dévouement
et de la piété purent se satisfaire. Depuis longtemps
déjà les Fontevristes se sanctifiaient dans leur solitude. La
. — 123 —
Visitation, le Calvaire, le Carmel se constituent (1613-1629).
Les Pénitentes ouvrent, une retraite aux larmes du repen-
tir, L'instruction des jeunes filles nécessite de nombreuses
fondations : les Ursulines s'établissent successivement à
Nantes, Ancenis, Ghâteaubriant, Guérande ; les Carolines, à
S.-Donatien, vers la fin du siècle (1698), ouvrent des classes
gratuites et une école normale.
Enfin le XVIIIe siècle amena dans les hôpitaux les Sœurs
de la Providence de Saumur, de S. -Thomas de Villeneuve,
duS, -Esprit de Plérins. Pour rendre populaire l'instruction
des enfants, on reçut à Nantes les Frères du V. de la Salle,
maîtres instruits et vertueux, les Sœurs de la Sagesse,
nouvellement instituées.
Quoique notre diocèse ne renfermât pas de ces puis-
santes et riches abbayes, comme Noirmoutiers, S.-Jouin,
Landévenec, S.-Florent, Toussaint, le Ronceray,S.-Sulpice,
et d'autres semblables, il fournissait à tous les besoins et à
toutes les vocations. Les solitaires et les prêcheurs, les con-
templatives et les pénitentes avaient des asiles, les orphe-
lins et les malades trouvaient des abris pour leur misère,
les captifs, des rédempteurs ; les ignorants, gens de con-
dition ou du peuple, avaient leurs maîtres et maîtresses.
La charité et l'instruction ne sont donc point des inven-
tions de notre temps : les siècles passés les ont connues plus
parfaitement qu'on ne pense.
Nous nous proposons de donner ici la statistique de ces di-
verses maisons religieuses, en indiquant leur origine, leur
but, leurs revenus, leurs charges et leur personnel, à l'époque
où la Nation confisqua leurs biens et dispersa leurs
membres. Tel est l'objet de notre Monasticon nantais.
On compte au diocèse de Nantes : 1" 30 communautés
d'hommes, dont 9 abbayes, 1 prévôté, 1 prieuré et 1 char-
treuse ;
2° 19 communautés de femmes, dont une seule abbaye.
Les premières sont occupées ou desservies par 13 ordres
- 124 —
religieux; les dernières, par 18. On ne comprend point ici les
Hospitalières qui suivent quatre règles différentes et possèdent
9 maisons, non plus que les Oratoriens qui tiennent le col-
lège, et les Sulpiciens qui sont des prêtres séculiers.
COMMUNAUTÉS D'HOMMES
I. - BÉNÉDICTINS.
1. Prévôté conventuelle de S. -Martin de Vertou, OSB.
S.-Martinus Vertavensis.
— Cette ancienne abbaye, la première de toutes celles de Bretagne, fut
fondée par Saint Martin dans un lieu appelé Vtrlaw, au temps de S. Félix,
ëvêque de Nantes (VIe siècle). A la mort du bienheureux fondateur, 300
moines y pratiquaient avec ferveur les règles de l'Institut. Le monastère
fut érigé en prévôté, alors qu'il passait sous le patronage de S.-Jouin-les-
Marnes. La réforme de S.-Maur y est introduite depuis 1664. Il y a quel-
ques années (1767), on y reçut les religieux de l'abbaye de la Chaume.
Le roi présente, le pape nomme.
Prévôt commendataire : Jean Coulon de la Bernardais,
de l'ordre de S. -Jean de Jérusalem, — 28 avril 1782.
Revenus et privilèges: 6 métairies, haute-justice, droits
seigneuriaux, lods, ventes, rachat, pêches, four banal,
dîmes au tiers, 34,749 tt. Titre de curé primitif de la pa-
roisse. — Mense conventuelle : 11,802 *.
Ch. L'office canonial tous les jours dans l'église,
acquitté par 1 prieur, 1 sacriste et 5 religieux. — Rentes
annuelles, 750 n , savoir : 420, * au sieur Boisiau, aumô-
nier du roi à Grenelle ; 170, * au sieur Le Grand d'Aran-
terre,chanoine, et 160 * au sieur Pignot, curé de la Roche-
Durèse.
L'église, dont certaines parties sont fort anciennes, vient
d'être réparée (style roman simple, XIe siècle.) Elle est
conventuelle et paroissiale à la fois. Il y a deux clochers,
l'un pour le couvent et l'autre pour la paroisse ; le pre-
mier a été relevé dernièrement. Un autel de marbre et des
— 1°26 —
stalles sculptées ornent le chœur. L'édifice , comme plan
d'ensemble, a la forme d'un T.
Mobilier : 18 chasubles, G dalmatiques, 4 chapes, 21 au-
bes; — une croix et son bâton, 1 petite croix, 1 masse de
bedeau, 2 calices, 1 ostensoir, 1 encensoir ; — 4 cloches et
1 horloge qui frappe sur d'eux d'entre elles.
Reliques : 1 buste de S.Martin, 1 autre de S.Benoit, 1 bras»
1 main d'argent.
On compte les autels de la Vierge, de S.- Sébastien, de
S.-Martin, de S. -Michel, de S.- Mathurin et de Ste-Marguc-
rite.
Bibliothèque de 1,90G volumes.
Les Bâtiments claustraux ont été reconstruits en 1700 :
ils sont agréablement situés, près le bourg de Vertou. L'en-
clos du monastère couvre 3 journaux de terrain. Outre les
cellules, les salles communes et les servitudes, il y a pour
les hôtes des chambres et un billard.
Personnel. Prévôt conventuel : P. Henri Soulastre, depuis
1781 ; Aug. Bazille, sous-prieur et sacriste, né à Vertou.
Religieux: DD.Boutan, de Fay, Dezé, Doly, Ghàtoaurenard.
2. Abbaye de Notre-Dame de la Chaume, OSB.
Beata-Maria de Calma, aliàs de Calmariâ.
Paroisse de Sainte-Croix de Machegoul
— Elle est située au faubourg du nom, sur la rivière du Tenu. Une dota-
tion en terres et bénéfices curiaux, faite par Ilarscoët, Sgr de Relz, en 1055,
permit a Perennés, abbé de Redon, de bâtir un prieuré en ce lieu, et d'y
envoyer 4 religieux. Cette fondation dut être érigée en abbaye antérieure-
ment au XIIe siècle. Le premier abbé, dont on sache le nom d'une manière
certaine, selon D. Mabillon, serait Philippe (1184). Les deux cardinaux
de ReU possédèrent ce bénéfice. Ilestpassé en command depuis 1594 et la
réforme de S.-Maur esten vigueur depuis 1630. Il y a 23 ans, comme cette
maison était d'un minime revenu, on l'abandonna et l'on se réunit à
Vertou ^ cependant le titre d'abbé commendataire a été conservé
Patron : Le roi. Le pape nomme.
— 127 —
Abbé commendataire : Jacques-Julien MeslédeGrandclos,
vie. général de S.-Malo, — 4 août 1782.
Revenus: 4 journeaux de terres affermés 3.700* Le
cloître, les bâtiments et le colombier sont également
affermés. Les meubles et les ornements de la maison abba-
tiale ont été transportés à Vertou. Le prieuré d'Arzon en
Rhuis, qui en dépend, rapporte 300 *.
Charges : 760 tt de rentes annuelles redevables à certains
ecclésiastiques, gratifiés du roi; entretien du local. — Les
religieux n'avaient pas prééminence sur le clergé parois-
sial, excepté le jour des Rameaux, où l'abbé officiait entre
les deux curés au grand cimetière des Chaumes.
V église est très belle : 3 nefs, transept, un chœur carré
lambrissé et décoré de peintures à l'huile. (XIVe au XVe siècle).
Elle n'a point de dédicace particulière. Autels S.-André, où
il y a une grande dévotion, et Ste-Emérance, construits par
les Pères de la Réforme. Le clocher n'a plus qu'une cloche.
Le cloître s'étecd au côté de l'épitre ; il est dans le style
roman. Ogé dit qu'il a été bâti en 1063. Il a été refait au
XVIIe siècle. Toute la maison a été réparée et distribuée
à neuf, au moment de l'introduction de la Réforme. Il y a
fuye et étang, deux jardins, une cour intérieure et une
cour d'honneur.
3. Prieuré conventuel de S.» Jacques de Pirmil, OSB.
— Prioratus Sti-Jacobi de Palameyo.
Paroisse S.-Sebàstien d'AiGNE.
— Les Bénédictins de S.- Maur se sont établis au faubourg de Pirmil,
vers la fin du XVII8 siècle. Dans un acte daté de 1360, on trouve le
nom d'un prieur de celte maison qui s'appelait alors S.-James. On croit
qu'elle est de fondation anglaise et très ancienne. Les religieux de
Blancbe-Couronne viennent de se réunir à ceux de Pirmil (1707).
Patron: olim l'abbé de S.-Jouin,mmc le rci.
Revenus : 3.800 K Le prieur a droit de seigneurie, haute
— 128 —
moyenne et basse justice. Le sacriste est curé primitif de
S.-Sébastien.
Charges : 501 *.
Vàglise, qui anciennement était paroissiale et qui est
encore aujourd'hui tréviale de S.-Sébastien, fut réparée, en
1484, par Thomas James, évoque et comte de Dol ; la cou-
verture et la charpente ont été renouvelées, il y a 12 ans.
La sacristie a été reconstruite en 1786. Des boiseries de 9
pieds ornent le chœur et le sanctuaire. Dans le clocher il
y a trois cloches, du poids total de 3.000 *. — Style de
transition.
Mobilier de la sacristie : 2 calices en argent, 1 ciboire,
1 soleil, 2 croix, 2 bénitiers, 2 paires de burettes, 2 encen-
soirs de même; — 19 chasubles, 7 chapes, 12 aubes.
La maison conventuelle, qui est solide et fort régulière,
a été rebâtie par la Congrégation de S.-Maur, au commen-
cement de ce siècle. La situation est élevée, saine et très
agréable. On y remarque la salle à manger, qui est boisée
tout autour à la hauteur de 7 pieds et demi. Il y a comme
dépendance, ljardin très bien dessiné, lverger,2 journeaux.
de vigne, 13 à 14 journeaux de prairies. On peut offrir aux
étrangers 3 chambres meublées.
Personnel. Prieur commendataire : J.-B. -Louis delà Tour
de Gallois, du d. d'Aix,vic. général d'Autun, — 15 mai 1775.
Prieur conventuel : Séb. Bonnard, né en 1739, prof, en
1756.
Sous-prieur : Joachim Marmier, né en 1742 , prof, en
1760.
Procureur: Etienne Audio, né en 1762, prof, en 1776.
Augustin Fortier, né en 1720, prof, en 1740.
— 129 —
4. Abbaye de Notre-Dame de Blanche -Couronne, OSB.
Beata- Maria de Albâ Coronâ Veteri.
Paroisse de la chapelle-Launay.
— Cette abbaye porta primitivement le nom de Coét-Quen — bois
blanc — ;plus tard elle reçut celui de Douce-fontaine, à cause d'une excel-
lente source qui coulait près du monastère. La magnifique futaie, dont elle
était environnée, affirment certains historiens, lui fit enfin décerner le vo-
cable de Blanche- Couronne ; quelques uns disent que ce vocable a été tiré
de la dédicace de l'établissement à la Ste Vierge. Des bulles papales, da-
tées du XIIIe siècle, en font mention comme étant de l'ordre de Cîteaux, et
d'autres de 1410, comme étant de l'ordre ancien de S.-Benoît. Ce qui ferait
supposer qu'elle est antérieure à S. -Bernard. D'ailleurs on ignore l'époque
précise de sa fondation et le nom de son fondateur. Le Calendrier ecclésias-
tique de Nantes la fait remonter à 9C9 : Geoffroy,comte de Nantes, et Daniel
du Pontenseraientles principaux bienfaiteurs. Quelques auteurs prétendent
que cette maison fut dotée pour 19 religieux en 1160. La réforme fut établie
en 1652, par Claude de Cornulier.
Elle est située a 10 lieues de Nantes, au dessous, vers la mer, dans la
paroisse de la Chapelle-Launay. La position est si malsaine que les religieux
ont eu beaucoup de peine a se conserver en santé. Puis les revenus, qui ont
été diminués dans la suite des siècles, sont devenus très modiques 5 ils ne
suffisaient plus qu'à 6 habitants. Ceux-ci, n'étant point en nombre pour y
vivre selon la règle bénédictine réformée, se réunirent aux moines de Pirmil,
le jour de l'Ascension, 1767 5 cependant le titre abbatial resta attaché à la
maison abandonnée.
Patron: le roi ; le pape nomme.
Abbé commendataire .• J.-B.-Louis de la Tour de Gallois,
vie. général d'Autun, originaire du d. d'Aix, — 15 mai
1775.
Il nomme aux prieurés simples du Tertre, de la Madeleine,
de rAngle-Chaillou, au prieuré claustral de S. -Jacques de
Pirmil avec ses annexes en Bouin.
V Eglise est ogivale et à plein cintre: vaste carré avec
un clocher. Elle renferme les tombeaux d'Hervé de Blain,
père d'Eudo^qui fonda en 1290 une lampe perpétuelle sur
sa sépulture; d'Éon deRochefort, vicomte deDonges, 1372;
de Gillette de Rochefort, 1510.
1881 0
— 130 —
5. Abbaye de S.-Gildas-des-Bois, OSB.
S.-GUILDAS OU S.-GUEDAS.
Slus-Gilâasius de Nemore.
— Fondée Tau 1206, par Simon, Seigneur de la Roche-Bernard, « en l'hon-
neur de Dieu et de S. Gildas, dans un lieu nommé Lampridic, a 10 lieues
de Nantes, vers le couchant d'été, à 2 lieues de la Vilaine et d'autant de
la petite ville de Pontchâteau. » On l'appela primitivement de Landâ, puis
de Nemore. Ce fut une colonie de S.-Sauveur de Redon, qui peupla ce
nouveau monastère bénédictin, érigé en abbaye et doté pour 8 reli-
gieux.
Patron- Le roi. Le pape nomme.
Abbé commendataire: François Marie de Valory-la-Pom-
merays, du d. de Rennes, prévôt de la collégiale de Tour-
nay, aumônier de la comtesse d'Artois, licencié en droit, —
décembre 1763.
Revenus : 16.833 rt ; mense conventuelle, 3.500 *
L'abbé commendataire possède l'abbatiale, la seigneurie
de S.-Gildas, le prieuré de Pénestin, (droits féodaux, lods,
ventes, rachats et tous les émoluments du fief, droits d'offi-
cier et de haute justice); il perçoit la moitié des grosses dîmes
à l'onzième, dans les paroisses deMissillac et des Marais,- les
novales exceptées, et 4.780 tt de dîmes à Férel, Herbignac,
Camoël; la dîme matinale dans le canton des Mortiers. Il a
leprivilège de célébrer pontificalement avec mitre et crosse,
le seul du diocèse ; ce privilège fut accordé au concile de Bâle,
avecles restrictions mentionnées dans la bulle de Clément IV.
Il nomme aux cures de Nivillac, de Missillac, de Fégréac, etc. ;
aux vicairies perpétuelles de S. -Gildas, de Drefféac, d'Herbi-
gnac, etc ; aux prieurés simples de S.- And ré de Bouvron,
de S.-Jean de Sévérac, de S.-Jean de la Roche, de Pennebé,
de Beaulieu, etc.
Charges : 9,005 tt. Portion congrue aux recteurs de S.-Gil-
das et de Drefféac ; l'aumône le vendredi depuis la Tous-
— 131 —
saint jusqu'à la S.-Jean, le Jeudi saint à 13 pauvres, et
autres aumônes en argent, 770 tt. La taxe de la congréga-
tion de S.-Maur n'est pas comprise dans cette somme.
Dettes passives : 11,044 rt ; dettes actives : 11,852 tt.
Les chapellenies paroissiales de Beau pois, de S. -Michel
de S.-Jean, de S.- Jacques, de S. -Pierre sont régulières et
produisent 234 n.
L'église est communeà l'abbaye etàla paroisse : 5 autels,
le maître dans le choeur des religieux, séparé par une belle
grille de fer forgé ; d'un côté, ceux de N.-D. de Pitié, de
S.-Michel; de l'autre, ceux de S. Jean-Baptiste et de S.-S...
— XIIIe au XIVe siècle — ; achevée en 1533; le chœur est
de 1711 ; le clocher a 129 pieds.
Sacristie : 1 calice, 1 encensoir d'argent, 1 ciboire mi
cuivre et argent, une crosse abbatiale en bois et cuivre, 5
petits reliquaires d'argent et 1 grand, argenté, recouvrant
une parcelle du chef de S. Gildas ; — 14 chasubles, 8 dalma-
tiques, 72 chapes, 35 aubes.
Bibliothèque : 415 volumes.
Personnel : D. Gannat, prieur claustral, vie. général
de l'abbé, — 9 déc. 1783.
Charles de laPasseigue, sous-prieur.
Jacques-Piené Grethier, procureur.
Claude le Poitevin, Louis Joly, N. Le Cerf, religieux.
6. Prieuré conventuel et non électif de Ste-Élisaheth
de Grand-Lieu, OSB.
Prioratus Stœ-Elisabeth de Grandi-Lacu.
Paroisse de S.-Philbert de Grand-Lieu
— La fondation de ce prieuré est inconnue. On lit dans un rapport de 1572
qu'elle a été faite anciennement pour 6 religieux. Il dépend de l'abbaye de
Tournus, il est passé en commande depuis longtemps (1572). Quoique ré-
gulier, il est desservi par des séculiers.
— d32 —
Patron : l'abbé de S. -Michel. Le pape nomme et l'abbé
confère.
Les desservants sont nommés par l'Ordinaire; le sous-
prieur est au choix du prieur commendataire.
Revenus : 7.425 tt.
Charges : 3.411 «,aux desservants, et au Régent ; messe
chantée à 8 h., vêpres et complies à 2 h., tous les jours;
matines et laudes la veille des fêtes et chaque samedi. Le
dimanche elles se chantent immédiatement après la messe
matutinale. Le prieur doit l'aumône 3 fois la semaine aux
indigents du lieu et tous les jours aux passants.
Eglise : elle est priorale et paroissiale en même temps.
Très remarquable avec une crypte,— XIL> au XIIIe. Grande,
belle et élancée. On distingue le sanctuaire, le choeur, muni
de stalles et de pupitres, et la nef. Séparant le chœur de la
nef, deux autels, S.-Nicolas, la T.-Ste-Trinitéetune Passion.
Danslanef, deuxautresautels,S.-André,S. -Lambert. Un beau
et grand clocher renfermant 4 cloches et une horloge. Cha-
pelles en appentis: 1° Ste-Anne, 2° S. -Jean -Baptiste, 3°
S.-François, 4° le Rosaire, 5° olim S.-Philbert,mmcN.-D. de
Miséricorde, 6° Ste-Marguerite, 7° S.-Sébastien.
Sacristie : 3 calices, 1 ciboire, 1 custode, 1 soleil, 2 bu-
rettes, 2 encensoirs, 2 croix processionnelles, 1 petite croix
d'argent ; — 13 chasubles, 4 chapes et 2 bannières.
La Maison priorale comprend 3 corps de logis.
Le prieur est haut-justicier et seigneur de la ville, de
S.-Lumine, de S. -Jean de Corcoué, de la Benàte, de la Li-
mouzinière et de Ste-R.adegonde.
Personnel. Desservant : D. Alexis Louason, rel. de S.-Ger-
main-des-Prés, né en 1750, depuis 1786, prieur commenda-
taire; Jean Maillard, sous-prieur, — 8 mai 1770; r. 438 n;
Auguste Paumier, — 9 nov. 1776; r. 338 ll; Charles Gi-
raud,— 12 juillet 1763; r. 336 tt; N. Julien, pr. de chœur, —
12 mars 1776; Jos. Robert, chantre, — 1787.
- 133 —
II. - CISTERCIENS
1. Abbaye de Ste-Marie de Buzay ou Bussais, OC.
Beata-Maria de Buzayo, alias Busaio.
Paroisse de Rouans
— Ce sont les Bernardins mitigés qui l'habitent. Sise sur la gauche de
de la Loire, à 7 lieues au-dessous de Nantes, cette fille de Clairvaux fut
dotée par Ermengarde d'Anjou, duchesse de Bretague, pour entretenir 6
religieux, le 17 juin 1135 ou 1136. Conan 111, n'ayant pas obtempéré aux
volontés maternelles, S. Bernard lui-même, selon la chronique de Mil-
îeray, vint à Nantes, pour arranger les affaires de l'établissement de Bu-
zay. Antérieurement, (avant le XIIe siècle) il y avait en cet endroit, comme
aux Couëts, deux maisons religieuses, l'une d'hommes et l'autre de
femmes. — L'abbaye est passée en commende depuis 1474 ; c'est la plus
riche du diocèse.
Patron: Le roi; le pape nomme.
Abbé commendataire : Jean-Georges Le Franc de Pom-
pignan, ex-archevêque de Vienne, ministre d'État, nommé
par bulles pontificales du 6 des kalendes d'octobre, 1785.
Les Revenus sont partagés en 3 menses, dont 2 sont au
commendataire et l'autre au pieur claustral et aux reli-
gieux.Les terres affermées en 4 lots ou métairies produisent
150,000 * . Les objets réservées sont évalués à un rende-
ment de 4,500 rt . Il faut aussi ajouter à cela des rentes sei-
gneuriales et foncières. M. Le Franc de Pompignan exerce à
Nantes basse et moyenne justice, dans les fiefs de Buzay,
Buson, Couëlin et Vièvre.
L1 église, qui a une très haute tour, a été reconstruite en
1755. 11 y a 4 cloches et une horloge avec carillons. Le maî-
tre autel est en beau marbre et les stalles du chœur en
chêne sculpté.
Sacristie : 1 calice de vermeil, 3 ciboires, 2 calices, 1 so -
leil, 1 bénitier et son goupillon, 2 encensoirs, 1 plateau et
des burettes, 1 boîte aux Stes Huiles, 1 reliquaire, 1 croix
d'argent.
— \u —
La maison conventuelle et ses dépendances immédiate
ont entourées d'une douve de clôture et couvrent 4 jour-
naux de terre. Il y a 12 ebambres de religieux, coforta-
blement meublées, avec salle, salon, billard. Les domes-
tiques occupent 6 chambres, réservées à leur usage.
On entretient 1 organiste, 2 choristes, 1 garçon sacris-
tain, 1 infirmier, 1 hôtelier, 1 valet pour le Prieur, 1 chef
de cuisine, et plusieurs autres pour la basse-cour et le ser-
vice de la maison.
Bibliothèque: 1,612 volumes.
Personnel : Prieur, procureur général de l'abbé, D. André
Quintin Caignard ; sous-prieur, Martin ; receveur, Hannel ;
procureur du couvent, Jarno ; maître des hôtes, Labbe ; sa-
criste, Ant. L'Enseigne ; DD. de Prades, Verdun, Dupin et
Bourgouing.
2. Abbaye de Notre-Dame de Melleray, OC.
Beata Maria de Mellereyo, aliàs Mêler io,
vel de Mellis alveario
PAROISSE DE MEILLERAY
— Suivant la chronique de ce monastère, deux religieux cisterciens de
Pontron s'établirent, en 1132, sur la seigneurie d'Alain de Moisdon, dans un
endroit retiré, appelé le Vieux- Melleray, avec le dessein d'y fonder une
nouvelle maison de leur ordre. D'autres auteurs assignent à la fondation
une date moins ancienne (1330—1332).
L'abbaye de Melleray est située « a huit lieues de Nantes, entre les rivières
de Loire et de Vilaine près la source de la rivière d'Airdre ».
Elle est occupée par des Bernardins de l'élroite observance.
Patron : Le roi ; le pape nomme.
Abbé commendataire : Louis Auguste le Mintier, du d. de
S.-Brieuc, précédemment archidiacre d'Auch, vie. général
de Rennes, maintenant évoque de Tréguier.
Revenus : mense conventuelle, 7,355 ; tt mense abbatiale,
6,184*. Charges : 2,227*.
V église porte la date de 1183: nef du XIIe siècle; chœur
- 135 —
du XVe. Le maître autel est construit à la romaine, avec
gloire et deux anges adorateurs; il est de marbre blanc. Il
y a aussi deux petits autels en marbre de couleurs et deux
autres en bois doré et sculpté ; ces derniers sont placés en
dehors de la grille. Le clocher contient 3 cloches (l'une
4 pieds 8 pouces de tour) et une horloge établie en 1697.
Sacristie : 2 ostensoirs, 3 calices, 2 ciboires, 2 bénitiers,
2 flambeaux, 1 lampe, 2 croix, 2 encensoirs, 1 boîte aux
Saintes-Huiles, 2 paires de burettes, d'argent, 1 calice de ver-
meil. (On a déjà envoyé à la monnaie une valeur de 33
marcs d'argent). — 14 chasubles, 12 dalmatiques, 24 jaubes,
1 dais.
Bibliothèque : 757 volumes et deux armoires de manus-
crits classés.
Les Bâtiments, reconstruits au XVIIe siècle ont été mis
à neuf en 1767. Ils forment 4 ailes, et comprennent 15 cham-
bres de religieux, 4 chambres d'hôtes, 1 salon, 1 salle à
manger et les autres pièces nécessaires au service de la
communauté. Il y a 8 lits pour les domestiques. Les êtables
renferment 10 bêtes, dont 2 chevaux et 8 vaches laitières.
Personnel. Prieur : D. Ant. Carlier, né à Cambrais, depuis
1750. Procureur : Richard. Chantre : Jean Le Maître, né à la
Chapelle-Glain. Sacriste: Pierre Chinon. D. Vannier, ancien
prieur de Buzay, retiré. Fr. Clément Martin, convers.
— 13G —
3 Abbaye de Notre-Dame de Villeneuve, OC.
Beata-Maria de Villa-Nova.
Paroisse du Bignon.
— La fondation est faite pour 13 religieux. Le premier établissement se fit
à la Grange de Gort-Maria, dans la forêt de Touffou, et eut pour bienfaitrice
Constance, duchesse de Bretagne, dans la première année du XIII0 siècle.
Quelques temps après on commença la construction de l'église et du mo-
nastère tout près de là, en la paroisse du Bignon. La dédicace de l'église
abbatiale fut faite en présence de tous les évoques de la Province, 14 nov.
1245. Le premier abbé qui posséda ce bénéfice en commande, c'est Jean
d'Estrées (1677).
Fille de Buzoy, cette abbaye est occupée par des Bernardins réformés de
X étroite observance.
Patron: le roi ; le Pape nomme.
Revenus : 16.769 * La mense conventuelle est formée du
tiers des revenus généraux.
Charges : 3.951. tt On donne l'aumône le lundi et le ven-
dredi, et de plus 946 tt chaque année.
Eglise: On y compte le maître autel, ceux deSle-Anne, de
S. -Laurent, de S.-Bernard, de S.-Joseph,etl'ony remarque
le tombeau de Constance de Bretagne.
Sacristie : 1 ciboire et 1 soleil de vermeil, 3 calices, 1 os-
tensoir, 1 encensoir, 1 bénitier, 1 paire de burettes, 1 croix
processionnelle, 1 crosse, 1 croix épiscopale, 1 reliquaire,
1 petit S.-Laurent, 1 Vierge, 1 petite croix avec christ, 2
chandeliers, 1 suspensoir, d'argent ; — 30 chasubles, 9
dalmatiques, 11 chapes; — 3 cloches, 1 horloge et 1 vieil
orgue.
Bibliothèque : 2.053 volumes.
La Maison comprend les pièces communes, 5 chambres
d'hôtes, 9 cellules de religieux et des appartements pour les
dames, chambres et salon.
Personnel: L'abbaye est vacante par la mort (20 avril 1789)
de Claude François Lizarde de Badonvilliers, sous-précepteur
— 137 —
des enfants de France, membre de l'Académie et conseiller
d'Etat, nommé en 1770.
DD. : Simon Vanin, prieur, né en 1744.
Domin. Guillemin, sous-prieur, né en 1749.
Alexis Ducros, dépensier, né en 1761.
J.-B. Gauthier, né en 1726.
Jac.-Jos. Meuran, né en 1743.
Pierre Bonnet, né en 1749. <
Max.-Jos. Léonne, né en 1763.
François-Jos. Lacourt, né en 1765.
Louis de Maure, ancien abbé de Prières, retiré depuis 1787.
R. 4.000 *.
D. Paillet, aux aliénés d'Angers.
III. - AUGUSTINS
1. Abbaye de Ste-Madeleine de Geneston, OSA.
Sta-Magdalena, de Genestonio, Genestrino, Genesto.
— Les chanoines réguliers de St-Augustin, dits Génofévains, congréga-
tion de France, possèdent cette abbaye. «Près le lac de Grand Lieu, à la
droite de la rivière de Boulogne, à h à 5 lieues de Nantes, vers le Poitou, du
côté de l'Occident d'hiver . » Eu 1148, Bernard, religieux de Citaux, appelé à
l'évêché de Nantes, fonda le monastère de Geneston pour des chanoines
réguliers, auxquels il prescrivit les constitutions^ l'ordre des Augustins :
le premier prieur fut Clément, homme d'un rare mérite. Il fut érigé en
abbaye, 1163. Alexandre III, qui était à Tours, ratifie la fondation épisco-
paleet prend les religieux sous sa protection.
Patron : Le roi ; le pape nomme.
Abbé commendataire : Pierre Guillaume Le Franc de Fon-
taine, vie général de Tréguier, prévôt et premier digni-
taire du chapitre royal de Morlaix, licencié en lois, origi-
naire dé Quimper, — 27 juin 1754.
Revenus: 3 métairies, 3 maisons dans le bourg, moulin et
four banal, droit de terciage et 8 foires, 11.835 rt. L'abbé
nomme à la cure de Geneston, aux prieurés-cures de Mont-
- -138 -
bert et de S.-Jean de Bouguenais, aux prieurés simples de
S.-Symphorien, de Fréligné, de S.-Lupien, etc.
Charges : portion congrue au desservant de la paroisse ;
au prieur, 2,400 * ; aux prêtres de S.-Symphorien en la
Bruffière, 400 * ; au prieur de S.-Jean, 78 * ; aumônes,400 *.
L'église est beaucoup plus vieille que la maison qui a été
construite vers 1660 ; elle a 75 pieds de long et 25 de large ;
elle est coupée par une boiserie; la partie supérieure ser-
vait au Chapitre et l'inférieure à la paroisse. Le clocher,
ayant été dernièrement foudroyé (1783), vient d'être relevé ;
bâti sur une chapelle latérale; 42 pieds de hauteur. Le
chœur contient 9 stalles de chaque côté. — Le roman et le
gothique sont mélangés.
Sacristie: 1 calice de vermeil, 1 autre d'argent, 1 soleil,
1 ciboire, 2 encensoirs, 2 croix, 2 ampoules, 1 paire de bu-
rettes et son plateau, d'argent; plusieurs ornements dont
une chasuble et une chape galonnées d'or; —1 cloche.
Bibliothèque: 300 volumes.
En 1750 le chapitre se composait seulement de 3 prêtres.
Aujourd'hui il n'y en a plus qu'un qui fait l'office curial.
Le service divin a cessé et les bâtiments sont inoccupés.
2. Abbaye de Ste-Marie de Pornic, OSA.
Sta-Maria de Pornido, seu Porindio, aliàs de Burgo
propè Porimdum
PAROISSE DE STE-MARIE.
— « Située dans les marais salés, à la gauche de la Loire, au duché de
Retz, vers l'océan, à 14 lieues de Nantes, à 5 de Machecoul. » Il faut renoncer
à donner des certitudes sur les origines de cette abbaye. Voici la légende que
fournissent certains auteurs. Les chanoines de St-Augustin, établis à Dou-
lon, l'an 1105, par l'évêque Benoît, quatre ans après chassés de ce lieu, à
cause de leur relâchement, se retirèrent à Pornic, près d'une chapelle appar-
tenant aux moines deSt-Serge d'Angers. Le premier abbé, dont le nom appa-
raît dans les actes publics, gouvernait cette communauté, vers le commen-
— 139 -
cernent du XIIIe siècle (J)- La conventualité cessa en 1620, à la mort de l'ab-
bé Guillaume Pineau. L'abbaye, qui conserva ses titres, revenus et privilèges,
est devenue séculier depuis quelques années, et par conséquent desservie par
de simples prêtres au choix de l'abbé commendataire. Aujourd'hui aucun
clerc ni régulier, ni séculier, n'habite cette maison, qui d'ailleurs est détruite.
Elle est passée en commende vers le commencement du XVIIe siècle.
Patron : le roi ; le pape nomme.
Revenus : Dîmes, 2.800 *, droits de pèches et moulins,
rentes, fiefs, métairies, marais, etc., 7.050*.
L'abbé de Pornic nomme à la vicairie perpétuelle de Ste-
Marie, à la cure de St-Gilles, aux prieurés de Haute-Perche
de Rohard, d'Aisne, de Guermiton, du Clion, de St-Michel,
de la Plaine, du Port-St-Père et de Chauve.
Charges : Portion congrue au vicaire perpétuel et entre-
tien de la lampe du St-Sacrement.
Eglise, elle est paroissiale.
Les bâtiments claustraux n'existent plus, la maison abba-
tiale a été construite dans l'enclos de l'ancien monastère.
Abbé commendataire : Julien-Olivier Gibon de Pargo,
vicaire général et officiai de Rennes, — 12 déc. 1777.
IV. — CARMES
De l'ancienne Observance.
Paroisse de S.-Vincent de Nantes.
— Thibaud, seigneur de Rocbefort, vicomte à Donges, appela les Carmes
à Nantes, (1318), et les logea lui-même dans son hôtel de Rochefort, qui
devait être occupé plus tard par les dames de Ste-Claire. C'est le premier
établissement que ces religieux aient eu en Bretagne. Le couvent fut cons-
truit en 1327, sur la paroisse S.-Vincent; mais le curé et le chapitre de la
cathédrale s'y étant opposés, l'interdit demeura sur la maison et la cha-
pelle pendant quelques années.
(4) Travers assure qu'elle a été fondée par Garsire de Retz, ou par Gestin
seigneur de Machecoul et de Pornic-, les Etrennes nantaises fixent la date à
1117.
— 140 —
R. Maisons dans la G-rand'Rue, dans la petite rue des
Carmes, dans les rues du Moulin, de la Poissonnerie, de la
Salorge, et des terres : 9,161 tt; rentes foncières en argent,
1,433 «; rentes constituées, 652 * ; rentes viagères, 1,080*.
Ch. 1° intérieures: honoraires d'un organiste, d'un prédi-
cateur et de professeurs, 1,277 ft; — 2° extérieures :740H ;
frais de culte, 1,016 tt.
Dettes actives, 5,940 tt; dettes passives, 1,466 *.
Eglise: grande nef carrée, large chœur, à l'angle de la
Grand'rue et de la petite rue des Carmes. Il y a 3 autels,
ornés de colonnes de marbre. La chapelle de N.-D. de Lo-
rette, qui a son autel, est close par une balustrade. Le
maître autel a été consacré le 18janv.l768. De chaque côté
du sanctuaire, on voit deux colonnes supportant des statues,
et 5 tableaux dont un dans le sanctuaire. Les autels de
S.-Jacques et de S.-Christophe sont tout neufs. Il n'y a que
2 confessionnaux pour le public.
Il faut remarquer le magnifique tombeau de François II
et de Marguerite de Foix, chef-d'œuvre de scuplture, 1505.
Le cœur de la duchesse Anne de Bretagne, deux fois reine
de France, est conservé dans l'église.
Sacristie : 1 soleil, 4 calices, 2 ciboires, de vermeil; 3
calices, 2 encensoirs, 1 croix processionnelle, 1 petite croix
d'autel, 1 bénitier, 1 ciboire, 2 paires de burettes et leur
plateau, 2 ampoules, 8 chandeliers d'autel, 2 chandeliers
d'acolyte, 2 grandes lampes, 1 instrument de paix, un reli-
quaire de S. Albert, 2 chapelets précieux, 3 statuettes, en ar-
gent; — 1 dais de velours cramoisi, 4 chasubles riches, 2
autres très belles, 33 communes, 10 chapes, 12 aubes de fin
lin, 60 communes, 3 tapis précieux.
Les 4 cloches qui font un harmonieux carillon ont été
consacrées par Mgr de Dol, le 19 août 1769.
La Bibliothèque est vieille et rongée.
Le couvent longe la rue du Moulin: au rez-de-chaussée,
magasin et sacristie; au 1er étage, grande salle de l'Uni-
— 141 —
versité, 3 chambres d'hôtes ; 2me étage, dortoir des jeunes
religieux. Deux ailes sont accostées à ce corps de logis et
forment un carré long autour du cloître.
Confrérie de N.-D. du Garmel, érigée en 1460 : la fête
patronale est la Nativité de la Ste Vierge.
Le personnel se compose de religieux prêcheurs, profes-
seurs et étudiants :
Eioi de la Bellangerie, docteur en théologie, prieur, —
22 mai 1789; Groleau, vicaire ; JéromeDavid, lerprofesseur;
Xavier de la Mothe-Fouquet, 2e professeur ; Aug. du Pont
de Badelio, procureur et définiteur ; Richard Mulot, sa-
criste ; Nicolas Lefrancois, secrétaire et vocal ; Claude
de Strasbourg, vocal ; Guill Letourneux, vocal ; Ange
Brossard ; Etienne-Charles Fourziier ; Cyr Lemailloux ;
Jean-Pierre Piel, ancien prieur ; Athanase Deliepvre, assis-
tant du R. P. Provincial ; Julien Lorre, discret; François
Mathurin Renouard, étudiant etc.
V. - CHARTREUX.
Paroisse St.-Donatien, aux faubourgs de Nantes,
— Charles de Blois fit dans l'antique chapelle des SS. Donatien et Roga-
tien, dite Chapelle-au-Duc, une fondation de six chanoines séculiers. Ce
sanctuaire, élevé sur le lieu du martyre de nos saints Patrons, était un des
plus vénérables de la ville de Nantes par son ancienneté (Ve siècle) et par
le souvenir glorieux qu'il rappelle. Le 13 oct. 1425, François II consentit
qu'il devînt une Chartreuse pour 13 religieux: une bulle d'Eugène confirma
la fondation pour Hervé du Pont, élu le premier prieur. Arthur III et
Catherine de Luxembourg, dont les cendres reposent dans la nouvelle
église, en sont les principaux bienfaiteurs.
R. En S.-Donatien, 2.863 * ; en S. -Clément et S.-Vincent,
1.905*; en Ste.-Croix, 1.912*; en S.-Viaud, 1.494*; en
Valletetla Chevrollière, 2.717 *; en la Rémaudière, 1.490 *;
rentes à Paris, 788 * ; constituts, 3.203 * etc. Total :
17.054.* Ch. 2.315 *.
- 142 -
L'église a été consacrée le 16 avril 1459, par l'évoque de
Laodicée; située sur le bord du grand chemin, elle se dé-
veloppe en le longeant dans une forme assez bizarre; la nef
et le sanctuaire sont vastes, mais le vestibule réservé au
public est fort petit. On y voit le tombeau d'Arthur III ;
elle est ornée de 22 tableaux. Autour de la grande nef,
rayonnent la chapelle du prieur et 12 autres pour les reli-
gieux, car chacun célèbre en môme temps.
Sacristie : 4 calices pour le maître autel, 12 autres pour
les religieux ; 1 ostensoir, 1 ciboire, 1 encensoir, 1 croix
processionnelle, 1 croix d'autel, 1 bénitier, 4 instruments de
paix, 1 crucifix, 13 paires d'orceaux, en argent, 2 reliquaires
de vermeil, 1 autre d'or; — 22 ornements complets, ;20
chasubles, 35 aubes. — Il y a deux cloches, dont l'une de
700 livres.
Le vaste enclos de la Chartreuse s'étend entre le bas che-
min du bourg de S.-Donatien et le grand chemin de Paris-
Les bâtiments forment une trrès gande cour intérieure ;
l'angle du N. 0. se prolonge vers l'établissement de
S.-Charles; à l'E. se trouvent les servitudes. Le tout, en
comprenant 2 jardins et 3 cours, couvre une étendue de 4
journaux de terre. La maison est double : 2 cloîtres, sur
lesquels donnent 13 cellules habitables, 2 réparables et 5
ruinées. Le P. Procureur, le frère lai et l'oblat logent ailleurs.
On tient 2 chambres à la disposition des hôtes. Dans la
salle du chapitre, il y a 13 tableaux; le réfectoire est orné
de boiseries, et de peintures d'un Christ.
La Bibliothèque se compose de 2 galeries : une bible ma-
nuscrite de 1379; vol. in-folio, 1.127; in-4°, 580; in-8°
et in-12, 1.054. En tout : 1.667 ouvrages.
Personnel : Le Prieur, 12 religieux, 1 frère lai et 1 oblat.
François L'Honoré, né à Hennebont en 1778, prof. 1748,
prieur.
Augustin Guéraud, né en 1747, prof. 1768 sous-prieur.
- 143 -
Nicolas Albergaty-Chapon, né
cureur.
François Boutherou, né en
Etienne Labottière, —
Jean-Baptiste Cléret, —
Jean Hallereau, —
E.-Maurice Thiébaud, —
Rog. GautiendelaFoy, —
Pierre Legouz, —
Antoine Brunet, —
Gabriel du Thoya, —
Thomas Arnaud, —
Nicolas Posnier,
Jean Charrié,
en 1735, prof. 1760, pro-
1725, prof. 1750.
1730,
— 1753.
1736,
— 1773.
1737,
— 1764.
1737,
— 1767.
1755,
— 1776, diacre.
1757,
— 1778, sacriste.
1756,
— 1783.
1762,
— 1788.
1760,
— 1789.
1740,
— 1772, convers
— 1730, attaché depuis 1778.
VI. — TRINIT AIRES, dits MATHURINS.
Paroisse de S.-Jean-le-Béré, près la ville de
Chateaubriant.
— En 1252, Geoffroy fonda cette Ministrerie, qui ne reçut la forme légale
qu'en 1612. L'ordre des Trinitaires, ëlabli dans le diocèse de Maux, vers la
fin du XIIe siècle par Jean de Matha et Félix de Valois, a pour but de rache-
ter les chrétiens captifs chez les infidèles ^ or la première maison qui exis-
tât en Bretagne fut celle de Chateaubriant. Geoffroy, ayant suivi noire bon
roi Louis à la Croisade, tomba entre les mains des Sarrazins et fut rachetée
par les Trinitaires ; son épouse eut tant de joie de le revoir qu'elle mourut
en l'embrassant. En reconnaissance de sa délivrance, le baron dota ces reli-
gieux sur son domaine.
Ils vivent de cette fondation et de quêtes.
Eglise : Le chœur est séparé de la nef par une grille de
fer. Au chevet est un tableau représentant la T.-Ste. Trinité.
Outre le maître autel, on voit ceux de la Vierge et de
S.-Augustin. Il n'y a qu'un confessionnal.
Sacristie : 2 soleils, 2 encensoirs, 2 ciboires, 2 calices,
2 paires de burettes, 2 ampoules, 1 croix processionnelle,
— 144 —
chandeliers, d'argent ; — 15 chasubles, 9 chapes, 2 dalma-
tiques, 10 aubes.
Les cloches sont petites : 203 1. et 148 1.
Bibliothèque : 474 ouvrages divers.
Ministre : François-Maurice Pichault, conseiller et prédi-
cateur ordinaire du Roi, général de l'ordre de la Trinité,
nomme à la Ministrerie de Châteaubriant D. Pierre Henri
Auger de S. -Germain, — 20 mars 1768.
Religieux : J. Maréchal, Bâlé, Trézel, A. Prérevé et
Rauqué.
VIL - DOMINICAINS, dits JACOBINS.
1. Paroisse de Sainte-Radégonde de Nantes.
— Étant venus a Nantes par ordre du Pape, pour voir le duc Pierre et
arranger les difficultés qui avaient surgi entre l'évêque et le chapitre d'un
côté et le duc excommunié de l'autre (1217), les Dominicains résolurent de
s'établir dans cette bonne ville. En effet neuf ans après ils revenaient pour jouir
d'une fondation, qu'avait faite en leur faveur André Sr de Vitré, fonda-
tion qui fut acceptée par Guillaume de Séguino, provincial de France, au
nom du B. Jourdain de Saxe, alors général de l'Ordre.
R. Maisons, 11.250 *; terres, 5.146 tt; rentes. 120 *; etc.
Total, 17.606 ».
Ch. Desservance de 304 messes chantées, de 1283 messes
basses; exposition du T.-S. Sacrement 3 fois la semaine;
salut etstabatle mercredi; rentes constituées, 590 tt; rentes
viagères, 1.158 tt.
Eglise : Elle brûla avec le couvent en 1410; mais la gé-
nérosité de l'évêque, du duc et des fidèles permit de recons-
truire ce que les flammes avaient détruit. On consacra le
nouveau sanctuaire le 19 octobre 1413. Le portail n'a été
achevé qu'en 1688. Très grande : le sanctuaire, le chœur,
la nef pour le public et un vaste et beau portique. L'autel
est de marbre, sous un retable à 6 colonnes avec un diadème
doré, la galerie supporte deux figures et un tableau qui
- 145 —
représente V Adoration des Mages; de chaque côté, enclavés
dans le retable, sont deux petits autels ; il y a 2 grands ri-
deaux qui peuvent recouvrir toute la façade de ce monu-
ment.
On voit encore les autels : 1° de N.-D. des Vignes, à
sauche, avec une table de communion à la romaine et un
retable en menuiserie ; 2° du S.-Nom de Jésus, à droite. Le
chœur qui s'ouvre entre deux grandes colonnes formant
retable, contient 16 stalles ; au pied de chaque colonne sont
deux petits autels, N.-D. de Pitié et N.-D. du Rosaire. Dans
la nef il y a encore les autels de N.-D. de Miséricorde et de
St. -Thomas, du Tombeau et du Tiers-Ordre ; enfin deux
autres, dont l'un dédié à la Véronique.
Tout près de la sacristie est une salle qui sert de cha-
pitre et de cimetière pour les religieux ; on y voit deux
pierres tombales ; il y a 4 et 5 châsses de plomb dons
les enfeus ; les chapelles de N.-D. des Vignes, du S.-Nom de
Jésus, de N.-D. de Pitié et du Tiers-Ordre sont des enfeus
de familles.
Argenterie : 2 ciboires, 2 calices, 1 soleil, 2 chandeliers,
1 croix, 1 bénitier, i paire de burettes.
Il y a un petit orgue près du sanctuaire ; le clocher, qui
est peu élevé, renferme 3 cloches.
Le courent a été rebâti en 1632. Le cloître est formé de
4 galeries de 13 toises sur 7, longeant le Port-Maillard. Au
côté de l'O. existe un autel extérieur servant de prédica-
toire ; sur une autre aile du cloître est une véritable chaire
à prêcher; il y a un petit jardin entouré par les galeries.
La plus belle pièce de la maison est le réfectoire : il est
boisé jusqu'à la hauteur des fenêtres, les tables sont ran-
gées tout autour ; l'ornementation consiste en 8 tableaux,
un christ et une chaire de lecteur. Il faut aussi faire men-
tion du grand parloir, où se reçoivent les personnes hon-
nêtes, qui font visite aux religieux. Outre les cellules de
chacun, on compte 2 chambres d'hôtes, dont l'une sert
1881 10
— 146 —
au Provincial. Les appartements du Prieur sont meublés,
en considération des services éminents qu'a rendus le
P. Maury.
La bibliothèque contient 2,714 vol. et un manuscrit de la
Bible de 1500.
La communauté comprend les religieux résidants, les
novices et les étudiants. L'Ecole de Théologie est une des
meilleures de France.
Personnel: PP.
Charles Maury, professeur en théologie, ex-vicaire, ex-
provincial et commissaire général, élu prieur le 19 mai
1787;
Jean-Baptiste Trotel, vicaire et commissaire général, pré-
cédemment général, plusieurs fois prieur du couvent,
conseiller ;
Mathurin Panaget, professeur en théologie, secrétaire du
conseil, sous-prieur depuis 1787 ;
Marcellin-François Daniel, conseiller et pro-secrétaire ;
François Mallet, conseiller ;
Guillaume Le Cam, conseiller ;
Urbain -Pierre Joyeau, du d. d'Angers, ord. 1789,
conseiller ;
Jacques L'Again, lecteur de philosophie , conseiller,
maître des novices ;
Jean-Jacques Launoi, professeur en théologie, conseiller,
procureur depuis 1788 ;
Louis-Guillaume Lezé, de Château-Gonthier, conseiller,
procureur supplémentaire ;
Julien Tissot, ancien sous-prieur et maître des novices ;
René Ouyce, contrôleur ;
Michel Doizé, professeur en théologie, prédicateur gé-
néral;
Jean-Baptiste Voirel, professeur en théologie ;
Jean Baz, professeur en théologie, ord. en 1789 ;
Joseph Le Maître, de Dinan, ord. en 1789 ;
— 147 -
Jean- Joseph Sébillot, sous-diacre, étudiant en philosophie ;
Aug.-René Roger de la Marre, vêtu le 1er janv. 1789.
FF.
Jean Hervouet, gérant de l'office de la sacristie;
Jean Cottie, infirmier ;
François Sottin, dit fr. Thomas, oblat du Tiers-Ordre,
attaché depuis 1787.
2. Paroisse de Guérande, faubourg de Bizienne.
— Le duc JeanV avait obtenu du pape l'autorisation de bâtir une maison
de Jacobins, au faubourg de Guérande, dès l'an 1406 -, mai-s le Chapitre du lieu
y mit obstacle. Cependant, le 16 mai 1409, on posa la première pierre du
couvent, après avoir accordé audit Chapitre 4,000" d'indemnité. Les bulles
pontificales furent obtenues et adressées à Gatien, év. de Quimper. Deux
rois de France prirent les religieux sous leur protection.
On ne connaît point ni les revenus ni les charges de ce
prieuré.
L1 Église , consacrée en l'honneur de S. Yves, le 9 sept. 1440
est séparée en deux corps bien distincts : dans le corps
majeur, le chœur avec les stalles, une chaire, un orgue à
jeux et le maître autel ; dans le corps mineur, l'autel de la
Vierge et 4 confessionnaux. Ce sanctuaire a été bâti sur
l'emplacement d'une ancienne chapelle.
Le couvent est situé au faubourg de Bizienne. On re-
marque dans le réfectoire 2 tableaux : la Cène et le Christ.
Il y a 2 dortoirs : l'un de 4 cellules et l'autre de 9. L'enclos
du monastère renferme un pressoir, une basse-cour, un
étang, 4 jardins et des prairies.
Personnel :
Fidèle-Marie Paris, né à Rennes, 1753, ord. à Moutiers
1777, prieur.
Louis -René Thoby, né à Guérande, 1751, ord. à Angers,
1766, ex- professeur de théologie.
François-Louis Guinguenet, né à S.-Brieuc, 1756, ord. à
S.-Malo, 1784.
Salien, né à Metz, 1746, ord. à Vannes, 1786.
— 148 —
VIII. - CORDELIERS
1. — Paroisse de St-Léonard de Nantes.
— Los Cordelicrs résidaient a Nantes dès le milieu du XIIIe siècle, ha-
bitant une maison provisoire. La bienfaisance des seigneurs de Rieux fonda
leur couvent en 1296, et leur donna un local, situé entre St-Léonard et
JNotre-Dame, ainsi que la chapelle dédiée h St Michel, archange.
R. 39 fondations, (32.18 »; rentes, 3.500 ».
V Église de St-Michel, reconstruite, fut consacrée, le 22
sept. 1332, par l'év. Henri -, dans la suite, cet édifice re-
çut de grandes modifications, surtout dans ses proportions.
On y remarque entre autres 2 tombeaux : ceux de Jeanne,
épouse d'Olivier de Clisson (1329), et de Jean de Bretagne,
comte de Richemont (1333). Sous les dalles, se trouvent
12 châsses de plomb, renfermant les cendres des bienfai-
teurs.
Sacristie : 5 calices, 3 ciboires, 2 soleils d'argent, etc.
La sonnerie se compose de 3 cloches.
La maison peut contenir 20 religieux. Il y a deux cham-
bres d'hôtes et une infirmerie. Les cellules des religieux
sont meublées à leurs dépens, « chacun s'étant plu à orner
sa retraite, du fruit de ses épargnes, qu'il regarde comme
le sanctuaire de son bonheur. » L'enclos est borné par la
rue des Pénitentes, la rue des Caves, la promenade des
Comptes et les murs de la ville.
Personnel :
Pierre Etienne, doct. en Sorbonne, né en 1735, prof.
1734, ancien provincial de Rennes, gardien.
Julien Loiseleur, né en 1751, au d. de Rennes, prof. 17G7,
doct. en théologie, père do Province, proministre provincial
de Touraine.
François Majeunc, né en 1753, au d. du Mans, prof. 1776,
doct. en théologie, père de Province, procureur.
- 149 -
Jean Baly, né en 1753, au d. d'Orléans, prof. 1751, défini -
teur ; Christophe Aubry, né en 17G5 à Craon, prof. 1765, ex-
définiteur et gardien ; Gilles-Epiphane Goret de la Cornillais,
né en 1745 à Fougères, prof. 1764 ; Jean Sartre, né en 1747,
à Angoulème, prof. 1771, maître des novices; Honoré Robin,
né en 1765, à Paulx, prof. 1785.
Jean Brochard, né en 1765, à Montaigu, prof. 1784.
Jean Martin, né en 1765, à Laval, prof. 1787, sacriste.
11 y a de plus un jeune homme, qui a fait un an de novi-
ciat, mais qui n'est point encore profès.
2. — Paroisse de St-Cyr, trêve de Bourgneuf.
— Gérard Chabot, seigneur de Macbecoul et de Bourgneuf, de concert
avec Aliénor de Thouars, son épouse, fonda le couvent des Cordeliers
à Bourgneuf, dans la paroisse de St-Cyr $ ils y furent inhumés.
R. 1.084 «.
Uèglise est vaste et très propre : il y a dans le choeur le
tombeau des fondateurs.
Sacristie: 1 soleil, 1 ciboire de vermeil, 3 calices, 2
paires de burettes, 2 statuettes de la Vierge, 1 petite croix
d'argent, 1 chef en bois argenté, 4 ornements complets.
Personnel : R. P. Denis Brun, définiteur perpétuel, gar-
dien démissionnaire, retiré à St-Florent, où il sert d'aumô-
nier aux religieuses, depuis quelques mois.
F. Louis Benoit, de Chaumont, né en 1748, prof. 1770.
3. — Paroisse de la Trinité de Clisscn.
— Olivier de Clisson mourant à Josselin, le 13 avril 1407, fondait le cou-
vent des Cordeliers dans sa ville natale. Marguerite sa fille y établit des
Franciscains de l'étroite observance trois ans après. Dès 1415, le gardien
assistait an concile de Constance.
R. Il n'y a point de rentes proprement dites : les reli-
gieux vivent de quêtes et d'aumônes. Les fondations rap-
portent 100 ft ; la location des deux maisons, 825 #.
— 150 -
Uéglise a une grande nef et une nef latérale ; l'entrée
donne sur un large vestibule, dans la rue des Cordeliers.
Au-dessus de la porte principale est la statue du titulaire,
saint Bonaventure ; on y vient en pèlerinage avec des
enfants.
Mobilier : On peut mentionner 7 chasubles, 4 dalma-
tiques, 10 chapes, 19 aubes ; — 1 soleil, 1 ciboire, 1 custode,
4 calices, 1 encensoir, 1 paire de burettes en argent ; — 2
cloches, 1 horloge.
Le couvent est bâti avec simplicité et régularité, sur la
rive droite de la Sèvre, dans un site ravissant, au fau-
bourg et paroisse de la Trinité : il se compose d'un grand
corps de bâtiment parallèle à l'église et relié à celle-ci par
deux ailes pour former la cour intérieure du cloître.
Bibliothèque : 150 vol.
Personnel :
André Barat, né en 1725, prof. 1742, gardien ;
Gilles-François Le Mauviel, né en 1763, prof. 1786, pré-
dicateur;
Gabriel Piveteau, né en 1764, prof. 1789, confesseur ;
François Gillet, né en 1735, prof. 1752, frère lai.
4. — Paroisse de Savenay.
— Les Cordeliers s'établirent à Savenay en 1419, grâce à la libéralité
de H. et P. seigneur de Rieux. Des lettres ducales de Jean V, datées du
17 mai, le consentement du curé de Savenay, et la permission du chapitre
de Nantes, Sede vacante, régularisèrent cette pieuse fondation.
R. 944 *. Le bénéfice de l'Ecurais, chargé d'une messe
par semaine et qui rapporte 227 tt, se dessert dans l'église
conventuelle.
Église : (XIIIe siècle) elle a 14 toises de long. La chapelle
St-Antoine y est attenante. Le clocher a deux cloches et
une horloge à carillon, qui sert à toute la ville. On re-
— 151 -
marque dans l'église le tombeau de Guy de Rieux, vicomte
de Donges (1637).
Sacristie : 2 calices, 1 soleil, 1 ciboire, 1 paire de bu-
rettes et son plateau d'argent ; — 9 chasubles, 17 chapes,
19 aubes.
Au devant du couvent, il y a une cour d'honneur, qui
conduit à l'église, au chapitre et à la porte d'obédience. Il
y a un grand dortoir de 7 cellules, et un autre composé de
3 chambres pour domestiques, un pavillon et deux cham-
bres d'hôtes.
Près le cloître sont les écuries, les granges et la basse-
cour et les appartements des détenus.
On voit une belle terrasse de 17 pieds de largeur longeant
le grand dortoir : la vue s'étend sur le grand jardin, qui
est en bas et sur les campagnes d'alentour.
La bibliothèque, qui est près de la chambre du P. Gar-
dien, ne se compose que d'une centaine de volumes.
Personnel : il comprend 8 religieux, 4 détenus et 3 do-
mestiques.
René-François Courtois, né le 19 juin 1742, gardien.
François-Jacques Salmon, né en 1748, prof. 1773.
François Moëssard, — 1715, — 1737.
Louis Marsac, — 1758, — 1872.
François Moénard, né à Pontchâteau.
Pierre Méchinaud, né en 1740, prof, frère lai.
Un autre frère lai, qui n'est que novice.
Quelques-uns de ces religieux se trouvent momentané-
ment absents.
5. — Paroisse d'Ancenis.
— L'an 1448, fut commencé à bâtir le couvent des Cordeliers d'Ancenis
aux abords de la ville, par la générosité de la veuve de Jean de Rieux, ba-
ron d'Ancenis ; les bulles de Rome, qui confirment cette nouvelle fonda-
tion franciscaine, sont signées de Nicolas, et datées du 13 novembre.
— 152 -
Les revenus sont inconnus, s'il y en a toutefois.
Véglise est dédiée à St François, patron et instituteur de
l'Ordre.
Il y a 2 sacristies : Tune pour les religieux et l'autre pour
les dames du Tiers-Ordre. Dans le chœur se voit le tombeau
de Jean de Rieux. Une grille de fer le sépare de la nef, où il
y a 4 confessionnaux et un orgue ; deux chapelles latérales
forment les bras de l'édifice.
Sacristie :2 ciboires, 2 calices, 1 ostensoir, 1 croix, 4 or-
ceanx, 1 encensoir, 1 plateau, 1 bénitier, 1 lampe et 2
chandeliers d'argent.
La maison, qui est faite pour 18 à 20 religieux, a comme
dépendances un pressoir et des écuries.
Personnel :
Ant.- Alexis Guitton, maître en sacrée théologie; né en
1739, gardien ;
Nicolas Bernard, né en 1727, ex-gardien, définiteur perpé-
tuel ;
Charles Lafond, né en 1742, ex-gardien, directeur du
Tiers-Ordre ;
Alexandre Despéroux, né en 1742 ;
Charles-Louis Hayer, né en 1746, affilié à Laval ;
Louis Loriau, né en 1756, frère lai.
6. — Paroisse de Ruffigné.
— Geoffroy, sgr. de Gliâteaubriant, (onda (XIe. siècle) la chapelle de Si-
Martin, dans la forêt de Teille. Albert de Morlaix rapporte la fondation a
l'année 1207, mais Geoffroy mourut 19 ans plus tût. Celte chapelle ainsi
dolée fut donnée aux Frères mineurs, dans le commencement du XVe siècle.
Ils y bâtirent un couvent, l'an 1428. Les Cordeliers réformés remplacent ces
premiers religieux depuis 1750. Ce couvent, situé dans la forêt de Teille,
relève du territoire de Ruffigné.
R. On vit d'aumônes et de quêtes. On a droit à 400 fagots
— 153 —
et 4 pieds d'arbres par an, pris dans la forêt qui appartient
au prince de Condé.
Église : elle remonte au XIIIe siècle. Grande et spacieuse,
très bien ornée; mais le chœur est petit. Le clocher a
une belle sonnerie de 4 cloches et une horloge à répéti-
tion.
Il y a un cimetière auprès du cloître.
Sacristie : 3 calices, 1 ciboire, 1 custode, 1 croix proces-
sionnelle, i encensoir, 2 ampoules d'argent ; 23 chasubles
et dalmatiques, 6 chapes.
Le couvent fut bâti en 1428 : 16 chambres de religieux et
d'hôtes, et une chambre double pour domestiques. Il y a
pressoir, boulangerie, jardin, cour, grange et écurie. On
reçoit les étrangers et l'on donne des soins aux malades.
Bibliothèque : 800 à 1.000 vol.
Personnel :
Louis Pinaud, né en 1745, prof. 1768, ord. 1769, affilié à
Savenay, gardien ;
René- Jean Salmon, né en 1740, prof. 1753, ord. 1759;
N. Tanchan,né en 1740, ord. 1792, prof. 1761 ;
Julien Le Boucher, né en 1740, prof. 1762, frère lai;
Jean-Pierre Paillard, né en 1749, prof. 1768, frère lai.
IX. - RÉGOLLETS
— Le premier projet d'établissement date de 1615; deux ans après, les
Récollets renouvelèrent leurs instances, et, en 1618, ils se fixèrent, sous le
nom de Pères Douillets, au faubourg de Vertais près le pont Brize-bois. La
ville leur accorda 600 * (]0 rentes, à cause de leur indigence ; l'évêque,
Charles deBourgneuf, favorisa le commencement de cette maison.
Véglise a un maître autel et 4 petits; dans la cour d'en-
trée à l'intérieur, il y en a un sixième; elle est meublée de
6 tableaux, d'une chaire et de 5 confessionnaux ; sa forme
— 154 —
est un rectangle allongé avec des chapelles latérales à
gauche.
Sacristie : 2 ostensoirs, 4 ciboires, G calices, 2 custodes,
1 bénitier, 2 paires de burettes, 2 encensoirs, 2 reliquaires,
3 croix, un bâton de chantre, 2 chandeliers, 2 ampoules
aux saintes huiles, le tout d'argent; 1 soleil, 1 ostensoir de
vermeil, 4 calices dorés ; — 22 chasubles et dalmatiques, 7
chapes, 50 aubes, 24 surplis, 17 chasubles simples , 19 chapes
noires.
Les h aliments forment deux carrés dont l'un figurant avec
l'église fait le cloître. Salles communes, cellules, 10 cham-
bres d'hôtes, infirmerie de 4 lits. On regarde comme
magnifique la plantation d'arbres, qui longe le cours
d'eau, et comme excellents les jardins qui entourent la
maison.
Bibliothèque : 1.500 volumes.
Personnel : PP.
René-Laurent Baudoin, Sauveur de Rennes, né en 1743,
prof. 1761, gardien ; René Gilbert, René de Ste -Croix
d'Angers, né en 1725, prof. 1742, définiteur ; Armel Poues-
sel, Hermel de Rennes, né en 1722, prof. 1740, ex-provin-
cial ; Valérien Gicquel, de Fougères, né en 1724, prof., vi-
caire ; Michel Melay, Juvénal d'Avranches, né en 1731,
prof. 1753, maître des novices ; Joseph Bouchel, Placide de
Ste-Croix d'Angers, né en 1738, prof. 1755, ex-gardien;
Jean-Pierre Bolteau, Rogatien de St-Sébastien-d'Aigne,
né en 1743, prof. 17G3 ; Julien Allory., Jean-Baptiste de
Rennes, né en 1754, prof. ; Jean-Gabriel Sauvé, André
d'Avranches, né en 1758, prof. 1767.
FF.
René Philippon, Bonaventure de Doué, né en 1737, prof.
1757; Jean Bigeard, Pascal du Fuilet, 1729, prof. 1757;
Claude Bonnet, Dominique de Fontevrault, né en 1756,
prof. 1780 ; Pierre Boisson, René de St-Michel du Tertre,
né en 1761, prof. 1784 ; Pierre Aubin, Aubin du Mans, né
- 155 —
en 1755, prof. 1787; Pierre Gâté, Charles d'Angers, né en
1750, prof, 1779, tertiaire.
X. — CAPUCINS
1. — Paroisse de St-Nicolas de Nantes.
— Les religieux franciscains, dits Capucins, vinrent à Nantes en 1593 ;
ils se logèrent d'abord au faubourg du Marchix, dans le local qui fut
acheté plus tard par les Cordelières de Ste-Elisabeth ; c'est le duc de
Mercœur, qui leur avait donné ce premier établissement. Le Souverain
Pontife leur ayant accordé un bref spécial, on se passa du consentement
du Chapitre de la ville. Le 7 novembre 1629, ils prirent possession de
leur couvent de la Fosse, qui ne fut achevé que l'aunée suivante. Les
religieux qui l'habitent sont dits Grands Capucins, par opposition a ceux
qui occupent le petit couvent de l'Ermitage en Chantenay.
Église : vaste et très belle, consacrée par Mgr de Cos-
péan,20déc. 1631. Il y a trois parties distinctes : le choeur,
la nef et le portique réservé aux fidèles. Le cloître y est
adossé. L'entrée fait face à la rue des Capucins.
Mobilier : 8 calices et 9 patènes, 1 soleil, 2 ciboires, 1
custode d'argent ; 20 aubes etc.; — 1 cloche.
Il y a une maison d'études.
Personnel : PP.
Jean-Sylvestre Le Quénec, Joseph de Vannes, né en 1744,
prof. 1764, gardien ; Toussaint-Georges Richard, Paul-
Marie de Rennes, né en 1731, prof. 1750, vicaire ; Pierre-
René Baudry, Ambroise de St-Brieuc, né en 1717, prof.
1734, prédicateur ; Vincent Richard, Pacifique de Rennes,
né en 1730, prof. 1740 ; Michel-François Herpe, Dosithée de
Guémené, né en 1733, prof. 1764 ; Jacques-François Genu,
Jean-François de Guingamp, né en 1749, prof. 1773 ; Noël-
Yves Fraboulet, Séverin de Corlay, né en 1749, prof. 1779 ;
Jean-Pierre Blandin, Marc de Janzé, né en 1756, prof. 1776,
professeur de théol.; Jean-Marie Quennec, Cyprien de
— 15G —
Vannes, né on 1763, prof. 1785, étudiant; Mathurin Preux,
Mathurin de St-Brieuc, né en 17Gl,prof. 17S0; Jean Le
Lagadec, Corentin d'Audierne, né en 1705, prof. 1780;
François-Jérôme Tournois, Romain de Dinan, né en 17G5,
prof. 1780 ; Guillaume-Marie Gajan, Casimir de Qnimper,
né en 17G3, prof. 1784, étudiant.
FF.
René-Joseph Legrand, Hyacinthe de Redon, né en 1725,
prof. 1748; Pierre Stéven, Didace de Vannes, né en
1725, prof. 1750 ; Sébastien Artaud, Edouard de Nantes, né
en 1734, prof. 1755 ; Louis Roux, Luc de Redon, né en
1740, prof. 1760 ; Louis Pommieré, Louis de Quintin, né en
1737, prof. 1763 ; Guillaume Hydrio, Modeste de St-Brieuc,
né en 1740, prof. 1765; Charles Béranger, François de
Nantes, né en 1736, prof. 1788, tertiaire.
2. — A l'Ermitage, paroisse de Chantenay.
— Les Capucins du grand couvent commencèrent dès 1622 leur hospice
de V Ermitage dans la banlieue de la ville, sur le coteau de Misery, terrain
que leur avait concédé le seigneur de ia Hautièrc : il devait contenir 12
religieux. Bâti sans autorisation royale, il était condamné a être démoli,
depuis le décret de 1668 ; mais comme on avait servi à Louis XIV de
bonnes raisons, et que lui-même avait été reçu par les religieux de l'Er-
mitage, l'hospice fat heureusement épargné.
Ce couvent, appelé des Petits Capucins, est assis sur un rocher domi-
nant la Loire, au bout de la Fosse. Des fenêtres, des terrasses et des jar-
dins superposés, la vue s'étend magnifique au loin.
L'église, quoique petite, est fort belle et bien ornée ;
elle est régulièrement orientée ; elle est dédiée à
St François. 11 y a une chapelle latérale en l'honneur de
St Antoine. Un calvaire orne l'entrée de la place qui sert
d'abord à la maison.
Mobilier sacré : 1 calice, 1 soleil, 1 ciboire, 1 croix d'ar-
gent ; — 4 ornements complets avec chapes, 1 chape noire ;
— 1 horloge et des cloches.
— 157 —
Bibliothèque : 1.5G4 vol.
Personnel : PP.
Mathurin Foulon, Eusèbede Pairapont, né en 1743, prof.
1746, gardien; Guillaume Le Méhauté, Pacifique de Cor-
lay, né en 1747, définiteur; René Mouillard, Dosithée de
Lamballe, né en 1746, prof. 1766, vicaire; Jos.-Céleste-Hya-
cinthe de la Vicomte -Cauchard, François-Marie de St-
Malo, né en 1718, prof. ; Simon-Joseph Rioche, François de
Bécherel, né en 1774, prof. 1778.
FF.
Michel Chanquier, Raphaël de Morlaix, né en 1758, prof. ;
François-Xavier Guignard, Albert des Sables, né en 1738,
prof. 1788.
3. — Paroisse du Croisic.
— Lacroix des Capucins fut plantée au Croisic le 19 août 1618, et, le 29
juillet de l'année suivante, le marquis d'Assérac posa la première pierre du
couvent. Le chapitre de Guérande avait consenti à l'établissement des
religieux.
On n'a pu relever les revenus et les charges, l'inventaire
de la maison faisant défaut.
L'église, fondée en 1618, est dédiée à St Antoine de
Padoue.
Personnel :
François-Maurice Patin, Ferdinand de Rennes, né en
1749, prof. 1770, gardien ; Jean Auffray, Joseph de St-
Brieuc, né en 1753, prof. 1776 ; Grégoire Vénard, Fortu-
né d'Ancenis, né en 1762, prof. 1783 ; François Lion, Ma-
thurin de Lude, né en 1759, prof. 1786, frère lai.
4. — Paroisse de Ste-Croix de Machegoul.
— L'établissement remonte a l'année 1579.
V église a une chapelle qui donne dans le chœur ; elle a
un clocher et une horloge.
- 158 -
Sacristie : 3 calices d'argent, etc.. ; — 12 ornements, 3
chapes, etc..
La maison comprend 24 cellules pour les religieux et 2
pour leurs domestiques, 2 réfectoires très vastes ornés de
7 tableaux, 1 chauffoir, 1 bibliothèque, 1 jardin et verger.
Le cloître est très beau ; le parloir donne sur la cour, de-
vant l'église. L'enclos couvre 3 arpents de terrain.
Bibliothèque : 182 vol. in-f°; 134 in-4° ; 130 in-12.
Personnel :
J.-B. Leozeau, Bernard de Châteauneuf, né en 1725,
prof, gardien ; Pierre Provost, Julien de Quintin, né en
1748, prof. 1770, vicaire ; Jacques-Louis Bezard, Alexis de
Marnes, né en 1742, prof. 1782; Fidèle Burguen, Marc
d'Auray, né en 1754, prof. 1782; Louis-Pierre Saudreux,
Laurent de Pordic, né en 1764, prof. 1785, frère lai.
XI. - MINIMES
Paroisse de St-Clément de Nantes.
— Les frères mendiants, appelés Bonshommes et ensuite Minimes, que
la Reine Anne de Bretagne venait de gratifier d'une maison, arrivèrent a
Nantes et habitèrent d'abord sur la Fosse le local que devaient occuper
plus tard les Capucins. Le 27 juillet 1589, ils entrèrent en possession de la
Chapelle de St- Antoine de Padoue et des bâtiments et jardins que leur avaient
octroyés, à Richebourg, François II, duc de Bretagne, et Charles VII de
France, avec la permission toutefois de Philippe de Bec, év. de Nantes.
Henri IV, en 1598, confirma la fondation avec la défense expresse de men-
dier.
R. Rentes foncières et constituées, salines, maisons de
ville et de campagne ; total . 6.951 tt.
Cli. 1.358 «.
Dettes actives, 2.586 tt; dettes passives, 4.475 «.
L'église, qui remplaça la vieille chapelle ducale, fut
achevée en 1635. Très belle, style gothique ; 3 nefs ; riches
verrières au chevet.
— 159 —
Sacristie. Reliques : bustes de bois doré de St Vincent
et de St François de Paule ; une grande figure de vierge en
bois doré ; une belle niche de même matière, au fond de
laquelle il y a une gloire pour l'exposition; un reliquaire
de St-François de Paule, en argent. — Ornements : 28 cha-
subles, 14 chapes, 2 tapis, 1 dais brodé argent et soie, 25
aubes, 23 surplis. — Vases sacrés : 1 calice, 1 soleil de
vermeil, 2 calices, 1 ciboire, 1 encensoir, 1 bénitier et son
goupillon, 1 croix processionnelle, 2 chandeliers, ampoules
et burettes d'argent.
Le couvent, dû. aux largesses de M. de Mercœur, fut ter-
miné en 1593. Les dépendances, jardins et cour, sont de 2
journaux. Les religieux ont une maison de campagne à
la Roche.
Bibliothèque : 526 vol. in-f° ; 136 in-4° ; 1306 in-8° ; 184
in-12.
Personnel :
Philippe Chérière, né en 1723, prof. 1739, correcteur de-
puis 1789; Jean-Charles Saint-Blancard, né en 1738,vprof.
1755, ex-provincial; Joseph Salogne, né en 1740, prof.
1757, assistant du provincial ; René-Marie Alix, né en
1755, prof. 1774, sacriste et vocal; René-Alexandre Bou-
rot, né en 1754, prof. 1776, vocal; Jean-Baptiste Coè'ffe-
teau, né en 1754, prof. 1779.
XII - FRÈRES DES ÉCOLES CHRÉTIENNES.
Paroisse St-Similien de Nantes.
- Un arrêté du conseil fixe leur établissement, dans les fossés Mer-
cœur (1743), pour faire les écoles gratuites aux enfants da peuple et tenir
un pensionnat. Ils sont de la congrégation du V. de la Salle, dits Frères
ignorantins.
La maison est située entre les enclos du Calvaire et de
Ste- Elisabeth; c'est un long bâtiment avec une cour au
.._ 160 -
devant, donnant sur la rue Mercœur. Elle comprend 17
pièces : 2 parloirs, 1 salle de musique, 2 classes pour les
pensionnaires, 2 autres pour les externes, 8 chambres de
religieux, 5 dortoirs de 21, 19, 17, 4 lits et de plusieurs
couchettes, l'infirmerie. Il y a en outre un préau, 1 basse -
cour et un jardin.
La chapelle, dédiée au Verbe incarné, est située auN. ; le
mobilier est estimé 600 tt, sans compter un calice d'argent.
Un vicaire de St-Similieny vient célébrer chaque matin.
L'école de charité compte 230 enfants; le pensionnat, 70;
les frères sont au nombre de 9, dont 6 professeurs.
Personnel :
Jean-Antoine Barbin, dit en religion Josaphat, directeur;
Martin Lelarge, sous-directeur; Philippe-Joseph Colin,
professeur et surveillant des dortoirs; Jean-Baptiste-Joseph
Wallard, id. ; Pierre Fresnoy, id.; Philippe Brisard, profes-
seur des écoles de charité; Louis-Auguste Dolegez, id;
Claude-François Lartier, id. ; Louis-Joseph Bocquillon,
attaché au service de la maison.
XIII. - JÉSUITES
Paroisse St-Vincent de Nantes.
— Le 25 sept. 1C61, avec la faveur du roi en passage à Nantes, les PP.
de la Compagnie de Jésus obtinrent de s'établir dans un des faubourgs de la
Ville : ils ne profitèrent de cette permission que deux ans après, les négo-
ciations avec l'évêché et la commune ayant été très longues. Enfin ils
louèrent une résidence près le Don-Pasteur, pour desservir un hospice.
Quelques années plus tard (1671), ils achetèrent l'hôtel de Briord, malgré
le recteur et le général de St-Vincent, mais dûment autorisés par l'évêque,
afin d'y fonder une Retraite pour les] hommes : le P. Nicolas d'Harrouis
en fut le premier supérieur.
Depuis 1772, époque à laquelle le trop fameux de La
Chalotais expulsa du royaume les membres de la sainte et
pieuse Compagnie, ceux de Nantes ont quitté leur local.
— 161 —
En 1777, M. de Mélient ayant reçu des lettres patentes
pour faire desservir cette maison si utile, par des prêtres
séculiers du choix de l'Ordinaire, le Présidial de Nantes
• *
s'opposa à ce rétablissement.
Les bâtiments sont vastes et bien distribués ; l'enclos
s'étend entre les rues de Briord et du Moulin.
Il y a deux chapelles, dont l'une à l'intérieur et l'autre
sur la rue.
1881 11
COMMUNAUTÉS DE FEMMES
I. - CLARISSES
Paroisse de St-Vincent de Nantes.
La première maison de Bretagne, où s'introduisit la réforme de Ste Co-
lette, fut l'abbaye des Stes-Claires, a Nantes. Le pape Calixte III permit au
duc François et a son épouse, la bienheureuse Françoise d'Amboise (1455),
d'établir un couvent de 18 religieuses qui auraient pour confesseurs et mi-
nistres 6 pères franciscains, dits Récollets. Les pauvres dames arrivèrent
dans notre bonne Ville avant l'achèvement du monastère ■-, aussi demeu-
rèrent-elles provisoirement au Château, chez leur généreuse fondatrice,
jusqu'à ce qu'elles fussent mises en possession de l'hôtel de Rorhefort, 5
août 1457.
Elles vivent d'aumônes et n'ont point de revenus.
Chapelle : 3 confessionnaux, 1 chaire et trois tableaux
ornent l'intérieur; 1 soleil de vermeil, 3 calices, 2 ciboires,
1 encensoir, 1 croix d'argent ; — 27 chasubles, 6 chapes,
60 aubes.
L&maison contient 32 cellules; elle est située à l'angle
de la rue des Saintes-Glaires et de celle de St^ Vincent, sur la
paroisse de ce dernier nom. Un petit jardin y est attenant.
Bibliothèque : 100 vol. de piété.
Personnel. Mères de chœur :
— Î64 —
Françoise Cosson, Adélaïde de St-François, née à St-Sa-
turnin 1735, prof. 1754, élue abbesse en 1788; Olive-Fran-
çoise Couenier, Claude de St-Tiburce, née à Laval 1730,
prof. 1751, vicaire; Thérèse Charrier, St-Jean de la Croix,
née 17G0, discrète; Catherine Constans, Elisabeth de Ste-
Célestine, née 1713 ; Claude Goutelle, Agathe de St-Edme,
née au Fougeray, 1703, prof. 1744, discrète; Jeanne-Rose
Cotelle, Françoise de St-Germain, née à Rennes, prof. 1752;
Catherine Durand, Agnès de St -Sixte, née à la Mothe-Achard,
prof. 1754; Jeanne-Marie Mellaerts, Gertrude de Ste-Claire,
née à Malines, prof. 1755 ; Anastasie-Sara Ellis, Elisabeth
de St -Louis, née à St-Nicolas, prof. 1757; Françoise Monsail-
lier, Rosalie de St-Barnabé, née à Laval, prof. 1761 ; Marie-
Elisabeth Mercier, Marie de Jésus, née à l'Ile-Dieu, prof.
1767 ; Marie-Françoise Sacré, Thérèse de St-Antoine, née à
Liège, prof. 1770; Rose-Renée Drouet, Joseph de St-Ray-
mond,née à Rennes, prof. 1773; Françoise Duvau, Séraphine
de Jésus, née à Ligné, prof. 1776 ; Louise Rigaudoau, Claire
de St-François, née à Tiffauges, prof. 1776; Renée-Olive
Guichard, Colette de Ste-Rosalie, née au Pouliguen, prof.
1777; Monique-Désirée Arondel, Louise de St-Victor, née à
St-Saturnin, prof. 1779 ; Anne-Laurence de Vay, Marie des
Anges, née à St-Laurent, prof. 1782; Marguerite Busson-
nière, Thérèse de St-Mathurin, née à Angers, prof. 1786 ;
Marie-Françoise Bertho, Marie de Jésus, née à St-Nazaire,
prof. 1786 ; Françoise Pinard de Giraubeaux, Scholastique
de St-Antoine; Thérèse-Pétronille Vermarien, Rose des
Chérubins; Anna Beelinks, Catherine de Jésus, née à An-
vers, entrée à Nantes 1785; Marie-Thérèse de Wité, Thérèse
de Jésus, née et prof, à Anvers, entrée à Nantes 1785 ; Isabelle
Vanderlinden, Isabelle de Jésus, née et prof, à Malines,
entrée à Nantes 1786; Marie Vandamme, Angélique de
St-Antoine, née à Gand, entrée à Nantes 1787 ; Anne-
Catherine Van-Dick, Christine de Jésus, née à Rotterdam,
entrée à Nantes 1789; Marie-Anne Mainguy, Dorothée
— 165 —
de St-Jean-Baptiste, postulante ; Louise Gicquel-Rous-
sière, Béatrix, id.
Sœurs externes : Sophie- Adélaïde Gaucher, Augustine,
née à Séez, prof. 1786; Renée-Marie Recour, née à Château-
neuf, prof. 1775; Anne-Perrine Langevin ; Marie-Made-
leine Galipaud ; Anne -Marie Buel ; Catherine Druneau.
PP. Confesseurs et ministres : Louis Dodet, Archange,
aumônier, 1779; Jean-Baptiste Ménière, Albert, prédica-
teur, 1787; Ànt. -Nicolas Lionnet, Basile, confesseur,
1764 ; Jean-Philippe Debrest, Nicolas, frère lai.
II. — CARMÉLITES DÉCHAUSSÉES
Paroisse de St-Denis de Nantes.
— Les religieuses de la Réforme thérésienne, ayant obtenu des lettres
d'autorisation pour s'établira Nantes, dans la rue St-Gildas, 8 février 1618,
demandèrent la concession de la Chapelle aux paroissiens de St-Denis, par
l'intervention de la reine-mère : on la leur accorda, pourvu qu'elles s'en-
gageassent à construire une nouvelle chapelle de St-Gildas, ouverte au
public. La fondatrice de cette maison est Mme du Breil de Champcartier.
C'est- le 22 avril 1619 que les Carmélites prirent possession de l'hôtel de la
Bretont)ière •, les premières arrivées étaient descendues provisoirement au
Sanitat, sur la Fosse.
R. 8.171 *. Ch. 1.597 *. Dettes à recouvrer, 2.973 *.
Église vaste et bien éclairée par le chevet ; belle façade
sur la rue. On y dessert 720 messes de fondations. La son
nerie est de 3 cloches.
Sacristie : 6 calices, 4 ciboires, 2 ostensoirs, 3 paires
de burettes, 1 croix processionnelle, 1 petite croix, Hampe,
2 encensoirs, 8 chandeliers, 2 reliquaires d'argent; — 24
ornements complets, 24 chasubles communes, 4 douzaines
d'aubes.
Les bâtiments claustraux donnent dans la rue du nom, à
droite de l'église, les jardins s'étendent derrière. La mai-
son contient 30 cellules, qui sont meublées de cette manière :
— 166 —
paillasse sur 3 planches et 2 tréteaux, 1 escabeau, 1 petit
banc, 3 images de papier, et 1 lampe de fer-blanc. Le réfec-
toire est commun : il n'y a point d'argenterie, chaque re-
ligieuse se servant d'un couvert en buis.
La bibliothèque est peu volumineuse.
Personnel. Mères de chœur :
Marguerite-Julienne Potier de la Houssaye, Marie de Jé-
sus, née à St-Malo, 1737, supérieure; Françoise-Vincente
Boisquet, Aimée de Jésus, née à Nantes, 1737, sous-prieure ;
Marguerite-Paule de Kervégan, Victoire du Cœur de Jésus
née à Nantes, 1738 ; Catherine Coicaud, Catherine de la
Résurrection, née à Nantes, 1776 ; Eulalie du Colombier,
Eulalie de l'Assomption, née à Nantes, 1714; Louise-
Claude Le R.ay du Fumet, Agathe du St- Sacrement, née à
Nantes, 1720 ; Marguerite-Elisabeth Froust, Suzanne de
l'Incarnation, née à Nantes, 1728 ; Marie-Madeleine Do-
neau, Madeleine de Jésus-Médiateur, née à Bourgneuf,
1730 ; Marie-Françoise Proust, Thérèse de Jésus, née
à Nantes, 1739 ; Anne-Marie Frémont du Bouffay, Anne
de Jésus, née à Nantes, 1747; Pierre-Marie de Govello,
Rosalie de Jésus, née à Nantes, 1739 ; Jeanne-Perrine
Sagory, Pélagie du Cœur de Jésus, née à Nantes, 1741 ;
Marie-Catherine de Rappet, Constance du Carmel,
née à Nantes, 1742 ; Marie-Jeanne de la Cassaigne ,
Thérèse -Joséphine, née en Amérique, 1744 ; Jeanne-
Thérèse de la Barre, Thérèse des Séraphins, née à
Nantes, 1742 ; Anne-Françoise Thériot, Victime de
Jésus, née à Montaigu, 1750 ; Marie-Gabrielle Mellet,
Thérèse de St-Augustin, née au Loroux, 1745 ; Margue-
rite-Thérèse Sagory, Marie de St-Cyr, née à Nantes,
1750; Jeanne- Anne de Trévélec, du Cœur de Jésus, née à
Nantes, 1758 ; Sophie-Louise Gorgette, de l'Enfant Jésus,
née à Bouguenais, 1762 ; Louise-Aimée Goéau, Marie de
Jésus, née à la Benaste, 1753; Marie-Thérèse Balais, Julie
de St-Honoré, née à Nantes, 1767.
— 167 —
Sœurs converses :
Catherine Béziaud, de Jésus, née à Légé, 1740 ; Jeanne
Marie Pavageaud, des Anges, née à Nantes, 1741 ; Marie-
Françoise Pédron, de St-Louis, née à St-Brieuc, 1760 ;
Jeanne-Modeste Gennevois, de St-Malo, née à St-Kazaire,
1764.
Sœurs tourières :
Elisabeth Blanchard, de Nantes, attachée à la maison de-
puis 20 ans ; Perrine Blanchard, de Nantes, attachée à la
maison depuis 20 ans.
Novices de chœur : Marie et Rose de Charpentier.
Postulante de chœur : Claire Balais.
Postulante converse : Cécile Benoist.
Aumônier : M. Bleuneven.
Il y a dans la maison un jardinier et un clerc.
III. - CARMÉLITES RÉFORMÉES
Paroisse de Bouguenais, aux Couets.
— Vers le commencement du XIIe siècle fut fondé aux Couëts le couvent
annexe de l'abbaye de St-Sulpice de Rennes ^ le pape Galixte III, dans une
de ses bulles, en fait mention (1119). Ce prieuré était alors occupé par des
religieux de l'un et l'autre sexe, comme à Buzay, et selon l'institution de
Robert d'Arbrissel. Des abus étant venus altérer la discipline, le duc Fran-
çois II, exécuteur des volontés de Sixte IV, plaça aux Couëts la bonne et
sainte duchesse Françoise d'Amboise, faite Carmélite du Bon-Don. La
colonie vint de Liège. D'abord sous la juridiction des PP. Carmes de l'an-
cienne Observance, ces pieuses filles passèrent sous celle de l'Ordinaire,
qui leur donna de nouvelles constitutions, 1556.
R. 40.496 «, en métairies, maisons, terres, prairies, rede-
vances et rentes constituées, 4 échelles d1eau, 2 moulins,
droit de bac.
Ch. 25.971 *.
Eglise: 3 calices, 1 ostensoir, 1 soleil, 2 ciboires, 6 chan-
deliers, 1 croix, 1 paire de burettes, 1 bénitier, 1 lampe, 1
— 168 -
encensoir, d'argent ; — 24 ornements, 6 chapes, 36 aubes,
24 surplis, 24 amicts, 200 purificatoires; — 1 orgue, 1 cloche,
baptisée sous le nom de Françoise, 13 déc. 1754.
Tombeau de la bienheureuse Duchesse, en grande véné-
ration.
La maison a été reconstruite en 1658. Elle comprend 33
cellules, 1 infirmerie de 9 lits, un pensionnat de 6 chambres
et toutes les autres pièces nécessaires à la communauté,
aux gens de service et à la basse-cour.
Personnel : 33 religieuses, 13 filles domestiques, 6 gar-
çons, 1 homme d'affaires, 1 organiste et 2 aumôniers.
Les dernières élections aux charges ont été faites le 3
juin 1788, en présence de M. l'abbé de Boissieu.
Jeanne Langlois delà Rouxière, née en 1723, prof. 1743,
prieure ; Perrine Grangier de la Ferrière , prof. 1759,
sous-prieure ; Marie-Anne Bourdin du Branday, prof. 1750,
discrète; Anne Galot deLierne, prof. 1738, id.; Françoise
Paris de Soulanges, prof. 1740, id.; Marie-Françoise Fildié,
prof., 1771, id.; Marie deBiré, prof. 1755, procureuse ; Péla-
gie Vanderchen, prof. 1744, dépositaire ; Julie-Anne Lemai-
gnan, prof. 1778, sacriste ; Marguerite Joullin, Vve de
M. Durbé, née en 1771, maîtresse des novices; Julienne
Moisson du Pied, prof. 1786, dépensière; Victoire de la Ville,
prof. 1777, portière ; Rose Goéau du Vigneau, prof. 1778, id.;
Claire du Tréjet-Daniel, prof. 1780, aide de porte ; Thérèse
de Carheil, prof. 1750, infirmière; Renée de la Ramée, prof.
1781, pharmacienne ; Anne-Jacquette de Berthou, prof. 1783,
lingère; Jeanne Guoguet de la Salmonière, prof. 1781, ro-
bière; Thérèse Hamon de la Thébaudière, prof. 1781, réfec-
torière ; Glotilde Reliquet, prof. 1783, cavière ; Catherine
Merger, prof. 1750, grainetière ; Renée d'Anguy, prof. 1746 ;
Simone Bizeul, prof. 1750 ; Cécile Busson, prof. 1751 ; Marie
Simon de Lessard, prof. 1762 ; Marie-Louise de la Touche-
Limousinière, prof. 1766.
Sœurs converses :
— 169 —
Marie Bruneau, prof. 1755; Angélique Lautier, prof.
1758; Perrine Lautier, prof 1763; Marie Peneau, prof.
1786.
Novice : Thérèse Cusinier, âgée de 23 ans.
Postulante : Marie Ripoche, âgée de 27 ans ; Michelle
Chargé, âgée de 27 ans.
Aumôniers : Pierre-Laurent Rivalan, de S.-Molf, ord.
1784; Pierre-François Métayer, du Fougeray.
IV. — FONTEVRÏSTES
1. — Paroisse de Vallet, a la Regrippière
— L'Ordre de Fontevrault, institué au XIIe siècle, par un Breton célèbre,
le vénérable Robert d'Arbrissel, n'a que deux maisons dans la province,
l'une et l'autre situées dans notre diocèse et occupées par des religieuses.
Le Prieuré de la Regrippière, en Vallet, fut fondé peu après la mort de
Robert et réformé en 1630 par le pieux M. Olier, instituteur de la Compa-
gnie de St-Sulpice.
R. Maisons et dépendances, 20 journaux; terres labou-
rables, prés et prairies; dîmes au treizième; rentes sur
plusieurs paroisses, et quelques métairies affermées.
La prieure est dame du lieu, avec droit de justice, mou-
lins à eau et à vent; l'auditoire et les prisons sont au bourg
de la Regrippière.
Eglise : 3 calices, 2 ciboires, 1 soleil, 2 encensoirs, 1 bé-
nitier, 1 lampe, 1 croix processionnelle, 6 chandeliers, 1
bassin et ses 2 orceaux; — 9 chasubles, 4 dalmatiques, 3
chapes, 28 aubes; — 4 cloches, 1 jeu d'orgues.
La maison contient une grande infirmerie, une petite
infirmerie, une chambre de gardes-malades, 4 chambres de
pensionnaires, 3 lits pour le noviciat et une cellule pour
chaque professe, les appartements des aumôniers, une basse-
cour et des étables.
Bibliothèque : 420 vol.
- 170 —
Personnel. Dames de choeur :
Madeleine Bellestre, prof. 1768, prieure; Marguerite du
Rondier, prof. 1755, sous-prieure; N. Moisset, prof. 1753,
cellérière ; Marie Brochard de Souche, prof. 1769, déposi-
taire; Julienne Levrault, prof. 1753, portière; Louise-Re-
née Thébaud, prof. 1782, boursière; Judith-Bonne Fourché,
prof. 1744, discrète; Monique Hallouin, prof. 1734, discrète;
Dosithée Rodrigue, prof. 1759, discrète; Marie Langlais,
prof. 1772, discrète; Madeleine Brochard de Souche, prof.
1775; Marie Moraud-Grand'Maison, prof. 17S0; Louise Papin,
prof. 1780; Julie Ricard, prof. 1788; Victoire Gotteneuve,
prof. 1788 ; Marie-Joseph Ozé, prof. 1788 ; Marguerite de
Rorthais, prof. 1788.
Sœurs converses :
Marie-Céleste Drue, prof. 1754; Perrine Hallereau, prof.
1762; Marguerite Beugnet, prof. 1763; Mathurine Hallereau,
prof. 1764; Marie-Anne Buet, prof. 1772; Françoise Bran-
geon, prof. 1775; Perrine Reledoie, prof. 1784.
Aumôniers : PP.
Grille, du Pont-de-Gé, né en 1740, prof. 1770 -, Jacques
Rigault, de Liersac, né en 1752, prof. 1782.
2. — Paroisse de Touvois, au Val-de-Morière.
— Fondé par le duc Conan (22 août 1175), à l'Ermitage de Haute-Courbe,
dans la forêt de Nantes, ce prieuré de filles s'appela d'abord Bademoreria,
en mémeire d'un certain Bademorc, ancien propriétaire du terrain, sur le-
quel le petit couvent et la chapelle furent construits. Aux XVIe et XVIIe
siècles, ce nom a subi une transformation assez difficile à expliquer : la
Bademorière est devenue le Fal-de-Morière. Les Sires de Betz ont enri-
chi le monastère par des donations.
R. Bâtiments estimés environ 600 rt, une futaie de 3 jour-
naux servant de promenade aux religieuses, 4 métairies, 1
moulinet des prés et terres labourables ; droit de dîmes,
terciage et rentes, 1.400 *.
— 171 -
Ch. 8 services de fondations, l'aumône 2 fois par semaine
500 *; redevances aux Capucins de Machecoul, 20 *; hono-
raires du P. confesseur, 150 tt; entretien et gages de 2 do-
mestiques.
Eglise : 31 chasubles, 7 dalmatiques, et les vases sacrés
nécessaires au culte, en argent; 5 cloches dont 3 à l'église.
La maison comprend un dortoir de 18 cellules, et un
autre de 16, abandonné, et toutes les pièces servant à la
communauté, qui se compose de religieuses professes, de
novices et de pensionnaires; pour ces dernières il y a 13
chambres meublées.
Il n'y a pas de bibliothèque.
Personnel. Mères professes :
Antoinette Bouyer, prieure; N. de Mello de la Millière,
sous-prieure; Anne-Marie du Tressay, discrète; Éléonore de
Rorthais, discrète; Marie-Prudence de l'Arduseau, discrète;
Céleste de Biré, dépositaire; Gabrielle-Marie de la Barbe-
lays, dépositaire; Thérèse Letenneur., cellérière; Marie
Guilloteau, boursière; Anne Métairie, infirmière; Perrine
Fleury ; Marie Ellis; Louise Bain; Elisabeth Leroux; Cé-
leste Girard; Anne Robert de Boisfossé.
Sœurs converses :
Avenie Tanneur et Marie Macé.
Aum. : P. -Sébastien Jaulin, de l'Ordre de Fontevrault.
Confes. : P.-M. Boutin, de l'Ordre de Fontevrault.
V. — BÉNÉDICTINES
Paroisse de la Trinité-de-Clisson.
— La fondation est très ancienne et doit remonter au Xe siècle. Des
chanoines réguliers de St-Augustin habitèrent cette maison dans le prin-
cipe ; vinrent après eux des religieux obédienciers de la réforme mitigée
de St-Maur, 1 profès et 2 novices. La Maison changea encore de maîtres :
elle fut occupée par quelques prêtres gagés qui faisaient la desservance.
— 172 —
Eq 1619, dit Mellier, il y avait une ministrerie de Mathurins. Enfin,
le 1 juin 1045, une petite colonie de Fontevristes quitte la communau-
té de la Regrippière en Vallet, avec la permission de l'Ordinaire, et vient
s'établir définitivement au prieuré de la Trinité pour suivre la règle adoucie
de St-Benoît. Cependant le prieur ecclésiastique garda toujours le titre
de curé primitif de la paroisse et ne le céda point à la nouvelle supérieure.
Les religieuses tiennent un pensionnat pour les jeunes filles de condition
et un noviciat de leur Ordre.
Le couvent est adjoint à l'église paroissiale; il est très
bien bâti, dominant la vallée et la ville de Clisson; le cloître
est un carré parfait, formé par des arcades à plein cintre ;
le parc qui est arrosé par la petite rivière de Moine fait de
ce lieu une délicieuse solitude.
La partie de Y 'église qui sert aux religieuses est le chœur;
au fond on voit un autel et un beau retable.
Dans la sacristie on compte : 3 calices, 1 ostensoir, 6
chandeliers, 1 encensoir, 1 navette, 1 croix de procession,
3 paires d'orceaux en argent, 1 soleil de vermeil; — 12
chasubles, 5 chapes.
La maison est double : le noviciat et le pensionnat. Les
religieuses ont chacune leur cellule, il y en a 33; on mange
dans un réfectoire garni de 6 tables ; dans celui des pen-
sionnaires, il n'y a que 2 tables ; au dortoir, 25 couchettes ;
à l'infirmerie, 6 lits.
La bibliothèque contient 250 vol.
R. Terres, 454 * ; rentes, 1.296 *; dots des religieuses,
340 # ; pensions viagères, 800 tt ; pensions des élèves,
2.173 #.
Ch. Redevances au prieur, entretien d'un aumônier et
d'un clerc, soin de la maison; total : 1.359 tt.
Personnel. Prof. :
Anne Descaseaux de Ste-Agnès, prieure; Anne Grésil
de St-Alexandre, sous-prieure ; Rose de la Barre de Ste-
Gertrude, discrète ; Hélène de la Gastinays de St-Louis, id.;
Claude de Romaceul de Ste-Félicité, id.; Marie Baulon des
SS.- Anges, id. ; Marie-Modeste Texier de St- Augustin, id. ;
- 173 —
AnneBaullon du St-Esprit, cellérière ; Catherine Taillendeau
de St-Paul, cellérière ; Mari e Froissy de St-Benoît, procureuse ;
Niécelle Dubois de St-Charles; Marie Sauvaget de Ste-Anne ;
Marguerite Bureau de St-Bruno; Louise Avril de St-Ro-
main; Catherine Bureau de Ste-Victoire; Marie Lafitte de
St-Séraphin; Anne Minguet de l'Annonciation; Anne Oli-
vier de St-Maur ; Gabrielle Luzeau de St-Ambroise ; Anne
Joubert de St-Jean l'Evangéliste; Françoise Douaud de
l'Assomption; Marie Joubert de la Visitation.
Nov. : Jeanne Formon du St-Sacrement ; Françoise Prévôt
de St-Emmanuel.
Gonv. : Perrine Plessis de Ste-Marie ; Jeanne-Florence de
Ste-Thérèse ; Perrine Durand de St-Raphaël ; Madeleine
Dugast de St-Jean.
Aum. : Guillaume Bretin.
Il y a pour le service de la maison 4 servantes et 3 va-
lets.
VI. - CORDELIÈRES DE Ste_ELISABETH
1. — Paroisse de S.-Similien, au Marchix.
— Les filles de Ste-Elisabeth, dites Cordelières sans clôture ou Tertiaires
Conventuelles, avaient été reçues à Nantes avant 1515, sous la condition
d'instruire les jeunes personnes pauvres ^ plus tard elles prirent chez elles
de grandes pensionnaires. En 1632 elles quittèrent leur première maison
située près la Chambre des Comptes, en S. -Léonard, et passèrent au fau-
bourg du Marchix, dans le couvent occupé par les PP. Capucins.
R. Les livres ne sont pas assez bien tenus pour qu'on
puisse s'en rendre compte. Dettes actives : 927 *. Ch.
1.086 «.
Chapelle: 1 ostensoir, 1 ciboire, 2 calices,, 1 paire de
burettes, 2 ampoules, 1 encensoir, 2 croix, 1 bénitier, 1
lampe, 6 chandeliers, 1 pot à fleurs, d'argent ; — 15 cha-
subles, 4 dalmatiques, 6 chapes, 36 aubes, 1 dais.
- 174 —
L'enclos est entouré par la rue du Marchix, la rue Mer-
cœur et la rue Barrière-de-Couè'ron. Le couvent qui pré-
sente la figure d'un quadrilatère parfait avec la chapelle,
donne sur la place Ste-Elisabeth. On a 25 lits pour les reli-
gieuses, 35 pour les pensionnaires et les domestiques.il y a
des appartements pour les aumôniers et confesseurs.
Personnel: 22 religieuses, 36 pensionnaires, 20 femmes de
chambre. MMes Elisabeth Archer, née à S.-Nicolas, 1751,
prof. deSavenay, 1771, supérieure; Céleste Cadou,née 1733,
vicaire ; Marie Le Butte de S.-Paul, prof. d'Auray, ancienne
supérieure; Marie-Joseph Le Comte de Bièvre, ancienne su-
périeure d'Auray ; Madeleine Dubois, née en 1720 ; Marie-
Anne Bizeul, discrète ; Marguerite Olive, discrète ; Marie -
Olive Bertheluc, discrète ; Anne Gérard, discrète ; Françoise
Binet- Laville, procureuse ; Louise-Félicité Jeannot de Pin-
guer, lre sacriste ; Rose Binet, 2e sacriste ; Marie Le Pays,
maîtresse de chœur ; Marguerite Védye, portière ; Louise-
Perrine de Bruc, portière ; Marie Rocher, infirmière ; Ca-
therine Le Gays, occupée à la roberie ; Adélaïde Le Ray,
occupée à la lingerie; Perrine Langevin, dépensière.
SSrs Jeanne Bernard de Ste-Françoise ; Marie Fourrage
de Ste-Elisabeth ; Julienne Baudin de Ste-Marie.
Confesseur - le P. Louis Remeur.
2. — Paroisse de Savenay.
— La fondation de ce couvent doit remonter à 1487. On ignore quel en
est l'auteur. La maison sert de retraite pour les personnes du sexe que les
familles font enfermer^ c'est aussi un pensionnat de jeunes filles.
V église est dédiée à St-Antoine de Padoue; on y dessert
50 fondations.
Le clocher contient 2 cloches et 1 horloge.
Sacristie : 2 calices en vermeil, 1 ciboire, 1 soleil, 1
paire de burettes, 1 encensoir et des ampoules en argent ;
— 10 chasubles, 12 chapes, 8 aubes.
— 175 —
La maison a deux dortoirs pour les pensionnaires.
La bibliothèque ne se compose que de 29 ouvrages.
Personnel :
Mme du Breil, supérieure, depuis 1789; Jeanne Avril, de
Paimbœuf, prof. 1770 ; Louise-Madeleine Ellis, de St-Nico-
las,prof. 1785 ; Marie-Renée Ragnaud,de St-Similien, prof.
1785; Elisabeth Bertrand, née 1738; Jeanne Launier, née
1727; Marie Labatte, née 1743 ; Louise Lehoux, née 1748;
Françoise Ellis, née 1745.
Confesseur et aumônier : Un P. Cordelier de la ville.
VII. — URSULINES
1. — Paroisse de St-Clément, au faubourg de Nantes.
— Le 26 août 1626, les Ursulines présentèrent a la ville leur requête
d'établissement et furent accueillies, a condition qu'elles habiteraient un
faubourg, qu'elles ne mendieraient point et qu'elles tiendraient des écoles.
L'année suivante, sous l'épiscopat de Mgr de Coispéan, Madame de Berty
et 8 religieuses arrivèrent à Nantes, détachées du couvent de Saurnur : tout
d'abord elles ouvrirent une école gratuite. Au mois d'avril 1628, elles com-
mencèrent la construction de leur monastère a la Golletrie, près la tenue
de Malvoisine. Vers la fin de l'année 1629, elles obtinrent des lettres pa-
tentes de Louis XIII.
R. Maison et rentes, 1.746 *; pensions des religieuses et
des élèves.
Chapelle: elle est ornée de 12 tableaux dans le chœur;
elle est située sur la rue, dans le même sens que celle du Sé-
minaire.
Sacristie : 2 ciboires, 3 calices, 1 soleil, 1 crucifix, 2
chandeliers, 2 anges, 1 encensoir et sa navette, 1 custode,
1 paire de burettes, 1 couronne, 1 lampe d'argent; —15
chasubles, 4 chapes.
Il y a 2 cloches et 1 orgue estimé 5.000 *.
— 476 —
La maison qui est vaste comprend le cloître, le noviciat,
le pensionnat, les écoles gratuites et les appartements des
aumôniers. Le réfectoire commun est meublé de 11 tables.
Deux divisions partagent le pensionnat : les petites et les
grandes, réparties en 2 dortoirs, l'un de 24 lits, l'autre de
69. Il y a 2 classes de charité, fréquentées par 170 enfants.
On tient une pharmacie pour les malades du dehors et une
infirmerie pour les gens de la communauté.
Devant le cloître est un vaste préau pour les élèves ; les
jardins sont à l'Est.
Bibliothèque : 200 vol.
Personnel : 39 religieuses de chœur, 1 novice, 1 postu-
lante^ sœurs tourières, 80 pensionnaires, 9 domestiques, 1
aumônier et son clerc.
Anne Davoynes, née en 1722, supérieure depuis le 13 déc.
1788; Pélagie de l'Espinoze, sous-prieure; Marie Raymond,
conseillère ; Françoise Renoul, conseillère ; Marie de
Bruc, conseillère ; Marie de Biré, conseillère ; Geneviève
de Penhouet, mère du Commun ; Marguerite Raveuil, dé-
pensière ; Marie Dupont, mère du Commun ; Gabrielle de
La Vergne, dépositaire; Marie Roberdière, infirmière ;
Marie Ordrenneau, infirmière ; Jeanne de Beauchamp,
pharmacienne ; Françoise Judalet, infirmière ; Marie Ange-
bault, maîtresse des novices ; Louise Bourdin, boulangère ;
Marie Edelin, réfectorière ; Bastienne Clouet , réfectorière ;
Marie Salomon, portière ; Thérèse Penot, portière ; Louise
Odiette, sacriste ; Marie Gloyé, sacriste ; Pélagie Macé de
la Barbelais, maîtresse de chœur; Anne Launay, maîtresse
de musique instrumentale ; Marie Archer, procureuse ;
Marie Laurent, employée aux écoles ; Angélique Marchand,
employée aux écoles ; Sophie Raveuil, maîtresse du Grand-
Pensionnat ; Marguerite Boutaut, maîtresse du Grand-Pen-
sionnat; Louise Lassale, suppléante ; Elisabeth Palliau, lre
maîtresse du Petit-Pensionnat ; Madeleine Salomon, 2e maî-
tresse ; Marie Philippe, mère des écoles de charité ; Marie
- 177 -
Liard, préfète des écoles de charité ; Angélique Eerthelot,
maîtresse des écoles de charité; Rose Dubuisson, maîtresse
des écoles de charité ; Rose Simon, maîtresse des écoles de
charité; Rose Odiette, maîtresse des écoles de charité;
Hélène Archard, maîtresse des travaux d'aiguille ; Made-
leine Trébuchet, novice ; Claudine Candeau, postulante ;
Marie Retière, converse ; Marguerite Rivière, converse;
Perrine Perrochaud, converse.
Aumônier : 01. Lepré.
2. — Paroisse de St-Géréon, près d'Ancenis.
— Madame la baronne d'Ancenis institua, le 23 avril 1643,1e pension-
nat des Ursulines, pour sa ville. La supérieure Antoinette de Bruc et 8 re-
ligieuses composèrent la communauté qui se développa et s'agrandit dans
la suite.
R. Dans la paroisse St-Géréon, 6.218 **.
La chapelle est dédiée à S. Joseph. — Mobilier : 1 soleil,
3 calices, 2 ciboires, 1 bénitier, 2 encensoirs, 1 christ, 1
lampe, 1 custode, 2 chandeliers, 3 paires de burettes, 6
chopinaux ; — 12 chasubles, 8 dalmatiques, 4 chapes ; — 2
cloches et 1 horloge.
Le couvent est situé au lieu dit la Davrays, tout près
d'Ancenis, sur le territoire paroissial de St-Géréon. Il se
compose du cloître et des classes : 45 chambres sont occu-
pées par les religieuses et les grandes pensionnaires. Le
réfectoire du pensionnat, distinct de celui des sœurs, est
meublé de deux grandes tables.
Ces dames qui sont au nombre de 33, sans compter les
novices et les converses, tiennent avec beaucoup de succès
un pensionnat , un externat et des écoles gratuites ; elles
' s'occupent aussi de donner des médicaments et des soins
aux pauvres. Le pensionnat se compose de 12 grandes
élèves et de 11 petites ; il y a 4 classes pour les externes.
1881 12
— 178 —
Personnel :
Marie de Carheil, née à Sucé, 1723, supérieure, nommée
récemment ; Marie Ballan, sous-prieure ; Marie Archam-
baut, dignitaire ; Henriette- Julie Tostin, dignitaire; Jeanne
Petit, dignitaire; Anne Varray, dignitaire; Marie Boilève,
dignitaire; Michelle Saulccque, dignitaire; Madeleine Gi-
rardeau, Mathurine Bodinier, Anne Luzeau de la Mulonière ,
Victoire Mazeau-Lebeau , Anne de Pleumaugat, Marie-
Anne Saulecque, Françoise de Carheil, Geneviève Faligan,
Jeanne Huron, Marie-Anne Lotain , Eulalie Palierne ; Eli-
sabeth Turpin , Anne Bedeau de TEcochère , Marguerite
Revnier, Louise Auffrav, Madeleine Withe , Marie de la
Noë , Perrine Renoul , Elisabeth Bahuaud , Marguerite
Breheu, Hyacinthe de Vizé , Marie Bodinier, Marie Rivet ,
Elisabeth Renoul , Perrine Belain, converse ; Adélaïde Bon-
nain , novice.
Aumônier : Jos. Chardot, rect. de St-Géréon.
3. — Paroisse de St-Jean de Béré, près Ghateaubriant.
— Mgr de Beauveau, év. de Nantes, envoya les Ursulines occuper et des-
servir l'ancien prieuré conventuel Bénédictin, en l'année 1643. Ce prieuré
avait été fondé au Xlle siècle, par Briand II.
Les dames tiennent un pensionnat pour les jeunes filles
de condition, et des classes pour les externes.
L'église priorale et conventuelle est dédiée au St-Sau-
veur; elle date de la fondation, mais elle fut achevée par
le fils du fondateur.
Personnel .- Mme Salomon, supérieure ; Elisabeth Bahuaud,
Geneviève Boisson , Marguerite-Rose Fleury, Rose Giraud,
Marie Rabu, Marguerite Portail, Perrine Portail, Fran-
çoise Loye.
179 —
4. — Paroisse de St -Aubin de Guérande, faubourg
St- Michel.
— L'an 1646, la Mère Marie Charette, du couvent de Nantes, vint à Gué-
rande, accompagnée de quelques religieuses : le chapitre et les habitants les
réclamaient pour y instruire la jeunesse. La dot de ces religieuses fut em-
ployée à acheter, sous la caution du Prévôt, une petite maison avec son
enclos, appelée la Porte-Talon. En 1753, elles obtinrent des lettres patentes,
et des dames portugaises prirent l'habit de Tordre et firent construire
un couvent neuf.
R. 160 œillets de marais, y compris ceux qui sont attachés
à la chapellenie de St-Michel ; pensions viagères, 900 rt ;
rentes, 1.376 *. — Ch. 1.300 *.
Sacristie : un cachet de Ste Ursule, un reliquaire en
bois doré, une couronne impériale d'argent, enrichie de
pierreries, venant de la maison de Portugal ; — 1 ciboire, 2
calices, 1 soleil, 1 custode, 2 crucifix, 2 chandeliers, 1 en-
censoir, 2 anges, 1 lampe, 1 paire de burettes en argent ; —
20 chasubles, 2 dalmatiques, 4 chapes, 30 aubes.
Le mobilier de la maison qui contient un noviciat, un
pensionnat et une école d'externes, se compose de 10 ar-
moires, 71 lits, 60 prie-Dieu, 60 tables, 20 couverts d'argent
et d'une bibliothèque de 200 vol.
Personnel:
MMes Duvivier, supérieure ; Julienne Chrétien, Jacquette
Chambilly, Marie Mayet, Louise de Monty, Marie Tison,
Jeanne Thiéry, GabrielleTrotreau, Louise Poisbeau, Jeanne
du Mesnil, Madeleine Fourré, Jeanne Amelot, Marie
Boullo, Marie Forget, Jeanne Chottard, Suzanne de Ker-
cabus, Françoise Moisson.
SSrs Marie Aoustin, Michelle Mahé, Jacquette Lecoq,
Brigitte Legouy, Marie Hégarit, Catherine Foys, Perrine
Mahé et 2 autres dont on ignore les noms.
Aumônier : M. Chaussun.
180 -
VIII. - VISITANDINES
Paroisse de St-Clément de Nantes, au faubourg.
— Autorisées a condition de n'être point mendiantes (12 mai 1629;, les
dames de la Visitation Ste-Marie s'établirent d'abord à la Malvoisine, dans
le premier lieu qu'avaient occupé les Mères de Ste-Ursule. L'année sui-
vante, elles bâtirent leur monastère sur les ruines du vieux logis de la Mi-
ronerie,près le Collège. La fondation est due au zèle d'une personne pieuse
de la ville, nommée Louise Hardouin. On s'adressa à Mme de Chantai elle-
même, qui vivait alors, et qui donna 7 religieuses du couvent de Moulins.
La même maison envoya, quelques mois après, 7 autres religieuses pour
onder a a Croisic un nouveau monastère ; mais le séjour de cel!e3-ci ne fut
pas long dans cette petite ville ; elles se transportèrent bientôt k Vannes.
R. 3 maisons, rentes, contrats, 10.039 tt ; 3 métairies à la
Boissière, 1 maison dans la Grand'Rue, rentes sur le clergé,
les Etats de Bretagne, l'hôtel de ville, St-Jacques, l'hôpital
de Machccoul, etc. Ch., 5.004 *.
V église a été construite de 1643 à 1645 : une nef, le chœur
des religieuses et une sacristie, 3 autels, 1 chaire. Elle est
située entre les bâtiments du cloître et du collège ; on y
parvient par l'impasse qui donne sur la rue du collège.
Les peintures à fresque qui ornent cette chapelle sont re-
marquables.
Il y en a une autre à l'intérieur, meublée d'un autel et
d'un confessionnal.
Sacristie : 4 calices, 2 ciboires, 1 soleil, 1 custode, 1 en-
censoir, 1 bénitier, 1 lampe, 2 flambeaux ; — 27 chasubles,
4 dalmatiques, 11 chapes.
On distingue dans la maison le pensionnat et la partie
réservée aux religieuses : celle-ci se trouve presque paral-
lèle à la rue du faubourg. Les jardins, d'une petite conte-
nance, sont derrière le corps principal des bâtiments.
— 181 -
On dessert dans la chapelle le bénéfice des Hardouin.
Personnel : 39 religieuses de chœur, 2 sœurs tourières
et 5 domestiques.
MM<* Claude-Marie deBruc de Montplaisir, née en 1729,
supérieure ; Julienne- Angélique Alexandre , assistante ;
Rose-Victoire Charbonneau, ancienne supérieure ; Margue-
rite-Aimée de Soulange, conseillère; Marie -Rosalie Guil-
lermo, conseillère ; Marie- Ursule de Bruc, conseillère et
économe; Sainte-Bonne Mauclerc, sacriste; Jeanne-Fran-
çoise de Mélient, Jeanne-Marguerite Delmestre, Françoise-
Thérèse Cartier, Euphrasie Laurent, Marie-Augustino
Chauveau, Marguerite Turquetil, Marie-Victoire Bedeau
de l'Ecochère, Marie-Félicité de la Barre, Reine- Agathe
Braud, Anne-Marie Dennebays, Anne-Rosalie Goulard du
Rétail, Françoise Le Govello, Claire-Elisabeth Galipaud,
Marie-Anne Galipaud, Marie-Tranquille Pineau, Marie-Ma-
deleine Lebeau, Marie-Céleste Chauvet, Marie-Olive Moisan ;
Marie-Aimée Madec, Marie-Perrine Chevas, Marie-Thérèse
Joly, Marie-Joseph Mouraud, Jeanne-Marie Damot.
SSrs Marie-Renée Mauclerc, Marie-Marthe Perraudeau,
Jeanne-Thérèse Nicolle, Marie-Louise Gault, Jeanne-Ca-
therine Le Bourye, Jeanne-Marie Lecomte, Marie-Joseph
Picard , Jeanne-Emmanuelle Léauté , Marie-Catherine
Hourmel, Jeanne-Hélène Eriau, tourière ; Françoise-Julie
Corneteau, tourière.
IX. — GALVAIRIENNES
1. — Paroisse de St-Similien de Nantes.
— Les Bénédictines, dites dames du Calvaire, réformées par le P. du
Tremblay, arrivèrent h Nantes en 1623 ^ elles bâtirent leur maison près la
Motte St-Nicolas et s'y établirent le 16 juin 1629 : la reine Marie de Mé-
dias posa la première pierre. La maison de Bretagne, ou la réforme
commença, est celle de Nantes.
- 18-2 —
R. 7.635 *. Ch. 5.298 tt. Les eifets mobiliers de la maison
sont évalués à 12.000 tt. 8 religieusesjouissent d'une pen-
sion volontaire, 8 autres d'une pension alimentaire. Rede-
vances à Msr l'évoque, supérieur général, un plat de fruits
crus du jardin.
Chapelle ornée de 4 autels ; l'entrée ouvre sur le pas-
sage du couvent.
La sacristie est richement meublée d'ornements, de linge
et d'argenterie : on n'en connaît pas le détail.
Les bâtiments sont distribués en carré; à l'O. une longue
aile se détache du corps principal. A droite de l'allée qui
monte au Calvaire sont de magnifiques jardins et un parc.
La maison renferme une infirmerie, 5 chambres de reli-
gieuses, contenant chacune 2 ou 3 lits à quenouille, 1 dor-
toir de 20 couchettes pour les jeunes filles pensionnaires,
une basse-cour et des étables.
La bibliothèque ne contient que des ouvrages pieux et
2 manuscrits : Vie du fondateur, Vie de la fondatrice, par
une religieuse.
Personnel :
MMCS Geneviève Fresnaud de la Templerie, Ste-Rosalie,
née en 1741, prieure; Marie-Anne Foynaud, Ste-Claire,
sous-prieure; Félicité-Victoire Flamming, St-Charles;
Renée-Thérèse Cam, St-Joseph ; Marie Mariol, St-Cœur de
Jésus; Marie-Anne Delaunay, St-H yacinthe; Marie- Anne
Radigois, St-Joachim ; Marie-Anne Pimparay, Ste-Adelaïde ;
Hélène-Renée Genton, St-Augustin ; Marguerite Gruaud,
Ste-Glotilde ; Renée-Elisabeth Joubaye, Ste-Anne.
Madeleine Perrin, Jeanne Dubreil, Michelle Cottin,
Françoise Bidon, Marie-Rosalie Billot, Marie-Elisabeth
Boussineau, Marie Gouerbeil, Jeanne-Julie Trichet, Féli-
cité-Julie Poisson, Jeanne-Françoise Simon, Marie-Ca-
therine Gauchet, Marie- Aimée Robiou, Félicité Pimot.
SSrs Mathurine Nicolle, St-Maur ; Perrine Richard, Ste-
Elisabeth ; Anne Sourisseau, Ste-Marthe; Françoise Rivet,
— 183 —
Ste-Placide ; Agathe Guillou, St-Vincent ; Jeanne Thomas,
Ste-Eulalie; Anne Amelineau, Ste-Scholastique ; Madeleine
Perrin, Ste-Félicité ; Jeanne Dubreil ; Anne Radigois.
Aumônier : Peigné.
2. — Paroisse de la Trinité de Machecoul.
— En considération de sa fille Marie-Catherine, qui avait pris le voile
au Calvaire de Paris, Pierre de Gondy, duc de Retz, fonda le couvent de
Machecoul pour trente et quelques religieuses. La réforme d'Antoinette de
Longueville et du P. du Tremblay s'y introduisit en 1673.
La maison contient le cloître, le noviciat, le pensionnat
et une pharmacie.
Personnel : 12 dames de chœur et 7 sœurs converses.
Gillette-Marie Chenu de Ste- Adélaïde, professe de St-Malo,
prieure ; Suzanne-Julie Relique de Ste-Mélanie, sous-
prieure ; Adélaïde de Charette, Marguerite Brilet, Marie
Beson de St-Benoît, Olive-Jacquette Bernard, Marie Blan-
chard, Pierrette Dufour, Marie-Anne Gigault, Suzanne
Guitenil de Ste-Marthe, Marguerite Liret, Jeanne-Marie
Tarbouillet, Anne-Françoise Villéon, Sauvaget et Marion.
Aumônier : François Esseau, né à St -Nicolas, ord. 1750.
X. — PÉNITENTES DE STE-MADELEINE
Paroisse de St-Léonard de Nantes.
— René Levêque, originaire de Gorges, fondateur des missions de St-
Clément, établit à Nantes, près des Cordeliers (1672), un refuge pour les
filles perdues. On les appela d'abord Pénitentes repenties, puis sœurs de
Ste-Madeleine ou Madelonnettes. Dans le principe il n'y eut point de clôture :
une sainte veuve fut la première supérieure de cette maison. Soixante ans
après ces humbles commencements, les directrices, liées par des vœux
— 184 —
simples, prononcèrent des vœux solennels et firent ériger leur Refuge en
monastère régulier, faveur qu'elles sollicitèrent de Benoit XIII, et qu'elles
obtinrent par bulle datée du 27 juillet 1729. Ainsi de saintes femmes,
dont la vie était sans tache, composèrent la communauté pour se sanctifier
elles-mêmes et préserver dereebute les personnes de leur sexe, moins heu-
reuses qu'elles. On admit aussi des pensionnaires accompagnées de do-
mestiques.
R. Constituts, 1.912 * ; rentes foncières, 13 *; dots des re-
ligieuses, 1.000 tt;des sœurs pénitentes, 1.229 *. Plus les
recettes de la maison et les pensions. Chaque pension
nette, 300 *; en tout : 14.542 *.
Ch. Entretien du personnel et du local, honoraires de
l'aumônier, frais de culte. Les dépenses se sont élevées cette
année à 21.464 *.
La chapelle qui est domestique donne sur la rue des
Pénitentes -, elle est très petite : 2 calices, 1 ciboire, 1 soleil,
1 paire de burettes, 1 lampe, 1 encensoir, 1 petite croix, 6
flambeaux d'argent , 28 chasubles, 7 chapes, 30 aubes.
La maison se compose de 3 ailes de bâtiments ; il y a 27
cellules pour les religieuses, 12 pour les pénitentes, 40 pour
les pensionnaires, une infirmerie de 10 lits, les apparte-
ments des domestiques et toutes les pièces communes. L'en-
clos est borné par la rue des Pénitentes, le Port-Commu-
neau, la ruelle du Port-Gommuneau, et la rue d'Enfer.
Il y a une bibliothèque de dévotion.
Le personnels distribue ainsi : 25 religieuses, 12 dames
pénitentes enfermées par leurs familles, 12 filles converties,
48 pensionnaires et 6 domestiques.
MMcs Françoise Caillaud de Beaumont de St- Augustin,
née àCasson, 1851, supérieure ; Marie-Hélène Chanceaulme,
née 1724, sous-prieure ; Julienne Letourmeulx, née 1706,
conseillère ; Marie-Renée Cazet, née 1740, id.; Françoise Le-
ray, née 1706, id. ; Marie-Sainte de Carheil, née 1726, id. ;
Marie -Emilie Loy, née 1765, dépositaire; Marie-Scholastique
Eymard, née 1731, lre maîtresse des pensionnaires ; Anne-
— 185 —
Joseph Guyot, née 1755, 2e maîtresse des pensionnaires;
Anne-Cécile Caillaud de Beaumont, née 1764, maîtresse d'é-
criture et robière ; Michelle Grégoire, née 1719, assistante
aux leçons ; Thérèse- Angélique Ballais, née 1740, ména-
gère ; Louise-Cécile Caillaud de Beaumont, née 1743, direc-
trice des Pénitentes ; Marie Lelou, née 1723, pharma-
cienne ; Anastasie Gauchet de Beaulieu, née 1756 id. ; Rosalie
Gauchet de Beaulieu, née 1756, lingère ; Perrine-Dosithée
Le Camus de St-Lo, née 1727, id.; Augustine du Besset, née
1750, infirmière ; Victoire Mainguy, 1776, robière; Marie-
Madeleine Forget, née 1723, portière du couvent ; Marie-
Rose Pelle, née 1752, portière du Refuge ; Prudence du
Chatellier-Lyrot, née 1733, portière du pensionnat ; Marie-
Céleste Thérestre, née 1726, économe ; Marie-Thérèse Guil-
let, née 1768, dépensière ; Anne Edeline, née 1732, sa-
criste.
Sœurs pénitentes :
Catherine Caillon, depuis 30 ans ; Agathe-Françoise Gic-
quel, 25 ans; Apolline du Cerceau, 22 ans ; Anne-Luce Pel-
lué, 15 ans; Elisabeth-Marie Rousseau, 15 ans; Pélagie X...,
10 ans ; Victoire Goriou, 5 ans ; Claire-Marie Lafaille,
4 ans ; Catherine-Françoise Gaudron, 3 mois ; EulalieX...,
3 mois ; Monique-Marie Perrochaud, séparée ; Félicité X...,
6 semaines.
Supérieur général : M. l'abbé de Hercé, vie. gén.
Aumônier .• M. Briant.
XI. — GAROLINES
1. — Paroisse de St-Donatien, au faubourg de Nantes.
— Un très vertueux directeur du séminaire, M. Ant. Guoguet de Boishé-
raut, prêtre du diocèse, fut, avec Mlle de laBourdonnays de Bras, l'ins-
trument dont Dieu se servit pour fonder à Nantes des écoles gratuites
— 186 —
de filles. Plusieurs pieuses femmes instruites vinrent se joindre a la fonda-
trice et reçurent en 1698 une règle de Mgr de Beauveau. Vêtues unifor-
mément, elles vivent ensemble sans être liées par des vœux.
Ces dames instruisent gratuitement les enfants du peuple,
qui remplissent 2 classes, d'une centaine d'élèves chacune ;
elles tiennent une pharmacie à la disposition des malades
sans secours, un pensionnat pour les jeunes filles aisées et
Une école supérieure pour former des institutrices de cam-
pagne.
R. Rentes, 260 * ; fondations, 1.540 *.
Ch. Honoraires de la maîtresse d'école pour les indigentes,
270 tt; aumônes aux enfants, 400 rt ; honoraires d'une maî-
tresse à la Boissière, 120 tt; etc. Total : 3.149*.
Chapelle : elle longe la rue du bourg St-Donatien et fait
face aux croix des saints Martyrs nantais, sur le lieu de leur
supplice : — 1 soleil de vermeil, 3 calices, 1 ciboire, 1 petite
croix, 1 paire de burettes, 1 encensoir, 2 chandeliers, 10
petits vases d'autel, en argent ; 18 chasubles, 3 chapes.
La maison comprend les cellules des Religieuses, 2 dor-
toirs, l'un de 23 lits, pour les grandes pensionnaires, et
l'autre de 171itspour les petites, 1 réfectoire de 14 couverts,
pour les religieuses, et un autre plus grand, pour les élèves
internes, 4 salles de classes.
Personnel : Marie-Françoise de la Bourdonnays, supé-
rieure; Marie-Suzanne Mourin,lre assistante ; Jeanne Lerat,
2e assistante ; Anne Arnaud ; Marie Bioteau ; Jeanne Du-
noir; Gabrielle Bioteau; Anne Baron ; Catherine Letort ;
Marie Rigodeau ; Adélaïde Fournier ; Anne des Brosses ;
Madeleine Taillé ; Anne Olivier ; Thérèse Pineau ; Made-
leine-Cécile Boudrot, novice.
2, — Paroisse de St-Similien de Nantes.
Ecole tenue par les mêmes dames Carolines, dites de Ste-
- 187 -
Marie. Elle est située entre le Bon-Pasteur et la place
Bretagne.
Il y a une chapelle domestique.
XII. — DAMES DE LA RETRAITE
Paroisse St- Léonard de Nantes.
— La première pierre de la Retraite des femmes, construite sur le marais
et devant le jardin delà Mairie, reçut sa bénédiction, le 4 mars 1738, par
le ministère de Mgr de Sanzay. Les jésuites qui s'étaient établis à Briord et
qui y avaient fondé une Retraite d'hommes prirent l'initiative de la nou-
velle maison : aussi furent-ils désignés par l'Ordinaire pour la diriger,
et ils y demeurèrent jusqu'à leur expulsion.
Les dames de la Retraite de Vannes, instituées en 1664,
tiennent cette maison : ces pieuses filles ne font point de
vœux, mais vivent en communauté et travaillent de con-
cert à la conversion des âmes.
Les bâtiments forment un vaste carré ; la chapelle est à
l'angle N., du côté des jardins.
APPENDICE
Dans ce Supplément nous donnons place aux diverses
congrégations qui desservent les hôpitaux et qui ensei-
gnent dans certaines écoles, et nous terminons notre statis-
tique par quelques lignes, consacrées aux Dames du Bon-
Pasteur, quoiqu'elles ne soient point des religieuses.
HOSPITALIÈRES
— Les sœurs de St-Thomas de Villeneuve^ instituées à Lamballe en 1CG1,
suivent la règle du Tiers-Ordre de St-Augustin et choisissent pour les
desservir les hôpitaux pauvres et délaissés.
Elles occupent l'hôtel-Dieu de Châteaubriant, depuis le
commencement de 1689 ; l'une d'elles fait l'école.
Denise Lecomte, supérieure ; Claude Pinferray, institu-
trice; Madeleine Boillefays, infirmière.
Autrefois les mêmes sœurs desservaient les hôtels-Dieu
de Guérande et de Blain.
II
Les sœurs du Saint-Esprit de Plèrin, dites Sœurs Blanches, sont
établies à Blain, ou elles remplacèrent celles de St-Thomas, 20 mai 1778.
Fondées à Plérin près St-Drieuc, en 1706, elles ont surtout pour but de
visiter les malades et de leur porter des remèdes à domicile; elles tiennent
aussi des écoles. A Blain, elles ont une petite filature oii elles occupent
15 jeunes filles.
— 189 -
Marie-Jeanne Lerneaux, sup. ; Augustine Briand; Elisa-
beth Burel ; Marthe Legain ; Marie Jauny, maîtresse d'é-
cole.
III
— Les sœurs delà Providence appartiennent à la Société de ce non), ins-
tituée à Saumur, par la vénérable Jeanne de LaNoë.
Elles desservent plusieurs maisons de charité. 1° V Hôtel-
Dieu de Nantes : Mme Guérineau, sup. ; — 2° VHôpital-Gé-
néral du Sanitat : Victoire Masseau, sup. ; — 3° l'asile des
Enfants trouvés : MMmes Jeanne Raulet, sup. ; Marie-Cathe-
rine Abral; Angélique Ogrignaud; Madeleine-Clémence
Naudiée; Julienne Morée 5 — 4° la maison des Incurables :
Louise Recto, St-Joseph, sup.; Marie Rigolage, seconde;
Madeleine Sevrin , Perrine Rortreau , Marie-Madeleine
deHergnes, Jeanne Dugast; — 5° à Derval, le Bureau de
charité, sous le nom de Sœurs grises.
A l'hôpital de Savenay, il y a des sœurs hospitalières du
Tiers-Ordre de St-François : SS" Alain et Petit ; elles
tiennent en même temps une école de charité.
SŒURS DE LA SAGESSE
1. — Paroisse de St-Sébastien, faubourg de Piraiil.
— Les filles delà Sagesse, instituées à St-Laurent-sur-Sèvre, dans ce der-
nier siècle (1713) par le P. Grignion de Montfort et Mlle Trichet de Poitiers,
s'établirent au faubourg de Pirmil, dans la paroisse St-Sébastien, près le
prieuré de St-Jacques en Dos-d'âne. Une fondation dont on ne connaît pas
l'époque précise, faite par les Bénédictins de St-Gildas, leur permit d'ouvrir
des écoles, pension et externat de charité. Depuis 1773, année présumée de
leur établissement, elles paient une indemnité de 74 « aux moines de Tirmil
pour une maison qu'elles tiennent du prieuré.
Il y a trois classes. Le pensionnat a un dortoir de 14
couchettes d'élèves et 3 lits de maîtresses.
- 190 -
La chapelle publique, qu'il faut distinguer d'un petit
oratoire domestique, a un campanile, 1 autel, 3 ornements,
2 aubes, et des vases sacrés. On y célèbre quelquefois.
Personnel :
Esther Perraud, née en 1752 ; supérieure ; Marie Guihé-
neuf, Louise Brion, Marie Dupé, Marie Vincent, Françoise
Bazin, Mathurine Marchand.
2. — Paroisse de Paimbœuf.
Elles sont établies à l'Hôpital depuis 1780.
3. — Paroisse de Guérande.
Le Bureau de charité les a reçues en i772 : S" St-Pa-
trice et Ste-Apolline.
4. — Paroisse du Croisic.
L'Hôpital est desservi par ces pieuses tilles depuis 1766.
BON-PASTEUR.
Paroisse St-Nicolas de Nantes.
— Une simple lingère de Nantes, aidée d'un diacre, M. Barbot de la Per-
rièrine, établit, en 1694,1a maison dite du S on- Pas leur. Cette sainte femme
s'était proposé de recueillir les personnes de son sexe, désireuses de rache-
ter leurs désordres par une vie de pénitence. La nouvelle Institution, dont
la société se fait un besoin, fut agréée du roi au mois de janvier 1771.
La maison, reconstruite en 1761, a 27 chambres de pen-
sionnaires pénitentes ; il n'y en a que 8 qui soient occu-
pées.
La chapelle est meublée et desservie : on y remarque
l'autel encadré d'un arc de triomphe.
— 191 —
R. 1.707 ». — Ch. 907 », sur lesquelles sont prélevées
500 * pour l'aumônier, et 300 * pour le culte.
<Szcp. Mm* Legros.
Aumônier : Jos. Laillaud, de St-Saturnin.
Administrateurs : 2 prêtres et un laïc. Ces deux premiers
sont M. Douaud, chan., et M. Galouin, rect. de St-Lanrent.
Abbé P. Grégoire.
VENETES, NANNÊTES ET SAMN1TES
Il y a quelques années, des écrivains que la Société Archéolo-
gique de Nantes s'honore de compter parmi ses membres pu-
bliaient sur la presqu'île guérandaise des Etudes qui ont vive-
ment attiré l'attention. Rompant avec une tradition respectée
jusque-là à l'égal d'un principe, s'appuyant sur le récit de
César, sur la topographie des lieux, sur les écrits des contem-
porains, ils osèrent affirmer que les Venètes s'étendaient jusqu'à
la Loire, et que la campagne de César en Vénétie avait eu
pour théâtre le pays de Guérande.. L'idée était neuve, assu-
rément ; qu'importe, si elle était juste. Combien de faits his-
toriques ont été redressés de même par les patientes investiga-
tions des contemporains ! Accueillie d'abord avec quelque sur-
prise, cette opinion ne tarda pas à faire son chemin et à rallier
de nombreux partisans. Nous-même, qu'on nous pardonne ce
détail, parce qu'il explique notre intervention au débat, dans une
modeste étude qui n'a peut-être pas été oubliée, nous adoptions
pleinement les conclusions de MM. de Kersabiec et Kerviler.
Ces conclusions ont été contestées depuis, dans cette enceinte
même. Nos hardis Venètes ont été refoulés, encore une fois, au
delà de la Vilaine, et telle est la valeur de l'honorable collègue qui
a conduit cette nouvelle campagne, si vigoureuse a été son atta-
que, qu'il a obtenu un véritable succès. A Vannes, au Congrès
archéologique de France , à Redon, au Congres de l'Association
Bretonne, sa thèse a eu les honneurs d'une discussion publi-
que ; un membre de la Société Académique de la Loire-infé-
1881 43
— 194 —
rieure lui a décerné des éloges sans restriction ('), et l'ancien
Président de notre Société, un de nos critiques les plus compé-
tents, s'est, pour sa part, déclaré convaincu.
Toutefois, avec cette prudence qui distingue les véritables sa-
vants, M. le baron de Wismes a eu soin d'ajouter : « La liberté
de la réponse est d'ailleurs toujours sauve (-). »
C'est cette liberté de la réponse que nous venons revendiquer
aujourd'hui. La réplique, il est vrai, ne s'est pas fait attendre,
et au Congrès de Redon, notre habile contradicteur trouvait dans
réminent ingénieur du bassin de Penhouet, M. Kerviler,un anta-
goniste digne de lui. Mais peut-être tout n'a-t-il pas été dit sur
une question de cette importance, et on peut espérer encore la
discuter avec quelque fruit sous d'autres aspects. Puis nous avons
pensé qu'une protestation devait s'élever là môme où l'affirma-
tion s'est produite. Cette Assemblée a vu la cause portée à son
tribunal, il semble qu'il lui apparticmccle présider les débats,
d'entendre les opinions en sens divers et de recueillir les pièces
contradictoires de cet intéressant procès.
Voici, exposé en quelques mots, le système qui a ravivé la
lutte :
« Les Venètes ne dépassaient pas la Vilaine. Entre la Vilaine et la
Loire, et sur la rive droite de ce dernier fleuve jusqu'aux limites
de l'Anjou habitaient les Sarnnites, occupant la plus grande partie
de notre département. Quant aux Nannôtes, n'allez parles cher-
cher aux bords de la Loire, ils étaient cantonnés par delà le pays
angevin, à l'orient du Maine. Les textes de Pline, de Strabonet
de Ptolémée ne laissent aucun doute à cet égard.
« C'est une erreur de croire que la bataille navale livrée contre
les Venètes eut lieu dans les eaux guérandaises, théâtre trop
infime pour cela. La flotte venète était au mouillage dans le
(*) Séance du 7 septembre 1881. César chez les f'enèies, de M. 0 lieux,
Rapport fait par M. Manchon.
(a) Allocution de M. le baron de Wismes, en quittant le fauteuil pré-
sidentiel, le 18 janvier 1881.
— 195 —
golfe du Morbihan et eu sortit pour aller au devant de la flotte
romaine. La rencontre dut s'effectuer à la hauteur de la pres-
qu'île de Rhuys. Quant à César, du pays des Andes et des Car-
nutes, il avait marché, à la tète de ses troupes de terre, jusqu'au
golfe du Morbihan et, ayant attaqué inutilement les îles et les forts
de cette côte, il s'était retranché entre Vannes et la Vilaine pour
attendre les mouvements de sa flotte. »
Tel est le résumé de cette étude intitulée -.César chez les Ve-
nètes. Est-il besoin de dire qu'elle est signée du nom d'un col-
lègue honoré et apprécié parmi nous, M. Eugène Orieux, agent-
voyer en chef de la Loire-Inférieure ? Elle contient deux parties
principales: l'examen des textes tendant à justifier la hardiesse
de certaines innovations géographiques, et la topographie des
côtes guérandaises, dans le but de prouver que la bataille navale y
était impossible, quand tout s'y prêtait dans le Morbihan.
Il est juste d'ajouter que l'intérêt qui s'attacbe à cette œuvre
n'a pas un instant le temps de languir, grâce à l'élégante so-
briété du style et à la rapidité concise avec laquelle la thèse est
conduite.
Cette étude contient trente-quatre pages d'impression, réduites
à vingt-neuf, si on en défalque le récit de César reproduit in ex-
tenso. Pour tant de questions soulevées, c'est bien peu, trop peu
peut-être. L'auteur a rassemblé les textes les plus connus, et,
presque sans débat, il conclut, le plus souvent, en procédant par
affirmations sommaires. Je crains, je l'avoue, d'encourir un re-
proche tout opposé et de fatiguer l'attention par de trop longs
détails, voulant, à des théories qui semblent très discutables, ré-
pondre avec les développements que comporte un sujet aussi com-
plexe.
La campagne de César en Vénétie a donné lieu à bien des in-
terprétations contradictoires. Cela vient surtout des divergences
qui se sont produites dans la situation assignée aux peuples roi-
sins des Venètes, et dans le territoire attribué à ceux-ci.
La question, selon nous, se formule donc en ces termes :
— 196 —
Quelle était la position géographique des Venètes, des Nan-
nètes (') et des Samnites, en l'an 57 avant notre ère?
Si, comme l'affirme M. Orieux, la Vénétie s'arrêtait à la Vilaine,
si les Samnites occupaient la presqu'île guérandaise et tout le
territoire où nous plaçons d'ordinaire les Nannètes, la marche
suivie par César n'est pas douteuse, en effet. Traversant « une
région qui était en paix avec les Romains (2), » il vint, sans trou-
ver d'obstacles, camper avec son armée en plein pays de Vannes
et la bataille navale se livra sur les côtes du Morbihan.
Mais si, comme nous espérons le prouver, les Venètes s'éten-
daient jusqu'à la Loire, avec les Nannètes pour voisins et pour
alliés, les conditions dans lesquelles s'engage la guerre sont tout
autres; la marche des légions en est profondément modifiée, car
elles ne peuvent laisser derrière elles le pays des Nannètes, ainsi
qu'une importante partie de la Vénétie et, selon toutes les pro-
babilités, nos côtes guérandaises deviennent le théâtre de la lutte.
Ce serait alors une seconde question à examiner.
Le point capital donc, celui qui s'impose tout d'abord, est do
préciser, à l'aide des documents qui nous restent, la situation des
Venètes et des peuples limitrophes. Tel est le but que nous nous
proposons dans cette élude.
1
Du côté de l'occident, la frontière des Venètes paraît bien net-
tement déterminée.
« En sortant, dit Strabon, du pays des Venètes, on entre dans
« celui des Osismiens qui habitent le long de l'Océan sur un pro-
(') Les géographes grecs disent Namnèles et non Nannètes, mais com-
me César et Pline écrivent Nannètes, je me décide pour ce dernier nom.
(-) Orieux, César chez les Fenètcs. Bulletin de la Société Arch. de Nantes
1880. p. 49.
- 197 —
« montoire assez étendu, pas autant toutefois que l'ont débité
« Pythéas et ceux qui l'ont suivi. »
Au temps dePtolémée, les limites respectives desOsismiens et
des Venètes restent encore les mêmes, car, d'après ce géographe,
« les derniers peuples de la Gaule sont les Osismiens qui vont
« jusqu'au promontoire Gobœum, ayant Vorganium pour capitale,
« et au- dessous d'eux sont les Venètes. »
Ce promontoire si étendu que Pythéas n'en voyait pas la fin,
nommé par les anciens promontorium Gobœum, et dont Marcien
dans son Périple, faisait le point de départ, au couchant, de la lon-
gitude de la Gaule, c'est la pointe S.-Mathieu, ce célèbre cap Pen-
ar-Bed, où nos aïeux plaçaient le bout du monde et auquel le dé-
partement du Finistère a emprunté son nom.
Rien de plus précis que l'affirmation de Marcien, quand il dit :
« La Gaule Lyonnaise se termine, au septentrion, par l'océan Bri-
tannique et sa longitude commence au promontoire Gobœum. »
L'identification de ce promontoire avec le cap S.-Mathieu n'est
pas douteuse, puisque la pointe Saint-Mathieu est le cap le plus
avancé en mer, vers l'ouest, de toute la péninsule armoricaine.
Toutefois une objection peut m'être faite qu'il est nécessaire de
discuter. « Prenez garde, me dira-t-on, Pornponius' Mêla qui
vivait au premier siècle de notre ère, place l'île de Sein en face
du littoral osismien. Or, cette île étant située au-dessous delà baie
deDouarnenez, en avant du bec du Raz, il en résulte que le ter-
ritoire des Osismiens descendait au midi bien au delà du goulet de
Brest et embrassait presque toute la Gornouaille armoricaine, de
qui rétablirait à peu près les Venètes dans les limites qu'on leur
assigne généralement. »
A cela je répondrai que le point de départ de l'objection est
loin d'être prouvé. Une vague similitude de nom entre Vinsula Sena
et l'ile de Sein ne suffit pas pour les identifier. Similitude bien
vague, en effet, puisque, au siècle dernier, l'île de Sein s'ap-
pelait vulgairement l'île des Saints, et que, d'après des autorités
incontestables, comme le P. de Rostrenen et D. Le Pelletier, les
Bretons la nommaient Énès Sizun, Seizun, ou Suzun. Un ancien
- 198 -
titre duGartalaire de Landevenec, cité parD. Lobineau, lui donne
le nom ftlnsuïa Seidzun que D. Lepelletier écrit Seidhun (*).
Du reste, pour prouver combien l'opinion qui veut placer là
le sanctuaire des vierges armoricaines semble peu admissible, il
suffit de citer le texte môme de Pomponius Mêla : « L'île Sena,
« dit-il, remarquable par l'oracle d'une divinité gauloise, est si-
« tuée dans la mer Britannique, en face des rivages des Osis-
« miens. Les prêtresses, vouées à une perpétuelle virginité, sont au
« nombre de neuf. Les Gaulois les appellent Cènes, et ils croient
« qu'inspirées par des génies extraordinaires, elles peuvent par
« leurs incantations, déchaîner les vents et soulever les flots de
« la mer, se transformer en toutes sortes d'animaux, guérir les
« maladies jugées incurables, connaître et prédire l'avenir ; mais
« elles n'exercent leur art qu'en faveur des navigateurs qui
« viennent tout exprès les consulter (-). »
Si tout ce récit n'est pas une fable comme les auteurs latins et
grecs en ont tant débité sur la Gaule, — et en tout cas, fût-ce
une fable, la position géographique resterait toujours, — si une
île a existé où se tenait un collège de prêtresses gauloises, ce
n'était pas certainement l'île de Sein. « Elle est environnée des
« écueils les plus dangereux qui soient en Europe ; le trajet pour
« s'y rendre est des plus périlleux et fait trembler les plus har-
« dis (3). » Or, dans le but de conjurer les tempêtes ou de se
faire guérir d'une maladie, quel navigateur eût voulu courir le
danger beaucoup plus imminent d'aller se briser contre les récifs?
D'ailleurs Pomponius Mêla place l'île Sewadans la mer Britan-
nique, ce qui ne convient nullement à l'île de Sein qui est en plein
Océan. La merBritannique, pour les anciens, était cette partie de
rOc**ti comprise entre la Gaule et l'île de Bretagne. C'était à peu
(j) « Insulam quœ vocata est insula Seidzun. » D. Lobineau. Hist. de
Bret. U. p. 17. — D. Le Pelletier. Dict. breton, p. 804.
(2) Pomponius Mêla. De situ orbis. Lib. III cap. G.
(3) Ogce. Dict. hist. de Bretagne, art. île des Saints.
— 199 —
près ce que nous appelons maintenant la Manche. Les vieux géo-
graphes sont précis à cet égard. Nous venons de voir Marcien.
Ptolémée, décrivant les côtes de la péninsule armoricaine, n'est
pas moins explicite. Arrivé au promontoire Gobée, il ajoute :
« Le côté qui aspecte le septentrion, sur la mer Britannique,
« suit ainsi: après le promontoire Gobée le port Staliocan... »
Cette description ne peut aucunement s'appliquer au bec du Raz.
Il faut donc remonter plus au nord, et chercher YInsula Sena
dans une de ces îles du Léonais que l'antiquité a entourées de mys-
térieuses légendes, peut-être à l'île d'Ouessant par exemple,
YUxantis ou YAxanlis des auteurs, que Pline plaçait dans la mer
Britannique comme c'est, en effet, sa position et que l'Itinéraire
d'Antonin appelle Uxantissina, nom dont la ressemblance est
bien autrement frappante que celle qu'on irait chercher dans
une dénomination toute moderne.
Les limites des Venètes semblent donc bien précises, du côté
de l'ouest. S'arrêtant à la mer britannique, ils avaient en leur
pouvoir les côtes de l'Océan, et leur territoire qui s'étendait
jusqu'à la pointe Saint-Mathieu, renfermait par conséquent la
plus grande partie de la Cornouaille et tout le pays de
Vannes.
Maintenant, vers l'orient, jusqu'où ce territoire s'étendait-il ?
II
Avant d'examiner les textes, je tiens à présenter une obser-
vation préjudicielle, ce que l'Ecole nommerait un argument
a priori.
Les origines de la ville de Vannes ne se prêtent pas à de longs
détails. Avant la conquête romaine, et longtemps encore après,
elle reste entourée d'une profonde obscurité. C'est que, perdue
— 200 —
au fond de son golfe parsemé d'îlots et aux courants irrésistibles,
elle n'est pas placée sur le chemin des grands navigateurs. Les
écrivains qui en veulent raconter les fastes n'ont d'autre res-
source que de s'approprier pour leur ville le récit de César
et de placer la bataille navale sur les côtes morbihannaises,
prenant pour un fait acquis ce qui n'est rien moins que prouvé.
Quelle différence avec nos ports de l'embouchure de la Loire !
C'est là que pendant de longs siècles se déroulent les plus graves
événements de notre Bretagne. Dès la plus haute antiquité, des
religions étranges y fleurissent, importées évidemment des pays
d'outre-mer, tant elles sont en désaccord avec les croyances drui-
diques. Là s'élevait autrefois une ville célèbre, Corbilon, dont le
commerce, au dire des anciens, rivalisait avec celui de Marseille.
Après la ruine de Corbilon, c'est encore d'un port à l'embou-
chure de la Loire, que partent les navires pour L'île de Bretagne,
et l'on peut affirmer, sur la foi d'un contemporain, que le prin-
cipal objectif de la guerre provoquée par les Veuètes fut d'em-
pêcher l'amoindrissement de cet entrepôt de leur commerce ma-
ritime (').
Est-ce fini, avec la conquête ? tant s'en faut. Les Saxons ra-
vagent incessamment notre littoral, au point qu'il en reçoit le
nom de Saxonique. Pour les contenir, une cohorte romaine
commandée par un tribun militaire, occupe la forteresse de
Grannone, au territoire de Guérande, et plus tard les exploits
1 Quatuor sunt usitati è continente in Insulam trajectus : nimirum au
ostiis fluminum Rheni Sequanœ, Ligeris et Garumnœ. . . .
.... Feneti navali pugnâ cum Cœsare congressi sunt, parali ejus brilan-
nieam navigationem impedire, quod eoipsi uterentur emporio.
Strabon. Livre iv. Paris, 1620. P. 194 et 199.
La cause réelle de la guerre n'aurait-elle pas son explication daas le fait
suivant, raconté par le même auteur? Un P. Grassus, probablement le
lieutenant de César chez les Andes, ayant enfin reconnu les Iles Cassité-
rides, enseigna aux Romains la voie de Cadix pour le commerce del'étain.
C'était l'anéantissement du monopole des Venètes.
Slrab. Ibid., p. 176.
— 201 —
légendaires de Gradlon-Mùr, comte de Cornou aille, « vainqueur
en cent combats, » rougiront les eaux de la Loire du sang de
ces barbares (*).
Les émigrants de la Bretagne insulaire viennent chercher un
refuge dans notre presqu'île et s'établissent sur nos côtes, bien
avant leur établissement à Vannes. Ils s'y établissent si forte-
ment qu'une armée de douze mille hommes, commandée par
Kiothime, peut bientôt remonter la Loire pour aller combattre
dans le Berry.
C'est encore de l'embouchure de la Loire que va s'élancer le
terrible Guerech pour dévaster le pays nantais.
A leur tour arrivent les Normands qui remontent tant de
fois le fleuve, semant la ruine et l'incendie dans la ville de Nan-
tes, et qui font des îles de Batz et deNoirmouliers les repaires de
leurs brieamlases.
Tout cela ne prouve-t-il pas jusqu'à l'évidence que nos côtes
guérandaises étaient sur la route des navigateurs et furent visi-
tées par les peuples les plus divers ?
Et fatalement, il en devait être ainsi. Au temps d'Annibal,
nous apprend Poiybe, l'embouchure du Rhône était le centre
d'un immense mouvement commercial (9). Les marchandises y
affluaient en descendant le fleuve, et le remontaient sur un grand
nombre de bateaux. Or c'était l'époque où, d'après Pythéas, Cor-
bilon, rivale de Marseille, florissaità l'embouchure de la Loire.
(!) Claret centenis victorin armis;
Testis et ipse Liyer fluvius est, cujusinallis
Acta acriter fuerant tune preelia tanta !
C'est par ces accents enthousiastes que le moine Gurdestin célébrait les
hauts faits de Gradlon. Un comte de Cornouaille se signalant au Ve siècle
par ses exploits à l'embouchure de la Loire, cela ne donne-t-il pas à pen-
serquela Cornouaille armoricaine faisait encore partie du territoire véné-
tique ?
On a remarqué souvent le rapport frappant qui existe entre les deux
dialectes bretons de Cornouaille et de Vannes.
(2) Poiybe, m. 42.
— 20-2 —
Et si le Rhône, d'une navigation moins facile et moins étendue,
se prêtait à une telle activité, quelle ne devait pas être, sur
l'Océan, celle à laquelle donnait lieu le plus grand et le plus na-
vigable de nos fleuves, celui qui arrosait les villes les plus riches
de la Gaule et entre autres Genabum (Orléans), qui paraît avoir
été, au temps de César, l'entrepôt des denrées de Tinté-
rieur (').
La Loire était un des grands chemins de l'antiquité. C'était
la route que devaient suivre les Venètes quand, en trente
jours, ils transportaient l'étain à Narbonne. Au dire de Stra-
bon, les marchandises venaient de la Mer Intérieure par la
voie de terre au pays des Arvernes et de là descendaient
le cours de la Loire pour arrivera l'Océan. L'embouchure du
fleuve était par conséquent tête de ligne de cette route à tra-
vers la Gaule ().
Est-il permis de supposer que les Venètes, ces continuateurs
des Corbiloniens, aient pu négliger une station de celte impor-
tance, celle-là même qui pouvait seule leur assurer, d'une ma-
nière effective, leur suprématie maritime et commerciale ? 11 me
semble que poser la question, c'est la résoudre.
III
Voyons maintenant si les textes ne sont pas en parfait accord
avec ces données, et commençons par César dont le témoignage est
bien de tous le plus important. Principal acteur dans le drame
(*) César. De Bello gall. vit. 3. — Strabon appelle cette ville Yemporium
des Camutes. — 'Pustc S'outoc (Àstyip) 7:apoc rvjvapov, xb tmv Kapvouxiov
![X7topeiov, xaxà [jtiaov rà>u tov t;Xoïïv (juvoixooj/.svov , £x(3aXÀst repèc tov
Qxeavov. Strab., liv. iv, p. 191.
(2) Strabon, liv. iv, p. 18fi.
- 203 —
qui s'agitait, ce général a vu, a étudié le pays dont les autres
auteurs ne parlent que par ouï-dire, et il l'a décrit en stratégiste
expérimenté.
Qu'il ait exagéré plus d'une fois les hauts faits de ses troupes
et l'importance de ses succès, c'est très probable, puisqu'un
contemporain, Asinius Pollion, contestait, en plusieurs circons-
tances, la véracité de ses récits (*) ; mais quand il s'agit de dé-
tails géographiques, il est impossible de récuser son incontes-
table supériorité.
Tout le monde connaît le récit de la guerre des Venètes par
l'auteur des Commentaires ; aussi n'en reproduirai-je que les
deux premiers paragraphes, à cause des conséquences qui en
découlent.
César entre tout d'abord ainsi dans son sujet: « Le jeune
P. Crassus, avec la 7e légion, hivernait près de l'Océan, chez
les Andes. Comme le blé y manquait, il envoya un certain
nombre de préfets et de tribuns militaires chez les peuples voisins,
pour leur demander du froment et des vivres, entre autres
T. Terrasidius chez les Unelles, M. Trebius Gaïlus chez les Cu-
riosolites, Q. Velanius et T.Silius chez les Venètes.
De toute la côte maritime de ces contrées, ce dernier peuple est
celui dont V autorité est la plus considérable (2), et en voici les
causes : les Venètes ont un grand nombre de vaisseaux sur les-
(4) Suétone, Fie de César.
(2) La traduction donnée par M. Orieux dénature complètement le sens de
ce membre de phrase, en faisant dire à César : « La cité des Fenètesest une
des plus considérables et des plus puissantes de toute la côte. »
On peut comparer avec le texte latin :
Hujus civitatis est longe amplissima auctoritas omnis orœ marilimœ
regionum earum, quod et naves liaient plurimas quibus in Britanniam
navigare consuerunt, et scimtia atque usu naulicarum rerum reliquos an-
tecedunt et in magno impetu maris atque aperto, paucis portubus interjec-
lis quos tenent ipsi, omnes fere qui eodem mari uti consuerunt habent
vectigalcs. (De Bello. g ail. m. 8.^
— 204 -
quels Us ont coutume d'aller trafiquer en Bretagne; ils sur-
passent les autres peuples dans la connaissance et la pratique
de la navigation, et possédant, sur une mer vaste et orageuse, le
petit nombre de ports qui y sont disséminés, ils ont pour tribu-
taires presque tous ceux qui naviguent dans celte mer. »
On remarquera que, pour la traduction de ce dernier mem-
bre de phrase, je me sépare complètement de plusieurs de mes
devanciers. Je crois que la construction latine exige impérieu-
sement que les mots omnes fere, presque tous, se rapportent,
non pas aux ports de cette mer vaste et orageuse, lesquels sont,
sans restriction, possédés par les Venètes, mais bien aux navi-
gateurs. Ainsi l'interprète la traduction Artaud, revue par M.
Félix Lemaître (l) ; ainsi l'expliquent des professeurs que j'ai con-
sultés, et toutes les personnes qui se sont livrées à une sérieuse
étude delà langue latine seront de cet avis. Je suis môme per-
suadé que les auteurs qui ont traduit différemment n'y ont été
amenés que parce que l'affirmation de César, prise dans son
véritable sens, leur semblait par trop absolue.
Mais, en l'examinant de plus près, on verra, au contraire,
qu'elle est d'une précision remarquable et qu'elle concorde,
d'une manière frappante, avec les textes des géographes que nous
citions en commençant.
Quand César attribue aux Venètes une autorité prépondérante
sur les peuples de toute la côte maritime de ces contrées, quelle
côte entend-il désigner? Celle naturellement qu'il vient dénom-
mer dans la phrase précédente, qui part du pays des Unelles et
des Curiosolites pour aboutir à l'autre extrémité de la péninsule
armoricaine, c'est-à-dire toutes les côtes du Cotentin et de
notre Bretagne actuelle jusqu'à la Loire.
(*) Quant à la traduction de Wailly, vieille de cent ans, et choisie par
M. Orieux, les mots omnes fore n'y sont pas traduits du tout. Il serait
trop long d'ailleurs de relever toutes les inexactitudes dont elle fourmille.
Elie aurait bien dû être revue et corrigée, avant de nous être produite.
— 205 —
Après avoir mentionné la supériorité des Venètes sur leurs voi-
sins, César énumère les causes qui l'ont produite : le grand
nombre de leurs vaisseaux, leur science de la navigation, leur ha-
bitude de la mer, leur actif commerce avec l'île de Bretagne ; puis,
dans une phrase incidente où se trahissent des préoccupations
causées par une guerre toute nouvelle pour lui, il ajoute que
« possédant sur une mer vaste et orageuse le peu déports qui s'y
trouvent, les Venètes ont pour tributaires presque tous les navi-
gateurs qui la fréquentent. »
Cette mer vaste et orageuse, c'est l'Océan Atlantique. La Mé-
diterranée, la mer Britannique sont limitées par des côtes, mais
l'Océan Atlantique est sans limites et sans abri. Ce qui fait dire à
César quelques lignes plus loin : « autre chose est de naviguer
sur une mer enfermée dans les terres que sur l'Océan immense et
ouvert de tous côtés. » Et pour qu'il n'existe aucun doute
sur sa pensée, l'historien emploie encore le même mot apertus,
ouvert, dont il s'est déjà servi pour peindre la partie occupée
par les Venètes.
Nous connaissons la position des autres peuples côtiers de la
péninsule. Osismiens, Curiosolites, Unelles sont situés sur les ri-
vages de la mer Britannique; les géographes nous l'ont appris,
et César lui-même n'a pas négligé de nous le dire. Car nom-
mant les Osismiens parmi les peuplades maritimes alliées des Ve-
nètes, il prend soin d'ajouter que ceux-ci demandent des secours
a l'île de Bretagne située vis-à-vis de ces contrées (4).
Il est donc bien incontestable, et cela de l'avis de tous les au-
teurs, que la mer Britannique des anciens commençait avec les
(4) Socios sibiad id bellum Oshmios, Lcxovios, Nannetcs, Âmbianos,
Morinos, Diablintes, Menapios adsciscunt; auxilia ex Britaimia, quœ contra
cas regiones posita est, accersunt. (De Bello gall. III. 9.)
La traduction choisie par M. Orieux rend ce passage à contre-sens,
quand elle fait dire à César : Ils (les Venètes) font venir des secours de
la Bretagne qui est située vis-à-vis d'eux, de l'autre coté de lamcr.
coles osismienaes, et que seuls de tous les peuples de la pénin-
sule armoricaine lesVenètes étaient situés sur l'Océan. Or comme
ils possédaient, non pas presque tous les ports, mais tous les ports
decette côte, on est bien forcé d'admettre que leur domination
embrassait la presqu'île guérandaise et ne s'arrêtait qu'aux côtes
pictones.
Avec cette interprétation du texte de César, la seule vraie, se-
lon nous, point d'équivoque possible, rien de laissé dans l'incer-
titude. Les limites du territoire des Venètes sont irrévocablement
fixées, à l'ouest comme à l'est: à l'ouest, au promontoire Gobée qui
n'est autre que le cap Saint-Mathieu, et à l'est, à l'embouchure de
la Loire. Impossible de trouver sur cette partie de l'Océan un
point libre quelconque pour y établir des Samnites; et dans la
presqu'île guérandaise moins que partout ailleurs, puisqu' à l'em-
bouchure de la Loire se trouvait, suivant Srabon, un des quatre
ports de Gaule où l'on s'embarquait pour l'île de Bretagne cl
que ce port ne pouvait appartenir qu'aux Venètes lesquels avaient
le monopole du commerce avec l'île.
Toutefois, j'admets qu'il puisse y avoir erreur de ma part et
que la traduction acceptée par mes devanciers doive être préférée.
On va voir qu'avec cette dernière version nous arriverons eucore
aux mêmes conclusions.
IV
Ici je viens me heurter contre le travail récent dont j'ai parlé
et qu'il faut bien aborder de front. Pour fixer la géographie des
peuples de nos contrées, notre éminent contradicteur s'appuie
sur Pline, Strabon et Ptoîémée que nous discuterons bientôt avec
lui. Mais quoiqu'il nous rappelle souvent au texte des Commen-
taires, je cherche en vain dans son Étude un argument quel-
conque qu'il y ait puisé.
M. Kerviler avait fait observer que «si lesVenètes n'avaient pos-
— 2U7 —
sédé que le Morbihan et les cent kilomètres de cotes qui vont
de l'Ellé à la Vilaine, César n'eût pu parler de leur littoral
comme ouvert aux grands mouvements de la mer, puisqu'il
n'aurait formé qu'une immense baie fermée; que la phrase de
César s'applique parfaitement au contraire à toute l'étendue de
la presqu'île armoricaiue; que ces mots paucis porlubus inter-
jectis qicos tenent ipsi omnes fere indiquent clairement qu'ils
avaient en leur possession presque tous les ports de la pres-
qu'île, et que les anciens géographes n'en signalant qu'un
fort petit nombre au nord, à peine un ou deux, on doit en con-
clure qu'ils possédaient tous ceux du sud (*). »
A ce raisonnement M. Orieux, répond d'une façon quelque
peu magistrale :
« Cela ne suffit pas pour nous autoriser à conclure que les Ve-
« nètes possédaient toute la côte entre la Vilaine et la Loire.
« C'est une conséquence trop absolue, à laquelle, certes, César
« n'a pas songé ; que n'admettent pas les écrivains antérieurs
« au Ve siècle, ni même la nature des lieux, et qu'il serait
« malaisé de justifier (2). »
« C'est une conséquence trop absolue » dites-vous. Pourquoi,
si elle se déduit rigoureusement du texte des Commentaires ?
« 11 serait difficile de la justifier. » Mais c'est précisément cette
justification qu'on vous donne, à vous de démontrer qu'elle porte
à faux, apportez des preuves. « Les écrivains antérieurs au Ve
siècle ne l'admettent pas. » Quels écrivains ? Nous verrons tout
à l'heure que ce ne sont pas ceux que vous avez cités. « La na-
ture même des lieux s'y oppose,» dites-vous. Eh ! en quoi ? Qui
peut s'opposer dans la nature du territoire guérandais, à ce qu'il
appartînt aux Venètes ? Pour ces marins habitués à franchir l'O-
(J) Études critiques sur la géographie de la presqu'île Armoricaine,
par M. Kerviler. P. 14 et 15. Note de César chez les Venètes.
{-) César chez les Venètes. Ibid. p. 53.
— 208 —
céan, la Vilaine était-elle donc, comme on dit de nos jours, une
frontière scientifique ?
« César, certes, ajoutez-vous, n'y a pas songé. » Qu'en savez-
vous? La pensée d'un auteur ne peut se dégager que de ses
écrits, et ici elle est manifeste. Cette côte maritime dont parle
le conquérant et où presque tous les ports sont possédés par les
Venètes, c'est-à-dire au moins tous les ports du Sud, suivant
l'observation très juste de M. Kerviler, est-il possible de la scin-
der avant l'embouchure de la Loire. ? C'est la limite naturelle,
celle que Pline lui a également assignée. En deçà de cette li-
mite, les mots totius orœ maritimœ des Commentaires n'auraient
plus de sens ; au delà, sont les Pictons et les Santons, alliés de
César, lesquels ont une flotte et des ports sur l'Océan.
Les Venètes s'étendent donc jusqu'à la Loire, et dès lors qu'un
port existe non loin de son embouchure, ce port leur appar-
tient.
Telle n'est pas l'opinion de M. Orieux, car il ajoute : « Mais,
« poursuit-on, en insistant, il y avait en Gaule quatre points du
« littoral où l'on s'embarquait pour l'île de Bretagne, les em-
« bouchures du Rhin, de la Seine, de la Loire, de la Garonne. De
« ce que les Venètes possédaient les ports de la côte, et qu'ils
« avaient le monopole du commerce de l'île de Bretagne, ils
« étendaient leur domination jusqu'à la Loire. Et d'un autre
« côté, Pline, qui leur attribue toutes les îles du littoral, descend
« jusqu'à Oléroupour en nommer une qui ne soit pas à eux (').
« Voilà qui est bien ! Parce que les Vénitiens ont été les
« maîtres du commerce de la Méditerranée, ne faut-il pas qu'ils
« aient possédé les deux rives de l'Adriatique? et aussi les
« côtes de la Grèce, et celles de la Turquie également, et... Où
(') Blanchard. Le Dialecte breton. Bulletin «la la Société Archéologique
p. MO. ISote de César chez les Venètes.
Ai-je besoin de faire observer que ces deux questions des ports et des
îles groupées ici par M. Oricus, sont parfaitement distinctes dans l'étude
précitée?
- 209 —
« n'irait-on pas avec un pareil raisonnement ? Et les Génois,
« que n'auraient-ils pas possédé en Europe? Et l'Angleterre
« dont les navires font actuellement notre commerce, serait-elle
« donc aujourd'hui maîtresse de nos ports ?
« Pour attribuer aux Venètes l'embouchure de la Loire, ainsi
« que l'île de Noirmoutiers, il faut d'autres raisons que celles
« qu'on vient de nous exposer (*). »
Rendons grâce à l'auteur de n'avoir pas poussé plus loin
une énumération qui pouvait devenir interminable. Il s'agit
bien, en vérité, de quelque station lointaine! Comment! voilà
un peuple qui, selon Strabon et Ptolémée, occupe la côte méri-
dionale de la péninsule armoricaine jusqu'au goulet de Brest, et
sur cette même côte, il y a un port qui lui est indispensable,
entre tous, parce qu'il y concentre son commerce avec la
Grande-Bretagne, et ce port-là, seul, ne serait pas à lui ! et c'est
une peuplade inconnue dans l'histoire qui abritera ses vaisseaux
et s'enrichira de ses trésors ! Qu'il plaise à cette peuplade de
fermer son port aux Venètes, leur puissance maritime s'ébran-
lera du même coup ! Etait-ce une situation possible pour ces
hardis navigateurs, quand il leur eût été si aisé de s'affranchir
de cette dépendance en transportant, un peu plus loin, dans un
de leurs ports à eux, l'entrepôt de leur commerce avec l'île?
C'est absolument comme si la France avait son comptoir de
Marseille en Italie, par exemple, ou l'Angleterre son Liverpool
sur notre littoral. Mais on veut, pour les besoins de sa cause,
établir des Samnites dans la presqu'île guérandaise, il faut bien,
coûte que coûte, en expulser les Venètes.
Et l'on ne prend pas garde que les Commentaires qui ont
décrit la puissance maritime de ce dernier peuple en termes si
magnifiques ne nomment pas une seule fois les Samnites.
(4) César chez les Fenètes. Ibid., p. 55.
1881 14
210
Mais peut-être les contemporains vont-ils modifier les impres-
sions que nous laisse le récit de César. J'ouvre l'étude de M.
Orieux, et j'y lis ce qui suit : « Dans la Lyonnaise, dit Pline,
sont les Lexovii, les Vellocasses, les Galleti, les Veneti, les
Abrincatui, les Osismii. Là coule le célèbre Liger; là une pénin-
sule remarquable s'avance dans l'Océan depuis les limites osis-
miennes. On lui donne 625 milles de circuit, et 125 de largeur.
Au delà sont les Nannètes.
« Ainsi, ajoute l'auteur de César chez les Venèies, d'après Pline
« qui vécut de l'an 23 à l'an 79 de notre ère, les Nannètes étaient
« en dehors de la péninsule armoricaine, et non dans la pénin-
« suie où nous les trouvons au Ve siècle ('). »
A cette objection on pourrait se contenter de répondre avec
l'auteur lui-même : « nous devons confesser que la situation des
« peuples de la Gaule au Ve siècle ne nous préoccupe aucune-
« ment (2). » En effet, qu'est-ce que cela prouve? Tout simple-
ment qu'au temps de Pline, les Nannètes n'occupaient pas
encore la presqu'île guérandaise que leur attribua plus tard le
remaniement des évêchés. C'est tout à fait notre opinion. Biais
où peut-on voir là un motif d'aller placer les Nannètes aux en-
virons de Lisieux ?
Il ressort du texte de Pline qu'à ses yeux, celte péninsule,
qui s'avançait dans l'Océan jusqu'au fond des côtes osismiennes,
était formée par la mer et non par les fleuves. Notre contradic-
(') César chez les Fenètes, p. 40.
(a) Ibicl. p. 45.
Il faudrait reculer de plusieurs siècles pour être dans la vérité. Aucune
pièce n'établit qu'au Ve siècle la presqu'île guérandaise appartînt déjà aux
Nannètes, quand plusieurs documents, au contraire, démontrent ses attaches
à la Vénétie.
— 211 —
leur le reconnaît lui-même, quand il dit : « Les divisions géo-
« graphiques des anciens nous apprennent qu'ils limitent cette
« péninsule à la Basse-Loire (*). » Les Nannètes, situés sur la
rive droite du Liger, étaient donc placés en dehors de la pénin-
sule armoricaine ; leur position se trouve ainsi nettement dé-
finie, et ce qu'en dit Pline est rigoureusement exact. En éta-
blissant cette peuplade au delà des Andes, et bien loin de la
Loire, on fait dire un non-sens à l'auteur latin. Car, dans ce cas,
qu'avait-il besoin de citer les Nannètes, plutôt que les Céno-
mans, par exemple, ou les Garnutes ou tout autre peuple
méditerrané ?
Quant aux Samnites, je ne vois pas ce qu'ils ont à faire en
tout ceci. Dans la nomenclature des peuplades maritimes, Pline
ne les nomme même pas, ce qui eût été un étrange oubli s'ils
eussent occupé tes soixante-dix kilomètres de côtes de la
Vilaine à la Loire. Ils méritaient bien une mention, au même
titre au moins que les Abrincates ou les Vellocasses.
Non, si Pline n'en parle pas, si César n'en a pas parle non
plus, c'est que leur peu d'importance ne leur méritait pas cet
honneur, et que « le pays d'entre Vilaine et Loire était absolu-
« ment vénétisé. Sans cela, comme le fait observer très juste-
« ment M. Burgault, César eût nommé les Samnites parmi les
« peuples armoricains; Pline, énumérant les populations éche-
« lonnées sur la côte, du Rhin à la Loire, n'eût pas indiqué les
« Venètes comme le dernier peuple avant l'embouchure du se-
« cond de ces fleuves, et on ne retrouverait pas Guérande fi-
« gurant, plusieurs siècles après, au territoire des Venètes (5). »
(i) Ibid, p. 46.
(2) Notice sut les Peuples Armoricains, par M. Burgault. Bulletin de la
Société Polymathique du Morbihan. 1875, p. 50.
L'énuinération de Pline n'est pas, sans doute, dans l'ordre géographi-
que ; mais, la position des autres peuples étant connue, M. Burgault a pu
dire, avec raison, que les Venètes sont le dernier peuple nommé avait l'em-
bouchure de la Loire.
— 212 —
VI
is, nous répond M. Orieux, que parlez- vous deNannètes sur
Ja rive droite de la Loire ? Strabon lui-même y place les Samni-
tes.
« Ouvrons Strabon, et lisons attentivement.... Il parle deux
« fois des peuples qui bordent la rive droite de la Basse-Loire
« qu'il appelle Samnites, dans un endroit, et Namniles dans
« l'autre. Voici comment il s'exprime:
La Loire se décharge entre les Piétons et les Namnites....
— Dans l'Océan, il existe une petite île... située vers le haut
de l'embouchure du fleuve Liger, laquelle est habitée par les
femmes des Samnites.
« Strabon n'en dit pas davantage sur le sujet qui nous occu-
« pe Nous en concluons qu'il y a dans le manuscrit de Stra-
« bon : « La Loire se décharge entre lesPictons et les Samnites. »
« Pour contester cette conclusion qui n'a contre elle qu'une
« lettre du texte grec, il faut mettre Strabon en contradiction
« avec lui-même, et en opposition avec les géographes de son
temps (*).»
Disons tout d'abord que la traduction de la première phrase
n'est pas rigoureusement exacte : Il faudrait la Loire coule entre
es Pictons et les Namnites, ce qui est bien différent (2).
ExëaXXst signifie : coule de sa source, découle, descend; si le cé-
(*) César chez les Fenètes,\>. 49.
(2) 'O oà Aeifip |j.£xa^ù ILxtovcov ri yuxl Najjwrajiv IxfiaXXsi. — Strabon,
livre IV, p. 190.
La signification du verbe grec ne peut être mieux précisée que par le
passage cité plus haut (p. 202), oh Strabon dit que la Loire passant par
Genabum (Orléans), descend vers l'Océan • ExêaXXsi -rrpoç xbv Qxeocvov .
Le verbe éxéaXXs'.v ne prendrait le sens de se décharger que s'il était
suivi de la préposition e«r, comme nos verbes couler ou descendre suivis
de la préposition dans.
— 213 ~
lèbre géographe eût voulu dire se décharge, il eût écrit e-^JaXXsi,
mot qu'il emploie en pareil cas.
Nous ferons observer ensuite que la substitution de l' i à l'e
est fréquente chez les auteurs grecs. Ptolémée lui-même ne s'en
ait pas faute en maint endroit. Avec ce géographe, les Andes ou
Andecaves se changent en Ondicaves 'QvSucaouai, les Aulerques de-
viennent les Aulirques : ASXfpxux : Aulirques Génomans, Aulirques
Diablites, Aulirques Eburaïces. Faut-il en conclure qu' Aulirques et
Aulerques étaient des peuples différents ? Pas le moins du monde
assurément, et M. Orieux a eu bien raison de conserver les
formes Andecaves et Aulerques. Mais pourquoi agir autrement
pour les Namnites et les Namnètes?
Le docte Bizeul croyait aussi lui à une erreur de copiste,
mais il arrivait à des conclusions diamétralement opposées. Selon
lui, Nannètes, Namnètes, Namnites, Samnites, Amnites étaient le
môme peuple, et ce peuple était les Nannètes. La profonde éru-
dition dont il fit preuve dans cette étude qu'ont publiée nos An-
nales, rallia même à son opinion des savantsdu premier ordre (*).
Je ne crois pas toutefois qu'on doive admettre une solution
aussi radicale, en l'un ou l'autre sens. Samnites et Namnètes exis-
taient bien simultanément, avec la différence qu'il y a entre une
petite tribu et une importante peuplade ; jen'en veux pour preuve
que les textes précités de Strabon. Quand ce géographe, non
point dans l'énumération des peuples de la Gaule, remarquons-le
bien, mais à la suite d'une longue étude sur le culte national,
parle incidemment des femmes des Samnites, vouées au culte de
Bacchus, et qu'il les représente habitant unepetite île vers l'em-
bouchure de la Loire, d'où, à certaines époques, elles allaient re-
joindre leurs maris, il est évident qu'il ne pouvait avoir en vue la
grande peuplade des Nannètes, séparée des Pictons par la Loire.
II signalait un fait local, exceptionnel, en désaccord avec le drui-
(*) Des Nannètes aux époques celtique et romaine. Bulletin de la Société
Arch. de Nantes. 1859. p. 114.
— 214 —
disme gaulois, assez bizarre pour être relaté, mais qui n'était ap-
plicable qu'à un nombre restreint d'individus. Un peuple tout en-
tier n'existe pas dans des conditions aussi anormales.
L'auteur de César chez les Venètes n'admet pas ces subtilités.
Pour lui, Namnites et Samnites sont tout un. Et voyez à quelles
conséquences il est forcé d'aboutir. Tandis qu'à ses yeux ces Sam-
nites forment un peuple assez important pour s'étendre du fond
de la presqu'île guérandaise jusqu'aux limites de l'Anjou, et pour
occuper un territoire de quatre à cinq mille kilomètres carrés,
leurs femmes, — et leurs enfants aussi, caries maris ne pou-
vaient garder avec eux des enfants à la mamelle, — tiennent toutes
à l'aise dans une petite île, « infime îlot d'un quart de lieue car-
rée » suivant l'évaluation de M. Orieux lui même (')! Je le demande,
est-ce admissible? Mettez même plusieurs petites îles, si vous le
voulez, avec Denys le Périégète, l'impossibilité n'en subsiste pas
moins.
Car la phrase de Strabon ne se prête point à des accommo-
dements. Il ne dit point « des femmes samnites »,ce qui pour-
rait faire croire que toutes n'étaient pas dans l'îlot, mais bien « les
femmes des Samnites, *ka tSv 2*[avit£v -fuyaôcaiy, » c'est-à-dire
la généralité. Il n'y a donc aucune identité possible entre
les Samnites, petite tribu dont le peu d'importance se mesure au
nombre de leurs femmes, et les Namnites que la Loire sépare des
Pictons. D'où je conclus que s'il est un système qui « mette Stra-
bon en contradiction avec lui-même » c'est bien, à coup sûr,
celui que nous combattons.
Voulez-vous voir, au contraire, avec quelle précision Strabon
place des Venètes là où vous placez des Samnites ?
« Les Belges, dit-il, se divisent en quinze peuples qui habitent
entre le Rhin et la Loire, près de l'Océan. » Et, partant du pays
des Ménapiens, au nord de la Gaule, pour descendre vers le midi,
(») Cet infime îlot d'un quart de lieue carrée, choisi pour demeure parles
femmes <Jes Samnites.» César chez- les Fenctes, p. G3.
— 215 —
le géographe énumère les différentes peuplades maritimes situées
entre le Rhin et la Seine, nomme en dernier lieu, les Lexoviens
placés sur la rive gauche de ce second fleuve, puis franchissant
tout un territoire intermédiaire occupé par la Gaule celtique, il
ajoute : « Après ceux que je viens de mentionner se trouvent les
« autres peuples belges qui habitent près de l'Océan, au nombre
« desquels sont les Venètes qui engagèrent une bataille navale
« contre César (4). » Ici, évidemment, Strabon est arrivé à la
Loire, limite extrême qu'il s'était assignée. Car il se replie ensuite
vers le fond de la péninsule armoricaine, pour nommer les Osis-
miens, et clôt ainsi l'énumération des peuples belges compris entre
le Rhin et la Loire (2).
En tout cela, encore, qui peut faire trouver des Samnites sur
les côtes guérandaises ?
VII
Mais ces Samnites qui nous ont échappé jusqu'ici, vont enfin
apparaître avec Ptolémée. Nous arrivons au texte sur lequel l'au-
teur de César chez les Venètes a échafaudé tout son système géo-
graphique.
(i) Primant laudem Bclgis tribuunt, divisis in quindecim gantes, quai
habitant inter Iihenum et Ligerim, ad Oceanum....
Post dictas génies, Behjœ sunt ad Oceanum pertinentes. De his Feneli
navati pugna cum Cœsare congressi sunt.
Strabon, liv.IV.Paris, 1620. p. 194 et 196.
(2) Quoique, d'après les divisions de la Gaule, les Venètes appartinssent
a la Celtique, ilest horsdedoutequede nombreuses affinités les rattachaient
à la Belgique ou ils recrutèrent leurs alliés, et que des liens originels,
un élément commun, slave ou kymmrique, unissaient tous ces peuples .
Les chefs de la confédération armoricaine n'avaient-ils pas dans tout le nord
de l'Europe des membres dispersés de leur grande famille ? Fenèdes chez
les Sarmates, Vindiles chez les Germains, Gwened en Ecosse et au pays
Galles, et peut-être Feneles et Feneliocasses sur nos côtes.
— 216 —
« Nous n'avons rien de plus précis chez les anciens géogra-
« phcs, dit M. Orieux, que les indications données par Ptolémée,
« au second siècle de notre ère. Parlant des peuples de la Gaule
« Lyonnaise, il dit, au chapitre VII du livre Iï :
§ 5. La côte septentrionale, à partir du fleuve Sequana, est oc-
cupée par ...et enfin les Osismii dont le territoire s'étend jus-
qu'au promontoire Gobœum, et qui ont pour ville Vorganium,
17(140' — SOdlO'.
§ 6. La côte occidentale, sous les Osismii est occupée par les
Veneli, dont la ville est Dariorigum, 11 d 20' — 49d 15'.
Et au-dessous, sont les Samnitœ qui s'étendent jusqu'au fleuve
Liger.
§ 7. Bans l'intérieur, à V orient des Veneti^ sont les Aulercii-
Diablitœ dont la ville est Nœdunum (*), 1M-500.
§8. Et à l'orient des Samnitœ, les Andecavœ dont la ville est
Juliomagus, 18d 50'-49d.
§ 9. A la suite de ceux-ci, sont les Aulercii- Cenomani, dont la
ville est Vindunum, 20d 45' — 49d 20\
puis les Namnetœ, dont la ville est Condevincumj 21d 15'-
50d (2).
« Le texte que nous venons de reproduire, ajoute M. Orieux,
« ne saurait laisser le moindre doute sur la situation donnée par
« Ptolémée aux Venètes,auxSamnites et aux Namnètes; ces der-
« niers sont placés à l'orient des Andecaves et des Cenomans;
« et la ville deGondevincuni est d'un degré plus au nord que
« celle de Juliomagus (Angers). Nous savons combien cette con-
clusion paraîtra hardie: mais n'y sommes-nous pas conduits pas
« la lecture des textes primordiaux ? Quant aux Samnites, ils sont
(•) Il faudrait écrire Aidircii, Nœodunum et Ondicavœ, pour rendre
exactement le texte grec.
(2) Traduction de M. Léon Renier. — Annuaire de la Société des Anti-
quaires de France. Année 1848. Noie de César chez les Fenètes.
— 217 -
« placés bien exactement entre l'Océan et les Andecaves, d'une
« part, entre les Venôtes et la Loire d'une autre part, et de manière
« à ne laisser dans cet intervalle aucune place pour les Nam-
« nètes (*). »
Il est certain qu'au premier abord, en voyant ces Samnites,
au midi des Venètes, s'étendre jusqu'à la Loire, on serait
tenté de leur attribuer toute la presqu'île guérandaise, voire
même une partie du Morbihan. Mais il faut en rabattre. Ici en-
core, et dans son membre de phrase le plus essentiel pour nous.,
la traduction manque d'exactitude, quoique signée du nom d'un
savant comme M. Renier. Ces mots qui s'étendent jusqu'à la
Loire font supposer un développement territorial que ne com-
porte nullement le texte grec. Ptolémée a écrit irXy|mo£ovTeç ™
AiyeipiTOrajup, c'est-à-dire avoisinant le fleuve de Loire (2), expres-
sions parfaitement rendues parla traduction latine appropinquantes
Ligeri fluvio. Le géographe se borne à placer des Samnites sur
la rive droite de la Basse-Loire. Voilà tout. Ne lui en faisons
pas dire davantage.
Marcien, à son tour, reproduit simplement son devancier,
quand, remontant du midi au nord, après avoir décrit la ma-
jesté de l'embouchure du Liger, il ajoute : la peuplade des Sam-
nites habite les bords du fleuve (3).
_ Cette réserve posée, et elle est essentielle, qu'on me per-
mette de me placer à un autre point de vue.
Pour le sujet qui nous occupe, l'autorité de Ptolémée me
semble avoir été un peu surfaite. Ce géographe vivait au second
siècle de notre ère, près de deux cents ans après la conquête des
(*) César chez les Fenètes, p. 47.
(2) nXviaïaÇav a pour sens unique ëlre placé près de, être voisin de. Sa
racine est l'adjectif Tzk^Gioc proche, voisin de.
(3) A porlu aulem Sicor ad ostia Ligeris fluvii maximi quidem et in la-
titudinem patentis, stadia 185. stadia 155.
Fluvium verà cacolit gens Samnitarum.
— 218 —
Gaules par César. Que de bouleversements ont dû s'opérer pen-
dant une aussi longue période ! Avec l'occupation romaine, la
Gaule a changé de face. Des garnisons sont cantonnées partout,
de larges routes se croisent en tous sens , de nouvelles villes se
fondent et se substituent aux anciennes capitales détruites par la
guerre, ou trouvées trop mesquines pour la civilisation corrom-
pue qu'apportent les vainqueurs. Ces constructions ou recons-
tructions récentes se révèlent jusqu'à l'évidence dans certains
noms composés du qualificatif Noio, Nœo, impliquant le sens
'de nouveau ('), comme Noiodunum, capitale des Diablinles,
Noiomagus, port des Lexoviens, Noio?nagus, encore, capitale
des Vadicasses. Les villes se sont ruées vers la servitude, et
s'enorgueillissent d'être placées sous le patronage des divins
empereurs. Il suffit de jeter les yeux sur les tables de Ptolémée
pour juger du chemin parcouru depuis les guerres de l'indé-
pendance. Si des noms franchement gaulois subsistent encore,
que de noms de villes, et chez les peuples les plus braves,
portent l'estampille des nouveaux maîtres ! C'est Juliomagus,
capitale des Andecaves, Juliobona, capitale des Calètes, Cœsaro-
dunum, capitale de Turons, Augustobona capitale des Tricasscs,
et combien d'autres !
Quand nous voulons étudier l'état des Gaules, à l'époque de
la conquête, cherchons donc nos renseignements dans les Com-
mentaires eux-mêmes, ou chez les auteurs les plus rapprochés,
mais ne descendons qu'avec une extrême prudence jusqu'à Pto-
lémée, car nous courrions risque de confondre des époques ou
des villes bien distinctes.
Ce géographe a d'ailleurs parfois des incohérences qui boule-
versent toutes les notions admises. « La cause en est, comme le
« !e fait observer M. Walkenaer, que Ptolémée, ou Marius de
« Tyr, dont la carte a servi à Ptolémée pour dresser ses
(>) « Noï ou JNo'io ou Koiodunum, Noiomagus ou Kœomagus, assi-
milé par les Romaics à leur novus. » Roget de Belloguet, Glossaire gau-
lois, p. 350.
— 219 -
« tables, formaient la description des côtes d'après des ma-
« tériaux différents de ceux qu'ils employaient pour décrire
« l'intérieur. C'est ce que Ptolémée nous apprend lui-même dans
« ses prolégomènes (J). »
Selon lui, les Abrincatui (pays d'Avranches) s'étendaient jus-
qu'à la Seine. Il transporte deux de nos peuples armoricains, les
Rhedons et les Nannètes, au centre de la Gaule. Les Nannètes,
on vient de nous le dire, sont rejetés à l'est du Maine. Quant aux
Rhedons, je vois bien que M. Orieux les fait figurer, sur sa carte,
au territoire de Rennes, où nous sommes accoutumés de les
placer; il en avait besoin, pour les faire appuyer, comme alliés,
la marche des légions romaines, mais il a eu tort, à mon avis :
quand on adopte un auteur, il faut l'adopter tout entier, et non
uniquement dans ce qui nous plaît. Or les Rhedons, d'après Pto-
lémée, étaient riverains de la Loire, et habitaient au midi du
pays d'Evreux (5). Ils avaient à leur orient les Sénonais, ces
Sénonais que nous plaçons en Champagne !
Ainsi, les Nannètes relégués jusqu'au delà du Maine, les Abrin-
cates confinant à la Seine et les Rhedons à la Loire, si telle était
la géographie des Gaules au temps de Ptolémée, les choses avaient
bien changé depuis César et Strabon !
Veut-on de ces changements un exemple palpable? César avait
attribué aux Venètes presque tous les ports de la péninsule ar-
moricaine. Avec Ptolémée, et surtout tel qu'il est interprété, comp-
tons ce qui leur en revient. De l'embouchure de la Loire au pnys
des Unelies, il y a le port Brivatcs, le port Vindana, le promon-
toire Gobée,, le port Staliocan, Crociatum port des Unelies, et si
l'on considère comme des stations navales les embouchures de la
(*) Citation empruntée à M. de Courson, La Bretagne du V* au JTIIe siè-
cle, p. 97.
(2) Sub prœfatis omnibus protenduntur Licjcri fluvio ad Seqitanam
Âulircii Eburaïci,. quorum civitas Medioîanum.
Sub quibus, juxta Ligerim, Rhedonas quorum civitas Condate.
— 220 —
Loire ,de la Vilaine, du Trieux et de l'Arguenon, citées par le géo-
graphe, cela ferait en tout neuf ports. Brivates, placé par Ptolé-
mée, dans l'ordre de sa moincnclature comme parla situation géo-
graphique qu'il lui donne, entre la Loire et la Vilaine, ap-
partient au littoral guérandais. Les Venôtes n'ont donc pas
besoin d'y prétendre, pas plus qu'à l'embouchure de la Loire.
Ecartons aussi le promontoire Gobée qui est auxOsismiens,
et tous les ports de la côte septentrionale. Que reste-t-il à ces
pauvres Venètes ? Le port Vindana et l'embouchure delà Vilaine,
deux ports sur neuf! Et encore, à la condition que les Samnites
ne leur contestent pas cette dernière station !
Pour me rendre compte de la position des Nannètes, telle que
la comprend M. Orieux, j'ouvre la première carte jointe à son
étude, et ma surprise est grande en y voyant les Génomans placés
au nord des Andécaves, et plus au nord encore les Nannètes,
entre les Génomans et les Lexoviens. Mais c'est une rectification
complète du texte de Ptolémée ! Le géographe place, au contraire,
les Génomans à l'orient des Andécaves, rcpoa AvaxoXatr, dit le texte
grec, et après eux, plus à l'orient encore, les Nannètes.
On comprend, du reste, aisément l'embarras du commenta-
teur, quand après les Nannètes, il a vu surgir tout à coup les
gens d'Avranches, les Abrincatui ! Tout cela était bien difficile à
concilier. Puis il se sera dit, sans doute, que les Venètes n'eus-
sent jamais songé à demander des secours aux Nannètes, si ceux-
ci eussent été placés entre les Andes, les Turons et lesCarnules,
c'est-à-dire cernés par l'armée romaine qui prenait chez ces peu-
ples ses quartiers d'hiver.
Je sais bien qu'on me répondra que la longitude et la latitude
données par Ptoléméeprécisentla position. Très bien ! Mais lequel
dit vrai, le texte ou la situation géographique, puisque les deux
ne concordent pas? Si vous me dites que ce sont les textes qui
sont erronés, je vous ferai observer que le texte aussi qui place
des Samnites à côté des Andes pourrait bien n'être pas plus exact,
et qu'ici nous n'avons pas la ressource de la longitude et de la
— 221 —
latitude pour redresser la position, puisque Ptolémée ne donne
pas de capitale aux Samnites.
VIII
Toutefois, sans insister davantage, je dirai avec M. Bizeul: « II
me semble qu'il faut prendre les auteurs tels qu'ils sont, et non
les arranger à notre guise pour soutenir tel ou tel système ('). »
J'accepte donc, malgré tous mes doutes, les indications du géo-
graphe et je vous concède qu'au milieu du second siècle de notre
ère, les Samnites avaient une station sur la rive droite de la
Basse-Loire, et une autre encore, xai mxXiv, dit le texte grec, à
l'ouest des Andes. C'est la seule conclusion qu'on puisse tirer
des affirmations de Ptolémée. Mais il est impossible d'admettre
que parce qu'ils étaient établis sur ces deux points, ils dussent
posséder par là même, à l'exclusion des Nannètes de Pline et
des Namnites de Strabon, tout le pays compris entre l'Anjou et
la Basse-Loire. « Il faudrait pour en arriver là, ajouterai-je avec
« M. de Kersabiec, mettre à néant toutes les inscriptions lapidaires
« et tous les documents les plus authentiques prouvant, jusqu'à
« l'évidence, que le Nantes gallo-romain, ou le Portus-Namnetum
« était, comme son nom l'indique, situé en pays namnète lequel
« étant séparé des Pictons par la Loire, touchait à ce fleu-
« ve(5). »
J'admire avec quelle hardiesse l'auteur de César chez les Ve-
nètes résout les questions les plus controversées. Strabon avait
dit que la petite île des femmes samnites était située pas tout à
(*) Bizeul. Des Nannètes aux époques celtique et romaine. Bulletin de la
Société Arch. de Nantes. 1859, p. 126.
(2) De Kersabiec. Corbilon. Bulletin de la Société arch. de Nantes. 1868,
p. 198.
— 222 —
fait en pleine mer, en face de l'embouchure de la Loire (*). Cette
indication un peu vague a embarrassé les commentateurs. Adrien
de Valois et l'abbé Déric la placenta l'île Dumet, Travers et Ogée
à l'île de Bouin, Edouard Richer àNoirmoutiers, Gaillo au Croisic, le
géographe Samson à Belle-Isle, M. de Kersabiee à Saille. Sans être
troublé par ces divergences, M.Orieux n'hésite pas un instant, et
ne pouvant admettre que le Croisic ait été un port de Venètes, il
en fait résolument la demeure des femmes samnites. Puis il
s'écrie d'un air de triomphe: « Vous voyez bien que du moment
« où les femmes habitent la petite île du Croisic, qui est située
« dans l'Océan, vers le haut de l'embouchure de la Loire, il faut
a bien que leurs maris soient dans le voisinage, c'est-à-dire dans
« la presqu'île guérandaise, toute autre situation n'étant ni na-
« turelle ni vraisemblable; vous voyez bien que vous placez une
« nation entre les femmes et les maris d'une autre nation, lors-
« que vous voulez que les Venètes soient à Guérande (2). »
A une telle argumentation, il n'y a que deux mots à répondre.
Ce genre de raisonnement a un nom eu logique: on l'appelle une
pétition de principe.
Relevons seulement cette affirmation qu'aucune autre situation
que la presqu'île guérandaise n'était pour lesSamnites « naturelle
ni vraisemblable. » Est-ce que la station des Samnites sur un
point de la Basse-Loire n'offre pas au moins d'aussi grandes pro-
babilités, puisque les femmes habitaient une petite île, en face de
l'embouchure du fleuve? Et comme cette station est précisément
celle qui est indiquée parles géographes, la presqu'île guérandaise
reste bien détinitivemcnt acquise aux Venètes.
Une conséquence de cette occupation était la possession du
TTOT0C[JlOU :
Insulam parvam, non plane in alto sitam, objectant ostio Ligeris.
Strab. Livre IV, p. 198.
(2) Orieux. César chez les renètes, p. 49.
— 223 —
golfe de la Grande Brière, fort différent alors de ce qu'il est au-
jourd'hui. Le vaste bassin s'étendait vers le nord au delà de Bes-
nè, bourg près duquel ont été trouvées tant de richesses archéo-
logiques. Grégoire de Tours appelait Besné l'île Vindunite, insida
Vindunita. Ce nom à lui seul est une démonstration. Il est im-
possible de ne pas voir dans ce radical Vind une origine véné-
tique. Un des principaux ports des Venètes s'appelait Vindana,
une de leurs plus grandes îles, Belle-Isle, avait nom Vindilis (').
Besné marquerait à peu près, vers le nord, la limite de leurs pos-
sessions et de celles des Nannètes, dans cette partie de notre
département.
Quant aux Samnites, placés au midi des Venètes, il ressort
très nettement des textes de Ptolémée et de Marcien, combinés
avec ceux de Strabon et de Denys le Périégète, que cette petite
tribu occupait un territoire de peu d'importance entre le fleuve
et la Grande Brière, aux environs de Donges et de Montoir (5).
Comment expliquer leur genre de vie si bizarre ? Peut-être
d'une façon toute naturelle. Je serais tenté de penser que ces
Samnites, sans gouvernement, sans capitale, séparés de leurs fem-
mes pendant de longs mois, devaient avoir une existence nomade
qui ne rendait pas nécessaire la présence de celles-ci au foyer de
la famille, et que l'époque du retour des uns et des autres était
la saison du chômage, la saison d'hiver.
Alors que les femmes samnites se livraient aux cérémonies de
leur culte, que faisaient pendant ce temps leurs maris ? Versés,
(1) Ou Fendinis, île des Wendes ou Venètes.
(2) On sait combien, naguère encore, les sorciers de Montoir étaient un
objet d'horreur et d'effroi. On y connaissait des familles oii le don de la
sorcellerie était héréditaire, et que poursuivait la réprobation publique.
Etaient-ce ces sorciers et ces sorcières delà Basse-Loire que visait surtout
la sentence d'excommunication fulminée en 1354 par un évéque de Nantes ?
Sortiarias quia quotidie muWplicantur in civitate etdiœcesi JSannetensi...
excommunicamus.
Dom Morice, Hist. de Bretagne. Preuves.
224
comme leurs congénères d'Italie dans les travaux métallurgiques,
se mettaient-ils a la solde des peuples voisins pour les exploita-
tions minières dont les traces sont si nombreuses et si visibles
encore au pays des Mauges, comme dans tout le nord-est de
notre département ?
Les deux monnaies au double sigma, trouvées à Ancenis, qui
représentent un personnage tenant un marteau à la main, et que
M. Parenteau attribue aux Samnites, donneraient un corps à cette
opinion, et expliqueraient la station de ceux-ci à l'ouest des Andes.
Nous remarquons même que dans la Loire-Inférieure, surtout le
territoire attribué parM.Orieux aux Samnites, la trouvaille d'An-
cenis est unique en son genre, tandis que deux autres monnaies
similaires ont été trouvées en plein pays picton,à Chollet, et une
autre à Candé, en Maine-et-Loire. Pas une ne s'est encore ren-
contrée dans la presqu'île guérandaise, si riche pourtant en statères
gaulois au type armoricain. L'argument de l'auteur se retourne
donc contre sa thèse (').
IX
Du reste, avec Ptolémée et Marcien, c'en est fini pour tou-
jours du nom des Samnites. Ni chartes, ni légendes, ni chroni-
ques n'en font une seule fois mention, et cependant s'ils eussent
eu la plus légère importance,s'ils eussent acquis surtout, dans
le deuxième siècle de notre ère, tout le développement qu'on
(*) « Disons aussi, et cela n'a pas une mince importance, que des mon-
« naies marquées du sigma (2) ont été recueillies sur notre sol ^ deuxàAn-
« cenis, deux à Chollet et une autre à Candé, et que le sigma est évidem-
« ment la marque des Samnites. » César chez les Ftnètes, p. 48.
Cet évidemment est bien absolu.
— 2-25 --
leur attribue, il est impossible que leur mémoire n'eût pas été
sauvée de l'oubli. Nous les verrions quelquefois cités dans nos
vieux titres où apparaissent si souvent les noms des Nannètes et
desVenètes.
Car, même après la chute du pouvoir romain, notre presqu'île
guérandaise reste toujours attachée à la Vénôtie. Diverses citations
ont été produites, qui en fournissent la preuve. Mais ces textes, dif-
ficiles à contester, ne touchent guère M. Orieux, et voici comme
il en fait litière :
« Nous devons confesser que la situation des peuples de la
« Gaule au Ve siècle ne nous préoccupe aucunement....
« C'est alors que les Bretons insulaires envahissent l'Armorique
« et qu'un petit peuple des bords du Rhin vient imposer son nom
« et ses loisà toute la Gaule. Que dans cet immense mouvement
« des peuples, lesVenètes, envahis, refoulés par les Bretons, aient
« pris aux Samnites la rive gauche de la Vilaine, qu'ils soient
« allés dans la baie du Croisic fonder une Vénéda quelconque,
« en souvenir de l'antique cité de leurs pères, ce n'est pas ici le
« lieu de le contester (4). »
L'explication est sans doute ingénieuse, mais elle ne résiste
pas devant l'évidence des faits. Il est acquis à l'histoire que, sur
les côtes méridionales d'Armorique, l'invasion desBretons insulai-
res commença de bonne heure au pays de Guérande, et s'étendit
jusqu'à la Loire. La ville de Vannes ne la subit que longtemps
après. « Les contrées de l'Armorique occupées par les Bre-
« tons insulaires, dit D. Lobineau, furent toute la côte septen-
« trionaîe et une grande partie du territoire de Vannes.
« La ville de Vannes, et celles de Nantes et de Rennes avec leur
« territoire demeurèrent aux anciens peuples de i'Armorique(2). »
Ces faits qu'il est impossible de révoquer en doute, tant ils re.
(') César chez les Fenèles, p. 45.
(2) D. Lobineau. ffist. de Bretagne, I, p. 7.
'1881 15
— -220 —
posent sur des documents irréfragables, sont résumés dans une
phrase que j'ai citée ailleurs (*). Elle est d'Eghinard, presqu'un
contemporain : « L'île de Bretagne, dit-il, ayant été envahie par
les Angles et par les Saxons, une grande partie de ses habitants
traversant la mer, était venue occuper, aux extrêmes frontières
de la Gaule, les pays des Venètes et des Curiosolites (-). » La
presqu'ile guérandaise faisait donc partie du territoire des Ve-
nètes, quand y abordèrent les insulaires fugitifs, et la ville à la-
quelle les anciens Gaulois avaient donné le nom de Yénéda, ne
fut pas l'œuvre des Bretons (3).
Et à ce sujet, je ne puis omettre un fait qui me semble conti-
nuer la tradition vénétique dans notre presqu'ile. Grégoire de
Tours raconte que Guerech pilla les vignes du pays nantais, et
en transporta le vin au pays des Venètes, « in veneticum (4). »
Est-ce à dire que les Bretons se donnassent la peine de trans-
porter leur butin jusque dans la baie du Morbihan ? Non sans
doute, et ce territoire vénétique n'était autre que le pays
entre Vilaine et Loire où le comte du Broérec s'était si fortement
cantonné.
Ne soyez pas surpris, après cela, qu'on ait signalé à l'atten-
tion des archéologues l'existence, près du bourg de Batz, d'an-
(!) Le Dialecte breton de Pannes au pays de Guérande.
Bulletin de la Société Arch. de Nantes. 1878. p. 117.
{-) Cum ai Anglis et Saxonibus Brilannia insida fuisset invasa, magna
pars incolarum ejus, mare trajiciens, in ultimis Galliœ jinibus Fcneto-
rum et Curiosolitarum regiones occupauerat.
EgliiDard. Vita Caroli Magni
(") Est urbs fixa maris, Ligeris quo fluminis unda
sEquor arat late, ingrediturque rapax,
Veneda, cdi nomen Galli dixere priokes.
Ermold le Noir.
(*) 7f/rarochus...vineas JSamneticorwn abslulit et, vendemiam colligens,
vinum in f'eneticum transtulit.
Greg.Tur.,IX,18.
227
ciennes citernes à vin, fort curieuses ('). Elles n'avaient pas été
construites, je suppose, pour y loger les vins de Gongor ou de Pi-
riac.
X
Nous avons vu combien, pour les ports de la côte, M. Orieux
fait la part modeste aux Venètes. Pour les îles, le compte est
aussi facile à faire. Pline, qui devait s'y connaître, avait dit:
Les îles des Venètes sont nombreuses, on les appelle Lénétiques ;
il y a aussi Olëron, dans le golfe d'Aquitaine ('). » Gomme, de
tout temps, il a été dans le génie des peuples qui aspirent à la
suprématie maritime de posséder, en aussi grand nombre possible,
des îles et des établissements en mer, nous pensions, avec beau-
coup de commentateurs, qu'il fallait induire de ce texte que toutes
les îles, jusqu'à Oléron, appartenaient aux Venètes. Nous ne pou-
vions supposer qu'on dût diviser l'Océan par zones proportion-
nelles, pour attribuer à chaque peuplade les îles aspectant ses ri-
vages. L'île de Noirmoutiers était connue des anciens ; l'Itiné-
raire d'Antonin la désigne sous le nom tfAirica (2) et, vu son im-
(*) Cette découverte, comme tant d'autres, est due à notre regretté col-
lègue, le docteur Foulon.
Bulletin de la Société Arch. de Nantes, 1868, p. 97.
(-) Insulœ complures Fenetorum, quca et Feneticœ appellantur, et in
Aquilanico sinu UUarius.
Pline, ex libro IV, de Gallia.
(3) « L'Ile de Noirmoutiers, dit Richer, portait primitivement le nom
« d'île d'Her. Le monastère qu'y établit S. Philbert la fit appeler ffermou-
« lier ,- dans la suite, par corruption, ce nom se changea en celui de
^ Nermoutier.
« ... L'île d'Her, comme il est facile de le prouver par des témoignages
<• géologiques, s'étendait alors (IXe siècle de notre ère) à quatre lieues
— 228 —
portance, le silence de Pline à son égard, comme à l'égard des
îles du littoral guérandais et de l'île d'Yeu ('), nous paraissait bien
intentionnel.
Nous nous trompions. Les nombreuses îles des Venètes se bor-
neront à Belle-Isle et a Groix, auxquelles ils ajouteront, comme
appoint, l'île de Sein perdue au milieu de récifs, Hédic avec ses
deux cent cinquante arpents superiiciels,et Houat avecses soixante
cabanes (2) !
Mais que parlé-je de Belle-Isle et de Groix ! Que parlé-je môme
de Sein, de Hédic et de Houat ! Savez- vous quelles sont pour l'au-
teur de César chez les Venètes ces fameuses îles vénétiques
que Pline semble suivre jusqu'à Oléron ? Tout simplement le
groupe des Roches Méaban, ces basses désignées sur les cartes
sous le nom de Buissons de Méaban ! Ici, il faut citer tex-
tuellement : « Les Venètes n'avaient-ils pas encore derrière eux
« l'île de Quiberon que les sables de l'Océan ont dû rattacher à
« plus à l'ouest qu'aujourd'hui. La chaîne des Rochers des Bœufs, sur
« lesquels on a trouvé des murailles de briques, formait la limite occi-
« dentale de l'île. L'îlot du Pilier en faisait partie L'île d'IIer se trouvait
« donc alors précisément en face de la Loire. »
E. Richer. Voyage à Guérande, p. 23 et 24.
Richer, natif de Noirmoutiers, connaissait son île apparemment. Notons
qu'elle faisait partie de l'ancienne Bretagne.
Or Vinsula Airica s'étendant jusqu'en face de Loire, et enclavant l'îlot
du Pilier, les Venètes — puissance même à part, et Pline mis de côté —
avaient bien, ce me semble, autant de droits que les Pictonsa la possession
de cette île.
(*) Le port de l'île d'Yeu s'appelle Porl-Breton et le chef-lieu de l'île
porte le nom de S. Aubin, évêque d'origine venèteet patron delà paroisse
de Guérande.
A Noirmoutiers, une des principales agglomérations se nomme Gué-
rande.
Est-il possible de ne voir là que de simples coïncidences ?
(2) Avant la Révolution, l'île de Sein comptait 64 ménages, Ilédic 160
habitants, et Houat 60 cabanes.
Ogée. Dict. hisl. de Bretagne.
- 229 —
la côte? N'avaient-ils pas les îles vénétiques, ces sentinelles
« avancées que le mouvement des îlots ronge sans cesse, et qui
forment une ceinture de rochers devant rentrée du Morbihan (4) ? »
On dirait que M. Orieux, tout en cherchant pour la lutte des
Venètes un théâtre qui ait « de la grandeur (2) », s'ingénie à les
amoindrir dans leurs îles, dans leurs ports, dans leur territoire,
et à contredire, sur tous les points, les affirmations des contem-
porains !
Gomme César, Pline et Strabon nous donnent une autre idée
de la puissance de ces souverains de l'Océan !
Etablis sur le vaste littoral compris entre le promontoire Go-
bée et l'embouchure du Liger, possédant des îles nombreuses en
dedans comme en dehors de leurs eaux, maîtres depresquetous les
ports de la péninsule armoricaine, et dans un de ces ports, prèsdu
sol que nous foulons, entreposant leur immense commerce avec la
Grande-Bretagne, tels nous apparaissent les Venètes au moment
où, prenant l'initiative d'une guerre à outrance contre leurs op-
presseurs, ils vont entraîner à leur suite tous les peuples mariti-
mes du nord-ouest de la Gaule !
Gustave Blanchard.
A la séance dn 20 décembre 1881, M. René Kerviler a donné
lecture d'un très beau travail intitulé: Les Venètes, César et
le Brivates Portus. Ce mémoire, qui a été lu immédiatement
après celui de M. Blanchard, paraîtra en tête de notre Bulletin
de 1882.
(') César chez les Fenètes, p. 70.
(2) « C'est ici (dans le Morbihan) que le théâtre de la lutte a de la
grandeur. » Ibid. p. 70. *
NÉCROLOGIE
M. BENJAMIN FILLON
Noire collègue, M. Benjamin Fillon, est mort au château de la
Court-Saint-Cyr, le 25 mai dernier. Travailleur infatigable, savant
ingénieux et plein d'érudition, M. Fillon était un des archéologues
les plus éminents et les plus justement appréciés de notre épo-
que. Il avait le don de présenter sous une forme vive et saisis-
sante le résultat de ses patientes recherches, et de faire jaillir la
lumière sur les sujets les plus obscurs de notre histoire primitive.
Possédant à fond tout ce que les vieu x textes, les souvenirs et
les légendes de son pays pouvaient lui fournir de documents, il
a su reconstruire, à l'aide de ces matériaux, le passé de cette terre
de Vendée qu'il aimait tout particulièrement. Maître habile, il
disposait et appareillait ces ruines avec un véritable talent ; ar-
chitecte autant qu'archéologue, il avait parfois son plan tout tracé,
et si les matériaux sont toujours du temps, certaines grandes
lignes sont bien souvent de lui. Pour suivre notre comparaison,
il procédait quelquefois à la façon des fondateurs de nos pre-
mières cités qui dressaient des tours et des courtines avec les
pierres arrachées aux temples et aux édifices religieux.
C'est là le côté sombre de cette grande et sympathique figure.
De ses études sur le moyen âge, M. Fillon était sorti armé de
toutes pièces, comme un chevalier sous son armure ; mais il n'a
point toujours tourné sa lance pour le bon combat, et avec
un cœur noble et généreux, il est mort sans croyance et sans
prières.
— 232 -
Voici, parmi ses travaux, ceux qui intéressent le plus directe-
ment l'Archéologie :
— Rapport présenté à la Société archéologique de Nantes, sur
une découverte de monnaies, ustensiles et bijoux de l'époque
gallo-romaine, faite près du Veillon (Vendée). 1856, Nantes, Gué-
raud.
— Recherches historiques et archéologiques sur Fontenay,
— 1847, Robuchon, Fontenay.
Description de la villa et du tombeau d'une femme artiste
gallo-romaine, découverts à Saint-Médard-des-Prés (Vendée).
— 1849, Fontenay.
— Considérations historiques et artistiques sur les monnaies
de France. — 1850, Fontenay.
— Observations critiques sur la livre de l'abbé Cochet : sépul-
tures gauloises, romaines, françaises et normandes. 1857 —
Nantes, Guéraud.
— Mémoire sur une découverte de monnaies, de bijoux et
d'ustensiles des IIe et IIIe siècles, faite en Vendée, (près du Veillon).
— 1857, Napoléon-Vendée.
— Collection Léon Rousseau, monnaies féodales françaises.
— 1860, Paris.
— Poitou et Vendée. Etudes historiques et artistiques par B.
Fillon et 0. de Rochebrune. 2 vol. in-4°, 1861-1865, Fontenay,
Robuchon.
— Lettre à M. A. Gouget sur un tiers de sou mérovingien,
frappé à Niort. — 1864, Niort.
— L'Art de terre chez les Poitevins, suivi d'une étude sur
l'ancienneté de la fabrication duverre en Poitou. — 1864, Niort.
— Etude sur les Lues poitevins. — 1875, Bagnères-de-Luchon.
— Mémoire sur l'ancienne configuration du littoral bas-poite-
vin et sur ses habitants, adressé en 1755 au P. Arcèrepar Ch.-
L. Joussemet, curé de l'IIe-Dieu. — 1876. Niort.
— Révision du cadastre. Notice des points habités, tènements,
lieux dits, etc., delà commune de Saint-Cyr en Talmondais (Ven-
dée). — 1877.
- 233 —
— L'art romain et ses dégénérescences au Trocadéro. —1878,
Paris.
— Les médailleurs italiens des XVe et XVIe siècles. — 1873,
Paris. i
— Lettre à M. P. Quicherat sur une découverte d'objets gau-
lois en or faite en 1879 dans l'étang de Nesmy (Vendée). —
1879, la Roche-sur-Yon.
— Description de quelques monnaies mérovingiennes décou-
vertes en Provence, B. Fillon et F. Ritter. — 1849, Nantes ».
M. Fillon a en outre donné de nombreux articles à la Gazette
des Beaux- Arts, aux Archives de l'Art français, à la Revue des
Provinces de l'Ouest, etc., etc.
Comme on le voit, M. Fillon laisse une œuvre considérable et
malheureusement inachevée. Ses belles études sur le Poitou, son
traité, sur la céramique et ses nombreuses monographies sur des
questions d'art, de littérature ou d'archéologie, sont de véritables
trésors que nous avons le regret de ne pouvoir passer en revue
dans ces trop courtes lignes. Disons seulement qu'après avoir
tour à tour mis en relief, avec un rare bonheur, les côtés les
plus curieux de la Vendée, il avait concentré toutes ses recher-
ches sur le pays du Talmondais et sur la commune de Saint-Cyr.
Réunissant sur un seul point tout ce que le génie du savant et du
chercheur peut créer de lumière, il avait entrepris de mettre en
plein jour le passé de ce coin de terre, et de le suivre jusqu'eût
limites les plus lointaines. Il est impossible de prévoir ce qu'eût
été cette œuvre, la plus remarquable peut-être, et à coup
sûr la plus chèrement aimée de celui dont nous regrettons la
triste mort.
P. DE L.
1 Voir la liste publiée dans le Bulletin de la Société des Bibliophiles bre-
tons, 4e année, p. 65 et suivantes.
— 234 -
SÉANCE DU MARDI 5 JUILLET 1881.
Présidence de M. le docteur Anizon.
Présents : MM. Verger, Léon Maître, Seidler, Van Iseghem père,
Blanchard, Riardant, A. Leroux, Anizon, Gainer, de Lisle.
Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté.
Sur la demande de M. le Président, M. A. Leroux, qui vient d'assis-
ter au congrès de la Société française d'archéologie à Vannes, nous
rend compte des différentes excursions qui ont eu lieu pendant cette
session. Les grandes nécropoles de Locmariaker et de Garnac, les
galeries couvertes de Plouharnel, les pierres gravées du Mané-Lud,
de Kercado et de Gavriniz, ont été successivement visitées. Le lundi
4 juillet, dernier jour du congrès, deux tombelles situées dans la
commune d'Ambon ont été fouillées en présence des sociétaires.
Une brèche, carrément ouverte dans ces buttes, de façon à les éven-
trer par le milieu, a montré une série do couches superposées de
différente nature :
1» Une forte épaisseur de terre argileuse ;
2o Une couche de terre noire, de peu de profondeur, et mêlée de
fragments de charbons et de débris organiques ;
3o Au-dessous de cette couche, une argile onctueuse et noircie par
le contact avec le foyer funéraire ;
Enfin, la terre amoncelée à la base du tumulus et semblable au
sol environnant.
Gomme on le voit, le résultat de ces fouilles a été à peu près né-
gatif, puisqu'on n'a trouvé aucun objet qui permît de déterminer la
période à laquelle appartiennent ces buttes. Toutefois la présence
de charbons au centre de ces tombelles et la nature des terres noires
qui avoisinent ces débris de foyer indiquent bien la place d'une sé-
pulture.
Une des questions les plus intéressantes qui aient été traitées de-
vant le Congrès, est celle du changement de niveau de la baie du
Morbihan. On sait, en effet, que le sol de cette baie s'est affaissé d'une
manière assez sensible, et qu'un des monuments des îles morbihan-
naises, le double cromlek d'Er-lanik, est maintenant en partie sous
les eaux. De récents calculs permettent d'évaluer l'affaissement du
— 235 -
terrain à 3 ou 4 mètres. Ce changement de niveau est-il suffisant
pour donner gain de cause aux archéologues qui placent le grand
combat naval de Brutus et des Venètes dans la baie du Morbihan ?
Gela n'est point certain : la profondeur des eaux qui séparent les îles
de ce golfe est assez considérable pour que 3 ou 4 mètres de moins
ne transforment pas en bas-fond les découpures à pic creusées entre
ces langues de terre.
M. Leroux s'excuse d'avoir été pris un peu à l'improviste pour ces
différentes communications, et nous promet une relation plus corn-
plète à notre prochaine séance.
M. le Président prend note de cette bonne promesse, et remercie
notre collègue des intéressants détails qu'il a bien voulu nous trans-
mettre.
Notre archiviste, M. Blanchard, annonce qu'il a obtenu pour la So-
ciété la série complète (sauf le tome I) des bulletins archéologiques
de l'Orléanais ; de plus, douze volumes de la Société française d'ar-
chéologie ont été adressés, ces jours derniers, à M. de la Laurencie,
notre président.
L'ordre du jour appelle ensuite la lecture des notes de M. Leroux
sur son voyage en Orient.
C'est en Phénicie que nous transporte l'attachante narration de notre
collègue. Mais ce pays, jadis le centre et le point de départ du com-
merce méditerranéen, cette côte d'où sont parties tour à tour les
plus riches colonies de l'antiquité, n'est plus maintenant qu'une terre
épuisée et sans vie. En vain cherche-t-on quelques restes de cette reine
delà mer inférieure, de Tyr, l'envie des cités contemporaines : elle s'est
si bien effacée de la surface du sol que le voyageur cherche vainement
la place que couvraient les 18 milles de son enceinte. Ce prodigieux
anéantissement frappe l'esprit de stupeur. On se demande si, égaré
par de fausses indications, on est réellement arrivé au lieu où s'éle-
vaient les palais et les temples de l'orgueilleuse cité. Alors retentis-
sent dans la pensée les terribles menaces du Prophète : « Je t'effa-
cerai du niveau de la terre, et je ferai de toi une pierre polie pour
sécher les filets des pêcheurs. »
A peine retrouve-t-on cà et là, parmi des monceaux de pierres bri-
sées, quelques débris de colonnes à demi ensevelies sous les sables :
— 236 —
et la déception que causent ces tristes restes est cruelle à la fois pour
le voyageur et pour l'archéologue.
Le beau récit de M. Leroux, écouté avec une attention profonde,
est malheureusement interrompu par l'absence des derniers feuillets ;
mais nous espérons bien que notre collègue voudra revoir avec nous
ces pays qu'il a si heureusement parcourus et qu'il sait décrire avec
tant de charme.
Le second article porté à l'ordre du jour est intitulé : « Une arme
historique en pierre polie, » par M. Pitre de Lisle. Cette arme, qui
réunit deux termes si souvent en opposition, est taillée dans un jade
d'un beau vert clair, usé en forme de lentille et tranchant sur les
bords comme les haches morbihannaises. Deux trous coniques, percés
à la base de la pierre, servent à faire passer les cordelettes en poil
de chauve-souris qui assujettissent l'arme dans son manche. Malgré
son aspect tout primitif, cette pierre a servi en plein XIXe siècle contre
les détachements français envoyés, en 1853, contre les Nouveaux-
Calédoniens ; elle appartenait alors à un chef des tribus canaques,
Aliki-kaï, dont la bravoure féroce est restée légendaire parmi ses
contemporains.
Nous tenons ces renseignements de M. le Dr André Canolle, attaché,
comme chirurgien de marine, à l'armée expéditionnaire, et qui rap-
porta cette arme de la Nouvelle-Calédonie, en 1862.
En terminant la lecture des notes qui accompagnent l'envoi du casse-
tête calédonien, M. de Lisle insiste sur le rapprochement facile à éta-
blir entre les armes de luxe de certains chefs sauvages et les belles
armes de pierre des tumulus vannetais.
Une discussion s'engage à ce sujet. M. A. Leroux est d'avis, d'accord
en cela avec la majorité des membres du Congrès de Vannes, que les
grands celtes en pierre verte des dolmens bretons n'ont jamais été
des armes de combat ; c'étaient plutôt des simulacres, des emblèmes
destinés à rappeler la l'orme des armes primitives, que l'usage des
métaux avait fait abandonner depuis longtemps. M. Maître ajoute
qu'il est singulier, en effet, que ces grandes lames de pierre soient
restées si intactes, après avoir servi à la guerre ou à la chasse. M. de
Lisle répond à ces objections en faisant remarquer que la hache du
chef canaque est aussi parfaitement intacte que les plus belles pièces
du musée de Vannes, et d'une roche également précieuse ; cependant,
— 237 —
elle a incontestablement servi entre les mains d'un guerrier qui ne
ménageait pas ses coups.
Les pierres du musée de Vannes nous paraissent trop belles pour
avoir été des armes; mais si ce disque de jade vert nous était pré-
senté sans son manche, si la note historique de M. le Dr Canolle ne ve-
nait nous renseigner sur l'emploi tout récent de cette pierre, nous se-
rions également très embarrassés pour dire à quel usage elle a servi.
M. Van Iseghem remercie l'auteur de cette communication pour les
belles armes qu'il a exposées devant ses collègues ; puis, l'ordre du
jour étant épuisé, la séance est levée à neuf heures un quart.
Le secrétaire général,
P. de Lisle.
SÉANCE DU VENDREDI 6 DÉCEMBRE 1881.
Présidence de M. le vicomte de la Laurencie.
Présents : MM. H. de Cornulier, Seidler, abbé Gallard, Anizon,
Petit, G. Blanchard, marquis de Brémont d'Ars, G. Marionneau, Le-
quen d'Entremeuse, Riardant, Montfort, Bastard, abbé Grégoire,
baron de Wismes, F. Bougouin, comte de FEstourbeillon, Verger,
Viau, marquis de Surgères, A. Leroux, de Lambilly, Evellin, Maugras,
Blanchard, de Lisle.
On procède à l'élection de deux membres du Comité. M. L'abbé Ca-
hours et M. Ch. Seidler sont appelés à prendre part, pendant deux ans,
aux réunions du Comité central.
Après la lecture du procès-verbal, M. le Président remet une liste
des ouvrages reçus depuis la dernière séance, accompagnée des notes
suivantes :
Ouvrages adressés a la société.
1. La baronnie de Poiroux.
(Hommage de M. Constant Verger, de Nantes.)
2. Du mont Papua.
(Hommage de M. Papier, président de la Société arch. d'Hippone.)
— Ïà6 —
;;. Répertoire de la société de statistique de Marseille. Tome IV.
année 1880.
4. Bulletin de la Société archéol. de l'Orléanais (avec lettre expl.).
Tome VII, n° 108. 1er trim. 1881. (L'envoi annoncé n'est pas parvenu.)
Statuts {nouveaux) de l'Académie des sciences et belles-lettres
d'Angers (Ancienne société académique.)
6. Bulletin de la Société de statistique, sciences, etc., des Deux-
Sèvres. 3 fascicules, d'octobre 1880 à juillet 1881.
Le troisième fascicule contient un extrait du chartrier du duc de
la Trémoille, relatant les droits de prévôté de la ville de Thouars en
1559: document assez curieux. (Droits de place et octrois actuels.)
Mémoires de la Société d'agriculture, sciences et arts de la
Marne. 1880-1881.
Le menhir de la foret du Gault, G. Aubrion ; — le mal du siècle,
Paul Charpentier ; — rapport de M. Guillet; —le cimetière des
Varennes ; — la grotte dolmen de Verneuil (âge de la pierre polie) .
L'époque du bronze dans le département de la Marne ; — la dé-
couverte d'objets gallo-romains et du XHIe siècle — en 4 mémoires
dus à M. Aug. Nicaise.
8. Bulletin de la Société archéol., scientif. cl hislor. de la Cor-
réze. Tome III, 2e et 3° livraison.
A signaler: les notes de M. E. Rupin: sur une croix en cuivre
doré du XHIe siècle (2° liv.) ; — sur une tenture en cuir doré du
XVIII0 siècle ; — sur une crosse eucharistique de l'église de Beau-
lieu, XVIIe siècle (3e liv.) ; — de M. A. de Barthélémy, sur une
monnaie gauloise; — de M. l'abbé Pau, sur un anneau gallo-romain
en or avec pierre gravée ; — sur un humérus humain présentant
des anomalies, par le D. Roujou ; — le règlement de police de la vi-
comte de Turenne en 1772 ; — les dispositions du neveu du cardinal
Dubois ; — trois lettres inédites de Turgot, 1773 ; —formation
des grottes des environs de Brives, par M. E. Massenat.
9. Mémoires de V Académie de Nîmes. 7e série, tome II. 187'.».
Contient une belle étude de M. Gh. Lenthéric sur la Vénus de Nîmes.
10. Société archéologique de Rambouillet. Mémoires et docu-
ments, tome V. 1879-80.
Ouvrage exclusivement consacré au nobiliaire et à l'armoriai de
Montfort-l'Amaury.
11. Mémoire de la Société Ëduenne. Nu« série, tome IX, 1880,
— 239 —
où nous trouvons : Notes sur la formation du terrain crétacé à Sémur
en Brionnais, abbé Barraud ; — bronzes antiques trouvés à la Gomelle-
sous-Beuvray, Harold ; — la Vénerie et la fauconnerie des ducs de
Bourgogne, E. Picard; — les fouilles du temple de Janus et du quar-
tier de la Genesole, Bullio.
42. Bulletin de la Société des sciences de l'Yonne. 31e vol.
1880-81.
A signaler, de M. G. Cotteau, sa relation du congrès international
d'archéologie de Lisbonne ; — le catalogue du cartulaire concernant
les pays du département de TYonne, par M. Max. Quantin.
13. Bulletin delà Société archéolog ique de la Charente, année 1880.
Ce volume est un des plus attrayants de cette longue série d'ou-
vrages ; il est à lire en entier. Signalons entre autres travaux : l'ab-
baye royale de Saint-Etienne de Bassac, par J. Denyse. — La Boixe ou
l'histoire d'une forêt, de F. Lièvre. — Les notes d'archéologie préhis-
torique, de G. Ghauvet, etc., etc.
14. Bulletin de la Socèitê d'agricult., sciences et arts de la
Sarthe. Tome 20. Année 1879-80, 3e fasc. 1881-82, 1er fasc. 2e série. On
y peut lire :
Observations agricoles et météorologiques sur les années remarqua-
bles de 1544 à 1789, dans la province du Mans, par R. Triger — et
le rapport de MM. Guerrier et Launay sur l'action du froid pendant
l'hiver de 1879-80.
Bien que sans relations avec les études de notre société, ces ob-
servations et ce rapport offrent, sous une apparence de monotonie,
un intérêt réel pour les météorologistes et les agriculteurs. Il en res-
sort que tout n'est pas pour le mieux dans le monde, et ce, avec preu-
ves à l'appui.
15. Revue historique et archéologique du Maine. Tome 9.
3 livraisons.
Voir dans la Ire iiv. « l'enceinte gallo-romaine du Mans », par l'abbé
R. Charles, dessins artistiques de M. Bouet : avec suite dans la 3e liv.;
— l'essai sur la Fronde dans le Maine et le siège du Mans en 1652.
de M. Menjot d'Elbenne.
16. Mémoires de la Société académique d,e S.-Quentin. 4e série,
tome III, de juillet 1879 à juillet 1880. A signaler : Fouilles du cime-
tière du Jardin-Dieu-de-Cugny (Aisne), par J. Pilloy.
— 240 —
17. Balle H n de la Conférence littéraire et scientifique de Pi-
cardie, 1881. 3e année, mars, avril, mai et juin, 2 fascicules.
A citer, un mémoire de M. L. Fournier sur les Etats-Généraux,
résumé bien curieux des principales délibérations de ces assemblées si,
peu connues aujourd'hui. Par M. G. Lecoq, — l'historique de la lutte
soutenue par la ville d'Amiens contre le duc de Ghaulnes, gouverneur
de la province, lutte fertile en incidents autant qu'honorable pour le
corps de ville, et où apparaissent, presqu'-avec leur organisation ac-
tuelle, les grèves ouvrières, 163G. — Enfin, pour les amateurs des
aridités grammaticales, l'essai courageux de M. G. Couttolenc sur le
verbe français.
18. Mémoires de la Société des Antiquaires de Picardie, tome
IXe. Documents inédits.
Il s'agit de l'histoire de l'abbaye et de la ville de Saint-Riquier, tomel,
par M. l'abbé Hernoque. Ce volumineux travail, orné de belles plan-
ches, ne serait pas désavoué par l'ordre de S. -Benoît, même limité à
ce seul tome. C'est l'histoire consciencieuse et vivante d'un passé
de 12 siècles, de celui d'un monastère qui a « produit, abrité et formé
plusieurs saints et un grand nombre d'hommes justement célèbres. »
19. Annuaire de Numismatique et d'Archéologie, 2e année,
1867. Splendide travail dans lequel je ne puis signaler qu'un mémoire
remarquable de M. J. Roman, sur l'organisation militaire de l'empire
romain, et les médailles légionnaires. Cette étude, l'une des plus com-
plètes qui aient été faites sur ce sujet, nous découvre une foule de
particularités trop ignorées, et ménage de nombreuses surprises aux
admirateurs exclusifs des aimées modernes.
20. Journal des Savants, de mai à octobre 1881, en 6 fascicules.
Un titre bien justifié, il faut le reconnaître, par la nature et le style
des travaux dont cette publication garde la spécialité. Je me bornerai
à noter : les études sur la religion et les moeurs des Soubbas, par M. F.
de Saulcy. — L'histoire du matérialisme, par M. Ch. Levèque ; et
celle de la divination dans l'antiquité, par M. Al. Maury.
21. Mémoires de la Société des Antiquaires de France, du tome
28e au tome 39e, soit 12 volumes.
Notons .- 1° Dans le tome 28e,
Les inscriptions du revers de plaques du palais de Khorsabadd. par
— 241 —
J. Menant. — Les trois Saint-Germain de Paris, par M. L. Quiche-
rat.
2o Dans le tome 29e,
De la connaissance de la ferrure à clous chez les anciens, par M.
Pol. Nicart. — La formation du Civitates de la Gaule, par F. Bour-
guelof.— Le pilum de l'infanterie romaine, par J. Quicherat . — Enfin,
pour MM. nos archivistes, une charte d'Agius, évoque d'Orléans en 874,
par M. Vergnaud Romagnesi.
3o Dans le tome 30e,
Une note de M. Vallet de Viriville sur les anneaux ou bagues qu'af-
fectionnait Jeanne d'Arc.
4o Dans le tome 31e,
Recherches sur l'accusation de magie dirigée contre les premiers
chrétiens, L. Le Blant. —Jetons municipaux delà villede Paris, auXVe
siècle ; J. Rouyer. — Note sur un vase de terre décoré de reliefs,
M. de Witte.
5o Dans le tome 32e,
Trésor de l'abbaye de Saint -Maurice d'Agaune, par M. E. Aubert.
Description de quelques refuges des anciens Helvètes, par M. Keller,
avec suite dans le tome 33e. — Ce travail, bien que topique, nous sem-
ble de nature à faciliter l'étude delà découverte de localités analogues
dans nos montagnes de France.
6e Dans le tome 33e,
Les monuments celtiques et Scandinaves des environs d'Inverness
(Ecosse), par J. Mariotti. — L'émaillerie gauloise et l'oppidum du
Mt.-Beuvray, M. Bulliot. — Un sénatus-consulte romain contre les in-
dustriels qui spéculent sur la démolition des édifices, par M. Egger.
— Les jours égyptiens et leurs variations dans les calendriers du
moyen âge, par M. Loiseleur. — Enfin, un sarcophage chrétien de
Salone, par A. Dumont.
7o Dans le tome 34e,
Les tumulus gaulois delà commune de Magny-Lambert (Côte-d'Or),
par A. Bertrand.
8o Dans le tome 35e,
Le costume de guerre et d'apparat d'après les sceaux du moyen
âge, G. Demay. — La pierre sacrée d' Antipolis, L. Hauzet. — Sur
une pierre tumulaire portant les mots « Hic Christus est », M. Le
1881 16
— 242 —
Blant. — Projectiles creux en terre cuite, île fabrication arabe, et
destinés à être lancés à la main, M. de Sauley.
9o Dans le tome 36e,
Des dépouilles religieuses, enlevées à Constantinople au XMe
siècle, et des documents historiques nés de leur transport en Occi-
dent, par le comte Riant. — De la peinture à l'huile en France, au
commencement du XIVe siècle, par G. Demay. — Sur les permutations
de la consonne initiale dans les langues néo-celtiques, et sur les éty-
mologies gauloises, H. d'Arbois de Jubainville. — Fouilles du cime-
tière franc d'Oyes (Marne), J. de Raye.
10o Dans le tome 27",
Chantoceaux. Siège d'un évôché et résidence royale sous Pépin
le Bref, par A. Longnon. — Le marbre de Torigny, par le Dr Greuly. —
Le blason d'après les sceaux du moyen âge, G. Demay.
llo Dans le tome 38e,
Notice sur l'oppidum de Boviollec (Meuse), L. Maxe-Werly.
12o Dans le tome 39e,
Notice sur quelques représentations allégoriques de l'Eucharistie, F*
de Lasteyrie. — Sur quelques lampes égyptiennes en forme de gre-
nouilles, E. Le Blant. —Bronzes trouvés à Reims en 1878, E. Guil-
laume. — Enfin, topographie de la ville d'Acre au XIIIe siècle, G. Rey.
M. Montfort demande ensuite la parole pour annoncer à la Société
que notre éminent collègue, M. Bourgerel, vient d'être nommé mem-
bre correspondant de l'Institut. Une nouvelle distinction vient aussi
d'être accordée à M. Ch. Marionneau, notre ancien président, pour
son ouvrage sur l'architecte Louis : M. Marionneau vient d'être nom-
mé lauréat de l'Académie.
M. le Président, au nom de toute l'assistance, témoigne hautement
la part que notre Société prend à ces heureuses nouvelles.
L'ordre du jour appelle ensuite la lecture du travail de M. Blan-
chard sur les Venètes, Nannètes et Samnites.
Il y a un an, nous écoutions ici le beau travail de M. Orieux, César
citez les Venètes. L'auteur se basait, pour combattre la théorie gué-
randaise du combat naval de Brutus, sur un examen critique do la to-
pographie. Ses hautes compétences on pareilles matières, son savoir
et le charme de sa plume ont donné à son travail un véritable éclat.
Aujourd'hui les tenants du système guérandais entrent de nouveau
dans la lice.
— 243 —
M. Blanchard, dans un savant mémoire écrit avec un charme tout
particulier, et écouté avec le plus vif intérêt, combat les objections de
M. Orieux en s' armant surtout des textes des anciens écrivains.
Analyser le travail de M. Blanchard, ce serait lui ôter toute sa
force, basée, avant tout, sur l'exactitude des citations. Nous don-
nerons donc quelques passages de cette belle étude, pour représenter
ici les arguments les plus saillants de sa thèse.
Après nous avoir décrit l'étendue du territoire des Venètes, limités à
l'occident parle promontoire de Gobbée, c'est-à-dire la pointe de Saint-
Mathieu (le point de départ delà longitude de la Gaule, d'après
Marcien ) , M. Blanchard expose les sérieuses raisons qui lui font
admettre la présence des Venètes sur la rive droite de la basse
Loire.
La Loire était un des grands chemins de l'antiquité. Au dire de
Strabon, les marchandises arrivaient de la mer intérieure au pays
des Arvernes et, de là, descendaient le cours de la Loire pour arriver
à l'Océan. L'embouchure du fleuve était, par conséquent, tête de
ligne de cette route à travers la Gaule.
Les Venètes pouvaient-ils négliger une station de cette importance,
la seule qui assurât leur suprématie maritime et commerciale ?
Poser la question, dit M. Blanchard, c'est aussi la résoudre. César
ne dit-il pas que les Venètes « possèdent sur une mer vaste et ora-
geuse le petit nombre de ports qui y sont disséminés, et qu'ils ont
pour tributaires presque tous ceux qui naviguent dans cette mer. »
Ici M. Blanchard fait porter les mots fere omnes non pas sur les
ports de mer, mais sur les navigateurs.
Après avoir constaté l'autorité des Venètes sur leurs voisins, César
énumère les causes qui l'ont produite ; et une des principales est
qu'ils possèdent sur une mer vaste et orageuse le peu de ports
qui s'y trouvent. Cette mer vaste et orageuse, c'est l'Océan Atlan-
tique, dont le contraste avec la Méditerranée (conclusum mare) est
signalé plus loin par César.
Or, comme les Venètes possèdent dans la Péninsule tous les ports
de l'Atlantique, on est bien forcé d'admettre que leur domination em-
brassait le pays de Guérande et ne s'arrêtait qu'aux côtes Piétonnes.
— Impossible de trouver sur tout co littoral un point libre quel-
conque pour y établir des Samnites , et dans la presqu'île guérandaise
— 244 —
•
moins qu'ailleurs, puisqu'â l'embouchure de la Loire se trouvait,
d'après Strabon, un des quatre ports de la Gaule où l'on s'embar-
quait pour l'île de Bretagne, et que ce port ne pouvait appartenir
qu'aux Venètes qui avaient le monopole du commerce avec l'île.
Ces Samnites ont d'ailleurs si peu d'importance qu'ils ne sont pas
seulement nommés une seule fois dans les Commentaires où César
exalte à un si haut point la puissance des Venètes.
Pline ne nous parle pas plus des Samnites que l'auteur des Com-
mentaires. Après avoir nommé les Venètes comme le dernier peuple
maritime avant l'embouchure de la Loire : « Au delà, dit-il, sont les
Nannètes » ; est-il possible de mieux préciser la position de ceux-ci
sur la droite du fleuve ?
Mais, objecte-t-on, que parlez-vous de Nannètes sur la rive droite de
la Loire? Strabon, lui-même, y place des Samnites. Pour l'auteur de
César chez les Vénôtes Samnites et Nannètes sont tout un. Et voyez
à quelle conséquence il est forcé d'aboutir : tandis qu'à ses yeux ces
Samnites forment un peuple assez important pour occuper, du fond
delà presqu'île guérandaise jusqu'à l'Anjou, un territoire de quatre
à cinq mille kilomètres carrés, leurs femmes, avec les enfants à la
mamelle, tiennent toutes à l'aise dans une petite île, « un infime îlot,
d'un quart de lieue carrée », suivant l'évaluation de M. Orieux lui-
même.
La phrase de Strabon ne se prête à aucune ambiguité : «« les femmes
des Samnites », et non pas .- « des femmes samnites. »
M. Blanchard critique ensuite la traduction du texte de Ptolémée,
où l'on fait dire à cet auteur que « les Samnites s'étendent jusqu'à
la Loire », au lieu de : « avoisinent le fleuve de Loire. » Appropin-
quantes Ligeri Fluvio, sur la traduction latine. Du reste Ptolémée,
écrivant deux siècles après la conquête, n'a pas toute l'autorité dési-
rable sur ce sujet.
En tout cas, en concédant qu'au Ile siècle de notre ère, les Sam-
nites eussent une station sur la Basse-Loire, et une autre près des
Andes, il est impossible d'admettre que, parce qu'ils étaient établis
sur ces deux points, ils dussent posséder, à l'exclusion des Namnètes
de Pline et des Namnites de Strabon, tout le pays compris entre
l'Anjou et la Basse-Loire, et de plus encore, toute la presqu'île gué-
randaise. .
— 245 —
Avec ce système, les Venètes, à qui César attribuait les ports de
la côte, en eussent été réduits à l'unique port Vendand,
Des textes précis, dit M. Blanchard en finissant, établissent que la
presqu'île guérandaise continue à faire partie de la Vénétie, même
après la chute du pouvoir romain.
Restituons donc aux anciens possesseurs de cette côte leur litto-
ral jusqu'à la Loire et ces nombreuses îles citées par Pline. Avant de
chercher pour la lutte des Venètes un théâtre qui ait de la gran-
deur, il importe de ne pas les amoindrir dans leurs îles, dans leurs
ports, dans leur territoire, en un mot dans tous les éléments consti-
tutifs de cette puissance qui leur permit de tenir en échec César, ses
légions et sa flotte.
La parole est ensuite donnée à M. Marionneau, ancien président de
notre Société.
Les recherches entreprises par notre collègue sur le territoire du
canton de Vertou ont déjà produit un résultat considérable ; sans
compter les précieux documents, les notes manuscrites recueillies
avec une patience et une science bénédictines sur toutes les com-
munes dépendant de cette circonscription, M. Marionneau a rassem-
blé dans sa collection cantonale de très nombreux objets qui repré-
sentent, à toutes les époques, l'industrie locale de ce coin de notre
département. Notre savant confrère est donc armé de toutes pièces
pour mener à bien son entreprise.
Depuis la publication de son catalogue dans le bulletin de 1876,
M. Marionneau a recueilli des haches en pierre polie, des silex tra-
vaillés et bon nombre de pièces d'un véritable intérêt.
Une trouvaille extrêmement curieuse, et qui remonte déjà à
quelques années, a été faite sur la terre même de la Salmonière, ha-
bitée par notre collègue. C'est une cachette ou fonderie de haches
en bronze, du type des haches à talon.
Parmi les trouvailles de ce genre observées dans toute la France,
M. G. de Mortillet, dans un travail publié récemment, n*a cité qu'un
seul exemple de cachette où cette forme de hache ait été rencontrée
sans être mélangée avec d'autres types ; c'est donc là une très heu-
reuse découverte.
Une large brique, décorée à l'une de ses extrémités de rinceaux gra-
cieusement enlacés et ornés de pommes de pin, est soumise à l'exa-
— 246 —
men des assistants. Cette brique, qui provient de l'ancienne église de
Vertou, devait être englobée dans une maçonnerie de façon à ne lais-
ser dépasser que la partie ornementée. Une pierre de même prove-
nance, et formant l'angle du tympan de quelque édifice très primitif,
est décorée d'un oiseau grossièrement gravé, dont le dessin rappelle
assez le style un peu barbare des poteries néo-chrétiennes trouvées à
Nantes.
Une petite rectification ou plutôt un point de doute doit être placé
maintenant devant le no 37 du catalogue de la collection cantonale de
Vertou. Le bas-relief décrit à cet article et représentant « une jeune
femme assise sur un escabeau, le bras gauche tombant le long du
corps, » a bien réellement été trouvé sur l'emplacement de l'ancien
prieuré de Saint-Pierre de Vertou ; mais M. de Boury, propriétaire de
ce lieu; émet quelques doutes sur l'origine de ce dépôt. Cette pièce au-
rait été rapportée de Grèce par un de ses parents (?) Il resterait à savoir
pourquoi et comment ce bas-relief aurait été enfoui à la place où on
l'a découvert.
Après un compte rendu d'une excursion à la Villa gallo-romaine
des Cléons, M. Marionneau termine sa communication en faisant
lcirculer différents croquis et des vues de l'église de Basse-Gou-
aine.
La séance est levée à dix heures.
Le secrétaire général,
Pitre de Lisle.
SÉANCE DU MARDI 20 DÉCEMBRE 1881.
Présidence de M. le vicomte de la Laurencie.
Présents : MM. Lemeignen, abbé Cahours, Seidler, Petit, des Jamo-
nières, Anizon, Perthuis, baron de Wismes, Léon Maître, Bacqua,
Kerviler, F. Bougoiiin, Le Quen d'Entremeuse, Laurent, de Lam-
billy, abbé Gallard, Riardant, Blanchard, Evellin, Bastard, comte de
l'Estourbeillon, abbé Grégoire, Montfort, Verger, G. Blanchard, Gainer,
de Lisle et plusieurs autres membres.
- 247 -
On procède à l'élection de M. le docteur Génuit, présenté par M. le
baron de Wismes et M. le vicomte de la Laurencie. M. le docteur Gé-
nuit est admis à l'unanimité comme membre résidant de notre Société.
Le procès-verbal de la- dernière séance est lu et adopté. Puis les
ouvrages suivants sont déposés sur la table du bureau pour faire
partie de la bibliothèque :
10 Bulletin de la Société des Antiquaires de l'Ouest, & trim.
de 1881.
2o Etude de l'abbé Richard sur la ville de Bressuire. (Berso-
rium.)
L'ordre du jour appelle ensuite la lecture du travail de M. Kerviler :
« Les Yenètes, César et Brivates Portus. »
Avant de donner la parole à M. Kerviler, M. le Président remercie
notre honorable collègue d'avoir bien voulu quitter Saint-Nazaire,
où l'attachent de si importants travaux, pour venir assister à notre
réunion.
L'étude de M. Kerviler se divise en 3 parties :
Dans la première, l'auteur expose, d'après les anciens historiens et
géographes, l'étendue du territoire vénétique. — Arrivant à la situa-
tion du peuple samnite, M. Kerviler fait remarquer que la contra-
diction apparente entre les textes de Strabon, de César et de Ptolémée,
n'existe pas en réalité. — Strabon parle des Samnites d'après Pythéas
qui avait visité notre littoral trois siècles avant la conquête. César,
dans sa campagne en Armorique, ne fait aucune mention des Samni-
tes, absorbés sans doute par l'immense puissance des Venètes. Puis,
lorsque les Venètes sont amoindris par leur défaite et par le dur trai-
tement du vainqueur, les Samnites reparaissent de nouveau ; aussi les
trouvons-nous mentionnés dans Ptolémée deux siècles plus tard.
11 n'y a là aucune contradiction : il faut seulement prendre chacun
des anciens géographes à sa date respective ou à celle des autorités
dont il se sert, et ne pas raisonner sur leurs indications comme si
elles étaient contemporaines.
Le récit de Y expédition de César et une étude sur le Brivates
Portus terminent le savant mémoire de M. Kerviler.
Nous ne voulons pas analyser ici ce remarquable travail ; nos bul-
letins le publieront en entier. Disons seulement qu'il a été chaleu-
reusement applaudi par l'auditoire.
— 248 —
M. l'abbé Gahour, que nous sommes tous heureux de revoir parmi
nous, remercie la Société archéologique de son dernier vote. Il se
félicite d'assister de nouveau à nos séances au moment où la grande
question des guerres vénétiques, étudiée avec un génie tout parti-
culier par notre savant collègue, M. Orieux, vient donner à nos réu-
nions un intérêt exceptionnel. M. l'abbé Gahours rappelle en quelques
mots le travail de M. de Kersabiec sur Corbilon, le point de départ de
la campagne soutenue en ce moment par MM. G. Blanchard et KeB-
viler.
M. Léon Maître transmet à la Société les regrets de M. Orieux que
son état de santé empêche d'assister à notre séance. Puis il demande
à M. Kerviler si le sol des marais de Donges et de Montoir n'a pas
subi un affaissement relativement récent. Les troncs d'arbres
que l'on trouve enfouis dans la tourbe ne témoignent-ils pas que là
existait autrefois une forêt, engloutie ou entraînée par quelque cata-
clysme ?
M. Kerviler répond que le fond du golfe de la Brière présente un
niveau très uniforme, sauf dans la partie qui avoisine les terres au
nord, l'épaisseur de la couche tourbeuse est régulièrement de 2 mètres.
C'est dans la partie haute de cette tourbe, dans le second mètre, que
se trouvent les troncs d'arbres. Leur base est encore enracinée dans
la tourbe et ce sont en général des chênes de 100 à 120 ans pour
le plus, ayant en coupe un diamètre de 30c. Les troncs ne sont pas
orientés de la même façon, mais au contraire abattus dans toutes les
directions possibles.
M. G. Blanchard apporte une excellente preuve à l'appui de l'an-
cienneté du golfe de la Brière. Les voies romaines de cette région
contournent le bord de la Brière. Il est bien évident que si le sol avait
été praticable les Gallo-Romains, si amis de la ligne droite, n'eussent
pas ainsi allongé inutilement leur tracé.
M. le comte de l'Estourbeillon donne ensuite lecture d'une char-
mante étude sur les Légendes du pays d'Avessac-, puis la séance
est levée à neuf heures et demie.
Le secrétaire-général,
Pitre de Lisle.
TABLE DES MATIÈRES
PAR ORDRE ALPHARÉTIQUE ET TABLE ANALYTIQUE
DES PROCÈS-VERBAUX
ANNÉE 1881
* Abbaye de Saint-Gildas. Notice par M. Ledoux XII
Allocution de M. le baron de Wismes, président sortant. XXVII
Allocution de M. le vicomte Jules de la Laurencie,
président XLV
Arme (une) historique en pierre polie, par M. Pitre
de Lisle 69
* Artois (1'), souterrain, par M. Ternink, communication
de M. Bacqua XX
Cabinet (le) de travail d'un seigneur breton en 1625, par
M. le comte R. de l'Estourbeillon 1
* Catalogue du musée cantonal de Vertou, par M. Ch.
Marionneau. — Additions et rectification 245
* Congrès de Vannes. Compte rendu par M. A. Leroux. . 234
* Étude sur les localités portant le nom de Paradis, par
M. Léon Maître XVIII
B. Fillon, nécrologie, par M. Pitre de Lisle 231
Fouilles du tumulus de la Roche, commune de Donges,
par M. Pitre de Lisle 75
* Fouilles àRezé, par MM. Léon Maître et R. de l'Estour-
beillon XXIII
* Installation du nouveau bureau V
Monasticon nantais, par M. l'abbé P. Grégoire 119
- 250 —
Notes sur différentes armes de pierre et de bronze trou-
vées aux environs de Donges, par MM. G. et P.
de Lisle 89
Odin l'homme. Étude historique et littéraire, par
M. l'abbé Dominique 49
* Ouvrages reçus pour la Société. Compte rendu par
M. le vicomte J. de la Laurencie 237
Paradis (les) sont-ils des cimetières mérovingiens ? par
M. Léon Maître 103
* Trésor archéologique de l'Armorique occidentale XXIV
* Troglodytes (les) de la Gartempe, par M. Raoul de
Rochebrune XIV et XVIII
Trouvères (les) guérandais, par M. l'abbé Gallard
(2e article) 291
Venètes, Nannètes et Samnites, par M. G. Blanchard 194
* Venètes (les), César et le Brivates Portus, par M. René
Kerviler 247
* Voyage en Syrie, par M. Alcide Leroux VII
* Visite (une) à la Salmonnière, par M. le baron de
Wismes IX
Les articles marqués d'un {*)sont extraits des procès-verbaux.
TABLE DES MATIÈRES
PAR NOMS D'AUTEURS
ANNEE 1881
Blanchard (G). — Venètes, Nannètes et Samnites 193
Dominique (l'abbé). — Odin l'homme, étude historique
et littéraire. ...» 49
De l'Estourbeillon (Comte Régis).— Lecabinet de travail
d'un seigneur breton en 1625 (Samuel d' 'Avaugour,
seigneur de Saffré) 1
Gallard (l'abbé). — Les Trouvères Guérandais en la
fête de Saint-Nicolas, au XIV* siècle (2e article). . . 91
P. Grégoire (l'abbé). — Monasticon Nantais {4790) 119
De laLaurencie (Vicomte J.) — Allocution présidentielle XLV
De Lisle (Pitre).— Une arme historique en pierre polie. 69
— Fouilles du tumulus de la Roche,
commune de Donges 75
— Benjamin Fillon. Nécrologie 231
Léon Maître.— Les Paradis sont-ils des cimetières mé-
rovingiens ? 103
De Wismes (Baron). — Allocution à la séance dHnstal-
lation du bureau XXVII
Procès-verbaux, pages V à XXV et 234 à 248.
Nantes. — Imp. Vincent Forcst et Emile Grimaud, place du Commerce, 4.
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